. LA PRESSE MONTRÉAL MERCREDI 7 AVRIL A 23 2004 llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll FORUM Indignation L’incendie de l’école des Talmud Torah Unis est un geste qui porte atteinte aux droits démocratiques de tous les Québécois PIERRE ANCTIL L’auteur est directeur du Centre d’expertise en relations interculturelles du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration. L’incendie d’une bibliothèque dans un établissement scolaire juif rappellera certainement aux membres de la communauté et à tous les Québécois d’autres gestes semblables, survenus il y a plus de soixante-dix ans lors de la montée du fascisme en Europe. Le fait de s’en prendre aux livres et au milieu de l’éducation compte pour beaucoup dans la portée de cet acte, car en agissant ainsi c’est aussi la liberté d’expression et le droit à la pleine participation civique que l’on visait. Arracher des jeunes à leurs classes, les priver de leurs instruments d’apprentissage et les menacer jusque sur les lieux physiques où se passe le plus gros de leur vie d’écolier, voilà qui constitue des atteintes graves à notre vie démocratique. Surtout, l’événement méprisable, haineux et antisémite d’il y a quelques jours à peine viendra confirmer que le Québec, comme toutes les sociétés de la planète, doit prendre conscience qu’il n’est pas à l’abri de la violence ciblée et de la terreur dirigée contre certains groupes en particulier. Valeurs fondamentales Ce pénible constat nous amène à nous pencher une fois de plus, avec une ardeur renouvelée, sur les valeurs fondamentales de la société québécoise et sur l’ensemble du dispositif qui protège nos libertés démocratiques, dont la résolution pacifique des conflits. Les circonstances ont fait que cette fois-ci l’attaque s’est portée contre les Talmud Torah Unis, soit une des institutions scolaires les plus anciennes et les plus vénérables de la communauté juive montréalaise. Il est impossible d’affirmer pour le moment, faute de preuve, que l’incendie de la nuit de dimanche à lundi ait été le fait d’une organisation politique ou militante quelconque. Il reste que le geste était délibéré et qu’il est arrivé à la veille d’une fête religieuse de la plus haute importance pour le judaïsme, la pâque, laquelle commémore la libération des Juifs de l’esclavage et de la domination d’un autre peuple. Voilà qui aggrave encore la portée de l’agression contre l’école en question et signifie clairement que les pyromanes ont voulu s’en prendre aux membres de cette confession en particulier. Il doit être réaffirmé haut et fort PHOTO RÉMI LEMÉE, LA PRESSE© La bibliothèque de l’école Talmud Torah Unis a été incendiée au cours de la nuit de dimanche à lundi. La peine que nous ressentons devant de tels actes doit être dite et exprimée, ainsi que notre incapacité à rester indifférents ou insensibles devant pareille violence. Il n’y a pas que les Juifs qui aient Devoir de dénonciation Tous les citoyens québécois ont le subi au cours des derniers mois des devoir et l’obligation de dénoncer atteintes sévères à leur dignité et à un geste comme celui qui a frappé leur sécurité. Il y a presque un an, l’école primaire des Talmud Torah jour pour jour, une école secondaiUnis, ou qui s’en prendrait à des re musulmane du quartier Notrepersonnes sous le seul prétexte Dame-de-Grâce voyait ses murs souillés d’un « mort aux Arabes », accompagné d’une Cet événement vient confirmer que le Québec, croix gammée. D’autres communautés culturelles n’ayant comme toutes les sociétés de la planète, n’est pas à rien à faire avec le conflit du l’abri de la violence ciblée et de la terreur dirigée Moyen-Orient ont aussi été la cible de graffiti haineux decontre certains groupes en particulier. puis le 11 septembre 2001, sous le seul prétexte qu’elles munauté juive montréalaise et l’a qu’elles appartiennent à un groupe comptent un nombre élevé d’immirendue vulnérable à des attaques religieux, ethnique ou linguistique. grants récents ou parce que leurs antisémites de toutes sortes. Certes, Les écoliers juifs qui ont subi cette membres ont la peau plus foncée. Toutes ces manifestations d’intoléles tensions politiques et militaires opprobre, ainsi que leurs parents, vécues dans d’autres parties du méritent dans leur épreuve l’estime rance et d’exclusion, même si elle globe ont une résonance jusqu’ici et l’affection de tous les Québécois. apparaissent moins graves que le et affectent les citoyens québécois Vivant au sein de la société mon- geste antisémite porté à l’encontre de plusieurs manières. Or nous vi- tréalaise au même titre que tous les des Talmud Torah Unis cette semaivons sous un régime démocratique autres citoyens, ils n’avaient pas à ne, ont en commun une volonté où il est possible et même souhai- faire les frais d’une violence aveu- d’établir des distinctions inacceptatable de faire valoir une opinion au gle du simple fait de leurs croyance bles entre les citoyens québécois. détriment d’une autre, dans le res- religieuse, ou parce qu’un conflit Toutes elles mènent, si on ne leur pect de son vis-à-vis et sans recours sévit dans une autre région du oppose pas collectivement une fin de à la contrainte, à l’insulte ou à la monde dans lequel certains de non-recevoir, à une dégradation des violence. Tous conviendront que leurs coreligionnaires sont engagés. relations interculturelles au Québec qu’une attaque contre une minorité ethnique ou religieuse établie au Québec, quelle qu’elle soit, porte atteinte à l’ensemble des droits et des libertés de tous les citoyens, et qu’elle met en péril la sécurité, la qualité de vie et l’intégrité personnelle de chacun d’entre nous. L’événement est d’autant plus déplorable, qu’un contexte bien particulier propre au Moyen-Orient et à la guerre en Irak, a fragilisé la com- l’ouverture et la tolérance que cette attitude exige forme l’aspect le plus précieux de notre culture publique commune. et à