1
Journal d'une recherche :
De l'Être au Devenir ...
TOME 8
Marc Halévy
2
Le 01/10/2010
A propos d'Hegel …
L'idée est forme pure, désincarnée.
L'esprit est ce qui engendre, transforme, met en œuvre les idées.
Le Réel est l'ensemble de toutes les "choses" (
res
en latin) qui existent ; il est la
chose qui contient et lie et met en œuvre toutes ces choses.
Il n'y a pas de réel sans idée puisque ce qui est réel a forcément une forme :
l'informe pur est le néant.
Le Réel est donc Esprit ; le Réel est un Esprit qui pense des idées, y compris
l'idée de substance par laquelle les idées s'incarnent en choses pour les
consciences particulières qui participent de cet Esprit.
Hegel appelle ce point de départ l'idéalisme absolu comme dépassement de
l'idéalisme objectif de Platon et de l'idéalisme subjectif de Descartes.
Il conviendrait d'appelé ce point de départ hégélien un "spiritualisme" plutôt
qu'un idéalisme.
L'Esprit qui pense est Histoire, il est en devenir ; il est Devenir puisque toute
pensée qui pense se transforme sans cesse, puisque l'acte de penser est
mouvement.
L'équation hégélienne originelle est donc : Réel = Esprit = Devenir .
Il s'agit donc d'atteindre l'Esprit au-delà des apparences de la manifestation,
d'atteindre l'Histoire qui est la logique du Devenir, au-delà des histoires qui se
manifestent.
L'esthétique, en tant que tension vers la perfection de la forme - donc de l'idée
- , est nécessairement aussi le fondement de cette tension de l'Esprit vers lui-
même qui est le moteur intime de l'Histoire et du Devenir dont la perfection de
la forme devient, alors, la finalité, au sens de Kant.
De plus, ce Devenir est consistant, cohérent et cohésif : la Forme ultime qui
contient, relie et met en œuvre toutes les formes de l'Esprit, tend à sa propre
perfection. Cette tension claire fonde la rationalité de l'Esprit, donc du Réel ce
qui amène Hegel à proclamer son célèbre aphorisme : tout ce qui est réel est
rationnel et tout ce qui est rationnel est réel.
3
L'ensemble de la pensée hégélienne vise à réconcilier la conscience humaine et le
réel spirituel, à réintégrer cette conscience dans ce réel. Hegel vise la
réconciliation moniste non dans l'absolu de l'instant, mais dans le fil de
l'Histoire, par convergence plus que par reliance.
Avec Leibniz et Schelling et contre Descartes, Hegel refuse la solitude absolue
du "Je", du moi face au monde opaque ; il enracine, au contraire, l'homme dans
l'histoire du monde et de la Nature : c'est l'Esprit qui se pense, et c'est la Vie
qui se vit, dans chaque homme.
La mission de l'homme philosophe, dans le droit fil des alchimistes, de Jakob
Böhme et de Schelling, est de révéler en conscience cet Esprit et cette Vie qui
sont sous-jacents au monde et à lui-même. Cette révélation spirituelle est la
réconciliation moniste essentielle et, par elle, émerge la Conscience du réel au-
delà des consciences parcellaires.
Et cette Vie qui se vit, cet Esprit qui se pense, et cette Conscience qui s'éveille,
cherche leur passage, cherche leur voie d'accomplissement dans l'Histoire, au
moyen de l'Histoire, au travers de l'Histoire. L'Histoire est l'histoire de leur
accomplissement, de l'accomplissement du Réel dans toutes ses dimensions
(Esprit, Vie, Conscience, etc …).
Au fond, Hegel a l'intuition de ceci : le cœur du Réel est cette Intention
d'accomplissement qui anime le Devenir, qui se nomme Dieu, si l'on veut, et qui
fonde l'Esprit, la Vie, la Conscience et l'Histoire.
La quête du sens - qui est libération de la Pensée de dessous les pensées - est
une médiation (un pont) entre l'immédiateté de l'existence subie (l'être-jeté-là)
et hantée par la mort, et l'immédiateté de la vie pensante et de la pensée
vivante pleinement vécues dans chaque ici-et-maintenant.
Cette pensée vivante est vivante parce qu'elle est dialectique donc mouvante,
processuelle. Contredire ce qui se contredit pour construire une cohérence
croissante qu'il faudra encore dépasser. La logique linéaire - aristotélicienne -
est aux métaphysiques statiques de l'Être, c'est que doit être la logique
dialectique - non aristotélicienne - aux métaphysiques dynamiques du Devenir.
Objet et sujet se fonde dans le projet.
