La Vierge Marie, une figure monétaire européenne, par Jean Philippe Perret. Cette figure omniprésente en Europe dont la couleur associée, le bleu, aurait même inspiré la couleur du drapeau européen est également une figure majeure du monnayage occidental. Cette présence, reste toutefois très localisée, de chaque bout d’un croissant s’étendant de l’Italie à la Transylvanie. Cette petite étude tentera de faire découvrir les mouvements principaux qui animèrent ce monnayage et n’à en aucune façon la prétention d’en faire découvrir la totalité, tâche difficile, vu la richesse des monnayages italiens et allemands et le peu de livres disponibles sur cette question en France. Dédicacé amicalement à Georges Bertino-Ghera, numismate à l’enseigne des Monnaies de Notre Dame à Lyon. I l’apparition d’une figure de la dévotion chrétienne sur le monnayage Byzantin Le concile d’Ephèse de 431 fixe le statut de la Vierge Marie comme mère du Rédempteur mais on n’assiste pas dans un premier temps à un grand développement de l’image mariale. Celle-ci se diffusera surtout après la querelle des iconoclastes dans le monde chrétien oriental, puis occidental. Cette querelle opposa pendant plus d’un siècle dans l’empire Byzantin les tenants des icônes, les iconodoules et leurs détracteurs, les iconoclastes. Ces derniers assimilaient leur dévotion aux icônes à de l’idolâtrie. Le concile de Nicée II en 787 affirme qu’il est légitime de représenter le Christ, Marie, les anges et les saints sur les icônes mais les iconodoules triomphent véritablement en 843 sous l’empereur Michel III (842-867) dit l’Ivrogne et marqueront leur idéologie dans l’or et l’argent. Désormais, le Christ apparaîtra sur les monnaies, ainsi que d’autres figures religieuses dont la Vierge Marie déclinée autour de trois figures principales. La première apparition de Marie sur un monnayage remonte à la fin du IXe siècle, sous le règne de Léon VI (886-912). Cette représentation d’une Vierge à mi-corps, représentée en posture d’orante, tenant un voile protecteur, est la reproduction d’une icône fameuse, la Vierge du monastère des Blachernes, un des monastères principaux de Byzance. La Panagia Blachernitissa était considérée comme protectrice de la ville. La vierge orante est d’ailleurs typique des premières représentations de Marie, reprenant un thème associée à la figure de la Piété dans le monde romain. Sous le règne de Constantin IX Monomaque (1042-1052) la Vierge sera représentée plus âgée, en pied sur les miliaresion d’argent ou en buste sur leurs fractions. On la retrouvera ainsi régulièrement sur le monnayage d’électrum mais aussi d’argent qui se répand à partir du XIe siècle : les trachys, massivement frappés durant cette période. On peut la retrouver aussi exceptionnellement sur quelques follis de bronze sous Alexis Comnène et Romain IV. Lors de la prise de la ville par les Croisés en 1204, on retrouvera ce type monnayé à Byzance par les nouveaux venus mais aussi à Thessalonique et Nicée, centres de la résistance byzantine, notamment les trachys de Thessalonique issus par Manuel Comnène Ducas (12301237). Deux tiers de miliaresion pour Constantin IX (1042-1055), Constantinople. Ar, 1,86 g, 19 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart Son statut protecteur de la ville sera encore plus marqué sur le monnayage de la dynastie Paléologue, restauratrice de la puissance byzantine reprenant Constantinople en 1261.La Vierge orante est représentée désormais au sein des murs de Constantinople même, sur les monnaies de Michel VIII (1259-1282). Il s’agit alors d’une monnaie d’électrum à la présence d’or faible et à la forme caractéristique dite scyphate, c'est-à-dire en coupelle. On distingue alors six ouvrages fortifiés autour de l’enceinte dans les premières émissions. Leur nombre diminuera à quatre ensuite comme sur l’hyperpère d’or émis en commun par le basileus Andronic II et son petit-fils Andronic III vers 1320-1330, la qualité générale de la pièce tant en gravure qu’en métal laissant à désirer. A la veille de la prise de la ville par les Ottomans en 1453, l’icône était encore portée en procession dans les rues même si cette effigie n’était plus frappée depuis environ un siècle. Cette représentation typique du monde orthodoxe n’est pas la seule iconographie utilisée. Hyperperon de Andronicus II et Andronicus III (1325-1334), Constantinople. Av, 4,17 g, environ 16 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Suite aux conflits très durs liés à l’iconoclasme, les Empereurs affirmeront ostensiblement leurs conceptions iconodoules en se faisant représenter sur le monnayage couronnés par le Christ lui-même à partir du IXe siècle. Au siècle suivant, c’est Marie qui pourra couronner le représentant du Christ sur terre et couronne de sa main d’abord le basileus Nicéphore II Phocas (963-969) sur son histamenon d’or. Le buste du Christ est alors représenté à l’avers et la Vierge et le Basileus sont représentés à mi-corps. On retrouvera ce type de représentation sur les nombreuses variétés de monnaies d’or et d’électrum (histamenon, hyperpère, trachy….), beaucoup plus rarement sur l’argent des miliaresion monnayés par de nombreux basileus jusqu’à la fin du XIIe siècle. Ce type sera frappé encore largement à Nicée et Thessalonique et revient triomphalement à Byzance même sur les monnaies de Théodore II Ducas (1254-58). Par la suite il deviendra beaucoup plus rare avant d’être frappé une dernière fois sur une monnaie de billon de Jean V Paléologue (1341-1391). Histamenon d’or de Nicéphore II Phocas (963-969), Constantinople. Av, 4,33 g, 20 mm. La Vierge peut couronner le basileus ou, comme ici, lui donner la croix patriarcale. