Appel à participation
« Design et pensée du care »
Colloque pluridisciplinaire organisé par l’École nationale supérieure d'art et de design de
Nancy
18 et 19 mai 2017
Calendrier :
Date du colloque : 18 et 19 mai 2017
Lieu du colloque : Campus ARTEM, École nationale supérieure d’art et de design de Nancy, 1,
place Ch. Cartier Bresson, 54000 Nancy.
Modalités de candidature
Un abstract de 1500 signes + court CV ou bio de 10 lignes est à envoyer
- Date limite de soumission des propositions : 1er mars 2017.
- Date de notification d’acceptation ou de refus des propositions : 10 mars 2017
Résumé :
Venues de l’Amérique du Nord, la pratique et la pensée du care font écho dans le contexte
européen au travail de Félix Guattari à la clinique de la Borde, à ce que Guattari appelait avec
Gilles Deleuze la « micropolitique », à l’œuvre de Michel Foucault et son concept de biopouvoir,
à ses analyses critiques des normes sociales et des mécanismes de pouvoir exercés par des
institutions comme la médecine, la justice. Prolongeant la réflexion de Gilligan, Joan Tronto et
Berenice Fisher ont défini le care comme « une activité générique qui comprend tout ce que
nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous
puissions y vivre aussi bien que possible.
Le souhait de ce colloque est d’interroger le projet de design dans la perspective de la pensée
du care entendue comme réflexion sur l’éthique et comme pratique du soin. Il est de créer un
échange entre différentes institutions et professionnels portant ces exigences.
Tous les champs d’étude pourront être mobilisés pendant ce colloque.
Présentation
« Design et pensée du care » est un projet de recherche mené par l’option design de l’École
nationale supérieure d’art et de design de Nancy. Soutenu par la région Grand Est, il s’inscrit dans
l’orientation générale de l’option intitulée Design des milieux.
Venue de l’Amérique du Nord, la pratique et la pensée du care font écho dans le contexte européen
au travail de Félix Guattari à la clinique de la Borde, à ce que Guattari appelait avec Gilles Deleuze
la « micropolitique », à l’œuvre de Michel Foucault et son concept de biopouvoir, à ses analyses
critiques des normes sociales et des mécanismes de pouvoir exercés par des institutions comme la
médecine, la justice.
Le concept de care est apparu dans le champ de la réflexion morale. C’est à la suite de son enquête
sur les discours moraux des jeunes filles que Carol Gilligan a conçu la notion de care comme un
souci éthique situé, tenant compte du contexte, fondé sur la concertation, le soin et la conservation
de la relation avec autrui. Selon Gilligan, pour résoudre les conflit moraux, les hommes feraient
appel aux règles abstraites de la justice alors que les femmes feraient l’expérience de la résolution
relationnelle des conflits de responsabilité. Ainsi l’éthique du « care » mobilise la responsabilité et
les relations plutôt que les droits et les règles, elle est liée à des circonstances concrètes, elle ne
s’exprime pas par un ensemble de principes mais par sa « mise en œuvre » dans la vie quotidienne
de personnes réelles. Le « Care » donne au soin et à la sollicitude une place centrale dans
l’existence en société.
Prolongeant la réflexion de Gilligan, Joan Tronto et Berenice Fisher ont défini le care comme « une
activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre
« monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos
corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau
complexe, en soutien à la vie. »1 Elles ont identifié quatre phases du care : « « se soucier de » - en
premier lieu, faire attention au besoin de care ; « prendre en charge » - assumer la responsabilité du
care ; « prendre soin » - le travail effectif qu'il est nécessaire de réaliser ; « recevoir le soin » - la
réponse de celui qui en bénéficie. De ces quatre éléments se dégagent les quatre éléments éthiques
du care : l'attention, la responsabilité, la compétence et la capacité de réponse. »2 Le care peut être
compris comme une phénoménologie du rapport de soin, d'attention, de sollicitude, de compétence,
de réciprocité entre soignants et soignés, aidants et aidés.
Avec Joan Tronto le care devient l’instrument d’une analyse politique critique révélant les relations
de pouvoir. Ainsi « les dimensions de genre, de race et de classe affectant le care sont plus subtiles
qu'il ne semble à première vue. Je pense que nous nous rapprochons de la réalité lorsque nous
disons que le « souci des autres » et la « prise en charge » sont les obligations des puissants ; il est
laissé aux moins puissants de prendre soin des autres et de recevoir le soin. »3
Le care impose de réfléchir concrètement aux besoins réels des personnes et à la manière d’y
répondre, il questionne ce que nous valorisons dans la vie quotidienne et in fine l’organisation de la
société pour répondre aux besoins. Le problème de la détermination des besoins auxquels des
réponses devraient être apportées montre que l'éthique du care n'est pas de nature individualiste
mais nécessite un consensus sur les notions de besoin (qui relève de l’intersubjectivité) et de justice
qui doivent être élaborées de manière démocratique.
