Emile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique,
Flammarion, coll. Champ Classique (2010, 1ère edition: 1894)
Chapitre Premier: Qu'est-ce qu'un fait social?
Le problème que se pose Durkheim est clef dans l'existence de la sociologie puisqu'il cherche à définir l'objet propre de la sociologie qu'est le fait social. En effet, si on
caractérise couramment de “fait social” tout phénomène inhérent à la société faisant donc confondre l'objet de la sociologie à celui de la biologie et de la psychologie, en réalité,
dans toute société il existe des phénomènes distincts des autres sciences. Ceux-ci sont indépendants des individus et définis par la société et transmis par l'éducation. Ils
existent donc “en dehors des consciences individuelles”. Aussi, ces phénomènes s'imposent aux individus et prennent parfois la dimension de contraintes qui si elles ne sont
pas suivies, génèrent des conséquences nuisibles aux individus.
Les faits sociaux consistent donc en des manières d'agir, de penser et de sentir, extérieures à l'individu et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils
s'imposent à lui. Aussi, ils diffèrent des phénomènes biologiques et psychologiques puisqu'ils sont des actions et des représentations et qu'ils sont dépourvues de conscience
individuelle. Ils ont pour substrat, c'est-à-dire domaine d'existence, la société.
L'individu, en société devient membre de celle-ci et s'il cherche à en nier les manifestations, la puissance de coercition externe propre à la société s'exerce sur lui. Aussi, cette
puissance de coercition externe existe également de manière inconsciente chez tous les membres de la société. Aussi, ces phénomènes sont extérieurs et indépendants de
nous. Nous n'en sommes pas à l'origine mais sous leur influence. Cette définition du fait social est d'ailleurs renforcée par un exemple que l'on pourrait qualifié d'empirique et
qui est celui du développement des enfants. En effet, dans cet exemple, on peut voir le poids et l'importance de l'éducation sur le développement des enfants qui en fait des
êtres sociaux.
Les faits sociaux se distinguent des faits individuels par la répétition qui leur donnent une consistance différente et une réalité sui generis. Ces faits sociaux peuvent être mis
en évidence par les statistiques.
Aussi, dans sa définition du fait social Durkheim tend à s'opposer à Tarde puisqu'il pose le fait social non seulement comme une conséquence de la répétition de faits
individuels comme l'affirme Tarde mais aussi et surtout qu'il existe indépendamment des formes individuelles qu'il prend en ce diffusant, c'est-à-dire qu'il existe hors des
consciences individuelles et qu'il peut prendre la forme d'une contrainte.
Aussi cette définition du fait social s'applique tant à des manières de faire qu'à des manières d'être collectives.
Chapitre II: Règles relatives à l'observation des faits sociaux:
I: Considérer les faits sociaux comme des choses:
Comme tout objet de science, les faits sociaux doivent être traiter comme des choses, c'est-à-dire qu'ils doivent être observés, décrits, comparés et non pas réduits à l'état de
simples idées que l'on analyseraient et combineraient et qui réduiraient les faits sociaux à seulement une analyse idéologique les faisant passer à l'arrière-plan et préférant
d'abord les conceptions de ceux-ci. Aussi en agissant de cette façon, les faits sociaux sont, en quelque sorte détournés puisqu'ils servent seulement à appuyer des idées qui
servent la pratique et qui peuvent parfois être fausse.
De plus, ce type de démarche se trouve parfois désincarnée de tout intérêt et donc de raison d'être. En effet, elle cherche à interpréter la réalité de façon à servir aux individus
dans celle-ci. Aussi, est-elle nécessairement préfondée et ne va donc pas chercher à comprendre les faits réalisés mais elle les détourne pour qu'ils correspondent à la vision
qu'elle veut donner. En sociologie, ce risque de prénotions est d'autant plus important que les choses sociales sont un produit de l'activité humaine. Cependant, la conscience
d'un existence collective et de certains de ses éléments contribue à nous faire prendre conscience de la réalité sociale qui ne peut être niée et détournée.