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Histamenon d’or de Jean premier Zimiscès (969-976), frappé entre 970 et 973 à Constantinople. Av, 3,93 g, 20 mm. La Vierge couronne l’empereur qui tient la croix patriarcale et désigné par la main divine. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Histamenon d’or de l’impératrice Théodora (1055-1056) frappé à Constantinople. Av, 4,26 g, 20 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Comme on peut le voir, Marie sur ce monnayage semble peu occuper les fonctions de mère du Rédempteur, peut être à cause de l’importance secondaire que le Christianisme Orthodoxe accorde au mystère de la Nativité. En effet, le Noel orthodoxe englobe, outre la Nativité, d’autres événements de la vie du Christ ; l’Epiphanie, le Baptême du Christ et les Noces de Cana. Si la figure de la Vierge à l’enfant n’est pas la plus courante, elle existe toutefois sous deux formes différentes, dont l’une très éloignée des représentations médiévales occidentales. Dans la principale représentation, l’enfant Jésus apparaît sur le monnayage d’une manière surprenante, dans un médaillon portée par Marie qui tend les mains en posture d’orante, par une sorte de jeu d’échelles donnant l’impression d’une monnaie dans la monnaie. Tetarteron de Romain IV (1068-1071) et Eudocie, Constantinople. Av, 4 g, 16 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. On retrouve cette représentation pour la première fois sur un miliaresion de Jean Zimiscès (969-976). On retrouve également un peu plus tard une légère variante, Marie tenant alors le médaillon à deux mains, on parle alors de la Nikopea, littéralement celle qui engendre la victoire. Ce type se retrouvera régulièrement sur les monnaies d’or et d’argent de Byzance, également à Nicée et Thessalonique pendant l’interrègne des croisés et la Nikopea fait un retour triomphal lors de la reconquête de la ville, massivement frappée jusqu’au milieu du XIVe siècle. Trachy de Michel VIII Paléologue (1261-1282) frappé à Magnésie. Ar, 2,19 g, environ 26 mm. Marie est désormais à la place d’honneur et c’est le saint éponyme de l’empereur, l’archange Michel qui le couronne. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Comme on peut le constater, ces monnaies n’ont guère inspirées le monnayage chrétien occidental. A part ces trois grands types, les variantes sont très rares. On trouve une Vierge joignant les mains en prière, tournée vers la droite sur un bronze de Manuel Comnène (11481180). Il s’agit d’une rare adaptation de l’icône Hagiosoritissa, vénérée à Byzance. La figure de la Vierge à l’Enfant portant Jésus dans ses bras n’apparaît étonnamment qu’une seule fois ; sur un miliaresion d’argent de Romain III (1028-1034). Cette icône, est censée selon la tradition d’être de la main même de saint Luc qui aurait peint Marie et son fils. La Vierge est alors dite Hodigiteria, « celle qui ouvre la voie ». Si cette représentation reste rare sur le monnayage byzantin mais deviendra au XIIIe siècle une figure incontournable du monnayage chrétien occidental. II une figure incontournable de l’iconographie médiévale mais discrète sur le monnayage médiéval occidental La première apparition d’une Vierge sur un monnayage que l’on pourrait qualifier d’occidental remonte au duc de Sicile Roger (1073-1101). Il s’agit d’une monnaie de bronze intégré au système monétaire arabe ou le duc apparaît armé à cheval à l’avers et une Vierge à l’enfant au revers. On peut critiquer ce repère vu le contexte d’élaboration et de circulation de cette monnaie, mais il s’agit de la première représentation de la Vierge frappée par un souverain catholique, une trentaine d’années après le schisme de 1054. Follaro de Roger, frère cadet de Robert Guiscard frappé à Mileto en Italie du Sud. Bronze, environ 24 mm. BM Un siècle plus tard apparaît au nord de la péninsule italienne les gros d’argent, puis les florins d’or qui seront les supports idéals d’une figuration plus riche. La Vierge fait une apparition remarquée sur quelques monnayages de communes indépendantes, en particulier sur ceux de Pise et de Sienne, où elle gardera une place de choix jusqu’à l’absorption de la première au XVe siècle et de la seconde au milieu du XVIe siècle par la Florence des Médicis. Après la conquête florentine, ces villes frapperont encore quelques divisionnaires à la Vierge jusqu’au XVIIe et XVIIIe siècle. On retrouve la Vierge à l’enfant dès le XIIe siècle sur certaines monnaies émises par l’évêché d’Aquilée dans le Frioul ainsi que sous la forme de la Blachernitissa, représentation exceptionnelle sur le monnayage occidental. La Vierge reste pratiquement absente du monnayage de l’Europe féodale et de ses royaumes. En France, elle est rare sur le monnayage féodal, à l’exception des deniers émis par les évêques de Clermont à partir du XIIe siècle, où sa tête de face apparaît couronnée. Cette monnaie sera copiée par les évêques de Die et de Valence, qui feront également frapper