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CE QUE NOUS APPREND LA LUMIERE
JP. Maratrey - juin 2008
La matière a cette propriété remarquable de pouvoir émettre ou absorber de l’énergie sous forme de photons,
c'est-à-dire sous forme de rayonnement électromagnétique, sous forme de lumière
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au sens large (dans toutes
les longueurs d’ondes, et pas uniquement dans le domaine visible).
De cette caractéristique de la matière sont nées trois principales branches de l’astronomie :
L’astrométrie qui étudie la position des astres, leur distance et leur mouvement, autrement dit
l’origine et la variation dans l’espace de l’émission lumineuse.
La photométrie qui étudie la quantité (luminosité) et de la qualité (couleur) de la lumière émise et
leurs variations dans le temps.
La spectrométrie qui étudie de quoi est formée la lumière émise en la décomposant.
L’étude de la lumière, « cette obscure clarté qui tombe des étoiles » est une des rares sources de
renseignement de l’astrophysicien. Il dispose également (mais à dose « homéopathique ») de l’étude d’autres
particules que les photons, comme les neutrinos ou les rayons cosmiques.
On ne peut pas faire d’expériences sur les étoiles ou les nuages de gaz. En astronomie, l’expérimentation est
remplacée par l’observation de l’existant. Heureusement, les étoiles, les nuages de gaz et de poussières, les
galaxies à différents stades de leur évolution ne manquent pas…
C’est donc l’observation qui, confrontée avec les théories, permet d’avancer dans la compréhension de
l’univers.
L’astrométrie
L’astrométrie (ou astronomie de position) est peut-être la plus ancienne branche de l’astronomie. De tous
temps, les Hommes ont étudié la position des astres et leur variation selon l’heure et les saisons
2
.
Cette discipline existait dans l’antiquité
3
, puisque Hipparque a réalisé le catalogue
4
d’étoiles le plus ancien
connu noter qu’il a également inventé l’échelle des magnitudes, et est par conséquent un pionnier de la
photométrie).
L’astrométrie est l’outil fondamental de la mécanique céleste, par l’étude de la position, de la distance et du
déplacement des astres
5
, en particulier des planètes.
C’est par l’étude des positions de la planète Mars (réalisée par Tycho Brahé, sans instrument d’optique, au
cours du XVI
ème
siècle) que Kepler a pu énoncer les trois lois fondamentales qui portent son nom
6
, et qui ont
ensuite été explicitées par la théorie de la gravitation de Newton
7
.
Pour faire progresser l’astrométrie, il a été nécessaire de faire progresser parallèlement la mesure du temps
8
,
caractéristique entrant en ligne de compte dans la mesure des vitesses, donc des mouvements des astres.
Les premiers instruments de mesure pour l’astrométrie furent :
o Les cadrans solaires pour la mesure du temps
o Les astrolabes puis les sextants pour la mesure des angles
9
2
D’autres outils ont été développés, comme par exemple le repérage dans le ciel par des systèmes de
coordonnées
10
, la géométrie sphérique (la voûte céleste n’est pas plane…), et les mathématiques
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en général,
puis les instruments d’optique
12
.
Côté mesure du temps, on est passé en 2 000 ans du cadran solaire à l’horloge atomique.
Plusieurs logiciels existent au niveau amateur pour faire des « réductions astrométriques », c’est-à-dire repérer
précisément les étoiles sur une astrophoto. On peut citer Iris, Prism, Astrometrica et LagoonAstrométrie.
Les distances :
Concernant les mesures de distances astronomiques
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, tout a commencé avec l’estimation de la distance de la
Terre au Soleil par Aristarque de Samos au III
ème
siècle avant JC.
Aujourd’hui, les distances des étoiles proches sont mesurées très précisément par leur parallaxe. Entre 1989 et
1993, le satellite européen Hipparcos a mesuré la parallaxe de plus de 100 000 étoiles proches avec une
précision d’un millième de seconde d’arc. Cette méthode a permis de positionner très précisément les étoiles
présentes jusqu’à 3 000 al.
Pour les objets plus éloignées, des méthodes indirectes sont utilisées : céphéides, Tully-Fisher ou étude des
supernovas Ia.
Les vitesses de déplacement :
L’effet Doppler-Fizeau
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permet de connaître la vitesse d’une étoile, d’une galaxie, dans l’axe de visée. En
complétant par la mesure de la vitesse radiale, perpendiculaire à la vitesse dans la ligne de visée, on en déduit
la valeur et la direction de la vitesse réelle. Pour évaluer la vitesse radiale, il faut faire des mesures de position
des étoiles à différents moments. Cela n’est possible avec suffisamment de précision que pour les étoiles
proches, ou les objets se déplaçant très vite dans ce sens.
Pour les galaxies éloignées, le « mouvement propre » est négligeable devant la vitesse d’éloignement dans la
ligne de visée. C’est ainsi que la mesure du Red Shift des galaxies lointaines a incité Hubble à énoncer sa
célèbre loi qui implique l’expansion de l’univers
15
.
