Evaluation de la réponse sismique d’une structure autostable en béton armé sous l’effet des séismes proches et lointains Bourada Sofiane1, Branci Taïeb1, Tamahloult Mohammed1 1 Département de Génie Civil, Université Hassiba Benbouali, Hay Es-salem BP 151, Chlef, Algé[email protected] RÉSUMÉ. Sous l’effet des tremblements de terre passés, il a été constaté que de nombreux bâtiments contreventés par des portiques autostables en béton armé ont montré une faible résistance et ont subi beaucoup de dommages, malgré qu’ils aient été conçus d’après les dispositions parasismiques des règlements en vigueur. Ces dispositions sont basées généralement sur des spectres de réponse correspondant à divers types de séismes. Le but de cette communication est d’évaluer la réponse sismique de certaines structures à l’aide de la méthode N2 et l’analyse temporelle non-linéaire, sous deux accélérogrammes issus respectivement d’un séisme proche et l’autre lointain (Coalinga 1983 et El centro 1940). Selon ces investigations, il en résulte que la réponse de ces structures analysées est moins sensible sous l’effet d’un séisme de type "proche". ABSTRACT. It was noted that many reinforced concrete frames buildings may appear a loss resistance with heavy damage when subjected to severe earthquake, although they were designed to provisions of current seismic code. These provisions are generally based on acceleration response spectra corresponding to various types of earthquakes. The objective of this communication is to evaluate the seismic response of certain structures using the N2 method and the non-linear time history analysis under two acceleration time histories from a near and a far-earthquake (Coalinga 1983 and El centro 1940). According to these investigations, it results that the response of this analyzed structures is less sensible under a near-earthquake. MOTS-CLÉS : Structure, portique, béton armé, séisme, analyse, réponse. KEY WORDS: Structure, frame, reinforced concrete, earthquake, analysis, response. XXe Rencontres Universitaires de Génie Civil. Chambéry, 6 au 8 juin 2012. 2 1. Introduction Les structures parasismiques sont dimensionnées pour résister à un séisme donné, en utilisant les méthodes de calcul classiques telles que la méthode spectrale, largement utilisée, qui s’appuie sur un spectre de dimensionnement pour plusieurs types de site et ne tenant pas compte de la nature des séismes qu’ils soient proches ou lointains. Le but de cette communication est d’établir une comparaison de la réponse des structures sous l’action d’un séisme proche et un autre lointain à travers l’utilisation de la méthode statique non-linéaire basée sur la méthode N2 [FAJ 00] et la méthode temporelle non-linéaire. Dans un premier temps, on montre la différence entre un séisme proche et un lointain, puis on applique les deux méthodes non-linéaires en employant deux enregistrements naturels du sol de différents types, celui de Coalingua 1983 et celui d’EL centro 1940. 2. Séisme proche et lointain Un séisme proche a une faible magnitude de surface, de l’ordre de 4à 5 (sur l’échelle de Richter), une distance focale et une profondeur inférieures à 10Km, et d’un contenu fréquentiel plus important et riche en hautes fréquences. Ce contenu est estimé par le rapport de l’accélération maximale du sol A à la vitesse maximale du sol V (A/V). Un séisme proche est caractérisé par des valeurs de A/V>>10 [LOP 98]. Par contre tout séisme ne vérifiant pas ces conditions est considéré comme un séisme lointain. Le tableau 1 présente les principales caractéristiques des enregistrements de mouvement du sol considérés. Tableau 1. Caractéristiques des accélérogrammes considérés. Coalinga EL centro Composante 270º 180º Date 09/07/1983 19/05/1940 Lieu Californie (U.S.A) Californie (U.S.A) Magnitude de surface Ms 4.9 7.2 Distance épicentrale (Km) 4.35 12.99 Distance hypocentrale (Km) 9.99 