au siècle suivant une cadière ou chaise, un gros à la Vierge à l’enfant assise sur un trône. Parmi les monnaies émises par les grands féodaux français, le monnayage de la maison d’Anjou se démarque. Béatrix, l’héritière de Raymond Bérenger V épouse en 1246 Charles d’Anjou, frère de saint Louis, apportant la Provence en dot. Il s’alliera alors aux papes et deviendra roi de Naples (1277-1285) en conquérant le sud de l’Italie et la Sicile. Il prend la même année le titre de roi de Jérusalem, prétendant désormais à un titre proclamé pendant des siècles par ses descendants bien que, ni lui ni sa famille n’en auront jamais été vraiment bénéficiaires. Ils perdront la Sicile lors des fameuses Vêpres siciliennes de 1282, mettant tout en œuvre pour la récupérer en vain. Un de leur descendants, Charles-Robert se retrouvera élu roi de Hongrie en 1307. Dans son atelier monétaire de Naples, Charles II d’Anjou émettra une des plus belles monnaie mariale du Moyen-âge : le salut. Frappé en or et en argent, équivalent du florin ou du gros, des demis seront également émis dans les deux métaux. Cette magnifique monnaie présente à l’avers la visite de Gabriel à Marie, l’archange se trouvant à gauche, la Vierge à droite et entre les deux personnages un pot de fleurs avec des lis. Le revers est purement héraldique et présente en pal le semé de fleur de lis de la maison d’Anjou et la croix cosmique du royaume de Jérusalem (croix cantonnée de quatre croix à l’intérieur). Charles II d’Anjou (1285-1309) en émettra également mais cette monnaie ne circulera pas dans les possessions provençales, car elle ne fut pas imitée des puissants seigneurs voisins qui s’empresseront par contre d’imiter le gillat, gros au souverain assis sur un trône, émis par Robert d’Anjou (13091343). Salut ou carlino de Charles II d’Anjou, roi de Naples, comte d’Anjou et de Provence. Armoiries de Jérusalem et d’Anjou à l’avers. Salutation mariale au revers : + AVE GRACIA PLEnA DnS TECUM. Ar, 3,22 g, 25 mm frappée à Naples de 1285 à 1302. Carlomorino Un siècle plus tard, on vit cette figure revivre dans le contexte très troublé de la Guerre de Cent Ans. Le roi Charles VI (1385-1422), n’a plus toutes ses facultés mentales depuis 1392. Il est donc assisté de son frère Louis d’Orléans et de ses oncles, en particulier Jean sans Peur, duc de Bourgogne, plus secondairement des ducs de Bourbon, de Berry et d’Anjou. L’hostilité nourrie des deux premiers ducs débouchera sur l’assassinat de Louis d’Orléans en 1407 ordonné par Jean sans Peur qui entraînera le pays dans la guerre civile et le retour offensif de l’Angleterre. Le roi Henri V écrase l’armée française à Azincourt en 1415 et suite à l’assassinat de Jean sans Peur par le parti Armagnac en 1419, son héritier Philippe le Bon s’entend avec les anglais pour le partage du pays. La partie du royaume dominé par Henri V comprend dès lors la riche province de Normandie et la ville de Paris. Il se marie à Catherine, fille de Charles VI qui lui donnera le futur Henri VI, alors que le dauphin légitime, Charles est déclaré bâtard. Le duc de Bourgogne Philippe le Bon s’empare de tout le quart Est de la France et il ne reste au Dauphin que la partie centrale du Royaume. Peu de temps avant sa mort, Charles VI émit un écu d’or changeant de la série uniforme à l’écu frappée depuis trente ans : le salut d’or, monnaie ou la scène de l’annonciation fait son apparition, par l’édit du 11 août 1421. L’écu royal est alors placé au milieu entre Marie et l’ange avec au dessus un phylactère avec le début de la salutation mariale en latin (AVE). Son successeur, Charles VII, continuera également la frappe de ces monnaies aux ateliers reconquis de Beauvais et de Tournai dans les années 1430. Salut d’or pour Henri VI d’Angleterre (1422-1453), émission de Rouen de 1423. Av, 3,47 g, 22 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Henri V, roi d’Angleterre mais également roi de France fera frapper pour son nouveau royaume une imitation dès novembre 1421, se contentant de remplacer l’écu et la légende. Par contre, les monnaies frappées au nom d’Henri VI par le régent, le duc de Bedford, seront porteuses d’un programme politique. Les deux personnages sont représentés à mi-corps, les jambes masquées par les écus héraldiques. Gabriel se situe désormais à droite surmontant l’écartelé de France-Angleterre et annonce la bonne nouvelle à Marie qui porte l’écu de France : le message est clair, la France doit se soumettre à la volonté divine. Cette monnaie de très bonne qualité fut frappée en grande quantités à Paris jusqu’à sa reconquête en 1436. En ce qui concerne les saluts des rois de France, il s’agit de la seule monnaie française royale présentant la Vierge mais il faut rappeler que la fleur de lis est liée à la figure mariale. Ce qui est vrai pour le royaume de France l’est également aussi pour les royaumes de l’époque qui n’ont pratiquement jamais utilisé la figure mariale en lui préférant les emblèmes royaux. La seule exception notable est le royaume de Hongrie à partir du règne de Matthias Hunydai, plus connu en français sous le nom de Mathias Corvin (1458-1490). Issu d’une famille noble d’origine roumaine possessionnée en Transylvanie, son père Jean Hunydai (1387-1456) était venu à remplir la charge de régent auprès d’un souverain mineur et lointain, Ladislas