Vouvoiement et tutoiement en français natif et non-natif : une approche sociolinguistique et interactionnelle Jean-Marc Dewaele Birkbeck, University of London Monsieur, dis-je en soupirant à Dieu qui m’écoutait, vous me rendez nerveuse [...] «Je voudrais...disje. – C’est impossible. Les morts n’écrivent pas de romans. – Vous avez donc lu ma pensée ? – Oublies-tu encore qui je suis ?» [...] « A la fin, dis-je, que me veux-tu ? » Il ne me parut aucunement dérangé par mon propre tutoiement. Au fond, international comme il devait logiquement l’être, peut-être que pour lui le tutoiement n’était qu’un singulier et, si cela se trouve, j’avais eu tort de me formaliser. (p. 35) Jacqueline Harpman, Dieu et moi (2001). Introduction L'apprentissage des règles sociolinguistiques est une entreprise ardue, comme le savent tous les parents de jeunes enfants. Les jeunes francophones apprennent très tôt que le choix du pronom d'adresse n'est certainement pas aléatoire, mais qu'il reflète la norme sociale. Le choix dépend d'une combinaison de plusieurs variables sociales, quelquefois opaques, comme l’âge, les différences de sexe, la formalité de l'interaction et la distance sociale ou le degré de familiarité entre les interlocuteurs. L'on peut violer les règles sociolinguistiques, consciemment ou inconsciemment, comme le démontre la narratrice dans l'extrait du livre de Jacqueline Harpman. C'est à l'interlocuteur de déterminer si la violation était intentionnelle ou non et donc éventuellement porteuse de sens. Les systèmes d'adresse varient synchroniquement et diachroniquement. Un individu peut varier son choix de pronom suivant l'interlocuteur ou même à l'intérieur d'une interaction avec le même interlocuteur, comme le démontre la narratrice de Harpman. Le choix de pronoms peut également évoluer en fonction de la position sociale changeante des locuteurs et interlocuteurs. La complexité du système d'adresse en français découle des sens multiples liés aux pronoms d'adresse qui varient en fonction du contexte (Ford, 1995, Morford, 1997; Vincent, 2001; Mülhäusler & Harré, 1990). Le vous peut exprimer la distance et le respect mais aussi la supériorité, tandis que le tu peut exprimer la familiarité et la solidarité mais aussi l'infériorité. Ainsi la narratrice de Harpman commence à vouvoyer Dieu pour exprimer la distance polie. Elle est athée et ne s'est encore jamais adressée à lui. Elle le considère donc comme un étranger qu'elle ne désire pas offusquer mais avec qui elle refuse d'établir un lien plus étroit. Dieu la tutoie parce qu'il tutoie tous les mortels qui sont par définition inférieurs à Lui. Il ne semble toutefois nullement perturbé lorsqu'une mortelle le tutoie en retour, un tu qui trahit l'énervement de la narratrice et qui constitue une violation de son propre code de conduite sociolinguistique (c'est d'ailleurs la seule occurrence de tu dans le discours de la narratrice dans le roman). Dans ce cas on peut donc dire que le choix entre le tu et le vous est déterminé par la relation interpersonnelle changeante entre Dieu et la narratrice (Lambert & Tucker, 1976). Selon d'autres auteurs le système des pronoms d'adresse reflèterait la fondamentale inégalité sociale entre les gens, qu'elle soit réelle ou perçue (Ford, 1995). Dans leur étude sur la distinction entre tu et vous dans les langues européennes Brown et Gilman (1960) avancent l’hypothèse du passage d’une sémantique de pouvoir, caractérisée © La Chouette, 2002 2 par un usage pronominal asymétrique (le supérieur tutoie un subordonné, qui lui répond par un vouvoiement) à une sémantique de solidarité, caractérisée par un usage pronominal symétrique (les membres d’un même groupe social peuvent se tutoyer, alors que d’autres se vouvoient). Un tel changement serait lié à l’émergence d’une idéologie égalitaire et à la mobilité sociale, plutôt qu’aux besoins de respect des statuts sociaux. Le choix du pronom peut être lié à l'idéologie et aux opinions politiques des locuteurs, ainsi en France les policiers qui demanderaient les papiers d'allochtones en utilisant le tu alors qu'ils vouvoieraient des autochtones dans la même situation seraient perçus comme racistes. Il n'est pas étonnant que pour l'apprenant adulte de français le système des pronoms d'adresse constitue une difficulté majeure (Lyster, 1996). Peut-on en effet condenser ce que l'enfant natif apprend pendant plusieurs années de socialisation en contexte authentique en quelques règles toutes faites pouvant être transmises dans