Si, à l'origine, la sociologie s'est fondée sur le traitement de concepts et non de chose, Comte, précurseur de la sociologie, a reconnu les fait sociaux comme des faits naturels
c'est-à-dire assimilables à des choses. Cependant, ce dernier reste dominé par les prénotions et continue de fonder ses analyses sur des idées basées sur le progrès de
l'humanité dans le temps. Aussi, Comte voit dans le développement historique la notion qu'il s'en était fait: une évolution de l'humanité continue.
Aussi, ce risque de prénotion et d'idéologie représente un risque non négligeable pour la sociologie notamment dans le cadre de la morale. En effet, celle-ci est souvent mise
en exergue et vue comme innée aux individus. Or la morale repose sur des idées et non sur des faits.
De même, en économie politique qui a pour objet, selon Stuart Mill, les faits sociaux qui se produisent principalement ou exclusivement en vue de l'acquisition des richesses,
n'a pas d'objet véritablement défini puisqu'on ne peut affirmer qu'il existe une sphère de l'activité sociale le désir de la richesse joue réellement un rôle prépondérant. Ainsi,
la matière de l'économie politique ne peut être admise comme réalité mais seulement comme possibilité et donc est une simple conception de l'esprit. Aussi elle ne peut donner
que des conseils à suivre dans la réalité.
Cependant, les faits sociaux sont des choses et doivent être considérer comme tels. En effet, comme objets de la sociologie, ils doivent pouvoir être observés. Ainsi, les
sociologues n'étudient pas les idées et les conceptions des individus sur quelque chose mais ce quelque chose lui-même. Aussi, en considérant les faits sociaux pour eux-
mêmes et donc détachés des consciences individuelles, la sociologie se rend objective.
Ce constat de considérer les faits sociaux comme des choses n'est pas propre à Durkheim, il a déjà été exprimé par Comte et M. Spencer et appliqué en psychologie.
II
La sociologie doit également reposer, pour ne pas s'égarer sur des bases solides et suivre des règles rigoureuses.
1°) Il faut écarter toutes les prénotions et refouler toutes passions et sentiments (politiques, religieux,...). (Il faut donc adopter une attitude réflexive.)
2°) Ne jamais prendre pour un objet qu'un groupe de phénomène préalablement définis par certains caractères extérieurs qui leurs sont communs et comprendre dans la même
recherche tous ceux qui répondent à la même définition. En effet, toute investigation scientifique porte sur un groupe déterminé et pour que la sociologie reste objective elle
doit définir leurs propriétés respectives. La sociologie détermine donc des groupes sui generis possédant les mêmes propriétés qui sont perçues par la sensation et non par les
idées que l'on s'en fait.
3°) Quand le sociologue entreprend d'explorer un ordre de quelconque de faits sociaux, il doit s'efforcer de les considérer par un côté ils se prétendent isolés de leur
manifestations individuelles. En effet, la sensation est souvent subjective. Aussi, le sociologue doit définir les caractères extérieurs de son objet d'étude le plus objectivement
possible.
Chapitre III: Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique:
L'observation des faits sociaux amène à distinguer deux types de phénomènes: les normaux qui sont ce qu'ils doivent être et les pathologiques qui sont autrement que ce qu'ils
devraient être.
I)
En sociologie, chaque espèce sociale ne comptant qu'un petit nombre d'individus, leur comparaison ne permettrait pas de mettre en évidence clairement des anomalies à la
différence de la biologie. Aussi seuls les raisonnements déductifs sont possibles. Cependant, toute conclusion ne pourra qu'être subjective.
Tout phénomène sociologique peut apparaitre de différentes manières tout en restant lui-même. Aussi, il en existe deux sorte de formes: les formes générales dans toutes
l'étendues de l'espèce, c'est-à-dire qui se retrouve chez tous ou presque tous les individus et ne varient que peu ou pas, et les formes exceptionnelles qui ne se rencontre que
chez une minorité et souvent ne sont que temporaires et déterminées spatialement. Les faits normaux présentent les formes générales et ceux pathologiques présentent les
autres formes. En repérant les différentes espèces sociales, il est possible de trouver quelle est la forme la plus générale que présente un phénomène dans une espèce
déterminée. Ainsi, un fait n'est dit pathologique que par rapport à une espèce donnée.
Un fait social ne peut être dit normal pour une espèce sociale déterminée que par rapport à une phase déterminée de son développement, de même qu'en biologie on jugerait de
l'état maladif de quekqu'un en fonction de son âge.