Ier, régnant également sur la Bohême. Constantinople vient alors de tomber aux mains des Ottomans et ils poursuivent leur avancée vers l’Europe Centrale. Le pape Calixte II prêche la croisade et un franciscain italien, Jean de Capistran (1386-1456), est l’animateur principal de cette énième croisade tentant d’enrayer l’avancée des Turcs. Celle-ci bloquera les Ottomans au siège de Belgrade en 1456, ou toutefois Jean Hunydai et Jean de Capistran mourront tous deux de la peste. Capistran sera béatifié deux siècles plus tard et deviendra le saint patron des aumôniers militaires. Deux ans plus tard, Matthias Corvin parvint à se faire élire roi de Hongrie à quinze ans grâce au soutien du roi de Bohême Georges de Podebrady (1458-1491). Il incarnera un pouvoir royal fort alors méconnu des très indépendants potentats hongrois qui avaient élus un roi très jeune, pensant manipuler une marionnette. Il fit rayonner la puissance hongroise sur l’Europe Centrale et contrôla même un moment une partie de l’Autriche. Il sera aussi le dernier roi d’Europe Centrale à faire reculer l’avance jugée inexorable des Ottomans. Ducat de Matthias Corvin (1458-1490) frappé à Kremnica en 1472 par le comte de la Chambre Johannes Constorffer. •MAThIAS• D G•R•VNGARIE• Vierge à l’enfant flanquée de deux vases de fleurs, un corbeau en dessous. Saint Ladislas. Av, 3,54 gr, 21 mm. CNG INC Dans cette mission, la Vierge Marie était considérée comme un recours de choix, et à partir de 1471, on vit donc son effigie devenir quasi omniprésente sur toutes les monnaies hongroises, billon, argent et or : comme nous le verrons plus loin, cette figure tutélaire ornera la quasi-totalité du monnayage de ce pays jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. III Réforme et Contre-Réforme : la constitution d’un croissant marial européen En ce qui concerne l’ensemble morcelé du Saint Empire Romain Germanique, on trouve assez peu de représentations de la Vierge sur le monnayage médiéval. A l’exception des bractéates, celui-ci est très dépendant stylistiquement des gros tournois français ou des esterlins britanniques. Les conventions monétaires liant les électeurs rhénans voient l’apparition d’un monnayage plus indépendant avec la frappe du gros à l’aigle : l’aldergroschen et l’imitation du florin (voir l’article sur le florin). On retrouve sur les monnaies des électeurs ecclésiastiques saint Pierre ou le Christ mais pas la Vierge. Celle-ci fait son apparition dans la zone suisse et alsacienne, sur les monnaies d’argent de l’évêque de Lausanne et les florins de Strasbourg et de Bâle au XVe siècle. C’est au tout début du siècle suivant, en 1503 qu’une convention monétaire naît dans la ville libre de Goslar, dans le cercle de Basse-Saxe. Cette convention créé le mariengroschen, un gros à l’effigie de la Vierge à l’enfant qui sera monnayé par des villes indépendantes (Goslar, Göttingen), l’abbaye de Corvey et même quelques seigneuries importantes (Mecklembourg, Lippe)). Cette mode pourra influencer à partir de cette époque le monnayage de la Bavière au Sud ou celui de l’Ordre Teutonique au nord-est. Mariengroschen de la ville libre de Goslar, 1531. Ag, 24 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Paradoxalement, l’iconographie mariale est la plus présente en Allemagne lors du développement de la réforme luthérienne. Il faut d’ailleurs préciser que contrairement à Jean Calvin, si Martin Luther ne reconnaît également pas la virginité de Marie, il garde l’ensemble des fêtes mariales et n’est pas hostile à la statuaire. L’iconographie des saints sur le monnayage des villes libres protestantes se maintiendra parfois jusqu’à la fin du XVIIe siècle, comme dans le cas de la ville hanséatique de Hambourg. La Vierge qui apparaît sur son monnayage à la toute fin du XVe siècle se maintient sur l’argent jusqu’au début du XVIIe siècle et sur l’or jusqu’à la fin de celui-ci. Ce choix iconographique est fréquent également dans les autres villes hanséatiques et dans le Sud de l’Allemagne ou les saints disparaissent aussi à la même période au profit de monnaies essentiellement héraldiques, émises toujours au nom de l’Empereur et présentant pour les grosses coupures son portrait ou des allégories féminines. Le mariengroschen verra à partir du début du XVIIe siècle la disparition progressive de la Vierge à l’enfant au profit de compositions armoriales, la position luthérienne devenant plus hostile aux images et à leur omniprésence dans la Contre-Réforme catholique. Mark de la ville hanséatique de Hambourg, 1506. Ar, 19,40 g, 33 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Au XVIIe siècle dans le Sud catholique, les figures des saints et en particulier de la Vierge Marie se font très présents sur le monnayage bavarois. La Vierge à l’Enfant baroque est une reine couronnée portant Jésus, tenant un sceptre à fleur de lis, assise généralement sur un nuage et ses pieds reposent souvent sur un croissant de lune. Cette représentation de Marie est devenue omniprésente sur le monnayage ducal d’argent et d’or depuis le début du XVIIe siècle, période ou le duc de Bavière et électeur d’Empire Maximilien Ier (1598-1651) était chef de la Ligue Catholique et chef de l’armée impériale. La Vierge Marie, figure de miséricorde, se retrouve donc encore paradoxalement sur les étendards des troupes