la salle de classe ? Nous proposons de répondre à cette question en considérant l'usage du tutoiement/vouvoiement dans un corpus de conversations en français entre 52 locuteurs natifs en non-natifs qui étaient tous étudiants dans le département de français de Birkbeck College. Notre approche combine la démarche sociolinguistique variationniste traditionnelle et l'approche interactionnelle (Hall, 1995; Ranney, 1992). La compétence sociolinguistique La compétence sociolinguistique est définie par Lyster (1994: 263) comme la capacité de reconnaître et de produire un discours socialement approprié en contexte. Ceci implique la capacité de savoir adapter son registre aux circonstances, la situation, les interlocuteurs etc. Cette compétence sociolinguistique représenterait selon Harley, Cummins, Swain & Allen (1990) une des trois composantes de la compétence communicative (les deux autres étant les compétences grammaticale et discursive). La maîtrise de la norme sociolinguistique inclut le choix de variantes sociolinguistiques appropriées (Labov, 1972). Cette variation est partiellement prévisible et peut donc être représentée par une règle qui prévoit que telle configuration sous-jacente a telle probabilité d’utilisation dans le contexte « a », telle autre probabilité dans le contexte « b » etc. Les fréquences observées dans la performance individuelle sont utilisées pour déterminer la probabilité qu’une variable indépendante, de nature linguistique ou sociale, affecte l’application ou la non-application d’une règle particulière. Labov a découvert que la variation dans les variantes phonologiques était, entre autres, déterminée par le sexe et la classe sociale du locuteur. Les résultats de ce type d’études fournissent donc des règles de probabilité plutôt que des règles catégoriques (Labov, 1972 : 71). Dans leur état des recherches sur l'appropriation de la compétence sociolinguistique par des apprenants avancés du français langue étrangère ou langue seconde (FL2), Mougeon et al. (2002) tentent de répondre à la question: « Dans quelle mesure les apprenants FL2 avancés maîtrisent-ils la variation sociolinguistique ? » Les auteurs constatent qu'ils la maîtrisent dans une mesure plutôt modeste: On a vu que le répertoire sociolinguistique de ces apprenants est plus étroit que celui des locuteurs FL1 dans la mesure où il n’inclut (presque) pas de variantes non standard marquées1. 1 « Il s’agit d’usages non standard plus ou moins stigmatisés et qui sont employés nettement plus souvent par les locuteurs des couches sociales basses que par les locuteurs des couches sociales élevées. Dans la situation semi-formelle d’une entrevue sociolinguistique labovienne ces variantes ont une fréquence discursive plutôt faible et leur usage tend à être est associé à des sujets qui suscitent l’emploi du vernaculaire (comme l’histoire d’un épisode de la vie de l’interviewé(e)) » (Mougeon et al., 2002). Jean-Marc Dewaele 3 On a vu aussi que ces apprenants font un usage nettement moins fréquent des variantes non standard courantes2 que les locuteurs FL1, usage qui contraste avec l’emploi très fréquent (ou presque catégorique) de nombre de ces variantes par les locuteurs FL1. On a attesté aussi la tendance corollaire, à savoir une sur-utilisation des variantes standard marquées3 par ces apprenants. Toutefois, on a attesté quelques exceptions à cette tendance (sous-utilisation de certaines variantes standard marquées). On a vu aussi que certaines alternances incluaient des variantes que les apprenants FL2 avancés n’arrivent pas à maîtriser et qu’ils substituent à ces variantes difficiles des formes non natives ou qui correspondent à des variantes non standard marquées. On a vu aussi que ces apprenants n’ont pas une très bonne maîtrise des contraintes stylistiques de la variation sociolinguistique. Cependant, ce résultat doit être considéré avec prudence, car il découle de l’emploi de méthodologies disparates. Finalement, le seul aspect de la variation que les apprenants maîtrisaient dans l’ensemble assez bien est l’effet des contraintes linguistiques (Mougeon et al., 2002). Les auteurs concluent que l'actuel enseignement du français aux apprenants FL2 avancés, « ne peut à lui seul assurer l’appropriation de la variation sociolinguistique de cette langue ». Ils suggèrent donc de compléter cet enseignement par des interactions fréquentes avec les locuteurs FL1 dans une communauté francophone. Ils sont d'accord avec d'autres chercheurs (cf. Swain & Lapkin, 