15.69 Durée (s) 5 36 Acc. Maximale PGA (g) 0.377 0.313 Vitesse maximale PGV (cm/s) 12.99 29.8 Evaluation de la réponse sismique d’une structure autostable en béton armé sous l’effet des séismes proches et lointains 3 Pour une meilleure comparaison entre les réponses sismiques sous l’effet des deux séismes, l’accélérogramme de séisme de Coalinga est normé à 0.313g. 3. Description des structures étudiées Deux structures de bâtiments en béton armé sont étudiées. Elles sont composées respectivement de cinq et sept niveaux dont la hauteur de chaque étage est de 3.06m et présentant une même superficie en plan de (13.85x15.4) m². Le système de contreventement est composé de quatre portiques dans la direction longitudinale (y) et de cinq portiques dans la direction transversale (x), les dimensions des différents éléments sont indiquées dans les tableaux 2 et 3 donnés. Vue en plan. Vue en élévation. Figure 1. Détail des deux structures de bâtiments considérés. Les deux bâtiments sont dimensionnés selon les prescriptions du règlement parasismique Algérien [RPA 99] et les règles de l’Eurocode 2 [EC2 92]. Tableau 2. Dimensions et ferraillages des poteaux et poutres de la structure à cinq niveaux. poutres (sens x) Niv. poutres (sens y) Dim. Ferr. (appuis) Dim. (cm²) Sup. Inf. (cm²) 5 30x40 3T14 3T14 30x50 4 30x40 3T14+3T14 3T14 3 30x40 3T14+5T14 2 1 poteaux Ferr. (appuis) Dim. Ferr. Sup. Inf. (cm²) 3T16+3T14 3T16 40x40 8T16 30x50 3T16+3T14 3T16 40x40 8T20 3T14 30x50 3T16+3T16 3T16 50x50 8T20 30x40 3T14+5T14 3T14 30x50 3T16+3T16 3T16 50x50 8T20 30x40 3T14+3T14 3T14 30x50 3T16+3T16 3T16 50x50 12T20 XXe Rencontres Universitaires de Génie Civil. Chambéry, 6 au 8 juin 2012. 4 Tableau 3. Dimensions et ferraillages des poteaux et poutres de la structure à sept niveaux. poutres sens x Niv. poutres sens y poteaux Dim. Ferr. (appuis) Dim. Ferr. (appuis) Dim. (cm²) Sup. Inf. (cm²) Sup. Inf. (cm²) Ferr. 7 30x40 3T14+3T14 3T14 30x50 3T16+3T14 3T16 40x40 8T20 6 30x40 3T14+3T14 3T14 30x50 3T16+3T14 3T16 40x40 8T20 5 30x40 3T16+3T16 3T16 30x50 6T16+3T14 3T16 50x50 8T20 4 30x40 6T16+3T12 3T16 30x50 6T16+3T14 3T16 50x50 12T20 3 30x40 6T16+3T16 3T16 30x50 6T16+3T14 3T16 60x60 12T20 2 30x40 6T16+3T16 3T16 30x50 3T16+3T16 3T16 60x60 16T20 1 30x40 6T16+3T12 3T16 30x50 3T16+3T16 3T16 60x60 16T20 4. Méthode d’analyse non-linéaire 4.1. Méthode statique non-linéaire (méthode N2) Elle a été proposée par Fajfar [MOU 07], et se base sur des spectres inélastiques (voir figure 2), dont le coefficient réducteur permettant de passer du spectre élastique 1 aux spectres inélastiques 1 est défini par l’équation [1]: 1 / 1 pour [1] pour Avec et , périodes caractéristiques du sol , , période de la structure. Figure 2. Spectre inélastique pour différentes ductilités. Dans cette approche, le point de performance est obtenu lorsque la demande en ductilité du spectre inélastique est égale à la ductilité de la structure (figure 3). Cette ductilité est donnée par les relations [FAJ 00]. Evaluation de la réponse sismique d’une structure autostable en béton armé sous l’effet des séismes proches et lointains 5 1 / 1 / / pour et / 1 [2] pour Pour les parties courantes du spectre, avec , accélération élastique et accélération spectrale correspondant à la limite élastique. , Figure 3. Détermination du déplacement cible. 