levées contre les Réformés dans le cadre de la Guerre de Trente Ans (1618-1648). On lui attribue la victoire catholique à la bataille de la Montagne Blanche en 1620. On la retrouve sur les étendards bavarois et impériaux, dans le cas autrichien, la vierge du sanctuaire de Mariazell sera déclarée patronne des armées en 1676 et sera présente sur les drapeaux autrichiens jusqu’en 1918. La légende latine : clypeus omnibus in te sperantibus que l’on peut traduire par « tu es notre espoir et notre bouclier » accompagne celle-ci sur les monnaies bavaroises : l’effigie ducale y disparaît complètement au profit de Marie, le revers étant occupé par les armoiries. C’est une exception dans cette Allemagne des Princes présentant une iconographie de portraits très riches. Reichsthaler de Bavière, Munich, 1631. Ar, 43 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Il faut attendre le règne de Maximilien II Emmanuel (1679-1726), pour voir le portrait du souverain réapparaître et l’effigie mariale se maintiendra au revers sous le titre de patronne de la Bavière :Patrona Bavaria. Sous le règne paisible de Maximilien-Joseph (1745-1777), les ateliers ducaux de Munich et de Würzburg émettront des millions de madonnenthaler d’excellente qualité appréciés bien au-delà de l’Empire. Les évêques de Salzbourg émettront également de nombreux thalers à l’effigie mariale au cours du XVIIe siècle, alors que les évêques de Passau et de Würzburg l’utiliseront de manière plus irrégulière. Thaler de Maximilien-Joseph de Bavière frappé à Munich en 1755. Ar, 41 mm. JPP Deux avers de thalers épiscopaux ; à gauche l’évêché de Paderborn, frappé à Neuhaus en 1693. Saint Antoine de Padoue couronné par la Vierge. A droite un thaler de l’archevêché de Salzbourg en 1758. Ar, 43 et 39 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann,Stuttgart. Le royaume de Hongrie contrôlé par les Habsbourg continue également à arborer la Vierge à l’Enfant sur ses monnaies de tous métaux. Le croissant qui l’accompagne était considéré à l’époque de la rédaction de l’apocalypse de Jean comme une référence à l’empire des Parthes, principal rival de l’empire romain. Suite à l’identification progressive de la femme accouchant de l’Apocalypse à Marie au XVe et XVIe siècles, celle-ci prend ses attributs, la menace de l’empire parthe étant réactualisé avec l’empire ottoman dont le croissant est un des emblèmes. On retrouve le croissant sur toutes les monnaies mariales hongroises dès la seconde moitié du XVIe siècle. L’aide de Marie était toujours autant requise dans la volonté de rattacher le pays entier morcelé de 1541 à 1699 en trois parties : - la Hongrie royale des Habsbourg (la Croatie actuelle, une mince portion occidentale de l’actuelle république hongroise et la Slovaquie), frappant de grandes quantités de monnaies grâce aux mines de Kremnitz et de Banska-Stiavnica (pour plus de détails, voir l’article sur l’atelier de Kremnica) -la Transylvanie (l’actuelle partie occidentale de la Roumanie) contrôlée par des princes hongrois élus sous suzeraineté turque. C’est une mosaïque de peuples et de religions ou toutes les confessions chrétiennes de l’époque sont représentées sous le contrôle étroit de la noblesse hongroise calviniste et de la bourgeoisie allemande luthérienne. Revendiquant l’héritage hongrois, ces princes, bien que de confession calviniste frapperont toutefois des petites monnaies divisionnaires à la Vierge. Ils étaient également dotés de mines de métaux précieux dont les ateliers de Alba Iulia et de Nagybanya monnayèrent essentiellement de grandes monnaies de prestige, multiples de thalers ou des ducats d’or n’ayant aucune circulation réelle. L’essentiel de la petite monnaie circulante était la monnaie de Hongrie royale. -Enfin le pachalik de Hongrie correspondant à la Hongrie centrale (3/4 de la république actuelle) contrôlée directement par les Turcs. Cette partie essentiellement rurale dont les villes ont été dévastées ne frappe pas monnaie et utilise principalement les monnaies de la Hongrie royale. Celles-ci se répandent, via ce seuil géographique, dans toute l’Europe balkanique. La principauté de Moravie (sous vassalité turque plus étroite que la Transylvanie) pourra également frapper quelques rares imitations de deniers hongrois. Quand à la typologie des monnaies de Hongrie royale, le portrait des souverains à l’avers est même accompagné d’une petite Vierge à l’Enfant d’un côté et des armoiries alors que le revers de la monnaie est occupé par l’aigle impérial. Sous le règne de Marie-Thérèse (1740-1780), la Vierge à l’enfant baroque réoccupera toutes les monnaies comme sujet principal, y compris les thalers. Suite à son veuvage en 1765, la figure de la reine disparaîtra des monnaies d’argent, laissant désormais la Vierge à l’avers et les armoiries au revers. Le monnayage de Joseph II (1780-1790) gardera cette typologie pour le monnayage d’argent mais alignera le petit monnayage de cuivre et de billon sur l’Empire, en utilisant la tête de l’empereur et l’aigle bicéphale Reichsthaler de Léopold Ier (1657-1705), Nagybanya, 1687. Ar, 40 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart Marie est saluée comme patronne de la Hongrie sur ce monnayage mais pour les monnaies frappées à Nagybanya en Transylvanie par l’empereur elle est désignée sous le vocable de Marie