Le care compris comme un concept moral et politique renouvelle la conception que nous avons de
nous, de nos relations avec les autres, de l’autonomie. Nous sommes tous interdépendants, nous
avons tous été des enfants vulnérables et nous serons tous touchés par la vulnérabilité liée au
vieillissement. « Au lieu de recourir à la fiction qui voit les citoyens égaux, la perspective du care
incite à reconnaître l’accomplissement de l’égalité comme un objectif politique ».4
1 Joan Tronto, un monde vulnérable, pour une politique du care, Editions La
Découverte, Paris, 2009, p. 143.
2 Ibid. , p. 173.
3 Ibid. , p. 158.
4 Ibid. , p. 214.
L’élargissement à l’environnement des pratiques du care proposé par la définition de Tronto et
Fisher a permis de faire le lien entre le care et l’écologie politique reliant soin des humains et soin
de la terre. Le care fait ainsi retour vers les pensées des précurseurs de l’écologie politique comme
André Gorz et contribue à son renouvellement.
Le souhait de ce colloque est d’interroger le projet de design dans la perspective de la pensée du
care entendue comme réflexion sur l’éthique et comme pratique du soin. Ainsi le care nous invite à
nous interroger sur :
1. les besoins réels des humains, et pas uniquement dans les domaines du soin. On constate
qu'aujourd'hui, nombre de professionnels, d'institutions et d'administrations sont animés du
souci de repenser les formes de la prise de décision. Plutôt que de situer le destinataire du
projet, du soin, au terme d'un processus de réflexion nourri de seules représentations, il s'agit
de lui faire une place à l'intérieur du processus et de travailler à partir de ses désirs réels. Ce
souci de l'autre induit non seulement la prise en compte de son point de vue, mais aussi plus
généralement une remise en question de la hiérarchisation des pouvoirs et des décisions.
2. La convergence entre la prise en compte des besoins humains et la préservation de
l’environnement.
3. Les responsabilités engagées dans le projet de design. Comment la question de la
responsabilité se pose t-elle aujourd’hui ? La pensée du care renouvelle t-elle l’interrogation
sur la responsabilité ? Le care permet-il de repenser une nouvelle distribution des
responsabilités entre les acteurs? Dans quelle mesure la notion de compétence associée à
une exigence morale modifie t-elle les modalités de mise en œuvre et les finalités des
pratiques ?
4. La place des usagers. Comment prendre en compte la réflexion actuelle sur le statut des
usagers, sur les nouvelles formes de gouvernance depuis la délégitimation de l'Etat-
providence, comment prendre en compte le point de vue du destinataire du service qui
devient coauteur et cocréateur du projet ?
Qu'ont à échanger ensemble des entendeurs de voix qui ne veulent pas être considérés pour autant
comme schizophrènes, des porteurs de gènes déficients qui ne veulent pas être traités comme des
malades, des malades qui ne veulent pas être réduits à leur seul handicap, et des personnalités
politiques, des médecins, des thérapeutes, des aidants et des aidés, des architectes et des designers
qui veulent exercer leurs compétences autrement que comme donneurs d'ordre, pourvoyeurs
d'objets ou de services ? Peut-être la capacité pour chacun de construire, au sein de ce qu'il est par
son état et son identité, une capacité d'action et d'interaction personnelles susceptibles de nourrir la
réflexion de tous sur de nouvelles formes possibles de citoyenneté et d’organisation sociale et
politique.
Le souhait de ce colloque est de créer un échange entre différentes institutions et professionnels qui
portent ces exigences dans le prolongement des réflexions sur le care.
Tous les champs d’étude pourront être mobilisés.
Comité scientifique :
Jérôme Aich, Apolline Auclerc, Patrick Beaucé, Jehanne Dautrey, Claire Fayolle, Dominique
Laudien, Colin Ponthot, Alexandre Brugnoni, Olivier Mirgaux, Béatrice Selleron, Jean-Baptiste
Sibertin-Blanc, Dominique Benmoufflek.
Le colloque sera enregistré et donnera lieu ultérieurement à une publication.
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