II)
On peut définir la normalité d'un phénomène comme un effet mécaniquement nécessaire de sa condition ou comme un moyen permettant aux organisme de s'y adapter. Aussi,
cette définition est nécessaire car elle permet de mieux reconnaitre dans quels cas il convient de les modifier en les appliquant et dans quels sens. Elle devient également
nécessaire dans les périodes de transition, c'est-à-dire quand toute l'espèce évolue sans se dirriger vers une nouvelle forme fixée.
D'autre part, il est nécessaire de classer les faits en normaux et anormaux afin de pouvoir déterminer le domaine de la physiologie et celui de la pathologie. Ensuite, c'est par
rapport au type normal qu'un fait doit être trouvé utile ou nécessaire pour pouvoir être lui-même qualifié de normal. Sinon, il serait possible de confondre maladie et santé
puiqu'elle dérive de l'organisme qui en est atteint. Aussi, il faut que tout ce qui est utile soit normal.
On peut retenir les trois règles suivantes:
1°) Un fait social est normal pour un type social déterminé, considéré à une phase déterminée de son développement, quand il se produit dans la moyenne des sociétés de cette
espèce, considérées à la phase correspondante de son évolution.
2°) On peut vérifier les résultats de la méthode précédente en faisant voir que la généralité du phénomène tient aux conditions générales de la vie collective dans le type social
considéré.
3°) Cette vérification est nécessaire, quand ce fait se rapporte à une espèce sociale qui n'a pas encore accompli son évolution intégrale.
III)
Certains phénomènes sociaux peuvent être considérés normaux en sociologie alors que l'on serait plutôt tenté de les catégorier de pathologique (le crime, par exemple). Ceci
révèle une fois encore que la sociologie nécessite de se couper de toute idée préconçue et de retourner à l'observation des faits mêmes. En effet, comme on le voit dans le cas
du crime, un fait social qu'on aurait tendance à juger pathologique se retrouve parfois dans toutes les sociétés. Apparaissant étroitement liée aux condition de toute vie
collective, le crime ne peut être caractérisé de pathologique sauf dans le cas il atteint un taux exagéré qui traduirait plus la morbidité que la normalité. Classer le crime
comme fait social normal permet de reconnaitre son caractère inévitable mais aussi d'affirmer qu'il est un facteur de la santé publique, une partie nécessaire à toute société
saine.
Chapitre IV: Règles relatives à la construction des types sociaux:
Un fait social ne pouvant être qualifié de normal ou d'anormal que par rapport à une espèce sociale déterminée, il est nécessaire qu'une partie de la sociologie soit consacrée à
la constitution de ces espèces et à leur classification. La notion d'espèce social trouve le juste milieu entre le nominalisme de l'historien et le réalisme extrème des philosophe,
et permet ainsi de s'abroger de toute représentation idéologique, abstraite.
I)
Il est impossible de déterminer tout les caractères propres à un individus car infinis. Or, pour comparer chaque société, il faut comparer les espèces sociales qui ne sont en fait
que le résummé des individus. Ainsi, il apparait allors que toute classification est impossible. De plus, même si elle l'était, elle ne rendrait pas les services qui en sont sa raison
d'être. En effet, elle doit abbréger le travail scientifique en substituant la multiplicité indéfinie des individus à un nombre restreint de types. Mais pour constituer ces types, il a
été nécessaire de passer tous les individus en revue. Ainsi, elle ne ferait que résumer les recherches déjà faites. Aussi, cette classification ne peut être utile que si elle donne
des cadres pour les études des faits futures. Et donc, pour cela, elle doit être faite non à partir d'un inventaire complet de tous les caractères individuels mais à partir de
quelques uns bien définis.
Aussi, on pourrait appeler morphologie sociale la partie de la sociologie qui a pour tâche de constituer et de classer des types sociaux puisqu'ils sont d'ordre morphologique.
II)
Une société simple désigne toute société qui n'en renferme pas d'autres, plus simples qu'elle et que l'on pourrait qualifier de “horde”. C'est un agrégat social qui ne comprendet
n'a jamais compris quelqu'autre agrégat plus élémentaire.