immaculée, patronne de la Hongrie. Nous sommes alors après l’échec du siège de Vienne par les Ottomans en 1683 qui accélère le processus de reconquête de la Hongrie. L’atelier de Nagybanya est contrôlé par les Habsbourg à la fin des années 1680 qui y monnaient des petites divisionnaires comme des multiples du ducat avec cette nouvelle légende, référence à l’Immaculée Conception. Le traité de Karlowitz signé en 1699 rattache toute la principauté de Transylvanie au domaine des Habsbourg. A l’extrémité occidentale du croissant marial, revenons à l’Italie où sa présence va croissante également au cours du XVIIe siècle, spécialement à partir des années 1630. Elle fait une apparition remarquée dans le monnayage papal qui faisait principalement usage des apôtres Pierre et Paul jusqu’au pontificat d’Urbain VIII (1623-1644). Sous ce pape, une nouvelle représentation mariale, celle de l’Immaculée Conception fait son apparition sur les monnaies d’or et d’argent. Elle est liée au développement de la croyance à l’Immaculée conception de Marie, affirmant que Marie, comme Jésus, a été conçue sans péché. Cette idée apparaît dès le Moyen-âge et se développe surtout au XIVe siècle, opposant les Franciscains aux Dominicains, les premiers étant tenants de cette croyance qui se verra acceptée au concile de Bâle en 1435, confirmée par le concile de Trente (1545 à 1563) mais qui sera érigée officiellement au rang de dogme de l’Eglise Catholique en 1854 par la bulle ineffabilis deus. La représentation iconographique de l’Immaculée Conception est due à l’Apocalypse de Jean (12) : Un grand signe apparut dans le ciel : une femme vêtue du soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de 12 étoiles. Elle était enceinte et criait dans le travail et les douleurs de l’enfantement. Teston d’Urbain VIII frappe à Rome en sa quatorzième année de pontificat en 1637/38. Ar, 23 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. La vision est poursuivie par le dragon, sauvée par les anges et va donner naissance à son fils. A l’époque des premiers chrétiens, cette vision n’était pas associée à Marie mais à l’Eglise. C’est à partir du début du XVIIe siècle que l’on vêt également Marie de bleu et de blanc, de la même couleur que cette vision. On trouve aussi des emprunts au cantique des cantiques attribué à Salomon identifiant l’être aimé à la Vierge. L’iconographie de l’Immaculée Conception se répand à partir de la seconde moitié du XVIe siècle. Cinquante ans plus tard, elle apparaît sur le monnayage où sa place restera toutefois discrète. Sa première apparition monétaire intervient en 1638 sur les revers des testons et écus pontificaux. Il faudra attendre ensuite le pontificat de Clément XI (1700-1721) pour revoir la figure de Marie sous les traits plus classiques de la Vierge à l’Enfant, au revers d’un écu émis pour l’achèvement de la restauration de l’église de Sainte Marie du Trastevere en 1702, puis sur un revers d’écu montrant la présentation au temple en 1704. L’iconographie mariale est donc rare sur les monnaies papales d’or et d’argent, mais à partir du pontificat de Benoît XIV (1740-1758), on voit apparaître au revers des scudo une allégorie de l’Eglise ressemblant à Marie tenant les deux clefs de saint Pierre, figure qui sera très présente sur les écus et demi-écus jusque vers 1830. Quatrino frappé à Gubbio pour Innocent XI (1676-1689). Ae, 20 mm.JPP La figure mariale deviendra par contre très présente sur le petit monnayage de bronze et de billon monnayé dans les très nombreuses villes papales dès le milieu du XVIIe siècle désignées sous le nom de madonnina. A la toute fin du XVIIIe siècle, huit ateliers monnaieront de larges pièces de bronze de 5 baiocci désignées sous ce nom portant l’effigie de Marie sous forme d’une simple tête auréolée. Les monnaies d’argent de la même époque monnayées par l’éphémère république de Bologne (1796-97) porteront également la Vierge à l’Enfant, bien qu’émise par une république issue des guerres révolutionnaires. Pour la ville de Gênes dont le monnayage portait l’effigie quasi-intangible de sa porte principale, la Vierge à l’Enfant fait une apparition remarquée sur les écus d’argent, divisionnaires et multiples à partir de 1637. A cette date, le doge Giovanni Francesco Brignole place la République sous le patronage de la Vierge, considérée comme reine de Gênes. Elle illustrera leurs avers jusqu’à la fin du siècle suivant en le partageant parfois avec saint JeanBaptiste ou le saint éponyme de la ville, saint Georges. Sur les dernières frappes de 1814, l’Immaculée Conception fait une courte apparition sur les monnaies de deux soldi avant l’annexion par le Piémont-Sardaigne. Sur toutes ces monnaies on retrouve souvent les mêmes légendes. Pour les représentations de l’Immaculée Conception, on retrouve sub tuum presidium que l’on peut traduire par « nous sommes sous ta Garde », inscrites à deux siècles de distance sur les monnaies d’Urbain VIII comme la dernière divisionnaire de Gênes. Pour les Vierges à l’Enfant, on retrouve aussi des légendes très similaires qui ornent les monnaies des principautés italiennes plus secondaires (Modène, Parme…). Ferrare sous les Farnèse frappera des aussi des monnaies présentant le couronnement de la Vierge au milieu du XVIe siècle. Deux soldis de Gênes, 1710 ; billon, 18 mm. Monnaies