un climat de suspicion généralisé. La réaffirmation des valeurs démocratiques québécoises portées par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, par l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration, ainsi que le rejet de la violence comme mode de solution des conflits d’opinion, retiennent aujourd’hui à juste titre l’attention des médias et des porte-parole gouvernementaux. Les citoyens du Québec ont aussi une autre obligation dans les circonstances tragiques que nous vivons, soit de travailler au dialogue entre les communautés partageant des croyances religieuses et des origines culturelles différentes. Le recours à la force et à l’intimidation sera d’autant plus difficile dans notre société, que des liens de solidarité auront été tissés entre personnes de traditions différentes. Il en va de même pour ce qui est des institutions scolaires, culturelles ou autres qui incarnent au Québec des héritages particuliers tout en participant à la mouvance démocratique générale de l’ensemble de notre société. Cette première ligne de défense devrait en effet compter pour beaucoup dans notre capacité de préserver une démocratie qui compte en son sein un niveau de diversité très élevé. llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll > Pour nous écrire : [email protected] LA BOÎTE AUX LETTRES Un geste abominable Les « extrémismes » sont une plaie L’incendie criminel de la bibliothèque d’une école juive à Montréal est totalement abominable et doit être dénoncé par tous les Québécois et tous les Canadiens de toutes origines. Il en va de la sauvegarde même de nos valeurs et de nos principes de réagir de façon immédiate et sans aucun compromis envers les coupables. Il est triste de constater que des êtres humains avec lesquels nous vivons et que, dans bien des cas, nous avons accueillis ici justement parce qu’ils revendiquaient le droit à une vie paisible et au respect de leurs droits fondamentaux (dont la libre pratique de leur religion) en viennent à commettre de telles atrocités. L’ensemble de la population doit se soulever immédiatement et dénoncer toute forme de racisme et exiger des autorités en place qu’elles sévissent à l’égard des intolérants qui veulent miner la sécurité et l’amitié qui ont toujours fait de notre société un milieu paisible et respectueux des valeurs individuelles. On ne peut accepter que des fanatiques tentent d’importer ici un conflit qui se joue à l’autre bout du monde et, du même coup, de détruire les relations amicales qui existent entre la communauté juive de Montréal et les Québécois. Tous les « extrémismes », tous les actes à caractère violent et raciste, qu’ils soient antisémites, arabophobes, anglophobes, etc. sont une plaie ! Ces actes isolés minent, par leur impact négatif sur notre psyché sociale, notre capacité à nous mouvoir les uns avec les autres, au jour le jour. Ces actes sont toujours une agression et une oppression du moral de la majorité silencieuse. Cette majorité silencieuse, c’est nous tous, citoyens et citoyennes de toutes origines et toutes religions, ayant choisi comme « patrie » une même ruelle, un même quartier, une même ville, une même province, un même pays. Et ce, sous l’égide de notre charte commune des droits et libertés. C’est une affaire locale ! Pour cela, nous devons absolument nous protéger des dérapages qui combleraient l’ego de quelques illustres monstres de tous acabits voulant payer les comptes de la sale politicaillerie de la scène internationale. C’est en faveur de la paix dans notre cour que nous devons commencer à prendre position. Céline Chamberland Iqaluit (Nunavut) Maro Akoury Montréal Un sentiment différent Si nos amis de la communauté juive en général étaient à tout le moins divisés sur la question palestinienne, s’ils étaient critiques à l’occasion, s’ils n’étaient pas si presque unanimement souteneurs de la politique haineuse et intransigeante d’Israël, on serait bien évidemment plus portés à être scandalisés par ces actes malheureux. Mais ce n’est pas le cas, ni dans ce que je vois dans les médias, ni dans ce que j’observe dans ma vie personnelle. Le pays qu’ils soutiennent si ardemment est haïssable aux yeux de plusieurs, et avec raison. Il y aura toujours des conséquences indésirables à la méchanceté, d’où qu’elle vienne. Et qu’on ne me traite pas d’antisémite parce que j’ose exprimer un sentiment différent... Mario Lajeunesse .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... Ne nous imposez pas vos guerres... Ce n’est pas impossible qu’il y ait une connotation politique à ce geste totalement inacceptable. Qu’on ait voulu réagir et venger le meurtre de cheikh Ahmed Yassine, ça m’était venu à l’esprit que c’était le but derrière tout ça. Sauf que je voudrais dire à tous les racistes de tous acabits : nous avons une réputation de terre d’accueil partout au monde à cause de notre tolérance. Qu’elle soit politique ou culturelle. Ça va mal au Moyen-Orient et plusieurs personnes viennent ici chercher la paix et la possibilité de vivre et d’aimer tranquillement, loin de tout ça. Alors vos petites crises patriotiques, rapportez-les dans votre pays d’origine. Qu’on se batte là-bas, passe encore. Mais ne salissez pas mon pays avec vos rancunes. Je ne veux pas de ça ici. Battez-vous chez vous, pas chez moi. Les Québécois ont manifesté haut et fort leur volonté de se tenir loin des conflits internationaux. Et j’en suis fière. Ne nous imposez pas vos guerres... Francine Sanschagrin Montréal .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... Un petit feu Une petite bibliothèque d’une école juive brûle et voilà une brochette de politiciens qui montent aux barricades. Antisémitisme, clament les journaux. L’enquête n’a pas eu lieu encore et déjà on connaît la raison. Qui a dit que c’était de l’antisémitisme. Surprenant qu’un si petit feu attire autant de politiciens sur les lieux. Jacques Perreault Laval .