Principe de classification: “On commencera par classer les sociétés d'après le degré de composition qu'elles présentent, en prenant pour base la société parfaitement simple ou
à sens unique; à l'intérieur de ces classes, on distinguera des variétés différentes suivant qu'il se produit ou non une coalescence complète des segments initiaux.”.
III)
Les sociétés ne sont donc que des combinaisons d'une société originelle. Aussi, ces combinaisons possibles existent en nombre fini et donc, par la suite, elles doivent se
répéter. Cela justifie donc l'existence des espèces sociales.
Chapitre V: Règles relatives à l'explication des faits sociaux:
I)
En expliquant la formation de la société par les avantages qui résultent de la coopération, l'institution du gouvernement par l'utilité qu'il y a à régulariser la coopération
militaire, les transformation par lesquelles a passé la famille par le besoin de concilier de plus en plus parfaitement les intérêts des parents, des enfants et de la société, M.
Spencer confond faire voir à quoi un fait est utile et expliquer comment il est ce qu'il est. En effet, si les propriétés qui le caractérisent permettent ses emplois, elles ne le créent
pas. Aussi, un fait peut exister sans servir à rien. L'organe est indépendant de la fonction, ce qui signifie que les causes qui le définissent sont indépendantes des fins
auxquelles il sert.
Les vtendances, les besoins, les désirs des hommes ont une certaine influence, reconnue par tous, dans l'évolution sociale. Aussi, celles-ci se déterminent indépendamment de
notre volonté. Ainsi, elle ne peut générer de phénomènes nouveaux que si elle-même est nouvelle.
Si l'on peut penser dans un premier qu'il existe une infinité de faits sociaux et une diversité de comportements chez les individus et dans la société, en vérité, dans la pratique
des faits sociaux, on peut observer une certaine régularité. Ils sont même représentatifs d'un certain état social. Aussi, cette généralité des formes collectives ne pourrait être
expliquée si l'on accordaient aux causes finales en sociologie un état prépondérant.
Ainsi, quand on entreprend d'expliquer un phénomène social, il faut trouver et différencier la cause efficiente qui le produit et la fonction qu'il remplit et de la traiter après la
cause efficiente, afin d'y faire correspondre l'odre réel et de les traiter plus facilement. Aussi, il est nécessaire de déterminer la présence ou non d'une correspondance entre le
fait considéré et les besoins généraux de l'organisme social et la consistance de cette correspondance sans se préoccuper de savoir si elle a été intentionnelle ou non. Aussi, ces
question ayant une certain subjectivité ne peuvent être traitées scientifiquement.
Un fait, pour se maintenir, doit être utile, sinon, la vie sociale serait impossible car elle coûterait plus aux individus qu'elle ne leur rapporte.
II)
La méthode d'explication sociologique est finaliste et souvent psychologique.Ces deux tendances sont souvent complémentaires. Si la société n'est qu'un système de moyens
institués par les hommes en vue de certaines fins, celles-ci ne peuvent être qu'individuelles puisque, sans la société, reste l'individu.Cette dernière repose donc sur lui. Aussi,
les lois sociologiques ne pourront être qu'un corrolaire des lois plus générale de la psychologie laissant transparaitre les consciences individuelles dans la société. Si la
psychologie ne peut suffire comme prémisses au raisonnement sociologique, elle permet seulement d'éprouver la validité des propositions inductivement établies, comme le
développe Auguste Comte et M. Spencer.
Cependant, cette méthode dénature les phénomènes sociologiques. En effet, si, comme M. Spencer le développe, leur caractéristique essentielle consiste dans le pouvoir qu'ils
ont d'exercer, du dehors, une pression sur les consciences individuelles, c'est qu'ils n'en dérivent pas et donc la sociologie ne peut découler de la psychologie. L'individu ne
découle donc pas des conscience individuelles. Aussi, c'est dans la nature-même de la société qu'il faut expliquer la vie sociale. Elle dépasse l'individu dans le temps et dans
l'espace, elle est donc capable de lui imposer les manières d'agir et de penser. Cette pression est d'ailleurs le signe distinctif des faits sociaux.
