Robert Schumann et Clara Wieck

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Rober Shuman
Robert Schumann (en allemand, Robert Alexander1 Schumann) est un compositeur allemand né
le 8 juin 1810 à Zwickau et mort le 29 juillet 1856 à Endenich (aujourd'hui un quartier de Bonn).
Sa musique s'inscrit dans le mouvement romantique qui domine en ce début de XIXe siècle, une
Europe en pleine mutation. Compositeur littéraire par excellence, Schumann et sa musique illustrent
une composante du romantique passionné.
Jeunesse
Maison natale (vue actuelle).
August Schumann.
Né le 8 juin 1810, à Zwickau, en Saxe, Robert Schumann est le sixième et dernier enfant d'August
Schumann (1773-1826) et de Christiane Schnabel (1771-1836).
August Schumann est libraire, éditeur, et aussi écrivain. Il publie entre autres une série consacrée aux
classiques anglais, français, italiens et espagnols en langue originale et en traduction.
Robert effectue sa scolarité dans une école privée puis au lycée de Zwickau, où il apprend le latin, le
grec et le français. Il reçoit ses premiers cours de piano de l'organiste de la cathédrale, Johann
Gottfried Kuntsch. Il participe à plusieurs concerts et commence à composer relativement tôt. Le
musée Schumann de Zwickau conserve sa première œuvre intitulée – en français – « Le psaume centcinquantième », composée en 1822. En 1828, après avoir obtenu son Abitur (baccalauréat), il va, sur
décision de sa mère et de son tuteur, étudier le droit à l'université de Leipzig.
Leipzig, qui compte à l'époque 41 000 habitants, est la deuxième ville de Saxe après Dresde. C'est la
ville des foires internationales, et aussi la ville du livre et des éditeurs (Brockhaus, Reclam, Breitkopf
& Härtel, ces derniers publient également de la musique). L'orchestre du Gewandhausdonne des
concerts de très haut niveau, loin de ce que Schumann a pu connaître jusqu'alors. Bien qu'il s'en
défende dans ses lettres à sa mère, Schumann est peu assidu dans ses études et fréquente plutôt les
sociétés musicales et philosophiques de la ville.
C'est dans ces salons qu'il rencontrera le facteur de pianos Friedrich Wieck. Wieck, ambitieux et âpre
au gain, avait mis au point une nouvelle méthode d'apprentissage du piano. Il comptait de nombreux
élèves, au premier rang desquelles sa fille Clara, née en 1819, qu'il formait pour être l'une des
enfants prodiges les plus brillantes de son temps : elle paraît en concert au Gewandhaus pour la
première fois en octobre 1828. Schumann décide de devenir l'élève de Wieck et prend des cours de
piano, d'harmonie et de contrepoint. Il compose entre autres des polonaises pour piano à quatre
mains et des lieder2.
À Pâques 1829, il décide de s'installer à Heidelberg pour bénéficier de son climat culturel, et mettre
de l'ordre dans ses études. Il en profite pour entreprendre, en août et septembre, un voyage en
Suisse, mais aussi en Italie, destination obligée des intellectuels allemands de l'époque. Il est
impressionné par le théâtre de la Scala, mais moins par la musique qu'on y joue, notamment celle
de Gioacchino Rossini. Le 30 juillet 1830, il confie par lettre à sa mère sa résolution de se consacrer à
la musique.
Les débuts : piano et premières amours
Friedrich Wieck.
Asch en 1825.
Wieck rassure Christiane Schumann en lui promettant de faire de son fils « en trois ans l'un des plus
grands pianistes vivants, plus spirituel et chaleureux que Hummel, plus grandiose que Moscheles »3,
et Schumann emménage pour un temps chez son professeur. Il travaille avec acharnement mais se
plaint déjà de « douleurs infinies dans le bras »4. Bientôt, il se plaindra d'une paralysie de la main
droite qui le contraindra à abandonner la carrière de virtuose, sans grands remords il est vrai.
La « paralysie » de Schumann n'a pas encore été tirée au clair. Le compositeur lui-même l'a attribuée