de Notre Dame. Celles-ci représenteront également la scène de l’annonciation, que l’on retrouve sur le collier de la maison de Savoie : l’ordre de l’Annonciade. C’est cette maison qui monnaiera sans doute la plus grande variété de monnaies mariales au cours du XVIIe siècle. Sous le règne de Victor-Amédée Ier (1630-1637), un revers original se retrouve sur l’or et l’argent, les trois bannières de la maison de Savoie : saint Maurice, saint Lazare et Marie de l’annonciation. On retrouve la Vierge à l’enfant au revers des ducats d’argent et d’or de la régente Christine de France, qui figure au droit en compagnie de son fils François puis Charles-Emmanuel II. Une autre période de régence, celle de Marie-Jeanne de Nemours pour Victor-Amédée II, sera également propice à ces représentations, notamment le doublon de 1675 où la Vierge est représentée protégeant le jeune duc avec la devise pupillum et viduam suscipiet. Ordinairement, c’est le médaillon du collier de l’Annonciade représentant cette scène qui ornera toutes les compositions héraldiques de l’époque et pourra illustrer entièrement des revers, comme ceux des doublons ou doppia d’or frappés au début du XVIIIe siècle. Sequin frappé à Turin en 1746 pour Charles-Emmanuel III de Sardaigne (1730-1773). Av, 20 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. Pour les autres royaumes catholiques occidentaux par contre, on trouve très peu de monnaies, même si ceux-ci sont également très touché par la vénération mariale, en particulier l’Immaculée Conception dont l’iconographie semble prendre naissance en Espagne, notamment dans la peinture de Zurbaran. Certains multiples d’argent monnayés à la toute fin du siècle portant un monogramme marial surmonté d’une croix sont connus sous le nom de marias. Le monnayage espagnol est alors essentiellement constitué de monogrammes royaux à l’avers et des armoiries au revers, la monnaie est donc dans la continuité de ces types. Malgré son antagonisme fort avec l’Espagne, le Portugal regagnant son indépendance contre elle en 1640, se placera sous la protection de l’Immaculée Conception déclarée reine du Portugal par Jean V le magnanime en 1646. On frappe des conceiçao d’or très rare dont je n’ai trouvé aucune représentation. Au siècle suivant, on trouve des monogrammes mariaux sur les monnaies portugaises mais aucune effigie. La mise sous la protection de Marie du royaume de France par Louis XIII en 1637 ne se traduit, encore une fois, par aucune monnaie sur le monnayage royal français. IV Un recul dans l’Europe des Nations dû à des causes multiples Les rassemblements et réorganisations de territoires opérés lors des conquêtes napoléoniennes et du congrès de Vienne vont considérablement simplifier la carte des autorités frappant monnaie à chacune des extrémités de notre croissant marial. Deux soldis de Gênes, 1814 ; billon, 18 mm. Monnaies de Notre Dame. En Italie, les dernières villes libres ont disparu, dont Gênes, mais plus que les villes libres, c’est la disparition des petites monnaies locales destinés aux différentes villes contrôlées par l’état Pontifical qui appauvrit considérablement le monnayage. Les figures de saints deviennent rares et on ne retrouve Marie que sur un revers de scudo frappé au début du règne de Grégoire XVI (1831-1846), illustrant la présentation de Jésus au temple. Pour le monnayage de son successeur Pie IX (1846-1878), seuls le buste ou les armoiries du pontife seront utilisées. Enfin, avec l’intégration de Rome au nouveau royaume d’Italie en 1870, il faudra attendre la signature des accords du Latran en 1929 pour voir réapparaître un monnayage pontifical à l’iconographie riche mais à la fonction monétaire désormais bien limitée. Dans la première série émise par Pie XI (1922-1939), Marie figure sur l’avers de la pièce d’une lire sous les traits de l’Immaculée Conception dans la représentation d’époque où elle foule le serpent aux pieds, étant comparée à la nouvelle Eve. La 10 lires d’argent présente au revers une figuration plus classique de la Vierge à l’enfant trônant saluée du titre de Reine de la Paix, Regina Pacis, titre ajoutée aux litanies de la Vierge de Lorette sous le pontificat de Benoît XV (1914-1922), dont les efforts pacifistes pendant la Première Guerre Mondiale furent très mal vus par les belligérants. Ces monnaies seront également frappées sous la première partie du pontificat de Pie XII (1939-1958). On retrouve encore occasionnellement la présence de Marie sur le monnayage pontifical des cinquante dernières années mais celui-ci a un caractère commémoratif prononcé. Marie était toutefois devenue très présente, quoique discrètement, sur le monnayage du royaume d’Italie unifié par la maison de Savoie. Le collier de l’annonciade ornait en effet toutes les compositions héraldiques caractérisant les monnaies de la seconde moitié du XIXe siècle. Le thème de la présentation de Jésus au temple sur les écus pontificaux. A gauche, un scudo de 1704 sous Clément XI (1700-1721), à droite de 1831 sous Grégoire VI (1831-1846). Ar, 40 et 37 mm. Fritz Rudolf Künker GmbH & Co. KG, Osnabrück ; Lübke & Wiedemann, Stuttgart. En Allemagne, ce n’est pas tant la fin du monnayage des villes libres d’Empire qui va faire disparaître les représentations mariales, que la fin des principautés ecclésiastiques. Les archevêchés