La société n'est pas une simple somme d'individus mais un système résultant de leur association représentant une réalité spécifique qui a ses caractères propres. La vie sociale
résulte de la combinaison des consciences individuelles. Le groupe pense, sent et agit tout autrement que ne le feraient ses membres isolément. Ainsi, psychologie et
sociologie ont deux substrats différents. Ainsi, toutes les fois qu'un phénomène social est directement expliqué par un phénomène psychique, on peut être assuré que
l'explication est fausse.
Toutes les sociétés découlent d'une société. Ainsi, dans tout le cours de l'évolution sociale, il n'y a jamais eu de débat sur l'existence et le choix de la vie collective. La
sociologie ne fait cependant pas abstraction de l'homme et de ses facultés qui contribuent à l'élaboration de la vie sociale.
Il est impossible d'affirmer une tendance à la sociabilité comme instinct congénital des individus. En effet, elle résulte de la vie sociale.
Pour observer l'action du facteur psychologique, on peut étudier l'impact des caractères ethniques qui sont d'ordre organique et psychique, dans l'évolution sociale. Si la
psychologie a véritablement un effet dans la société, on devrait donc remarquer une variation simultanée de ceux-ci et de la vie sociale. Comme aucun phénomène social n'est
déterminé par ces caractères ethniques, et les différences existantes entre les différentes civilisations reposent sur des traditions différentes. Aussi, si l'évolution sociale avaient
pour origine la constitution psychologique de l'homme, elle n'aurait pas pu se produire puisqu'il faudrait alors affirmer qu'elle a pour moteur un ressort intérieur à la nature
humaine que l'on ne pourrait déterminer.
Aussi, la cause déterminante d'un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents, et non parmi les états de la conscience individuelle. La fonction d'un fait
social ne peut donc être que sociale et donc elle produit des effets socialement utiles. Ainsi, peut-on dire avec Durkheim que:“La fonction d'un fait social doit toujours être
recherchée dans le rapport qu'il soutient avec quelque fin sociale.”.
La vie collective et la vie individuelle entretiennent cependant des rapports étroits. En effet, la seconde peut parfois facilité l'explication de la première. Les faits sociaux sont
des faits sui generis de faits psychiques. On peut noter que ce constat se trouve en analogie avec ce qui se passe dans les consciences individuelles. La connaissance de la
psychologie est donc nécessaire au sociologue car elle a une influence indirecte sur la sociologie tout en restant capable de s'en détachant pour ne pas faire reposer ses
analyses sur la psychologie.
III)
Les faits de morphologie sociale jouent dans la vie collective et donc dans les explications sociologique un rôle prépondérant. Les phénomène sociaux sont déterminés par le
fait-même de l'association et varient donc selon les différentes formes de celle-ci. D'autre part, l'origine première de tout processus social de quelque importance doit être
recherchée dans la constitution du milieu social interne.
Les éléments qui composent ce milieu sont de deux sortes: les choses (produits de l'activité sociale antérieure) et les personnes. Ces derniers ont une certaine influence sur
l'évolution sociale puisque sa vitesse et sa direction varient selon eux mais il ne sont pas l'implulsion qui détermine les transformations sociales. Le sociologue doit donc
chercher à comprendre le milieu humain qui peut seul déterminer les transformations sociales, et à définir ses propriétés. On peut en identifier deux: le volume de la société et
sa densité dynamique représentée par un resserrement moral qui unit les individus par des relation économiques et morales et contribue donc à l'élaboration d'une vie
commune.
La densité de la société, permet quant à elle, de mesurer la densité dynamique puisque toute augmentation du volume de la société permet d'augmenter l'intensité de la vie
sociale. Aussi, l'augmentation du volume de la société et de sa densité dynamique modifie les conditions fondamentales de l'existence collective.
L'état du milieu humain dépend des causes sociales qui sont soit inhérentes à la société soit déterminées par les actions et les réactions qui s'échangent entre la société et ses
voisinnes. Le milieu social est donc le facteur déterminant de l'évolution collective et ce constat permet d'ailleurs à la sociologie d'établir des rapports de causalité.
C'est dans le milieu social que doit se mesurer la fonction des phénomènes sociaux puisqu'il en est la cause et étant la condition essentielle à l'existence collective, il fait qu'ils
sont nécessairement utiles.