1990; Lyster, 1994; Dewaele, 2002a, Dewaele & Regan, 2001, 2002) que seule l'interaction authentique permet l’appropriation de la variation (tout au moins pour ce qui est des variantes non standard courantes). Belz et Kinginger (2002) ont montré que la communication dans la salle de classe via l'internet avec des pairs qui sont des locuteurs de la langue cible peut engendrer un apprentissage accéléré des normes sociolinguistiques. Vouvoiement et tutoiement en français natif Gardner-Chloros (1991) a interviewé 78 Strasbourgeois francophones sur leur usage de vous et tu dans des situations différentes avec des interlocuteurs différents. Il est ressorti de l'enquête qu'un grand nombre de facteurs déterminent le choix du pronom d'adresse. Le choix de vous/tu est lié à l'age du locuteur et de son interlocuteur, à la relation qui existe entre eux, à la situation dans laquelle l'échange se déroule, à l'aspect physique des interlocuteurs (comme indice de leur classe sociale) ainsi qu'à la composition de la dyade en fonction de l'âge et du sexe. Gardner-Chloros conclut qu’il impossible de formuler des règles précises concernant le choix du pronom d'adresse en français natif à cause de la complexité de l'interaction entre les diverses variables indépendantes. L'étude de Vincent (2001) sur le vouvoiement et tutoiement de 3 000 francophones natifs du Québec confirme en grandes lignes les observations de Gardner-Chloros : malgré le fait que le vous semble avoir perdu du terrain au Québec dans les 50 dernières années, toutes les variables indépendantes mentionnées plus haut interviennent dans le choix du pronom d'adresse. 2 « Il s’agit d’usages qui bien qu’ils soient non standard, mais ne sont que faiblement corrélés à l’appartenance sociale des locuteurs. De plus, ils sont d’une fréquence discursive élevée et ce même dans la situation semi-formelle de l’entrevue labovienne. Le non emploi de la particule négative ne (...) constitue une bonne illustration de ce type de variante » (Mougeon et al., 2002). 3 « Ce sont des usages standard qui sont employés nettement plus souvent par les locuteurs des couches sociales élevées que par les locuteurs des couches sociales basses (voire exclusivement par le premier groupe de locuteurs). Dans la situation semi-formelle de l’entrevue sociolinguistique leur emploi est marginal » (Mougeon et al., 2002). Jean-Marc Dewaele 4 Vouvoiement et tutoiement en français langue étrangère Dans Dewaele & Regan (2002) nous avons souligné la difficulté d'interprétation des données quantitatives sur les variantes sociolinguistiques : Le fait que le discours d’un apprenant ne se conforme pas à la norme sociolinguistique native ne signifie pas nécessairement qu’il l’ignore totalement. Il semble que les apprenants peuvent fort bien avoir conscience des variations sociolinguistiques mais que cette dimension n’apparaît clairement qu’au fur et à mesure de l’acquisition. Il semble que deux tendances contradictoires régissent les phénomènes de variation dans l'interlangue d'apprenants. D'une part, il y a davantage de variation au niveau du groupe à cause de choix catégoriques opposés résultant d'une maîtrise incomplète des règles de grammaire (Rehner & Mougeon, 1999); d'autre part, il y a moins de variation à cause d'options plus limitées ou d'une préférence pour les structures formelles. Étant donné la multitude de variables indépendantes qui déterminent le choix du pronom d'adresse, il n'est pas surprenant que les apprenants de français éprouvent des difficultés à maîtriser les normes d'usage des pronoms d'adresse. Leur choix de pronom peut en outre être déterminé par des lacunes au niveau lexical ou grammatical. Lyster & Rebuffot (2002) observent à ce propos : Quand des apprenants de français langue seconde emploient presqu’exclusivement le tu parce ce qu’ils ignorent les fonctions grammaticales et sociolinguistiques du vous ou bien n’y ont jamais été exposés dans leur apprentissage, leur choix ne se fait pas en connaissance de cause, à l’inverse de celui des locuteurs natifs de français. Dans ce cas, la production de ces apprenants de langue seconde révèle tout simplement leur manque de moyens « pragmalinguistiques »; cette production serait tout autre si elle se conformait davantage à leurs propres connaissances « sociopragmatiques ». Lyster avait déjà considéré le tutoiement dans son étude de 1994. Il y analyse l’effet de la stratégie fonctionnelle-analytique sur des aspects de la compétence sociolinguistique de 106 écoliers