Nano et microtechnologies. Volume 1 – n° 3-4/2000-20012
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1. Contexte
L'électronique de spin, ou « magnétoélectronique » [PRI 99], est une nouvelle
thématique de recherche en plein essor depuis la fin des années 80. Les premières
structures étudiées dans ce domaine ont été les multicouches magnétiques, puis les
jonctions tunnel magnétiques. Leurs principes de fonctionnement sont basés sur des
propriétés de transport dépendant fortement du spin dans les métaux
ferromagnétiques : les spins sont filtrés en fonction de leur alignement avec le
moment magnétique du matériau. De tels dispositifs sont déjà utilisés au niveau
industriel en tant qu'élément de tête de lecture pour disque dur, ou sont appelés à
l'être bientôt dans le cas des mémoires RAM magnétiques.
Durant ces quatre dernières années, des groupes travaillant dans le domaine des
composants à semiconducteurs se sont également intéressés aux propriétés relatives
au spin de l'électron [BOU 00a]. En effet, des études récentes ont montré qu'il est
envisageable d'agir sur le spin des porteurs de charge et d'utiliser cette grandeur pour
modifier les propriétés électriques et optiques de structures à semiconducteurs.
Dans cet article, nous décrirons d'abord brièvement les principes régissant
l'électronique de spin dans les métaux, puis quels sont les mécanismes qui peuvent
permettre d'agir sur le spin dans les semiconducteurs. Nous détaillerons ensuite deux
exemples de composants à semiconducteurs étudiés dans le cadre de l'électronique
de spin : le commutateur optique à spin et le transistor à rotation de spin ou
spin-FET. Enfin, nous évoquerons le problème important des contacts entre
matériaux magnétiques et semiconducteurs.
2. Les principes de l'électronique de spin dans les structures métalliques
2.1. Structure de bandes électroniques des ferromagnétiques
Il y a une douzaine d'année, l'électronique de spin s'est d'abord développée dans
le cadre des dispositifs à couches minces ferromagnétiques. Les principes de ces
structures résultent des propriétés relatives à la polarisation en spin des bandes
électroniques dans les métaux ferromagnétiques tels que Fe, Co, et Ni. La Figure 1
représente les allures des densités d’états dans des ferromagnétiques forts (a : cas du
Co ou du Ni) et ferromagnétiques faibles (b : cas du Fe) pour les deux directions de
spin, ↑ et ↓. Dans la bande de conduction des métaux ferromagnétiques, on
distingue deux types d'états, d'une part les états de type « s » à spin indifférencié, et
d'autre part les états « d » qui se situent dans une gamme d'énergies plus resserrée
que celle de la bande s, et à des niveaux énergétiques différents suivant l'orientation
de spin qui leur est associée. Dans les métaux à ferromagnétisme fort, les états d à
spin ↑ sont tous occupés alors que les états à spin ↓ ne le sont que partiellement. Au
niveau de Fermi EF, les électrons d↓ sont largement majoritaires. Dans les