Pour conclure :
Les résultats de l’astrométrie sont très importants. On peut citer :
o Mouvement des planètes – mécanique céleste
16
o La position et le mouvement des étoiles, des galaxies
o Mouvement des étoiles multiples les unes autour des autres
o Mouvement des bras des galaxies spirales
o Expansion de l’univers
o Structure de l’univers à grande échelle (superamas, murs, bulles…)
La photométrie
Les anciens grecs nous ont appris à évaluer la quantité de lumière que nous recevons des étoiles. Les étoiles
qui apparaissaient les premières au crépuscule, les plus brillantes, étaient les étoiles de première grandeur,
puis venaient les étoiles de deuxième grandeur et ainsi de suite jusqu’à la sixième grandeur pour les étoiles les
plus faibles visibles à l’œil nu. Il faut rappeler que dans ces temps reculés, la pollution lumineuse et la pollution
chimique de l’atmosphère n’existaient pas. Heureux hommes
Beaucoup plus tard, les astronomes ont conservé ces « grandeurs », en leur attribuant une définition plus
scientifique. C’est l’échelle des magnitudes
17
. Les étoiles de magnitude 1 (et moins, une magnitude pouvant
être négative) apparaissent les premières, puis viennent les étoiles de magnitude 2, et ainsi de suite jusqu’à la
magnitude 6, considérée en moyenne comme l’éclat des plus faibles étoiles visibles à l’œil nu.
3
Mais l’apparition des instruments d’optique fait que nous pouvons, grâce à eux, observer des étoiles encore
plus faibles. L’échelle des magnitudes s’étend bien au-delà de la magnitude 6.
Les plus gros instruments professionnels
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détectent aujourd’hui des étoiles de magnitude supérieure à 30.
L’échelle des magnitudes est logarithmique. Une étoile de magnitude 1 est 2,512 fois plus lumineuse qu’une
étoile de magnitude 2. Une étoile de magnitude 10 est 100 fois moins lumineuse qu’une étoile de magnitude 5
(5 magnitudes couvrent un facteur 2,512
5
= 100 en luminosité).
Notons au passage que plus l’étoile est brillante dans le ciel, plus le nombre représentant sa magnitude est
petit.
L’échelle de magnitude sert aussi à mesurer la luminosité d’autres objets que les étoiles, comme la Lune, les
planètes, les nuages de gaz et de poussière, les galaxies… Contrairement aux étoiles, ces objets ne sont pas
ponctuels, et il faut tenir compte de leur surface dans la mesure de leur magnitude.
La magnitude du soleil à midi est de l’ordre de -26, celle de la pleine lune de -12. L’étoile Véga a une magnitude
de 0. L’étoile la plus proche du soleil, Proxima du Centaure, a une magnitude de 11 et est par conséquent
invisible à l’œil nu, et même avec des jumelles (des jumelles 7 x 50 mènent à la magnitude de 9 environ).
L’étude photométrique nous en apprend beaucoup sur le fonctionnement d’une étoile. La physique et surtout la
physique nucléaire permettent de modéliser ce qui se passe à l’intérieur des étoiles
19
, et de prédire leur
luminosité. Les prédictions de ces théories sont confrontées à la photométrie expérimentale, ce qui permet
d’ajuster les modèles aux observations.
L’hélio-sismologie étudie les très faibles pulsations de la luminosité du soleil. Ces pulsations sont la traduction
en surface de ce qui se passe en profondeur dans notre étoile.
Comme la sismologie, qui permet de modéliser l’intérieur de la terre, cette science vient compléter nos
connaissances de l’intérieur du soleil.
On sait donc, sans jamais y être allé, que le centre du soleil contient un noyau très dense et très chaud des
réactions nucléaires ont lieu. Ce noyau est entouré d’une couche radiative, puis d’une couche convective en
contact avec la « surface », la photosphère.
Ces connaissances concernant le soleil peuvent être étendues avec précautions aux autres étoiles.
L’Homme ne vit pas assez longtemps pour observer et étudier le cycle complet de vie d’une étoile. Une
centaine d’années contre plusieurs milliards, le compte n’y est pas ! L’observation de la luminosité et de la
couleur de différentes étoiles à différents stades de leur vie permet de reconstituer leur évolution temporelle, de
même qu’en observant une population d’êtres humains de tous âges à un moment donné unique, on serait
capable de reconstituer une vie entière.
On sait ainsi par ces études que plus la masse d’une étoile (en dehors des stades de début et de fin de vie) et
est grande, plus sa température sera élevée, et plus sa durée de vie sera courte.
On sait également qu’en fin de vie, quand le combustible nucléaire (l’hydrogène) s’épuise, l’étoile entre dans
une phase de « géante rouge » : son diamètre augmente, sa température de surface diminue, mais son cœur
est de plus en plus chaud, fait l’objet de réactions nucléaires de plus en plus vives, jusqu’à l’explosion, douce
pour les petites étoiles comme le soleil, en supernova violente pour les plus massives
20
.
En mesurant la magnitude, donc la luminosité des étoiles dans différentes longueurs d’ondes, on obtient une
bonne idée de sa couleur, qui elle-même nous renseigne sur sa température. En connaissant le stade
d’évolution de l’étoile, on peut en déduire sa masse et son rayon.