4.2. Méthode temporelle non-linéaire L’équation différentielle régissant la réponse d’une structures à plusieurs degrés de liberté soumise à une excitation sismique, u&&g (t ) est donnée par : mu&& + cu& + ku = −mi.u&&g (t ) [3] En général pour les structures non-linéaires, la courbe de chargement initial est bilinéaire, et les courbes de déchargement et de rechargement diffèrent de la branche de chargement initial. Ainsi, les relations entre les forces latérales f s et les déplacements latéraux u de chaque niveau dépendent de l’histoire des déplacements : [4] f s = f s (u, signu& ) A cet effet pour les systèmes inélastiques, l’équation précédente [3] devient [5] mu&& + cu& + f (u, signu& ) = −mi.u&& (t ) s g L’approche habituelle consiste à résoudre directement ces équations couplées, qui aboutissent à l’analyse temporelle non-linéaire complète. Bien que l’analyse modale classique soit inadmissible pour les systèmes inélastiques, elle est utile par la suite pour transformer la dernière équation en coordonnées modales correspondant au système linéaire équivalent. Chaque élément structural de ce système élastique est défini pour avoir la même rigidité initiale que celui de système inélastique. Les deux systèmes ont la même masse et le même amortissement. Par conséquent, les périodes propres de vibration et les modes du système linéaire équivalent sont identiques à ceux du système inélastique subissant de petites perturbations. En exprimant les déplacements du système inélastique en termes de coordonnées modales généralisées q n (t ) du système linéaire équivalent, on obtient : XXe Rencontres Universitaires de Génie Civil. Chambéry, 6 au 8 juin 2012. 6 N u (t ) = ∑φ q n n (t ) [6] n =1 En substituant l’équation [5] dans l’équation [6], en pré-multipliant par φ nT et en utilisant les propriétés des modes, on trouve : q&&n + 2ζ n ω n q& n + Où ωn Fsn = −Γn u&&g (t ) Mn n = 1, 2, …., N [7] est la fréquence dépend donc de toutes les coordonnées modales q n (t ) impliquant leur couplage en raison de la plastification de la structure : F sn = F sn ( q n , sign q& n ) = φ nT f s ( u n , sign u& n ) [8] C’est la procédure classique de la méthode d’analyse temporelle non-linéaire où l’équation générale [8] représente les N équations en coordonnées modales q n (t ) [HAM 98]. 5. Analyse et discussion des résultats En premier lieu, une analyse statique non-linéaire est effectuée, en employant les spectres élastiques générés par les deux séismes sélectionnés avec les courbes de capacité. En deuxième lieu, et à titre de comparaison, des investigations par analyse temporelle non-linéaire sur les mêmes structures sont menées. On observe que les deux structures présentent des périodes élevées dans les deux directions principales, évaluées par la méthode N2 sous l’effet de séisme de Coalinga, qui restent inférieures aux différentes périodes évaluées sous l’action du séisme d’El centro où elles atteignent 1.33s dans le sens longitudinal en utilisant la courbe de capacité obtenue par la distribution modale dans le cas de la structure à sept niveaux (voir tableau 4). Tableau 4. Périodes et valeurs de demande en ductilité. structure séisme proche 5 niv. lointain proche 7 niv. lointain distribution Tx (s) Ty (s) µ px µ py uniforme 0.81 0.66 1 1 modale 0.92 0.75 1 1 uniforme 0.96 0.68 1.86 1.92 modale 1.08 0.83 1.81 2.25 uniforme 1.03 0.81 1 1 modale 1.22 0.95 1 1 uniforme 1.15 0.87 1.52 1.94 modale 1.33 1.05 1.42 1.89 Evaluation de la réponse sismique d’une structure autostable en béton armé sous l’effet des séismes proches et lointains 7 5 4 4 3 3 Etages Etages 5 2 2 1 1 0 0.00 0.05 0.10 0.15 0 0.00 0.20 7 7 6 6 5 5 4 4 3 2 1 1 0.05 0.10 0.15 0.10 0.15 0.20 3 2 0 0.00 0.05 Déplacements max (%) Etages Etages Déplacements max (%) 0 0.00 0.20 Déplacements max (%) 0.05 0.10 0.15 0.20 Déplacements max (%) Figure 4. Déplacements max. sous l’effet d’un séisme proche. 4 4 3 3 Etages 5 Etages 5 2 2 1 1 0 0 0.0 0.5 1.0 0.0 0.5 1.0 Déplacements max (%) 7 7 6 6 5 5 4 4 Etages Etages Déplacements max (%) 3 3 2 2 1 1 0 0 0.0 0.5 Déplacements max (%) 1.0 0.0 0.5 Déplacements max (%) Figure 5. Déplacements max. sous l’effet d’un séisme lointain. 1.0 XXe Rencontres Universitaires de Génie Civil. Chambéry, 6 au 8 juin 2012. 4 4 3 3 Etages 5 Etages 5 2 2 1 1 0 0.00 0.10 0.20 0 0.00 0.30 Déplacements relatifs (%) 0.10 0.20 0.30 Déplacements relatifs (%) 7 7 6 6 5 5 4 4 Etages Etages 8 3 3 2 2 1 1 0 0 0.0 0.1 0.2 0.3 0.0 Déplacements relatifs (%) 0.1 0.2 0.3 Déplacements relatifs (%) Figure 6. Déplacements relatifs sous l’effet d’un séisme proche. 