anglophones de Toronto inscrits dans un programme d’immersion française. Déplorant l’approche décontextualisée de la grammaire dans l’enseignement de type analytique, il plaide en faveur de l’intégration de celle-ci dans un contexte communicatif, c’est-à-dire une stratégie fonctionnelle-analytique (1994: 263). Les résultats de son expérience suggèrent que les élèves qui avaient eu pendant sept semaines des cours de français de nature fonctionnelle-analytique avaient significativement développé leur compétence sociolinguistique comparés à ceux dans un groupe de contrôle. Le groupe de contrôle avait continué à suivre son programme dit « régulier », c’est-à-dire une approche plutôt expérientielle, laquelle ne visait aucun trait sociolinguistique de manière intentionnelle. L’usage du vous par les apprenants dans le groupe expérimental était devenu plus approprié et correct dans des situations formelles à l’oral comme à l’écrit. Leur conscience des différences socio-stylistiques dans la L2 s’était également développée de façon significative (1994: 279). Malgré ces progrès, les élèves du groupe expérimental n’atteignaient guère le niveau des locuteurs natifs. Lyster se demande si ce phénomène de « plafonnement » n’est pas intrinsèque à l’instruction formelle étant donné la nature sociale de la variation sociolinguistique (1994: 281). Le contexte scolaire limite l’usage authentique de la fonction sociale de vous et même l’instruction explicite ne suffit pas à faire adopter un usage natif. Lyster conclut que seul un usage authentique de la L2 permettrait à l’apprenant d’adopter la norme sociolinguistique française (1994: 281). Belz & Kinginger (2002) ont adopté une perspective socioculturelle sur les influences de l'environnement télécollaboratif pour considérer la 'microgenèse' de la distinction tu/vous pour l'emploi des pronoms d'adresse. Les auteurs arguent que « par contraste avec le cours Jean-Marc Dewaele 5 traditionnel, le cours de langue télécollaboratif permet davantage d'interactions avec des locuteurs natifs de la langue étudiée » (p. 189). Leur analyse d'un corpus de 300 messages éléctroniques entre deux apprenants anglo-américains et leur camarade français et allemand montre qu'au fur et à mesure que les échanges progressent (sur une période de 60 jours), les deux apprenants maîtrisent de mieux en mieux les multiples significations sociopragmatiques des pronoms d'adresse. Les pronoms d'adresse sont utilisés en variation libre dans les premiers messages puis, sous l'influence explicite de leur correspondant, l'usage du tu se généralise. Les schémas et les scripts Les schémas et les scripts ont été décrits comme des processus cognitifs qui nous permettent de comprendre et de fonctionner dans le monde (Ranney, 1992). Ce sont des représentations psychologiques de situations réelles, hypothétiques ou imaginaires (Legrenzi, Girotto et Johnson-Laird, 1993) et elles sont donc essentielles dans des actes de communication routiniers qui suivent un chemin prévisible. Ces schémas reflètent le savoir pertinent à des situations de communication typiques comme faire une réservation dans un restaurant, parler du temps qu'il fait. On pourrait parler de scénarios plus ou moins préfabriqués. Elle contient des objectifs et des sous-objectifs, et permet aux interlocuteurs de reconnaître le schéma ou le script et d'éventuellement remplir l'information manquante (Schank & Ableson, 1977 : 156). Les scripts représentent des instances spécifiques et des réalisations de conventions culturelles telles qu'elles sont décrites dans les schémas, ils sont basés sur la connaissance de procédures, de relations appropriées entre les rôles sociaux, les attentes et les registres. Ils nous permettent d'interpréter et d'inférer le discours dans un contexte socioculturel spécifique (Ranney, 1992 : 26). Les schémas et les scripts reflètent et modèlent donc notre savoir du monde et nous permettent de fonctionner dans un environnement communicationnel. Questions de recherche et hypothèses Les compétences grammaticale et sociolinguistique incomplètes des apprenants affectera leur choix de pronoms d'adresse. Nous tenterons, dans la présente étude, de vérifier les trois hypothèses suivantes : 1) Les taux d'usage du tutoiement dans une situation donnée seront plus élevés chez des locuteurs natifs de français que chez des apprenants. 2) Les taux d'usage du tutoiement dans une situation donnée seront liés à la fréquence d’emploi du français dans le passé. 