à un appareil de son invention pour stimuler la dextérité. Cet appareil, dont nous n'avons aucune
description (Schumann l'appelle Cigarrenmechanik5), peut avoir occasionné une tendinite qu'il traite
avec des bains et des compresses, puis par homéopathie6. Par la suite, Schumann ne se servira pas de
son index droit pour jouer au piano, et non du majeur ou de l'annulaire qui lui posaient des
problèmes en 1830. Le problème peut être éventuellement dû au traitement d'une maladie
vénérienne (cf. infra) ou à une dystonie, semblable à celle dont a souffert le pianiste Leon Fleisher7.
À cette époque (1831-1832), il a une liaison avec une certaine Christel, à qui il donnera le surnom de
« Charitas ». Il contracte auprès d'elle une infection vénérienne, qui lui fera dire le 19 février 1855
« En 1831 j'ai été infecté syphilitiquement et traité à l'arsenic »8. La syphilis serait-elle la cause de son
déclin ultérieur, aboutissant au stade de paralysie générale? L'hypothèse a été maintes fois avancée,
mais il faut la relativiser car, à l'époque, on ne faisait pas clairement la distinction entre les maladies
vénériennes. Schumann lui-même note dans son journal : « des douleurs qui me mordent et me
rongent […] un lion entier qui me déchire »9. Or, le chancre syphilitique est indolore.
Il publie ses premières œuvres, pour piano : Variations sur le nom d'Abegg op. 1, Papillons op.
2, Études d'après des caprices de Paganini op. 3.
Les tendances de Schumann à l'hypocondrie et à la dépression seront accentuées par la mort de sa
belle-sœur Rosalie, puis de son frère Julius, et enfin par l'épidémie de choléra qui sévit en Allemagne
au cours de l'année 1833.
Le 3 avril 1834, il lance la Neue Zeitschrift für Musik, revue – qui existe toujours – où il part en guerre
contre les « philistins », gardiens d'un ordre musical rétrograde. Y interviennent les membres des
« Compagnons de David » (Davidsbund), société fictive où l'on retrouve entre autres Friedrich Wieck
(maître Raro), sa fille Clara (Zilia) et Schumann lui-même, dédoublé en Eusebius, rêveur introverti, et
Florestan, passionné et combatif. Dans les Davidsbündlertänze op. 6 (danses des compagnons de
David), il met en scène les personnages de cette comédie. L'introverti et peu loquace Schumann se
révèle un critique musical brillant, alternant l'humour, le sarcasme, l'éloge. Ses articles
sur Schubert,Berlioz, Chopin… restent des modèles de critique poétique, d'autres comme ceux qu'il
écrit sur Meyerbeer, sont d'une ironie et d'une virulence rares.
En 1834, Schumann se fiance avec Ernestine von Fricken, fille d'un riche baron de Bohême et élève
de Friedrich Wieck. Les fiançailles seront rompues en moins d'un an - entre autres parce
qu'Ernestine, fille adoptive, ne peut prétendre à l'héritage – mais cet épisode nous vaut deux grandes
œuvres. Le Carnaval, op. 9 fait référence à la ville d'Ernestine, Asch ; la séquence A-Es-C-H (lami bémol-do-si) détermine la première partie, As-C-H (la bémol-do-si) est intégrée dans la seconde.
Ernestine elle-même est évoquée sous le nom d'Estrella, et Clara Wieck sous celui de Chiarina.
L'œuvre se termine par la marche des Davidsbündler contre les philistins. Une marche analogue
conclut les Études symphoniques, op. 13, variations sur un thème du baron von Fricken, le père
d'Ernestine.
Robert Schumann et Clara Wieck
Clara Wieck à seize ans.
Entre-temps Clara Wieck, la petite fille d'autrefois, est devenue une belle jeune femme reconnue et
adulée. L'admiration de la jeune fille pour le « cher Monsieur Schumann » et l'affection de Robert
pour la jeune pianiste se transforment peu à peu en passion, et le premier baiser est échangé fin
novembre 183510. Les années qui suivent voient s'épanouir une romance. Alors que Schumann, dans