5 4 4 3 3 Etages Etages 5 2 2 1 1 0 0 0.0 1.0 2.0 0.0 1.0 2.0 Déplacements relatifs (%) 7 7 6 6 5 5 4 4 Etages Etages Déplacements relatifs (%) 3 3 2 2 1 1 0 0 0.0 1.0 Déplacements relatifs (%) 2.0 0.0 1.0 2.0 Déplacements relatifs (%) Figure 7. Déplacements relatifs sous l’effet d’un séisme lointain. Evaluation de la réponse sismique d’une structure autostable en béton armé sous l’effet des séismes proches et lointains 9 Le facteur de demande en ductilité de déplacement (voir tableau 4), évalué par la méthode N2, varie entre 1.81 à 1.86 dans le sens x et 1.92 à 2.25 dans l’autre sens, pour la structure à cinq niveaux sous l’effet du séisme d’El centro. Ces valeurs restent inferieures à celle recommandée pour une conception rationnelle des structures autostables en béton armé avec un spectre de dimensionnement à =3. Les déplacements horizontaux maximaux obtenus lors de l’analyse statique nonlinéaire N2 sont très proches de ceux calculés par la méthode temporelle nonlinéaire surtout au niveau des étages du haut, dans les deux principales directions des deux structures sous l’action d’un séisme proche (voir figure 4 et 5). Le déplacement relatif, atteint des valeurs maximales importantes de 1.05 à 1.32% de la hauteur d’étage de la structure à cinq niveaux sous l’effet du séisme d’El centro. La même structure présente une allure de déformation lors d’analyse statique non-linéaire différente à celle obtenue par la méthode temporelle nonlinéaire sous l’effet du séisme de Coalinga (voir figure 6 et 7). Tableau 5. Effort tranchant à la base. structure 5 niv. 7 niv. séisme VX(NTH) (K N) VX(N2unif) (K N) VX(N2mod) (K N) VY(NTH) (K N) VY(N2unif) (K N) VY(N2mod) (K N) proche 1435 923 850 1241 1231 1093 lointain 2600 3008 2350 2981 3179 2753 proche 1451 1178 933 1951 1309 1204 lointain 2632 3328 2415 3668 4179 3358 Aussi sous l’effet d’un séisme proche, les deux méthodes non-linéaires montrent que les deux structures développent des résistances faibles par rapport à ceux développées sous l’action d’un séisme de type lointain (voir tableau 5). 5. Conclusion Une étude a été effectuée afin d’évaluer l’effet de séisme proche (Coalinga) et lointain (El centro) sur la réponse des structures autostables en béton armé. Ainsi, deux méthodes non-linéaires ont été appliquées à ces structures et leurs réponses ont été comparées et analysées. Sous l’action des deux accélérogrammes utilisés les déplacements absolus et relatifs des structures étudiées sont nettement importants, mais ceux d’El centro dépassent ceux de Coalinga. Ceci est du peut être au type d’enregistrement des accélérogrammes utilisés dans lesquels la durée où a eu lieu la réponse maximale est affectée en premier lieu par la distance épicentrale et par les conditions du site. XXe Rencontres Universitaires de Génie Civil. Chambéry, 6 au 8 juin 2012. 10 Bien que la réponse des structures étudiées est relativement faible sous l’action d’un séisme proche, l’analyse temporelle non-linéaire montre l’incompatibilité de la méthode statique non-linéaire N2 vis-à-vis de la contribution des modes supérieurs ce qui fait appel aux autres méthodes telle que l’analyse pushover modale. 6. Bibliographie [EC2 92] EN 1992-1-1, Design of concrete structures - Part 1-1 : General rules and rules for buildings, Brussels, 2004. [EC8 98] EN 1998-1, Design of structures for earthquake resistance - Part 1: General rules, seismic actions and rules for buildings, Brussels, 2003. [FAJ 00] FAJFAR P., EERI M., « A nonlinear analysis method for performance-based seismic design», Earthquake spectra, vol. 16, n° 3, 2000. [LOP 98] LOPES E., Etude de la vulnérabilité des structures sous séismes proches et lointains, mémoire de stage, Université Pierre et Marie Curie, 1998. 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