3) La maîtrise incomplète des schémas et des scripts qui régissent les « interviews » en français, et notamment l'usage des pronoms, provoquera davantage de flottement dans l'usage pronominal chez les locuteurs non-natifs. Méthodologie Trente femmes et 23 hommes, âgés de 21 à 65 ans (moyenne = 36 ans), ont participé à l’expérience. Ils étaient étudiants du département de français de Birkbeck College, University of London. Huit participants étaient locuteurs natifs de français, et habitaient depuis un minimum de deux et un maximum de dix ans à Londres. Ils avaient tous continué à utiliser le français régulièrement (voir infra) et avaient décidé d'obtenir un diplôme universitaire (BA French) qui leur permettrait d'enseigner en Grande Bretagne. Vingt-deux locuteurs avaient l’anglais comme L1, 23 locuteurs avaient d’autres langues maternelles (espagnol, italien, néerlandais, allemand, lingala, friulan, gouro, farsi, créole mauritien, et Jean-Marc Dewaele 6 arabe). Tous déclarèrent que l’anglais était la langue qu’ils utilisaient le plus souvent. Leur maîtrise du français pourrait être qualifiée de bonne à excellente. Tous avaient réussi un test d'entrée où ils devaient prouver qu'ils avaient au moins le niveau « A level » en français (équivalent d'une langue seconde au bac). À une question sur la fréquence d’emploi du français dans leur vie passée les étudiants, 24 ont répondu « rarement », 10 « parfois » et 19 « souvent ». La question portait sur toute leur vie, incluant les séjours dans des régions francophones et les contacts soutenus avec des locuteurs natifs de français. Parmi les 19 ayant répondu « souvent », on retrouve logiquement les 8 locuteurs natifs. Comme ceux-ci ne représentent qu'une minorité dans cette catégorie, nous arguons que la dimension sur la fréquence d’emploi du français ne duplique pas celle sur le statut non/natif du français des participants. Comme la différence d'âge entre interlocuteurs est un facteur qui détermine le choix du pronom d'adresse (Dewaele, 2002c), nous avons vérifié si cette dimension est indépendante de la dimension de la fréquence d’emploi du français. Il s'avère que parmi ceux qui avaient rarement parlé français 15 appartenaient au même groupe d'âge (défini comme un écart type autour de la moyenne) et 9 à des groupes d'âge différents; parmi ceux qui avaient parfois parlé français 7 appartenaient au même groupe d'âge et 3 à des groupes d'âge différents; parmi ceux qui avaient souvent parlé français 16 appartenaient au même groupe d'âge et 3 à des groupes d'âge différents. Une analyse de variance (ANOVA) révèle qu'il n'y a pas d'interaction entre ces deux variables (F(2, 47) = 2.1, p =.13). La composition de la dyade en termes de sexe peut également déterminer le choix des pronoms. La même procédure révèle que parmi ceux qui avaient rarement parlé français 16 appartenaient au même sexe que leur interlocuteur et 8 à un sexe différent; parmi ceux qui avaient parfois parlé français 7 appartenaient au même sexe que leur interlocuteur et 3 à un sexe différent; parmi ceux qui avaient souvent parlé français 11 appartenaient au même sexe et 8 à un sexe différent. L'ANOVA révèle qu'il n'y a pas d'interaction entre ces deux variables (F(2, 47) =.15, p =.85). La dernière variable indépendante à s'être révélée significative dans Dewaele (2002c) est le degré de sympathie entre les interlocuteurs. Afin de nous assurer que cette dimension est également indépendante de celle de la fréquence d’emploi du français, nous avons répété la comparaison: parmi ceux qui avaient rarement parlé français 18 appréciaient fortement leur interlocuteur tandis que 6 l'appréciaient moins; parmi ceux qui avaient parfois parlé français 8 appréciaient fortement leur interlocuteur tandis que 2 l'appréciaient moins; parmi ceux qui avaient souvent parlé français 14 appréciaient fortement leur interlocuteur tandis que 5 l'appréciaient moins. L'ANOVA révèle qu'il n'y a pas d'interaction entre ces deux variables (F(2, 47) = 2.2, p =.11). Lightbown & d’Anglejean (1985: 423) remarquent qu’il est difficile d’obtenir un corpus substantiel de questions spontanées (et donc de pronoms d'adresse) d’apprenants de français. Afin d’éviter cette difficulté nous avons demandé à nos participants d’interviewer un partenaire du groupe et ensuite de se faire interviewer par lui/elle. Les paires de locuteurs produiraient ainsi un nombre suffisant de questions et de pronoms d'adresse. Nous leur avions remis une liste de sujets à traiter, expliquant que chacun