rhénans de Cologne, Mayence et Trêves comme les évêchés bavarois de Salzbourg (intégré aujourd’hui à l’Autriche mais bavarois) de Passau et de Würzburg sont intégrés à l’Autriche, la Prusse ou la Bavière et leur monnayage propre disparaît. Si les monnaies à la Vierge du siècle précédent continuent à circuler, les monnaies frappées alors portent l’effigie du souverain ou ses armoiries. La Bavière recommencera à frapper des madonnenthaler sous le roi Louis II, de 1865 à 1871 à part égale avec les thalers aux armoiries mais l’arrivée du mark limitera désormais la liberté des royaumes à l’avers de leurs monnaies, Marie disparaît donc des revers au profit de l’aigle impérial. En ce qui concerne les états dominés par les Habsbourg, le processus de centralisation en cours au XVIIIe siècle a été continué sous les guerres napoléoniennes et le long règne de François (1792-1835), si bien que même la Hongrie voit la Vierge disparaître du monnayage de la toute fin du siècle jusqu’en 1830. Marie réapparaît sur les revers des ducats d’or, des rares thalers et demi-thalers émis à l’époque mais on la retrouve essentiellement sur les monnaies de 20 kreuzers en argent. L’empereur Ferdinand (1835-1848), continue à frapper ces divisionnaires d’argent avec de nouvelles monnaies de 10 kreuzers alors que les grosses coupures deviennent rarissimes. Lors de la révolution de 1848, le gouvernement provisoire frappe les mêmes monnaies mais à la légende hongroise. La guerre d’indépendance et la défaite des Hongrois met sous le boisseau le monnayage jusqu’au compromis austro-hongrois de 1867. Celui-ci voit renaître les armoiries hongroises sur les revers et l’apparition de cette langue sur toutes les monnaies au détriment du latin mais Marie disparaît alors complètement . Vient suite à la première guerre mondiale un traumatisme majeur pour les élites hongroises : l’éclatement du royaume suite au traité de Trianon. Les excès du gouvernement communiste de Béla Kun entraîneront une réaction antagoniste avec la constitution d’un régime original de dictature ; une régence exercée par l’amiral Horthy. Cet amiral d’un pays désormais sans frontière maritime est le candidat d’un parti de l’Ordre constitués des grands propriétaires terriens ne voulant pas d’une République. La première série monétaire de la Régence présentera essentiellement la couronne de saint Etienne sur les fillers de bronze et de nickel, les armoiries sur le pengo d’argent et la pièce de deux pengos sera un décalque parfait de la pièce d’un demi-thaler frappée à la fin du XVIIIe siècle avec la Vierge à l’enfant à l’avers et les armoiries et les anges au revers (frappée de 1929 à 1939). L’originale et la copie à 150 ans de distance, à gauche, demi-thaler frappé à Vienne pour la Hongrie en 1786 ( Ar, 34 mm) à droite pièce de deux pengos frappée en 1938 à Budapest (Ar, 26 mm). La Vierge disparaît de ce monnayage avec le conflit et ne reparaîtra pas avec la constitution du bloc soviétique. Elle réapparaîtra par contre pour la couronne émise par la république slovaque, nouveau pays ayant fait partie historiquement très longtemps de la Hongrie, monnaie en usage jusqu’au passage de ce pays à l’euro il y à deux ans. Pour conclure, on peut dire que Marianne et ses épigones ont succédé à la Vierge à l’enfant. L’Europe du XXe siècle a vu un grand nombre de nouvelles républiques apparaître ainsi que des allégories féminines, en pied ou en buste, des personnifications de pays ou de la liberté. Le mouvement remonte à l’Ancien Régime pour les figures en pied. La Minerve apparaissant sur le monnayage des Provinces-Unies était désignée sous le nom de Batavia, à la même époque Britannia apparaît sur le monnayage de bronze de Charles II. Avec les monnaies de la jeune république des Etats-Unis, cette allégorie ne figure plus en pied mais simplement en tête de profil, la république française créera peu de temps après la fameuse Marianne dont le nom composé n’est autre que les prénoms de la Vierge et de sa mère. Marie n’est donc pas tout à fait absente du monnayage européen actuel. Bibliographie sommaire : Monnaies byzantines -« Le monnayage Byzantin : émission, usage, message », ouvrage collectif sous la direction de Tony Hackens, Louvain-la-Neuve, séminaire de numismatique Marcel Hoc, collège Erasme, 1984. -Introduction à la numismatique byzantine, par le docteur Henry Longuet, Spink et son, 1961 -Monnaies Byzantines, P.D. Whiting, Office du livre, Fribourg, 1973. -Byzantine coins and their values, David.R Sear, Seaby 1974 Monnaies en général -Monnaies du Moyen-Age, sous la direction de Philip Grierson, office du livre Fribourg, 1976. -Monnaies européennes et monnaies coloniales américaines entre 1450 et 1789, Elvira E. et Vladimir Clain-Stefanelli, office du livre Fribourg, 1978. -Dictionnaire de Numismatique sous la direction de Michel Amandry, 2001 -Les différents tomes du World Coins. Iconographie et théologie -Dieu et ses images, une histoire de l’Eternel dans l’Art, François Boesflug, Bayard, 2008. -La Vierge, femme au visage divin, Sylvie Barnay, découvertes Gallimard, 2001. Avec nos remerciements à la maison de vente Künker pour les illustrations, un grand nombre de celles-ci proviennent de la collection de thalers du docteur Heinz Pielsticker (vente 184 du 15 et 16 mars 2011 à Osnabrück) : http://www.kuenker.com