Chapitre 5
Incertitude et comportement du consommateur
Jusquà maintenant, nous avons fait lhypothèse que les
prix, les revenus et les autres variables étaient connus
avec certitude. Cependant, nombre de choix que font les
individus contiennent une forte incertitude. La plupart
des individus, par exemple, empruntent pour nancer
des achats importants, tels quune maison ou les études
supérieures, et prévoient de les payer avec leurs revenus
futurs. Mais pour la plupart dentre eux, les revenus
futurs sont incertains. Nos ressources peuvent augmenter
ou diminuer ; nous pouvons être promus ou rétrogradés,
ou même perdre notre emploi. Et si nous différons lachat
dune maison ou linvestissement dans les études, nous
risquons une augmentation du prix qui rend de tels achats
moins abordables. Comment pouvons-nous prendre
en compte ces incertitudes lorsque nous prenons des
décisions majeures de consommation ou des décisions
dinvestissement ?
Parfois nous devons choisir le niveau du risque que nous
prenons. Que devez-vous faire, par exemple, avec votre
épargne ? Devez-vous investir votre argent dans un
compte sécurisé, tel quun compte dépargne, ou dans
un actif plus risqué mais potentiellement plus lucratif,
comme les marchés boursiers ? Un autre exemple est
le choix de votre travail ou de votre carrière. Vaut-il
mieux travailler pour une grande société stable avec une
sécurité de lemploi mais peu de chances de promotion,
ou vaut-il mieux sassocier à (ou former) une nouvelle
entreprise qui offre moins de sécurité de lemploi mais
plus dopportunités davancement ?
Pour répondre à de telles questions, nous devons étudier
les façons qu’ont les individus de faire des comparaisons
et des choix parmi des alternatives risquées.
Sommaire
1. La description du risque 194
2. Les préférences vis-à-vis du risque 200
3. Réduire le risque 207
4. *La demande dactifs risqués 214
5. Les bulles 224
6. Léconomie comportementale 230
Liste des exemples
5.1 Dissuader les contrevenants 199
5.2 Hommes daffaires et goût
du risque
206
5.3 Valeur de lassurance contre
les faux titres de propriété lors de
l’achat d’une maison
210
5.4 Valeur de l’information sur
le marché des produits
électroniques grand public en ligne
212
5.5 Médecins, patients et valeur de
l’information
213
5.6 Investir en Bourse 223
5.7 La bulle immobilière (I) 226
5.8 La bulle immobilière (II) 228
5.9 Vente d’un bien immobilier 233
5.10 Les chauffeurs de taxi de la ville
de New York
238
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194 Partie 2 – Producteur, consommateur et marché
Nous allons le faire en considérant les étapes suivantes :
1. An de comparer le caractère risqué de choix alternatifs, nous devons dénir le risque.
Nous commençons ce chapitre en discutant des mesures du risque.
2. Nous étudions les préférences des individus vis-à-vis du risque. La plupart des individus
considèrent le risque comme non désirable, mais certains le trouvent encore plus indési-
rable que les autres.
3. Nous voyons comment les individus peuvent parfois réduire ou éliminer le risque. Le
risque peut parfois être réduit par la diversification, par la contractualisation dassu-
rances, ou en investissant dans de linformation supplémentaire.
4. Dans certaines situations, les individus doivent choisir le niveau de risque auquel ils font
face. Un bon exemple est linvestissement dans des actions ou dans des obligations. Nous
verrons quils nécessitent un arbitrage entre le gain monétaire que lon peut espérer et le
niveau de risque de ces gains.
5. Parfois, la demande pour un bien est entièrement ou en partie motivée par la spéculation :
les gens actent parce qu’ils pensent que le prix va monter. Nous allons voir comment
une bulle se crée lorsqu’un nombre de plus en plus important de gens, convaincus que
les prix vont continuer de grimper, achètent un bien et font gonfler les prix jusqu’à ce
que la bulle éclate et que la valeur chute.
Dans un monde incertain, le comportement des individus peut parfois paraître impré-
visible, voire irrationnel, et peut-être contraire aux hypothèses standard de la torie du
consommateur. Dans la dernière section de ce chapitre, nous offrons une vue densemble
de léconomie comportementale, qui, en introduisant des idées importantes provenant de
la psychologie, a élargi et enrichi létude de la microéconomie.
1. La description du risque
Pour décrire quantitativement le risque, nous commençons par établir la liste de toutes les
issues possibles dune action ou dun événement particulier, et la liste des probabilités que
chaque issue se réalise1. Supposons, par exemple, que vous pensiez investir dans une socié
de prospection offshore de trole. Si les résultats de lexploration sont bons, laction de la
société passera de 30 euros à 40 euros ; sinon, le prix de laction descendra à 20 euros. Par
conséquent, il y a deux événements futurs possibles : un prix de 40 euros par action et un
prix de 20 euros par action.