On voit que la mesure des magnitudes dans différentes longueurs d’ondes apporte son lot important de
renseignements.
Le même type d’étude sur les étoiles d’un amas globulaire par exemple nous donne en plus une approximation
de son âge
21
.
4
La spectrométrie
En astronomie, la spectrométrie
22
est l’étude du spectre de la lumière émise par un objet astronomique.
Un spectre est la décomposition de la lumière émise par l’astre, à l’aide d’un système dispersif (prisme ou
réseau de diffraction) qui va séparer les composantes de la lumière selon leur couleur (longueur d’onde). L’arc
en ciel est un bon exemple naturel d’un spectre du soleil forau travers des fines gouttelettes d’eau qui
forment un nuage.
Il existe trois types de spectres :
o Le spectre continu
o Le spectre en émission
o Le spectre en absorption
On doit au physicien allemand Gustav Kirchhoff, en collaboration avec R. Bunsen (tous deux fondateurs de la
spectroscopie), l’énoncé en 1859 de trois lois.
Gustav Kirchhoff est aussi l’ « inventeur » du corps noir en 1860.
1
ère
loi de Kirchhoff
Un spectre continu est caractéristique d’une émission dans toutes les longueurs d’ondes. Toutes les
couleurs sont présentes. Une lampe à filament de tungstène (une ampoule électrique ordinaire) émet un
spectre continu.
Plus généralement, émettent un spectre continu, les gaz à pression élevée, un liquide ou un solide s’ils
sont chauffés.
2
ème
loi de Kirchhoff
Un spectre d’émission est formé lorsque des atomes (d’un gaz généralement) sont excités par une
source d’énergie externe. Les atomes émettent alors des photons dans des longueurs d’ondes
caractéristiques de leur nature. C’est le cas des lampes à vapeur de sodium de certains lampadaires, des
tubes néon, qui émettent des raies caractéristiques des éléments qui compose le gaz excité
électriquement.
Plus généralement, produisent un spectre d’émission les gaz chauffés, à basse pression).
3
ème
loi de Kirchhoff
Un spectre d’absorption est formé lorsque la lumière d’un spectre continu traverse un milieu gazeux. Les
atomes du gaz absorbent les photons correspondant aux longueurs d’ondes caractéristiques des atomes
du gaz. Le résultat est un spectre continu dans lequel apparaît des raies noires correspondant aux
longueurs d’ondes caractéristiques des atomes du gaz absorbant. Le spectre du soleil est un bon
exemple de spectre d’absorption.
Plus néralement, un spectre d’absorption est généré lorsqu’un rayonnement continu traverse un gaz
froid à basse pression.
Ces lois décrivent l’observation, mais n’en donnent
pas d’explication physique. Cette explication
arrivera plus tard, vers 1920/1930, avec
l’avènement de la mécanique quantique.
5
La première application de la spectrométrie est donc l’étude chimique des astres
23
, ou plus exactement de leur
atmosphère. Les raies d’absorption du spectre du soleil sont le signe de la présence, entre l’émission et
l’observateur, d’atomes particuliers au dessus de la « surface » du soleil (la photosphère qui émet le spectre
continu) : la couronne solaire et l’atmosphère terrestre.
Mais la composition chimique des astres n’est pas le seul renseignement contenu dans leur spectre. Citons :
o Le décalage des raies permettent de mesurer la vitesse de déplacement de l’objet sur la ligne de visée
(Effet Doppler-Fizeau).
o L’élargissement des raies, toujours par effet Doppler-Fizeau, indiquent une vitesse de rotation d’une
étoile.
o Dans le cas d’une galaxie, l’élargissement de certaines bandes d’absorption fournit la vitesse de
rotation de cette galaxie, et par déduction donne sa distance.
o La présence ou l’absence de certaines raies dans un spectre d’absorption permet sa classification,
laquelle fournit sa température, puis sa luminosité et sa couleur, puis son rayon, en appliquant les lois
de la thermodynamique.
On pourrait ajouter à cette liste la détermination du champ magnétique d’une étoile, la densité d’une
nébuleuse…
En résumé
L’observation des mouvements de la planète Saturne, l’étude de sa luminosité, de son spectre et une
connaissance minimum de l’astrophysique et de la thermodynamique nous donnent à distance :
o Sa vitesse de rotation (différentielle entre l’équateur et les pôles) et son aplatissement
o L’inclinaison de son axe de rotation
o La vitesse de rotation de ses anneaux
o Sa distance au Soleil
o Sa durée de révolution et tous ses éléments orbitaux comme l’inclinaison de l’orbite, l’excentricité…
o Sa composition chimique
o Sa température de surface
o Son champ magnétique
o Sa structure interne (avec encore des incertitudes liées aux modèles)
o La nature, la composition, la densité des anneaux
o Sa luminosité
o Sa production interne d’énergie
o Sa masse
o Son rayon
o Sa densité
o
Bref, la lumière nous apprend beaucoup sur les astres.
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