INÉGALITÉ ET PROSPÉRITÉ Jean-Michel Cousineau , Professeur

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Inégalités et prospérité, Jean-Michel Cousineau, Association des économistes québécois, mai
2012.
INÉGALITÉ ET PROSPÉRITÉ
Jean-Michel Cousineau1, Professeur titulaire, École de relations industrielles,
Université de Montréal.
Montréal, le 16 avril 2012.
Introduction
Cette conférence s’adresse au thème combiné de l’inégalité des revenus
et de la croissance économique. Il s’agit de savoir s’il est possible de trouver un
sous-ensemble de mesures qui, tout à la fois, réduiraient les inégalités de
revenus et stimuleraient la croissance économique.
Heureusement, il y a eu ces derniers temps, beaucoup de réflexions sur le
thème des inégalités et de la croissance. L’OCDE notamment a récemment
publié un extrait de son rapport de 2012 à ce sujet et les principaux chapitres de
même que les études qui ont servi à la production de ce rapport paraissent
régulièrement depuis le mois de janvier. Les propos que nous tiendrons
s’inspireront en partie de ce rapport et en partie de nos propres constats et
réflexions.
Afin d’y voir clair dans ce type de problématique, nous nous intéresserons
à cinq questions : 1° Pourquoi se préoccuper des inégalités de revenus et de
croissance? Y a-t-il des liens entre les inégalités de revenus et la croissance
économique? De quelles options parlons-nous? Quels critères devons-
1 Nous remercions Jean-Claude Cloutier pour ses commentaires très appréciés.
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Inégalités et prospérité, Jean-Michel Cousineau, Association des économistes québécois, mai
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nous retenir pour évaluer les options qui se présentent? Et 5° Comment ces
options se comparent-elles les unes avec autres?
Pourquoi se préoccuper des inégalités de revenus?
La réponse à cette question est bien simple. Il convient de se préoccuper des
inégalités de revenus en combinaison avec la croissance économique parce
qu’autrement, la croissance économique n’a pas de sens. En effet, si la
croissance économique ne bénéficie qu’à un tout petit nombre, elle ne revêt alors
aucun intérêt. Pour avoir de l’intérêt, pour faire du sens, il faut que la croissance
économique appartienne à tous. La croissance économique est un bien public.
Or, ce n’est pas comme cela que les choses se sont passées au cours des 30
dernières années. En effet, comme l’indique le graphique 1, il y eut bel et bien
croissance du PIB par habitant au Québec entre 1976 et 2008 alors que le
revenu dian des familles québécoises n’a pas bougé d’un cran. En fait, en fin
de période (2008) il était inférieur en dollars constants à ce qu’il était en début de
période.
Si nous ajustons ce revenu pour tenir compte de la diminution de la taille
des familles, l’augmentation du revenu réel est de 7,9 % en ne tenant pas
compte des économies d’échelle ou de 18,5 % en en tenant compte2.
Dans tous les cas, l’augmentation de 60 % en 30 ans du PIB par habitant
dépasse largement l’augmentation du revenu médian par famille québécoise,
2 Ne pas tenir compte des économies d’échelle signifie diviser le revenu médian par le nombre de
personnes. En tenir compte signifie le diviser par la racine carrée du nombre moyen de personnes par
famille.
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Inégalités et prospérité, Jean-Michel Cousineau, Association des économistes québécois, mai
2012.
ajusté ou non. Pour la plupart d’entre nous, une prospérité qui ne profite pas au
plus grand nombre fait peu de sens. Elle ne peut être qualifiée de prospérité
puisqu’elle ne vise personne ou à peu près.
Par ailleurs et comme le montre le graphique 2 qui décrit la situation
américaine, puis le graphique 3 qui s’applique au Canada plus particulièrement,
c’est le 1% des mieux nantis qui a absorbé la partie significative des écarts entre
le PIB par habitant et le revenu moyen des familles aux États-Unis et au Canada
(Saetz, Veall 2005).
Au Québec, pour les francophones en particulier, ce phénomène existe
mais il est moindre qu’ailleurs en Amérique du Nord. En 2007, suivant les
estimations de Veall (2010), la part du revenu total dévolue au 1 % les plus aisés
était estimée à 7 % pour les francophones (ils étaient partis de 4 % en 1982)
comparativement à 14 % pour les anglophones (ils étaient partis d’un peu plus
de 6 % en 1982). Donc, la part du PIB qui est dévolue au 1 % de la population la
mieux nantie est deux fois moins importante au Canada qu’aux États-Unis puis
deux fois moins importante à nouveau pour les Québécois francophones
comparativement au reste du Canada. L’explication étant que les francophones
du Québec sont plus ou moins exclus du réseau anglo-saxon qui a déclenché ce
phénomène de « Winner Takes It All » (Le gagnant est sans partage) comme
l’explique T. Courchesne (2011).
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Inégalités et prospérité, Jean-Michel Cousineau, Association des économistes québécois, mai
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Graphique 2. La part du revenu dévolue au 1 %: USA
1913-2007
0
5
10
15
20
25
1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020
Graphique 1: Indices comparatifs du PIB per capita et du revenu médian des
familles,
Québec, 1976-2006
80,0
90,0
100,0
110,0
120,0
130,0
140,0
150,0
160,0
170,0
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
Année
Indices 1976=100
Revenu médian
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Graphique 3. Part du revenu dévolue au 1 % les mieux
nantis au Canada
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
Mais il n’y a pas que le 1 % qui est la cause de l’augmentation des
inégalités de revenus au cours des 30 dernières années au Québec et un peu
partout ailleurs dans le monde. Premièrement, pendant les 20 premières années
de cette période, les inégalités de marché ou inégalités de revenus marchands
(emploi et revenus de placement) ont constitué le gros de l’augmentation des
inégalités sous la poussée des changements technologiques ainsi que de la
mondialisation des échanges. Ces changements ont exacerbé les disparités
entre les diplômés du niveau postsecondaire et les diplômés du secondaire et
moins. À partir de 1996, ce sont plutôt la baisse des paiements de transferts aux
particuliers qui peuvent être mis en cause : les prestations de l’aide sociale ont
diminué en termes de pouvoir d’achat de même que l’accès au programme
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