ses écrits et ses compositions, prend plaisir à faire intervenir l'imaginaire dans le réel
(les Davidsbündler sont traités comme des personnes réelles ; Eusebius et Florestan apparaissent
tantôt comme auteurs tantôt comme compositeurs), dans la vie des deux jeunes gens la réalité
prend l'apparence de la fiction : un grand roman d'amour romantique. N'y manquent ni les lettres
enflammées, ni les baisers volés, ni les serments passionnés. N'y manquent pas non plus les épreuves
à surmonter. En effet, Friedrich Wieck voit d'un mauvais œil une liaison qui pourrait compromettre la
carrière de sa fille, d'autant plus que Robert n'a pas de revenu assuré et fréquente assidûment les
auberges. Wieck interdit aux amoureux de se voir, éloigne Clara àDresde, l'emmène ou l'envoie en
tournée dans toute l'Allemagne, à Vienne, à Prague… Belle occasion pour échanger une
correspondance abondante où Schumann peut déployer son talent d'écrivain et Clara tenter de se
hisser à son niveau.
Clara Wieck avant le mariage.
Le 13 septembre 1837, Schumann demande officiellement la main de Clara et essuie un refus brutal.
La correspondance continue, Wieck a recours au chantage affectif, à l'intrigue, à la calomnie. Tout
cela ne fait qu'intensifier le roman d'amour. Cette période est reflétée dans de nouvelles grandes
œuvres pour piano. Dans la Fantaisie op. 17 (appelée initialement Clara-Fantasie) dont Schumann
voulait employer les revenus pour contribuer à l'érection d'un monument à Beethoven, il cite le cycle
de lieder À la Bien-aimée lointaine de ce dernier ; les Kreisleriana mêlent hommage à E. T. A.
Hoffmann et architecture élaborée où interviennent des sentiments contrastés.
Puisque Wieck ne veut consentir à un mariage que si le couple vit en-dehors de la Saxe, Robert part
pour Vienne en novembre 1838 où Clara est déjà une Kammervirtuosin. Il tente d'y établir sa revue
musicale, mais capitule devant la censure de Metternich et de son chef de police Sedlnitzky. Il rentre
à Leipzig en avril 1839. Mais il aura toutefois pu rencontrer Ferdinand, le frère de Franz Schubert, qui
lui confie divers manuscrits schubertiens, ainsi qu'une copie de la Grande Symphonie en ut majeur.
Schumann sera l'artisan de la première exécution de la symphonie par le Gewandhaus de Leipzig
dirigé par Felix Mendelssohn et lui consacrera un article enthousiaste dans la Neue Zeitschrift für
Musik. La découverte de la Symphonie en ut représente une étape importante dans le
développement de la symphonie romantique. Elle permet en quelque sorte de sortir de l'impasse
beethovenienne et ouvre de nouvelles voies que Schumann sera le premier à parcourir.
À l'automne 1839, à Paris, Clara (défendue par son avocat) et Robert portent plainte contre Wieck
pour refus de consentement de mariage. Schumann parvient à convaincre le tribunal de la solidité de
ses finances, présente des certificats de moralité et le titre de docteur que l'université d'Iéna lui a
conféré le 24 février 1840. Le jugement favorable est rendu le 1er août 1840 et le mariage a lieu à
Schönefeld le 12 septembre, la veille du vingt-et-unième anniversaire de Clara. Celle-ci étant mineure
le jour du mariage, Robert peut disposer de ses biens11. En avril 1841, Wieck sera condamné dans le
procès en diffamation que Schumann lui a intenté.
À cette époque Schumann est très actif pour la propagation de la musique contemporaine dans ses
écrits. Il noue des liens d'amitié avec Mendelssohn, rencontre Frédéric Chopinen octobre 1835
et Franz Liszt en 1837.
Les années de Leipzig : Lieder, premières compositions orchestrales
Clara et Robert Schumann.
Felix Mendelssohn en 1846.
L'année 1840 voit le début d'une nouvelle phase créatrice pour Schumann avec la composition de
cent trente huit lieder. Alors que ses compositions précédentes pour piano étaient peuplées de son
