Capacités préservées et réadaptation chez les seniors avec difficultés cognitives Dr Eric Salmon, Neurologue responsable de la Clinique de la Mémoire du CHU de Liège Conférence du 01/03/2017, Liège Les symptômes cliniques principaux de la maladie d'Alzheimer sont des troubles cognitifs, des perturbations des activités de vie quotidienne, ainsi que des troubles de l'humeur et du comportement. On a envisagé des approches non médicamenteuses dans ces différents domaines. Les bilans neuropsychologiques sont fréquemment utilisés pour détecter des difficultés cognitives suffisantes pour justifier un diagnostic de détérioration de la mémoire, la concentration ou des capacités d'organisation. Cependant, au début d'une maladie d'Alzheimer, de nombreuses capacités sont préservées. Les principes de réadaptation cognitive reposent sur l'utilisation de ces capacités préservées afin d'adapter les activités quotidiennes aux possibilités actuelles des patients. Des centres multidisciplinaires qui regroupent des médecins, des neuropsychologues, des ergothérapeutes peuvent offrir au patient et à sa famille une évaluation précise des activités réalisées par la personne que ce soit dans des situations sociales ou dans son environnement quotidien. Cette évaluation permet de formuler des recommandations, de donner des conseils, d'adapter l'environnement, de proposer des aide-mémoire ou même d'entreprendre des programmes de réadaptation cognitive afin de continuer à réaliser des activités valorisantes dans la vie de tous les jours du patient. Par exemple, un des premiers signes de la maladie d'Alzheimer peut-être l’oubli de médicaments, surtout lorsqu'un changement est survenu dans la thérapeutique. Dans la mesure où la mémoire récente ne fonctionne plus bien, il est souvent illusoire de répéter au patient qu’il ne doit pas oublier son médicament le lendemain puisque cette information sera rapidement oubliée. Il s'agit en revanche d'essayer de favoriser les automatismes, d'essayer de maintenir des habitudes qui ont été acquises pendant des années, mais aussi d'organiser au mieux la prise sécurisante des médicaments, par exemple à l'aide d’un semainier. Dans le cas d'un semainier par exemple, il faudra souvent qu'un accompagnant assure une supervision intermittente, pour être sûr de la bonne répartition des médicaments. Dans certains cas, il faudra un programme de réadaptation particulier pour associer la prise du médicament à la prise du repas par exemple. On est parfois obligé de recourir à un appel téléphonique pour assurer la prise d'un médicament, et le rôle des accompagnants est alors primordial. On tend encore à évaluer les possibilités d'utilisation de moyens électroniques et informatiques pour rappeler à la personne malade le traitement exact qu'elle doit prendre à un moment de la journée. Les problèmes de mémoire récente (épisodique) sont précoces dans la maladie d'Alzheimer et sont souvent fort agaçants pour les patients et les accompagnants. Il est primordial de se rendre compte que les stratégies appliquées chez des personnes sans trouble de mémoire ne fonctionnent pas, dans la mesure où les ressources en mémoire ne permettent plus de bénéficier de la répétition de l'information et dans la mesure où il n'y a pas suffisamment de ressources en mémoire prospective pour se rappeler qu'il faut inscrire une date de rendez-vous que l'on risque d'oublier. Dans ces conditions, on est obligé d'être plus systématique et d’entreprendre des programmes de réadaptation pour automatiser la prise de notes de la part des patients. L'aide-mémoire qui sera privilégié peut être extrêmement variable, qu'il s'agisse d'un calendrier, d'un tableau mural, ou d'un agenda qui a l'avantage de pouvoir être transporté. Dans un premier temps, on va devoir définir avec le patient et ses proches l'outil le plus adéquat, en fonction des habitudes, en fonction de l'organisation de l'environnement, en fonction des activités à promouvoir. On essaiera systématiquement de favoriser l'autonomie, ce qui signifie qu'il faut que la personne qui oublie prenne l'habitude de noter systématiquement les informations qui sont importants pour elle, mais aussi prenne l'habitude de les consulter au moment adéquat. Le choix d'un calendrier ou d'un agenda permettra de garder également à plus long terme les informations accessibles, pour vérifier par exemple que les actions ont été réalisées. Le choix d'un tableau mural en revanche permettre de se concentrer sur des activités d'une seule journée. En fonction de la gravité des difficultés cognitives, les accompagnants devront intervenir peu ou prou, pour favoriser la prise de notes ou pour s'en occuper eux-mêmes et pour favoriser la consultation de l'aide-mémoire. Il existe ainsi de nombreuses adaptations qui permettent par exemple de maintenir chez une patiente démente les activités de cuisine, de permettre à des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer d'utiliser de façon simple un GSM, de leur permettre de continuer à jouer aux cartes ou à compléter une collection de timbres ou de façon plus simple de leur permettre de faire encore des promenades sans risque de se perdre systématiquement dans leur environnement. De tels programmes de réadaptation sont développés au sein de cliniques de la mémoire bénéficiant d'une convention avec les soins de santé (INAMI).