IV)
A la plupart des tentatives qui ont cherché à expliquer rationnelement les faits sociaux, il a été possible d'objecter soit qu'elles faisaient évanouir toute idée de discipline sociale
soit qu'elle ne parvenait à la maintenir qu'à l'aide de subterfuges mensongers. En réalité, la sociologie verrait plutôt dans l'esprit de discipline la condition essentielle de toute
vie en commun, tout en le fondant en raison et en vérité.
Chapitre VI:Règles relatives à l'administration de la preuve:
I)
L'explication sociologique consiste exclusivement à établir des rapports de causalité. Les phénomènes sociaux échappant à l'action de l'opérateur, seule la méthode
comparative peut être utilisée en sociologie bien que Comte l'ait combinée avec une méthode historique. En effet, cette dernière n'a été développée par lui que parce qu'il avait
une conception particulière des lois sociologiques puisqu'elles devaient suivre l'évolution humaine. Aussi, si Mill privilégie l'expérimentation, celle-ci est également
inapplicable à la sociologie.
II)
Tous les procédés de la méthode comparative n'ont pas la même force démonstrative. Ainsi, la “méthode des résidus” bien qu'étant une forme de raisonnement expérimental,
ne permet l'étude des phénomènes sociaux car ces derniers sont trop complexe pour cette méthode qui consiste à retrancher k'effet de toutes les causes moins une. De même
les méthodes de concordance et de différence qui supposent que les cas comparés concordent en un point ou différent par un seul, est inutilisable.
A l'inverse, la méthode des variations concomitantes est plus démonstrative. En effet, pour qu'elle le soit, elle ne nécessite pas l'exclusion de toute variation différente de celles
comparées. Le simple parallélisme des valeurs par lesquelles passent les deux phénomènes, s'il a été établi par un nombre significatif de cas suffisamment variés, est la preuve
qu'il existe entre eux une relation.
Pour que cette méthode soit efficace, elle doit être méthodiquement conduite. Ainsi, il faut d'abord procéder par déduction pour chercher lequel des deux termes peut produire
l'autre puis vérifier ce résultat par l'expérience.
La méthode des variations concomitantes permet également d'étudier des faits à petite échelle puisque pour qu'elles donnent des résultats, seuls quelques faits suffisent. Aussi,
dès que deux faits varient l'un comme l'autre dans de nombreux cas, on peut être certain qu'on se trouve en présence d'une loi. De plus, comme peu nombreux, les faits
peuvent être étudiés plus précisément.
Si elle ne peut se servir d'un seul procédé expérimental, la sociologie n'est cependant pas inférieure aux autres siences. En effet, cet inconvénient est compensé par les
nombreuses variations qui s'offfrent aux comparaisons du sociologue et dont on ne trouve aucun exemple dans la nature. La vie sociale se voit en effet, sans cesse
transformée, modifiée en même temps que les conditions d'existence collective. Aussi, il existe une multitude de faits sociaux prenant des formes diverses suivant les milieux
où ils agissent.
III)
Cependant, les manières dont doivent être formées les séries de variation des faits sociaux sont différentes selon les cas. Elles peuvent comprendre des faits empruntés à une
ou plusieurs sociétés de même espèce ou à plusieurs espèces sociales distinctes ce qui permet, soit d'étudier des faits d'une grande généralité et sur lesquels nous avons des
informations et des statistiques étendues et variées, soit d'effectuer une comparaison plus étendue soit d'effectuer une comparaison donnant des résultats plus démonstratifs.
Par conséquent, on ne peut expliquer un fait social de quelque complexité qu'à condition d'en suivre le développement intégral à travers toutes les espèces sociales. De plus,
pour qu'une comparaison soit valable et démonstrative, elle doit avoir pour objet d'étude des sociétés avec la même période de développement. La sociologie comparée est la
sociologie même puisqu'elle cesse d'être purement descriptive et qu'elle cherche à rendre compte des faits.
Conclusion:
La sociologie doit être indépendante de toute philosophie et doit seulement chercher à établir des liens de causalité entre les phénomènes sociaux. Aussi, la méthode
sociologique doit être objective et doit donc considérer les faits sociaux comme des choses, c'est-à-dire comme des choses sociales.
1 / 3 100%