seul imaginaire, il s'ouvre à l'imaginaire des poètes. La perspective du mariage avec Clara élargit sa
fantaisie créatrice et le voyage à Vienne l'a mis en contact direct avec la création de Schubert. En
outre, ses compositions pour le piano n'ont pas été un énorme succès commercial et les lieder
promettent des rentrées plus importantes. Ceci donne Myrthen op. 25, recueil de 26 lieder sur des
textes d'auteurs divers qu'il mettra dans la corbeille de noces de Clara, les Liederkreis, op. 24 sur des
textes de Heine, op. 35 sur des textes de Justinus Kerner, op. 39 sur des textes
d'Eichendorff, L'Amour et la Vie d'une femme sur des textes de Chamisso op. 42, Les Amours du
poète sur des textes de Heine, op. 48… Le Liederfrühling, op. 37 sur des textes
de Rückert comprendra quatre lieder composés par Clara.
Le couple s'installe dans sa vie conjugale. Robert compose, effectue le travail d'éditeur de sa revue (il
écrit des critiques, entretient un réseau de correspondants en Allemagne et à l'étranger, dirige la
publication). En 1843, il enseigne au conservatoire de Leipzig, créé par Mendelssohn. Clara s'occupe
du foyer, parfait sa culture générale négligée durant ses années d'enfant prodige en
lisant Goethe, Shakespeare, Jean Paul, étudie les œuvres de Bach, Beethoven, Chopin et bien sûr de
Schumann. Elle réalise les réductions pour piano de ses œuvres orchestrales, compose quelques
pièces pour piano. Les Schumann font salon, organisent des concerts et des lectures, reçoivent …
En 1841, Schumann écrit sa première symphonie, la Symphonie du printemps, op. 38, qui sera créée
par Felix Mendelssohn à la direction de l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, l'Ouverture, Scherzo
et Finale pour orchestre op. 52, une Fantaisie pour piano et orchestre qui, quatre années plus tard,
sera complétée de deux mouvements pour devenir le Concerto pour piano , op. 54, une symphonie
en ré mineur qui, réorchestrée, deviendra la Quatrième Symphonie, op. 120.
Si 1841 était consacrée à l'orchestre, il aborde la musique de chambre en 1842. De cette année-là
datent les Trois quatuors à cordes, op. 41, dédiés à Mendelssohn, le Quintette avec piano op. 44,
le Quatuor avec piano, op. 47. En 1843 il compose Le Paradis et la Péri op. 50, oratorio profane pour
soli, chœur et orchestre d'après la légende hindoue Lalla Rookh de Thomas Moore qui sera de son
vivant, avec sa première symphonie, son plus grand succès12. La première à Leipzig le 4 décembre
1843 est aussi la première apparition de Schumann en tant que chef d'orchestre. C'est un succès,
bien que le compositeur myope et peu autoritaire ait du mal à contrôler l'orchestre. La soprano Livia
Frege écrit à Clara « Si seulement votre cher mari pouvait se décider à quereller un peu et à réclamer
une plus grande attention, cela irait certainement plus facilement »13. Après la première de Dresde
Friedrich Wieck, impressionné, propose la réconciliation.
Clara réduit son activité de concertiste. Elle effectue tout de même des tournées, en Allemagne du
Nord accompagnée par Robert puis seule au Danemark en 1842, en Bohême… Bien que les revenus
du compositeur Schumann augmentent sensiblement, les dépenses sont grandes et les tournées
aident à renflouer les caisses. En janvier 1844, les Schumann partent pour une tournée de quatre
mois en Russie. Schumann y trouve le moyen de satisfaire sa curiosité intellectuelle mais considère
dégradant son rôle de « mari de la pianiste ». En outre sa santé empire. Il est sujet à des phobies, des
crises d'angoisse, des vertiges, qui s'accentuent au cours des voyages.
Au retour de Russie les symptômes s'aggravent et à l'automne 1844, il sombre dans une profonde
dépression14 accompagnée des symptômes déjà connus et d'un acouphène qui reviendra par la suite.
Les années de Dresde
Dresde vers 1850.
