vous faciliter les choses et non vous contraindre.» Ensuite, un hadith où
le Prophète (Psl) donne ce conseil : «Allah adore que les fidèles profitent
d’une dérogation autant qu’Il déteste qu’ils transgressent Ses lois.» Fall
et Vignaux ouvrent le débat à ce sujet car «si les piliers (de la foi)
peuvent être objets de dérogation, sans altérer la foi, on peut
comprendre que voile, polygamie, salles de prières en milieu de travail,
soins médicaux, piscine…puissent l’être tout autant, sinon plus.»
Mais au-dessus d’un débat «saturé» par un «prêt à penser» volontariste,
plane un enjeu fondamental relevé par les auteurs. L’islam, tel qu’il est
présenté dans les médias, tel qu’il est présent dans les esprits, serait la
religion de la stagnation, de l’intolérance et de la régressivité, incapable
de «s’asseoir à la table des valeurs universelles.» Pour mettre des points
sur quelques «i» insupportables, les auteurs se réfèrent à la lucidité de
Georges Leroux. «(…) La plupart des contempteurs de la pensée
islamique (…) oublient deux choses : premièrement, la pensée
occidentale ne serait pas ce qu’elle est si elle n’avait pas reçu l’héritage
scientifique et rationnelle de l’islam. Mais il faut aussi insister sur un
autre fait : le déclin moderne de la pensée arabe et sa réappropriation
dans des mouvements autoritaires comme le Wahhabisme (saoudien)
résultent en grande partie du refus occidental d’intégrer l’islam dans son
concept de civilisation.» Et depuis le 11 septembre 2001, les «procès
d’intention» sont allés de mal en pis, provoquant une cristallisation «qui
ne peut (au mieux) que fixer les crises au lieu d’aider à les résoudre.»
Pour contrer cette tendance «islamophobe» et «intolérante», le principe
de «l’arrouhsatou» est considéré comme «outil de négociation»,
«principe démocratique» et «argument», preuves que l’islam «possède
les outils conceptuels qui lui permettent d’être un allié responsable dans
la recherche partagée de ‘compromis raisonnables’.»
Mais en amont, il y a nécessité que soient neutralisés deux facteurs de
trouble : les fondamentalismes et leur prosélytisme, d’une part, et d’autre
part les stigmatisations injustes dont les musulmans sont victimes. Au
Québec, «il y a un islam et des musulmans capables de bâtir (une)
alliance des religions et des cultures au bénéfice de la démocratie.»
Ceux que Fall et Vignaux appellent les «musulmans du dialogue.»
Pour autant, est-il raisonnable, dans un environnement où la loi et les
textes constitutionnels garantissent les libertés de conscience et de
culte, ainsi que le droit à l’expression démocratique et publique de sa foi,
que des musulmans devenus citoyens à part entière s’obligent à recourir
en permanence aux dérogations permises par leur religion ? Le port du
voile doit-il être tributaire des situations professionnelles vécues par les
femmes musulmanes qui le revendiquent au nom de leur foi ? Les
auteurs laissent la question ouverte aux réflexions. Le livre, lui, se veut
un hommage rendu à Bilal Ibn Rabah, premier muezzin de l’islam.