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RECHERCHES ET PRÉVISIONS N° 64 - 2001
de l’enfance et dans le débat sur l’exis-
tence ou non d’une homogénéité des
comportements sociaux. Il se propose
d’interroger, à travers l’examen des pra-
tiques familiales (parents et enfants), la
longévité des jouets selon les milieux
socioculturels. Les âges du jouet se dé-
clinent en fonction d’autres variables
de construction de l’identité telles que
l’appartenance sociale ou encore le
niveau d’études, preuve qu’il n’existe
pas une définition uniforme des âges
du jouet et plus fondamentalement de
l’enfance. A travers l’étude de la durée
de vie des jouets, c’est bien peu ou prou
la mesure du temps social de l’enfance
qui est en question. Pour en compren-
dre la dynamique, il s’agira de confron-
ter les définitions des politiques des
âges de la vie (tout particulièrement
celles des professionnels du jouet) aux
pratiques et représentations des acteurs
sociaux.
Chaque période historique produit son
propre découpage des âges, comme elle
produit les attentes et les représenta-
tions de ces âges. Jusqu’au XVIIIe siè-
cle, « les âges de la vie » ne sont pas
vraiment différenciés, l’adolescence se
confondant avec l’enfance (Ariès, 1977)
et la jeunesse avec l’âge adulte. Aux
XVIIIe et XIXe siècles, l’enfant prend une
place privilégiée dans la famille et à
l’école. L’institutionnalisation d’une
singularité enfantine conduit à lui
donner un statut social distinct de celui
de l’adulte.
La jeunesse est, quant à elle, consacrée
au XXe siècle « comme un état intermé-
diaire de plus ou moins longue durée entre
l’adolescence et l’âge adulte » (Blöss, 1994 a).
Dans le cycle de vie, ces catégories (en-
fance, adolescence, jeunesse) sont dé-
finies par des tranches d’âges variant
selon l’échelle de l’histoire. La reconnais-
sance de l’enfance (et de la jeunesse)
comme un âge de la vie propre, distinct
du monde des adultes, est, si l’on re-
prend les propos d’Annette Langevin,
« normalisée et soumise à une chronologie
par le système scolaire avec sa graduation
très fine, et par des démarcations légales
de toutes sortes : responsabilité civile, pé-
nale, participation politique » (1989).
Le rôle déterminant de l’école
dans la définition des âges de la vie
On reconnaît à la socialisation scolaire
un rôle primordial dans la définition
sociale de l’enfance, de l’adolescence et
de la jeunesse. Jean-Claude Chamboredon
(1991) démontre qu’au fur et à mesure
que le système éducatif a pris de l’im-
portance dans notre société, il a institu-
tionnalisé les âges d’apprentissages au
point de faire correspondre – pour les
plus importants d’entre eux – étapes
scolaires et étapes biographiques.
L’école a favorisé l’émergence des for-
mes actuelles du découpage en catégo-
ries précédant l’âge adulte et a contribué
de la sorte à la structuration des iden-
tités de chacune de ces périodes en les
définissant avant tout par des classes
d’âges. Par exemple, jusqu’à la fin XIXe
siècle, la période de l’enfance s’étend de
la naissance à l’adolescence (de 0 à
12 ans). Les écoles maternelles prémo-
dernes instituent une nouvelle défini-
tion de l’enfance, en réduisant sa durée
(comprise entre 6 ans et 12 ans), la tran-
che d’âge précédente (de 0 à 6 ans) étant
désormais qualifiée de « prime enfance »
(Chamboredon et Prévot, 1973).
Cette succession d’étapes chronologi-
ques planifiées par le système scolaire
correspond elle-même à des apprentis-
sages bien définis. Ces moments coïn-
cident, en effet, avec des phases de ma-
turation intellectuelle, reconnues
comme légitimes. Pour Jean-Claude
Chamboredon et Jean Prévot (1973),
« s’impose maintenant une norme légitime,
scientifiquement fondée » par la psycho-
logie et la pédagogie.
A chaque période du cursus scolaire (par
exemple, pour le primaire, CE1, CE2,
CM1, CM2) correspond un âge privilé-
gié (ou modal) pour lequel un certain