1. Certaines personnes font une distinction entre incertitude et risque à partir des suggestions faites il y a
soixante ans par léconomiste Franck Knight. Lincertitude fait référence à des situations pour lesquelles
plusieurs issues sont possibles mais la probabilité de chacune n’est pas connue. Le risque fait alors
référence aux situations pour lesquelles nous pouvons établir la liste de toutes les issues possibles et dont
nous connaissons la probabilité de chaque réalisation. Dans ce chapitre, nous nous référons à des situations
risquées, en utilisant indifremment incertitude et risque.
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195Chapitre 5 – Incertitude et comportement du consommateur
1.1 Probabilité
Une probabilité est une mesure de la vraisemblance qu’un événement donse produise.
Dans notre exemple, la probabilité que le projet dexploration trolière soit fructueux est
de 1/4 et la probabilité qu’il ne le soit pas de 3/4. (Notez que la somme des probabilités de
tous les événements possibles doit être égale à 1.)
Notre interprétation des probabilités peut dépendre de la nature de lévénement incertain,
des croyances des individus concernés, ou des deux. Une interprétation objective des
probabilités dépend de la fréquence avec laquelle certains événements tendent à se réaliser.
Supposons que nous sachions que parmi les 100 dernières explorations pétrolières offshore,
25 ont été fructueuses et 75 ne lont pas été. Dans ce cas, la probabilité de succès de 1/4 est
objective car elle est directement basée sur la fréquence dexpériences similaires.
Mais que se passe-t-il s’il ny a pas dexpériences passées similaires pour aider à la mesure des
probabilités ? Dans de telles situations, des mesures objectives des probabilités ne peuvent
être déduites, et des mesures plus subjectives sont nécessaires. Une probabilité subjective est
la perception qu’un événement se réalisera. Cette perception peut être basée sur un jugement
personnel ou une expérience, mais pas nécessairement sur la fréquence avec laquelle un
événement particulier s’est réellement produit dans le passé. Lorsque les probabilités sont
déterminées de manière subjective, des individus différents peuvent attribuer des proba-
bilités différentes à des événements différents et peuvent ainsi faire des choix différents.
Par exemple, si une recherche de pétrole est menée dans une zone vierge de recherches, je
peux attribuer une probabilité subjective plus forte que vous à la chance que le projet soit
fructueux : peut-être que j’en sais plus sur ce projet ou que je comprends mieux léconomie
du trole, je peux donc mieux utiliser notre information commune. Des informations
différentes ou des capacités différentes à analyser une même information peuvent conduire
à une forte variation des probabilités subjectives entre individus.
Quelle que soit l’interprétation des probabilités, elles sont utilisées pour calculer
deux grandeurs importantes qui nous aident à décrire et à comparer des choix risqués.
Une grandeur nous donne la valeur espérée et lautre la variabilité des événements possibles.
1.2 Valeur espérée
La valeur espérée associée à une situation incertaine est la moyenne pondérée des gains
ou des valeurs associées à tous les événements possibles. Les probabilités de chacun des
événements sont utilies comme pondérations. Ainsi, la valeur espérée mesure la tendance
centrale – le gain ou la valeur attendue.
Notre exemple dexploration pétrolière offshore comporte deux événements possibles : un
succès produit un gain de 40 euros par action, un échec un gain de 20 euros par action. En
notant Pr la « probabilité de », nous exprimons la valeur espérée dans ce cas comme :
Valeur espérée = Pr(succès)(40 /action) + Pr(échec)(20 /action)
= (1/4)(40 /action) + (3/4)(20 /action)
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196 Partie 2 – Producteur, consommateur et marché
Plus généralement, s’il y a deux événements possibles ayant des gains X1 et X2 et si les proba-
bilités de chaque événement sont données par Pr1 et Pr2, alors la valeur espérée est :
E(X) = Pr1X1 + Pr2X2
Quand il y a n événements possibles, la valeur espérée devient :
E(X) = Pr1X1 + Pr2X2 + … + PrnXn
1.3 Variabilité
La variabilité est égale à la différence qui existe entre toutes les issues possibles dune situation
incertaine. Pour voir pourquoi la variabilité est importante, supposons que vous deviez
choisir entre deux emplois dété de vendeur qui ont le même revenu espéré (1 500 euros).
Le premier est basé sur des commissions le revenu gagdépend des quantités vendues.