Le Réel contredit le Réel qu'il est pour devenir le Réel qu'il peut devenir en se
surpassant.
Chaque conscience humaine - comme le cosmos dans sa globalité - doit se créer
son propre monde où devenir, en dépassant la contradiction entre authenticité
subjective et rigueur objective. Ce monde à soi, tant intérieur qu'extérieur, est
4
au fond une forme de cocon où se déployer, où se métamorphoser ; il est "ma"
totalité avec plus ou moins d'étendue et de profondeur, de consistance et de
richesse. La grandeur et la fertilité de ce monde est l'exacte mesure de notre
liberté.
La logique - le Logos - est l'autre mot pour exprimer le lien entre les parties d'un
tout, leur reliance, leur consistance, leur cohésion, leur cohérence, leur
interdépendance dans l'espace comme dans le temps. Plus cette reliance globale,
cette organicité sont fortes, plus la logique interne de ce tout est puissante. Le
logique interne d'un tout est le moteur de son accomplissement, de son auto-
déploiement.
Dans l'Esprit qui est le réel, la Logique - le Logos - est le moteur de la pensée
vivante et dialectique qui déploie tout ce qui existe. Elle est l'Esprit même.
Connaître le Réel, c'est comprendre sa Logique (à laquelle et de laquelle nous
participons pleinement et totalement tant par notre vie et notre pensée que par
notre conscience).
L'Esprit désirant engendre le Logos qui engendre la Nature qui engendre la
Conscience qui devient l'Esprit réalisé. Ainsi se boucle la boucle du Réel, en un
"éternel retour" nietzschéen où la vocation - la finalité, le sens et la valeur - de
l'homme (héroïque, noble, aristocratique) est d'être ce pont entre Nature
infrahumaine et Conscience surhumaine. Cette vocation passe par la spiritualité
(l'âme), la philosophie (l'intelligence) et l'art (la résonance).
Pour accéder au niveau de noblesse qui lui permettra de tenir son rang au sein de
la Nature et du processus de l'Esprit, l'homme doit passer par trois stades
successifs, selon Hegel : l'affirmation de soi, le détachement pour soi, la
conscience en soi. L'homme noble doit se libérer de tous ses esclavages aux
autres et à lui-même, non pour se poser en maître, pour servir l'Esprit - non
comme esclave, mais comme amant - et accéder à la Conscience.
Le Réel n'est pas un autre monde que celui des apparences ; ils ne sont pas
séparés. Celui-ci manifeste celui-là comme la peau révèle les mouvements
superficiels du corps. Il faut se garder de toute forme de dualisme ontique et
refuser toute tentative de rétablissement du concept d'un monde transcendant.
Il y a, au contraire, un continuum moniste - que Hegel affirme justement - entre
apparence et réalité.
*
* *
Le 02/10/2010
5
A un de mes lecteurs : "Je ne puis qu'adhérer à votre dénonciation du
christianisme (surtout catholique) en tant que culte de la non-vie en tant qu'un
anti-naturalisme enfermé dans un idéalisme et un dualisme infernaux et
platoniciens, alors que toute l'histoire de la pensée humaine sur Terre converge
vers un monisme radical où mystique et physique se rejoignent dans une
célébration commune de l'unité absolue et de la beauté harmonieuse du Tout où
l'homme peut trouver sa place moyennant beaucoup d'humilité et de respect,
beaucoup de frugalité et de discrétion".
*
Liberté et responsabilité sont les deux faces de la même vertu.
La libération de l'homme passe d'abord prosaïquement par l'apprentissage de
l'autonomie qui est l'antithèse absolue de la logique d'assistanat généralisé que
la démagogie ambiante impose aux masses de nos pays.
*
Prier, ce n'est jamais quémander. Prier, c'est se rapprocher.
*
Descartes s'est trompé de sujet : ce n'est pas le "je" de "je pense" ou de "je
suis", mais le "il" de "il pleut" ou de "il y a".
Du "je suis" au "il y a", s'étend toute la distance abyssale entre orgueil et
sagesse.
*
Dieu, c'est l'Âme de la Nature. Dieu, c'est l'Esprit du Tout. Dieu, c'est le
Logos
en marche, le
Logos
vivant dont tout procède. Dieu, c'est l'Intention primordiale.
*
De Sigmund Freud, le Juif honteux, parlant des Juifs :
"(…) ils conservent une sorte de confiance dans la vie, semblable à celle que
confère la possession secrète d'un don précieux, une sorte d'optimisme.
Les gens pieux parleraient de confiance en Dieu."
1 / 353 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !