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traditionnel, le cours de langue télécollaboratif permet davantage d'interactions avec des
locuteurs natifs de la langue étudiée » (p. 189). Leur analyse d'un corpus de 300 messages
éléctroniques entre deux apprenants anglo-américains et leur camarade français et allemand
montre qu'au fur et à mesure que les échanges progressent (sur une période de 60 jours), les
deux apprenants maîtrisent de mieux en mieux les multiples significations
sociopragmatiques des pronoms d'adresse. Les pronoms d'adresse sont utilisés en variation
libre dans les premiers messages puis, sous l'influence explicite de leur correspondant,
l'usage du tu se généralise.
Les schémas et les scripts
Les schémas et les scripts ont été décrits comme des processus cognitifs qui nous permettent
de comprendre et de fonctionner dans le monde (Ranney, 1992). Ce sont des représentations
psychologiques de situations réelles, hypothétiques ou imaginaires (Legrenzi, Girotto et
Johnson-Laird, 1993) et elles sont donc essentielles dans des actes de communication
routiniers qui suivent un chemin prévisible. Ces schémas reflètent le savoir pertinent à des
situations de communication typiques comme faire une réservation dans un restaurant, parler
du temps qu'il fait. On pourrait parler de scénarios plus ou moins préfabriqués. Elle contient
des objectifs et des sous-objectifs, et permet aux interlocuteurs de reconnaître le schéma ou
le script et d'éventuellement remplir l'information manquante (Schank & Ableson, 1977 :
156). Les scripts représentent des instances spécifiques et des réalisations de conventions
culturelles telles qu'elles sont décrites dans les schémas, ils sont basés sur la connaissance de
procédures, de relations appropriées entre les rôles sociaux, les attentes et les registres. Ils
nous permettent d'interpréter et d'inférer le discours dans un contexte socioculturel
spécifique (Ranney, 1992 : 26). Les schémas et les scripts reflètent et modèlent donc notre
savoir du monde et nous permettent de fonctionner dans un environnement
communicationnel.
Questions de recherche et hypothèses
Les compétences grammaticale et sociolinguistique incomplètes des apprenants affectera
leur choix de pronoms d'adresse. Nous tenterons, dans la présente étude, de vérifier les trois
hypothèses suivantes :
1) Les taux d'usage du tutoiement dans une situation donnée seront plus élevés chez des
locuteurs natifs de français que chez des apprenants.
2) Les taux d'usage du tutoiement dans une situation donnée seront liés à la fréquence d’emploi
du français dans le passé.
3) La maîtrise incomplète des schémas et des scripts qui régissent les « interviews » en
français, et notamment l'usage des pronoms, provoquera davantage de flottement dans l'usage
pronominal chez les locuteurs non-natifs.
Méthodologie
Trente femmes et 23 hommes, âgés de 21 à 65 ans (moyenne = 36 ans), ont participé à
l’expérience. Ils étaient étudiants du département de français de Birkbeck College,
University of London. Huit participants étaient locuteurs natifs de français, et habitaient
depuis un minimum de deux et un maximum de dix ans à Londres. Ils avaient tous continué
à utiliser le français régulièrement (voir infra) et avaient décidé d'obtenir un diplôme
universitaire (BA French) qui leur permettrait d'enseigner en Grande Bretagne. Vingt-deux
locuteurs avaient l’anglais comme L1, 23 locuteurs avaient d’autres langues maternelles
(espagnol, italien, néerlandais, allemand, lingala, friulan, gouro, farsi, créole mauritien, et
Jean-Marc Dewaele