Le politologue américain Samuel Huntington (1993 ; 1996) a mis en avant – en
s’appuyant sur la description de la « civilisation arabo-islamique » par Braudel
(1987) – l’idée d’un choc des civilisations, thème qui illustre notamment la difficile
cohabitation entre l’Occident et l’islam. Huntington assimilait alors le monde
islamique – au-delà des sous-cultures arabe(s), turque et persane - à un bloc
monolithique hostile par nature aux valeurs occidentales. Notons que cette thèse avait
déjà été mise en avant peu de temps auparavant par Elmandjira (1991) qui a été le
premier à parler de « guerre civilisationnelle » à propos du conflit international en
Irak avec comme intention la dénonciation de l’hégémonie occidentale.
Dépourvue d’Etats puissants, divisée entre ses membres et ses factions, la civilisation
arabo-musulmane peut-elle disposer d’un poids stratégique suffisant au XXIe siècle ?
Faut-il parler d’une haine de l’Occident ? Ces questions n’ont cessé d’être débattues.
Elles se cristallisent le plus souvent sur le conflit israélo-palestinien, sur le rôle de la
rente pétrolière dans les relations interarabes et sur l’impérialisme américain. Par
ailleurs, les attentats du 11 septembre 2001 ont de fait conduit de nombreux
observateurs à faire une lecture islamophobe du thème du choc des civilisations.
L’intégrisme et l’intolérance sont alors présentés comme étant les maladies
contemporaines de l’islam (Medded, 2003).
Selon Huntington, les relations internationales se sont inscrites à la fin du XXe siècle
dans un nouveau contexte. Initialement les guerres se déroulaient entre des seigneurs
ou des princes qui voulaient étendre leur pouvoir, puis elles se sont déroulées entre
des Etats-nations, et ce jusqu’à la Première Guerre mondiale. La révolution russe a
représenté un tournant important car elle s’appuyait sur une doctrine politique. Dès
lors les causes de conflits ont cessé d’être uniquement géopolitiques, liées à la
conquête de territoires, de richesses et de pouvoir pour se centrer sur des visées
idéologiques. Cette situation a trouvé son apogée avec la Guerre froide (affrontement
de deux modèles de société). Depuis, selon Huntington, il ne faut plus penser les
conflits en termes idéologiques ou économiques, mais culturels : « Les États-nations
resteront les acteurs les plus puissants sur la scène internationale, mais les conflits
centraux de la politique globale opposeront des nations et des groupes relevant de
civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique à l'échelle
planétaire. Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de front des
batailles du futur », prophétisait Huntington. Ces analyses en termes de choc des
civilisations entendaient dépasser d’autres paradigmes d’interprétation de l’après
Guerre froide :
- celui de la fin de l’histoire proposé par Francis Fukuyama (constitution d’un
seul monde caractérisé par la démocratie et par l’absence de conflits majeurs à
l’échelle mondiale) ;