Il y a deux gains de probabilités égales : 2 000 euros pour un effort de vente fructueux et
1 000 euros pour un effort moins fructueux. Le second emploi est salarié. Il est ts probable
(probabilité de 0,99) que vous gagniez 1 510 euros, mais il y a une probabilité de 0,01 que la
société fasse faillite, auquel cas vous ne gagneriez que 510 euros dindemnités. Le tableau 5.1
résume ces événements possibles, leurs gains et leurs probabilités.
Tableau 5.1 : Revenu des emplois de vendeur
État 1 État 2 Revenu
espéré ()
Probabilité Revenu () Probabilité Revenu ()
Emploi 1 :
Commission 0,5 2 000 0,5 1 000 1 500
Emploi 2 :
Salaire fixe 0,99 1 510 0,01 510 1 500
Notez que ces deux emplois ont le même revenu espéré. Pour l’emploi 1, le revenu espéré est :
0,5(2 000 ) + 0,5(1 000 ) = 1 500 ; pour lemploi 2, il est de 0,99(1 510 ) + 0,01(510 )
= 1 500 . Cependant, la variabilité des gains possibles est différente. Nous mesurons la
variabilité en reconnaissant qu’une forte différence entre le gain réel et le gain espéré (qu’il
soit positif ou négatif) implique un plus grand risque. Nous appelons ces différences des
écarts. Le tableau 5.2 montre les écarts entre les revenus possibles et les revenus espérés pour
chaque emploi.
En tant que tels, les écarts ne fournissent pas une mesure de la variabilité. Pourquoi ?
Parce qu’ils sont parfois positifs et parfois négatifs, et comme vous pouvez le voir dans
le tableau 5.2, la moyenne des écarts pondérés par les probabilités est toujours 02. Pour
surmonter ce problème, nous élevons chaque écart au carré, produisant ainsi des nombres
toujours positifs. Nous mesurons la variabilité en calculant lécart-type : la racine carrée
2. Pour lemploi 1, lécart moyen est : 0,5(500 ) + 0,5(–500 ) = 0.
Pour lemploi 2, il est : 0,99(10 ) + 0,01(–990 ) = 0.
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197Chapitre 5 – Incertitude et comportement du consommateur
de la moyenne pondérée des carrés des écarts entre les gains associés à chaque événement
et leur valeur espérée3.
Tableau 5.2 : Écarts du revenu espéré ()
État 1 Écart État 2 Écart
Emploi 1 2 000 500 1 000 –500
Emploi 2 1 510 10 510 –990
Le tableau 5.3 montre le calcul de lécart-type, pour notre exemple. Notez que la moyenne
des écarts au carré pour lemploi 1 est donnée par :
0,5(250 000 ) + 0,5(250 000 ) = 250 000
Tableau 5.3 : Calcul de la variance ()
Écart moyen
État 1 Écart
au car État 2 Écart
au car
Au carré
pondéré Écart-type
Emploi 1 2 000 250 000 1 000 250 000 250 000 500
Emploi 2 1 510 100 510 980 100 9 900 99,50
L’écart-type est par conséquent égal à la racine carrée de 250 000 euros, soit 500 euros. De
même, la moyenne pondérée par les probabilités des écarts au carré de lemploi 2 est :
0,99(100 ) + 0,01(980 100 ) = 9 900
L’écart-type est la racine carrée de 9 900 euros, soit 99,50 euros. Par conséquent, le second
emploi est beaucoup moins risqué que le premier ; l’écart-type des gains est plus petit4.
Le concept décart-type s’applique également lorsqu’il y a plus de deux événements.
Supposons que le premier emploi dégénère des revenus allant de 1 000 euros à 2 000 euros
par accroissements de 100 euros tous également probables. Le deuxième emploi génère
un revenu allant de 1 300 euros à 1 700 euros (par accroissements de 100 euros également
probables comme dans le cas précédent). La figure 5.1 montre graphiquement les alter-
natives. (S’il n’y avait eu que deux événements également probables, alors la figure aurait
présenté deux lignes verticales, chacune dune hauteur de 0,5.)
Vous pouvez voir sur la figure 5.1 que le premier emploi est plus risqué que le second.
L’« étalement » des gains possibles pour le premier est plus large que létalement du second.
En conséquence, l’écart-type des gains associés au premier est plus grand que celui qui est
associé au second.
3. Une autre mesure de la variabilité, la variance, est le carré de lécart-type.
4. En général, quand il y a deux événements avec des gains X1 et X2, se réalisant avec les probabilités Pr1 et Pr2,
et E(X) étant la valeur esrée des événements, lécart-type est donné par σ, où :
s2 = Pr1[(X1E(X))2] + Pr2[(X2E(X))2]
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