Robert et Clara Schumann
en 1847.
La succession de Mendelssohn à la tête du Gewandhaus de Leipzig est confiée au compositeur
danois Niels Wilhelm Gade, en dépit des aspirations de Schumann. Il se sépare de la Neue Zeitschrift
für Musik et le couple décide de s'installer à Dresde, où il emménage le 11 décembre 1844. Clara
dispose maintenant d'un salon de musique à elle où elle peut répéter sans déranger Robert. Il
reprend, conjointement avec Clara, l'étude de Bach.
Bien qu'elle soit capitale du royaume de Saxe et, en dépit de sa riche architecture baroque, Dresde
est, comparée à Leipzig, une ville provinciale sur le plan culturel. Elle n'a même pas de salle de
concerts permanente. On y organise des concerts privés, on se rencontre entre artistes.Richard
Wagner, qui avait cherché à se faire connaître du critique influent de Leipzig, est un interlocuteur
fréquent, particulièrement en politique15. La santé de Schumann s'améliore mais reste fragile. Sa
popularité de compositeur s'accroît, même en-dehors d'Allemagne. En 1848 Le Paradis et la Péri sera
joué à New York16.
Il accompagne Clara dans des tournées à Vienne, à Berlin, en 1846, mais elle ne rencontre plus ses
succès d'enfant prodige. En 1847 la mort de Félix Mendelssohn est un choc. En mai 1849,
la révolution de 1848 atteint Dresde. La famille Schumann quitte la ville de manière rocambolesque
et se réfugie jusqu'à la mi-juin à Kreischa. En novembre 1849 Ferdinand Hiller qui était parti de
Dresde pour Düsseldorf en 1847, part pour Cologneet propose Schumann comme son successeur.
À Dresde, Schumann compose des fugues et des pièces pour piano à pédalier, mais aussi des chœurs
pour l'ensemble qu'il reprend d'Hiller en 1847. Il termine en 1845 son Concerto pour piano, op. 54,
compose en 1846 sa Deuxième Symphonie en ut majeur, op. 61, son Premier Trio, op. 63 en 1847.
1848 voit l'achèvement de son unique opéra, Genoveva, qui ne remportera qu'un succès d'estime, et
de Manfred, mélodrame pour voix parlée, chœur et orchestre d'après le poème de Byron.
1849 est l'occasion d'une nouvelle explosion créatrice dans tous les genres: lieder, musique pour
piano, musique de chambre, ensembles vocaux, chœurs. Cette année-là, l'Allemagne célèbre le
centenaire de Goethe ; c'est pour Schumann l'occasion de terminer ses Scènes de Faustcommencées
en 1844. La révolution se verra évoquée par les Marches, op. 76.
Quatre de leurs enfants sont nés à Dresde. Schumann s'intéresse aussi aux enfants dans ses
compositions avec l' Album pour la jeunesse, op. 68 (qui contient entre autres le Gai laboureur),
l'Album de lieder pour la jeunesse, op. 79 (composé pendant la révolution) et Douze pièces à quatre
mains pour petits et grands enfants, op. 85.
L'apogée et le crépuscule
Robert Schumann, d'après undaguerréotype de 1850.
Johannes Brahms vers 1853.
L'asile d'Endenich aujourd'hui.
La proposition de Düsseldorf offre à Schumann le prestige d'une position de Generalmusikdirektor et
un revenu annuel de 750 thalers. Pour Clara c'est la perspective de reprendre une activité régulière
de concertiste.
Pour la ville c'est la perspective d'engager un compositeur célèbre, et aussi d'avoir « deux artistes
pour le prix d'un ». Les Schumann emménagent le 2 septembre 1850.
La ville fait un accueil chaleureux aux deux musiciens et les débuts de Schumann à la tête de
l'orchestre sont concluants dans sa première saison où a lieu, le 6 février 1851, la brillante première
de sa troisième symphonie, la Symphonie « Rhénane », op. 97, mais son peu d'aptitude à la direction
d'orchestre va vite amener une situation de conflit. Il manque d'autorité, sa battue est peu claire, il
s'exprime d'une voix faible et peu intelligible, les répétitions l'épuisent et il doit les interrompre
fréquemment. Malgré le soutien de Clara qui tente de pallier ses défaillances, Schumann a de plus en