était libre de choisir le nombre de sujets, que l’interview devait durer une quinzaine de minutes avant que l’interviewer devînt interviewé. Les sujets à traiter incluaient les études, le travail, les vacances, les projets d’avenir... Des sujets personnels avaient été choisis afin de créer une atmosphère informelle qui permettrait la production d’un discours authentique. Les interviews furent enregistrées sur cassette audio et transcrites par les locuteurs. Les transcriptions furent ensuite vérifiées par le chercheur. Le matériel ainsi recueilli (85 000 mots) est de nature quasi-spontanée. Les 771 occurrences de tu et vous en position sujet ont ensuite été repérées à la main par le chercheur. Jean-Marc Dewaele 7 Analyse Analyse sociolinguistique4 Une première ANOVA montre que parmi les participants de Birkbeck les natifs se distinguent significativement des non-natifs au niveau de l'usage de tu (F (1, 51) = 6,7 ; p < 0,012, eta carré = 0,116) (voir figure 1). Les natifs utilisent le tu plus souvent et leurs taux sont moins dispersés autour de la moyenne (écart-type = 15,7%). La variation dans le groupe des non-natifs est beaucoup plus importante (écart-type = 42,0%). 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Non-natifs Natifs Figure 1: L’effet non-natif versus natif en français Une deuxième ANOVA révèle que la fréquence et l'intensité d'usage du français comme instrument de communication authentique déterminent la proportion de tutoiement dans les interactions entre les étudiants de Birkbeck (F (2, 50) = 31,1; p < 0,0001, eta carré = 0,554) (voir figure 2). La valeur de eta est cinq fois plus élevée, ce qui suggère que l'effet de l'usage est beaucoup plus puissant que l'effet du statut natif/non-natif du français. Un test de variance post-hoc PLSD de Fisher confirme que les différences entre les trois groupes sont hautement significatives. Ceux qui n'ont utilisé le français que rarement produisent significativement moins de tu que ceux qui l'ont utilisé parfois (p < 0,0001) ou souvent (p < 0,0001). La différence entre ceux qui l'ont utilisé parfois ou souvent est moins prononcée (p < 0,028). La figure 2 présente la moyenne pour les trois groupes. Les écarts-type pour les trois groupes sont inversement proportionnels à la fréquence de contact en français (rarement = 36%, parfois = 29% et souvent = 10%). 4 L'analyse a été largement reprise à Dewaele (2002c) où le vouvoiement/tutoiement est considéré sous l'angle de la théorie de la complexité et du chaos. Jean-Marc Dewaele 8 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Rarement Parfois Souvent Figure 2 : L’effet de la fréquence et l'intensité d'usage du français comme instrument de communication authentique sur la proportion de tutoiement. Analyse interactionnelle Voyons à présent comment différentes paires d'interlocuteurs négocient explicitement ou implicitement le choix de pronom. Dans le premier cas AM, une locutrice non-native, assume le rôle d'intervieweuse. Son interlocutrice est AG, une Française habitant Londres depuis une dizaine d'années. Elles ne se connaissent pas bien. C'est donc une dyade de nature exolingue, c'est-à-dire asymétrique avec une locutrice native et une non-native (Lüdi, 1993, 2003, Py, 1986, 1996). AM : All right d’accord je suis en compagnie de AG aujourd’hui. AM : Maintenant nous parlons de votre famille. AG : Oui, tutoie-moi, non. AM : Pardon ? AG : Il faut me tutoyer, euh tu. AM : Tu oui, d’accord si vous voulez. AG : Non non tu, si tu veux oui. AM : Aujourd’hui on parle de toi et moi. AM : D’accord tu me dites euh de quelle chose de ton famille ? [...] AM : Oui vous êtes trop gentille excusez-moi. AG : Tutoie-moi ! AM : Haha? AG : Tutoie-moi ! AM : Tutoie-moi qu’est-ce que c’est ? AG : Oui you know don’t be ne sois pas trop formelle avec moi. AM : Ah d’accord. AG : Il faut me tutoyer. AM : Ah tu ah d’accord parce que j’ai l’habit de tu de vous. AG : L’habitude. On constate ici le malentendu entre les interlocutrices qui persiste pendant quelques minutes. AG insiste dans sa première intervention qu'elle désire être tutoyée par sa camarade de classe. AM se déclare d'accord mais semble éprouver des difficultés à le faire: Tu oui, d’accord si vous voulez. Plus tard dans l'entretien le problème refait surface après l'usage de vous par AM qui provoque un impératif assez sec d'AG: Tutoie-moi ! C'est alors qu'il Jean-Marc Dewaele 9 apparaît qu'AM ne maîtrise pas, ou mal, le système d'adresse en français et ne semblait pas réaliser les