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L'ensemble de la pensée hégélienne vise à réconcilier la conscience humaine et le
réel spirituel, à réintégrer cette conscience dans ce réel. Hegel vise la
réconciliation moniste non dans l'absolu de l'instant, mais dans le fil de
l'Histoire, par convergence plus que par reliance.
Avec Leibniz et Schelling et contre Descartes, Hegel refuse la solitude absolue
du "Je", du moi face au monde opaque ; il enracine, au contraire, l'homme dans
l'histoire du monde et de la Nature : c'est l'Esprit qui se pense, et c'est la Vie
qui se vit, dans chaque homme.
La mission de l'homme philosophe, dans le droit fil des alchimistes, de Jakob
Böhme et de Schelling, est de révéler en conscience cet Esprit et cette Vie qui
sont sous-jacents au monde et à lui-même. Cette révélation spirituelle est la
réconciliation moniste essentielle et, par elle, émerge la Conscience du réel au-
delà des consciences parcellaires.
Et cette Vie qui se vit, cet Esprit qui se pense, et cette Conscience qui s'éveille,
cherche leur passage, cherche leur voie d'accomplissement dans l'Histoire, au
moyen de l'Histoire, au travers de l'Histoire. L'Histoire est l'histoire de leur
accomplissement, de l'accomplissement du Réel dans toutes ses dimensions
(Esprit, Vie, Conscience, etc …).
Au fond, Hegel a l'intuition de ceci : le cœur du Réel est cette Intention
d'accomplissement qui anime le Devenir, qui se nomme Dieu, si l'on veut, et qui
fonde l'Esprit, la Vie, la Conscience et l'Histoire.
La quête du sens - qui est libération de la Pensée de dessous les pensées - est
une médiation (un pont) entre l'immédiateté de l'existence subie (l'être-jeté-là)
et hantée par la mort, et l'immédiateté de la vie pensante et de la pensée
vivante pleinement vécues dans chaque ici-et-maintenant.
Cette pensée vivante est vivante parce qu'elle est dialectique donc mouvante,
processuelle. Contredire ce qui se contredit pour construire une cohérence
croissante qu'il faudra encore dépasser. La logique linéaire - aristotélicienne -
est aux métaphysiques statiques de l'Être, c'est que doit être la logique
dialectique - non aristotélicienne - aux métaphysiques dynamiques du Devenir.
Objet et sujet se fonde dans le projet.
Le Réel contredit le Réel qu'il est pour devenir le Réel qu'il peut devenir en se
surpassant.
Chaque conscience humaine - comme le cosmos dans sa globalité - doit se créer
son propre monde où devenir, en dépassant la contradiction entre authenticité
subjective et rigueur objective. Ce monde à soi, tant intérieur qu'extérieur, est