plus de mal à diriger un orchestre avec chœur composés en grande partie d'amateurs et qui, livrés à
eux-mêmes, entrent en quasi-rébellion.
Les critiques enflent. À l'été de 1852 ses troubles le reprennent, l'acouphène revient, et il doit laisser
la baguette à son assistant Tausch jusqu'en décembre. Le festival de Rhénanie, qui se tient en mai
1853 à Düsseldorf, et pour lequel Schumann doit partager la baguette avec son prédécesseur Hiller
et Tausch, est un succès mitigé. Il dirige sa Quatrième Symphonie avec succès mais le clou du festival
est le concert Beethoven dirigé par Hiller avec en soliste le jeune virtuose Joseph Joachim qui
deviendra un ami du couple Schumann.
Les troubles le reprennent l'été suivant, accentués de douleurs rhumatismales et de lombalgie. En
août apparaissent des troubles de la parole. Le 30 septembre Johannes Brahms se présente aux
Schumann et leur joue ses premières compositions. Ils l'accueillent avec enthousiasme. En octobre
Schumann compose les Contes, op. 132, pour clarinette, alto et piano et les Chants de l'aube, op. 133
pour piano. Le 27 octobre la première de la Fantaisie pour violon, op. 131 avec Joachim en soliste est
le dernier concert qu'il dirige à Düsseldorf17. À la proposition de ne diriger que ses propres œuvres et
de laisser le reste à Tausch, Schumann répond par un « ultimatum » qui correspond de facto à une
démission, laquelle ne deviendra effective qu'en octobre 1854.
Une tournée Schumann/Schumann en Hollande est un succès. En janvier 1854 les Schumann
retrouvent Joachim et Brahms à Hanovre. De retour à Düsseldorf, son acouphène le reprend et le 17
février tourne en hallucinations acoustiques. Dans ses hallucinations il entend un thème qu'il note et
sur lequel il compose les Variations des esprits (Geistervariationen) les jours suivants. Le 27, il sort de
chez lui, en pantoufles, et, après avoir traversé Düsseldorf sous la pluie, se jette prétendument dans
le Rhin. Clara se réfugie avec ses enfants chez une amie et le 4 mars Schumann est conduit à l'asile du
Dr. Richarz à Endenich, près de Bonn, dont il ne sortira plus.
Pendant l'été 1854 il se repose, lit, effectue de nombreuses promenades à pied dans les environs en
compagnie d'un gardien. Il attend en vain des nouvelles de Clara qui ne lui communique même pas la
naissance de son fils Felix le 11 juin. Elle lui écrit une première lettre en septembre.
Durant la période suivante son état s'améliore. Il reçoit des visites, de Brahms, de Joachim, de Bettina
von Arnim. Jusqu'en juillet 1855 il entretient une correspondance abondante et s'occupe de l'édition
de ses œuvres, compose des accompagnements de piano pour les Caprices de Niccolò Paganini, un
prélude de choral et d'autres œuvres qui seront détruites par la suite. Après sa visite à Schumann en
mai 1855, Bettina écrit à Clara que selon elle le compositeur a été atteint seulement d'une « crise
nerveuse » et qu'on doit le sortir au plus tôt de l'asile.
Tombe de Robert et Clara Schumann
au vieux cimetière de Bonn.
Clara rencontre alors le Dr. Richarz et lui expose qu'il n'est pas question de faire rentrer un
Schumann « à demi-guéri » à la maison. Le déclin de celui-ci s'accentue lorsqu'il se rend compte qu'il
n'a plus d'espoir de sortir. Il écrit sa dernière lettre à Clara le 5 mai. À partir du printemps 1856 il
refuse la nourriture. Les 16 et 17 avril 1856 il brûle les lettres de Clara et d'autres papiers personnels.
Le 23 juillet 1856, Schumann est mourant. Clara se décide finalement à le revoir. « Il me sourit,
écrira-t-elle, et d'un grand effort m'enserra dans ses bras. Et je ne donnerais pas cette étreinte pour
tous les trésors du monde ». Le 29 juillet, dans l'après-midi, Schumann meurt des suites
d'une cachexie.
Descendance
Robert et Clara Schumann ont eu huit enfants :

Marie (1841-1929), assistante de sa mère dans ses tournées de concerts et son activité
pédagogique. Elle supervisera la biographie de Clara par Bertold Litzmann, exerçant une censure
tâtillonne18. Elle passera la fin de sa vie à Interlaken où elle est inhumée ;

Élise (1843-1928), professeur de piano à Francfort. Elle se marie en 1877 avec le négociant Louis
Sommerhoff avec qui elle aura quatre enfants. Le couple émigre aux États-Unis puis retourne à
Francfort six ans plus tard. Elle meurt à Haarlem ;

Julie (1845-1872), retient l'attention de Brahms. Tuberculeuse, elle part se soigner dans le Sud
où elle rencontre et épouse le comte italien Vittorio Amadeo Marmorito di Radicati. Après avoir
mis au monde deux fils, elle meurt à Paris lors de sa troisième grossesse ;

Emil (1846-1847) ;

Ludwig (1848-1899), accumule les retards scolaires et les échecs en apprentissage. Après une
crise nerveuse en 1870, on lui diagnostique une faiblesse de la vue et une maladie de la moelle
épinière. Clara le fait interner à l'asile d'aliénés de Colditz où il mourra aveugle ;

Ferdinand (1849-1891), bon pianiste amateur, devient employé de banque à Berlin. Il épouse
contre l'avis de sa mère Antonie Deutsch avec qui il aura sept enfants. Après des crises de
rhumatismes aiguës il devient morphinodépendant. Sous le couvert d'un soutien financier, Clara
arrache ses enfants à leur mère et les disperse19 ;

Eugénie (1851-1938), passe son enfance dans divers pensionnats puis rejoint sa mère et sa sœur
Marie. En 1893 elle émigre à Londres avec sa compagne, la soprano Marie Fillunger. Elles
rentrent en Suisse en 1914. Eugenie publie ses souvenirs en 1925 et une biographie de son père
en 1931. Elle est enterrée à Interlaken avec sa sœur Marie et Marie Fillunger ;

Felix (1854-1879), n'a pas connu son père puisqu'il naît alors que Robert est déjà à Endenich. Il
tente malgré l'avis de Clara une carrière de musicien puis de poète. Il meurt de la tuberculose.
Brahms composera des lieder sur trois de ses poèmes.
Le « cas Schumann »[modifier | modifier le code]
La perspective historique[modifier | modifier le code]
Bien que la vie de Schumann soit extrêmement bien documentée, la postérité l'a perçue dans une
perspective distordue. Le premier biographe, Josef von Wasielewski, violoniste leipzigois ami du
compositeur et un temps premier violon à Düsseldorf, a effectué un bon travail20 mais Clara l'a
empêché de rencontrer Robert à Endenich. Au fil du temps, trois filtres ont été mis en place :

Clara Schumann a publié la correspondance de jeunesse en supprimant certains passages
révélateurs21. Elle a rédigé son journal en pensant à la postérité et ne s'est pas privée d'y inscrire
certains événements après coup, comme les journées de février 1854. Elle a fait disparaître
certains documents et même des compositions comme les cinqromances pour violoncelle et
piano composées en 185322.

Marie Schumann a supervisé la biographie de sa mère par Bertold Litzmann. Elle a caviardé des
lettres, restreint l'usage du journal de Clara qu'elle a détruit par la suite, et contrôlé toute la
rédaction. Son influence est aussi sensible dans la biographie de Schumann écrite par sa sœur
Eugenie (qui avait trois ans lors du transfert de son père à Endenich).

Wolfgang Boetticher, qui a publié en 1942 Robert Schumann in seinen Schriften und Briefen (R. S.
dans ses écrits et sa correspondance)23, était membre du parti national-socialiste puis
des Waffen SS et chef de la musikpolitische Verbindungsstelle du bureau Rosenberg, laquelle a
certifié que Boetticher a « examiné tout le dossier Schumann dans l'optique de nos principes
idéologiques »24. Or Boetticher, mort en 2002, a été considéré comme une autorité sur
Schumann bien après la période nazie.
Les nouvelles publications
Les documents originaux ont été publiés il y a relativement peu de temps.

Les journaux de Schumann sont disponibles en totalité depuis 198725 dans une édition critique
réalisée par Georg Eismann et Gerd Neuhaus

L'édition critique de la correspondance de Schumann sous l'égide de la Société Schumann de
Zwickau est en cours (8 volumes parus en 2010)26.

La correspondance de Robert et Clara Schumann est disponible depuis 200127 dans une édition
critique réalisée par Eva Weissweiler.

Le procès-verbal d'autopsie a été publié pour la première fois dans son intégralité en 198628.

Le Journal de maladie de Schumann, établi par les docteurs Richarz et Peters à Endenich est
disponible intégralement depuis 200629 dans une édition critique sous la direction de Bernhard
Appel.
Personnalité
Signature de Schumann.
Dans ces conditions, il va de soi que bien des descriptions de la personnalité et de la maladie de
Schumann dans des ouvrages anciens sont obsolètes, voire orientées.
Schumann, qui s'exprimait brillamment par écrit, était un médiocre orateur. Il était taciturne et
s'exprimait d'une voix faible, voire inintelligible. Sa réaction à l'offense (ou ce qu'il percevait comme
tel) était souvent de se lever et de quitter les lieux sans un mot.
Ses écrits révèlent un être cultivé, intelligent, perspicace, résolument ennemi de la médiocrité mais
ouvert aux idées nouvelles et dépourvu de jalousie. Sa forte sensibilité tendait facilement à
s'exacerber ; il était enclin à l'hypocondrie et souffrait de nombreuses phobies (des lieux élevés, des
clés, des objets coupants, des hôpitaux psychiatriques …). Sa tendance appuyée à
la mélancolie n'excluait pas l'humour qui chez lui pouvait être sec ou tendre, cinglant ou bienveillant.
Introverti, il réagissait aux situations de tension nerveuse par la somatisation ou l'alcoolisme30.
La maladie de Schumann
Elle fait toujours l'objet de nombreuses spéculations. La description par Clara des événements de
février 1854 a été écrite plusieurs mois après les faits. La tentative de suicide n'est attestée par
aucun témoin direct (le violoniste Ruppert Becker qui l'a racontée n'était pas présent à Düsseldorf ce
jour-là) et n'est pas mentionnée dans les journaux de l'époque. La seule chose attestée est qu'il a
quitté les lieux quand son médecin, le docteur Hasenclever, est allé parler directement à Clara sans
passer le voir. Le psychiatre Uwe Peters est arrivé à la conclusion que Schumann aurait eu une crise
de delirium tremens31,32.
Le fait qu'il soit allé volontairement à Endenich prête aussi à discussion. Sa phobie des institutions
psychiatriques est attestée à plusieurs reprises et il a agressé physiquement ses gardiens à l'arrivée.
Clara a toujours prétendu que les médecins s'opposaient à ce qu'elle rende visite à son mari. Cette
interdiction n'est attestée nulle part ; en revanche le docteur Richarz d'Endenich considérait le
« contact des malades avec leur famille et d'autres personnes de leur entourage comme très
salutaire »33. Clara a contrôlé la correspondance de son mari pendant son internement et exercé un
droit de contrôle sur les visites.
Richarz, qui souffrait lui-même de troubles de l'ouïe, n'était pas le plus à même de comprendre la
psychologie de Schumann. Il recherchait systématiquement des signes de dérangement mental, par
exemple lorsque Schumann lui demande « si Düsseldorf existe encore » après être resté des mois
sans nouvelles des siens, ou lorsqu'il entend de la musique « dans sa tête », ce que Richarz interprète
comme des hallucinations ce qui suffisait à l'époque pour l'y maintenir enfermé.
Après la mort de Robert Schumann, Richarz a émis l'hypothèse de la syphilis, hypothèse soutenue
tacitement par Clara et encore répandue de nos jours. Le procès-verbal d'autopsie ne vient pas à
l'appui de cette hypothèse, ni le fait que Schumann n'a pas souffert de troubles de la mémoire et que
son écriture ne s'est pas dégradée. Concernant son état mental, différents symptômes observables
par les écrits du personnel de santé de l'époque ainsi que de ses correspondances appuient la théorie
du trouble bipolaire, le psychanalyste Udo Rauchfleisch conclut à une psychose schizoïde34 après sa
mort. Une autre position est représentée par Uwe Peters qui après étude des documents disponibles
émet l'hypothèse35 que Schumann n'était atteint d'aucune maladie mentale bien que meurtri par sa
relation devenue conflictuelle avec Clara, corroborant ainsi le jugement et la conviction de Bettina
von Arni.
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