sens différents liés à ces pronoms. AG assume donc le rôle d’expert (Vasseur, 1995). Après avoir fait le diagnostic des problèmes sociolinguistiques de son interlocutrice, elle décide de l’aide appropriée et propose l’explication, passant même momentanément à l’anglais you know don’t be, ce qui pourrait être interprété comme un signal d’accommodation. Il n’est pas clair si sa dernière réplique, habitude, qui corrige le mot incorrect utilisé par AM l’habit, reflète sa sollicitude ou trahit son énervement. L’extrait suivant est tiré de l'entrevue exolingue entre N, un Anglais de 32 ans, et A, une Française de 29 ans habitant Londres depuis quelques années. Les deux se connaissent et sont amis. N : Alors bonsoir, A ! A : (NS) Bonsoir N ! N : Je sais bien que je te connais assez bien aussi euh déjà pardon mais je veux, commencer notre petit euh interview par vous demander, te demander qu'est-ce que euh, tu ? (A fait le signe « oui » de la tête) N : Tu es en Angleterre depuis combien de temps maintenant ? La négociation du pronom se fait donc de façon implicite. N pose la question indirectement en variant tu, vous et tu tout en observant la réaction d'A, qui fait signe d'accepter le tu dans cette situation. Le tutoiement est utilisé systématiquement par la suite. Aucune négociation n'est visible dans les interactions exolingues où le locuteur natif pose les questions. Il impose un pronom que l'interlocuteur non-natif reprendra par la suite. Dans l'extrait suivant G, un Français de 35 ans, interviewe J, un Espagnol du même âge. G : alors J, j'aimerais savoir un p'tit peu à propos de ta famille, si tu as des frères, des sœurs, comment ça se passe? J : euh euh, mes parents sont divorcés, et, mon père il est marié avec une fille Dominicaine, très jeune, et ils ont un fils, j'ai un petit euh frère qui a un an et demi euh et donc mon frère euh, l'autre, mon frère de père et mère aussi, n'aime pas l'idée d'avoir un frère d' autre femme et et donc il n'a jamais vu et, il ne parle plus à mon père. G : donc, t'as un frère. J : oui, et un autre aussi. Dans les échanges endolingues (entre locuteurs non-natifs) il ne semble pas y avoir de négociation sur la forme du pronom à utiliser. Dans l’extrait suivant, une jeune femme de 28 ans, H (arabe L1) interviewe Y, un homme de 57 ans, (créole L1) et elle choisit sans hésitation le vous qu'elle utilisera systématiquement jusqu'à la fin de la conversation. H : bonjour Y vous avez de la famille ? Y : si, oui. H : combien d’enfants avez-vous ? Y : j’ai trois enfants. H : vous vous habitez où ? Y : moi j’habite à Wood Green dans le nord de Londres. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait pas de variation occasionnelle dans les échanges endolingues entre locuteurs non-natifs comme en témoigne l'extrait suivant entre un homme de 65 ans, P (créole L1) et une femme de 37 ans, K (anglais L1), tous deux locuteurs nonnatifs. P commence par tutoyer, tout en adoucissant sa requête d'information avec l'expression: si tu me permets. P : je vais te demander si tu me permets quelques questions. K : mmm mmm. P : premièrement euh, tu es mariée ou euh tu n’es pas mariée ? Jean-Marc Dewaele 10 P : tu as des enfants ? K : non non je ne suis pas mariée. [...] P : euh, je peux te poser d’autres questions maintenant ? K : oui s’il vous plaît. P : euh, oui où tu t’habites, habitez-vous où tu t’habites ? K : euh j’habite à Stamford Hill. K, qui n'a pas utilisé de pronoms personnels jusqu'à ce point de l'entretien, signale tout à coup à P qu'elle opte pour le vouvoiement, et donc pour un usage pronominal asymétrique. Cela déconcerte P, qui hésite visiblement à maintenir le tutoiement et donc l'usage pronominal asymétrique. Il utilise un vous, puis continue à utiliser le tu, tandis que K maintient son vouvoiement. Lorsqu'ils changent de rôle et que K devient l'intervieweuse elle maintient initialement le vous, puis passe au tutoiement, après avoir affirmé sa nouvelle autorité (je demande les questions !) en réponse à une question de P: K : et, excusez-moi, euh, je suis K. P : comment tu t’appelles ? K : je demande les questions ! P : oui. K : euh P, euh, d’où viens-tu toi? P: je viens de l’île Maurice. L'usage des pronoms semble plus systématique dans les échanges endolingues entre natifs. Ainsi par exemple, une Française de 25 ans, K et T, un Français de 29 ans, choisissent le tu dès le début de l'entretien et le maintiennent jusqu'à la fin. T : de quoi se compose ta famille? K :euh, donc euh j'ai une sœur qui a trente ans et qui est mariée, et puis euh mes, parents qui euh hum, qui sont commerçants et qui habitent en Bretagne. T : tu habites où à Londres? K : euh j' n'habite pas à Londres. K : j'habite euh à, Hatton xxx qui se trouve euh à Brentwood en Essex. Discussion La présente analyse s'est limitée à l'effet du statut du locuteur (natif versus non-natif) et celui de son histoire linguistique. Il ressort des échanges que d'autres facteurs interviennent dans le choix du pronom d'adresse comme la composition de la dyade en terme d'âge et de sexe (cf. Dewaele, 2002c). Dans le cas de l'apprentissage du tutoiement/vouvoiement en français langue étrangère, on pourrait supposer que les apprenants en milieu guidé disposent de schémas et de scripts incomplets. Parmi ces lacunes, l'on peut supposer l'information liée au choix du pronom d'adresse. La maîtrise incomplète de la conjugaison française peut avoir un effet contraignant sur l'usage de la deuxième personne singulier et la deuxième personne plurielle. Même si la forme du verbe est présente, elle peut être (temporairement) inaccessible, comme dans le cas d'AM: D’accord tu me dites. Des problèmes morphologiques peuvent empêcher la production exacte de certaines formes irrégulières (vous dites, vous faites). Nous avons constaté dans des études antérieures que seul l’usage régulier de formes morphologiques complexes dans des situations d’interactions authentiques semble permettre aux apprenants d’automatiser ce savoir, résultant en une production plus exacte (Dewaele & Véronique, 2001; Towell & Dewaele, 2003). La présence et l'accessibilité de l'information grammaticale ne garantissent cependant nullement l'usage approprié du vouvoiement ou tutoiement en contexte de communication authentique. Pour cela il faut que l'apprenant dispose également de l'information sur les différences sémantiques entre les deux pronoms et la compréhension Jean-Marc Dewaele 11 de leur caractère variable suivant le contexte. Cette compréhension en soi est également insuffisante puisqu’elle ne signifie pas pour autant que l'apprenant a développé une représentation conceptuelle du fonctionnement du système des pronoms d'adresse dans la langue cible (voir aussi Dewaele & Pavlenko, 2002 sur les scripts régissant l’usage de mots émotionnels en L2). L’apprenant peut utiliser ce que Carroll (1989) appelle des « rules of thumb » (c’est-à-dire, des estimations assez grossières). Tant que la représentation conceptuelle dans le schéma ou le script est absente ou incomplète, on peut s'attendre à un certain degré de variation « libre » dans le choix de pronom. Cette variation est limitée parmi les locuteurs natifs en conversation endolingue avec d'autres natifs. Ils optent le plus souvent pour le tutoiement qu'ils maintiennent systématiquement. On observe davantage de « flottement » dans les conversations exolingues et dans les conversations endolingues entre non-natifs. L'usage authentique de la langue cible entraîne un développement concomitant des schémas et scripts. Ceux qui ont utilisé le français plus fréquemment semblent avoir acquis la compétence sociolinguistique nécessaire, et sans doute aussi la confiance, qui leur permet d'utiliser le tu dans les interactions sans craindre de commettre un faux-pas social. « Qui est là en face de moi ? » est donc la question cruciale que nous nous posons chaque fois que nous ouvrons la bouche ou prenons la plume (ou plutôt le clavier ces jours-ci). Vu la complexité de la computation instantanée de diverses variables socio-situationnelles, psychologiques, culturelles, combinée aux subtiles intentions communicationnelles du locuteur, l’on ne s’étonnera guère que les locuteurs natifs commettent des faux-pas occasionnels. Le choix de pronom d’adresse constitue un véritable défi sociolinguistique pour les locuteurs non-natifs, surtout dans des échanges exolingues. Nos données suggèrent que ceux-ci adaptent l’adage « dans le doute, abstiens-toi », pour en faire une règle sociolinguistique simple: « dans le doute, vouvoie ». Jean-Marc Dewaele Birkbeck, University of London [email protected] Bibliographie BROWN, R., & A. GILMAN 1960. The pronouns of power and solidarity. In T. Sebeok (Eds.), Style in language, 253-76. MIT Press, Boston. BELZ, J.A. & KINGINGER, C. 2002. Cross-linguistic development of address form use in telecollaborative language learning: two case studies. Revue Canadienne desLangues Vivantes n° 59, 2, 189-214. 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