Repères FÉVRIER 2005 COLLECTION Les collections de ressources biologiques humaines Les collections de ressources biologiques humaines rassemblent des échantillons de sang, de cellules ou de tissus. Formidables outils pour les équipes de recherche, elles offrent de nouvelles perspectives d'avancées pour améliorer la santé. Elles ont pour vocation de répondre à des attentes fortes tant individuelles que collectives, et parfois contradictoires. Repères vous invite à faire le point. P. 4 Les collections, grands instruments de la recherche biomédicale P. 8 La pratique, entre principes et réalité P.15 Les centres de ressources biologiques, un futur en construction P.18 Évolution des collections : de nouveaux équilibres à trouver P. 22 Textes et références Institut Institutnational national de delalasanté santéet etde delalarecherche recherchemédicale médicale Repères FÉVRIER 2005 COLLECTION Les collections de ressources biologiques humaines L’Inserm est le seul organisme public français entièrement dédié aux recherches biologique, médicale et en santé des populations. Ses chercheurs ont pour vocation d’étudier toutes les maladies humaines, des plus fréquentes aux plus rares. Ses recherches s’inscrivent dans un large continuum, de la cellule à l’homme, de l’individu aux grandes populations. Fort d’une communauté scientifique, médicale et technique de plus de 13000 personnes (dont 6500 salariés Inserm) et de 360 laboratoires répartis dans toute la France, l’Inserm est implanté dans les hôpitaux et les universités. Acteur pivot de la recherche biomédicale, il est placé sous la double tutelle des ministères en charge de la Recherche et de la Santé. Repères, collection de dossiers scientifiques réalisée par le Département de l’information scientifique et communication de l’Inserm, est destiné à tous ceux et celles qui travaillent au sein de l’Institut. Il s’adresse aussi à toutes les personnes concernées par la recherche biomédicale. Repères se propose d’explorer des problématiques actuelles pour donner à chacun des «repères» scientifiques, mais aussi historiques, éthiques, économiques et juridiques. Repères permet de mieux situer les enjeux et les interactions entre science et société, d’appréhender la diversité des approches scientifiques et des opinions, tout en donnant une large place aux travaux conduits à l’Inserm. Collections de ressources biologiques humaines p. 4 Les collections, grands instruments de la recherche biomédicale p. 8 La pratique, entre principes et réalité p. 15 Les centres de ressources biologiques, un futur en construction p. 18 Évolution des collections : de nouveaux équilibres à trouver p. 22 Textes et références Les collections des ressources biologiques humaines rassemblent des tissus ou des cellules, échantillons précieux de par leur origine humaine, qui donnent souvent accès à l'information génétique des personnes donatrices. Les progrès technologiques gigantesques tant en biologie cellulaire et moléculaire, qu'en informatique, ont permis à ces collections de devenir des outils incontournables dans le domaine de la recherche biomédicale et en santé et constituent aujourd'hui un enjeu majeur pour son développement. Elles impliquent une structuration forte, des budgets et des personnels adaptés et doivent intégrer de réelles contraintes techniques, juridiques et éthiques. Protections des personnes et valorisation de ces ressources doivent en effet répondre aux attentes légitimes de tous ceux qui contribuent par leurs dons à la constitution de ces collections. Les équipes de l'Inserm se sont engagées en grand nombre dans la création de collections. L'Institut a pris plusieurs initiatives pour favoriser leur développement, garantir qualité et sécurité. Il s'est fortement impliqué dans l'émergence du concept de Centres Ressources Biologiques, initié par l'OCDE et le ministère en charge de la Recherche. L'Inserm, à travers ce numéro de Repères, se propose de faire le point sur ces collections, leur utilité et les évolutions profondes qui sont en jeu. Comme dans les numéros précédents, la parole est donnée aux différents acteurs concernés – chercheurs, cliniciens, associations de malades et spécialistes – qui témoignent ainsi des attentes mais aussi des questions posées par le développement et la structuration de ces nouveaux « outils ». Christian Bréchot Directeur général REPÈRES REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines I ÉPIDÉMIOLOGIE Analyse quantitative des circonstances d’apparition de pathologies dans Les collections, grands instruments de la recherche biomédicale des groupes de population; étude des facteurs qui interviennent dans leur incidence, leur distribution et leur évolution, et mise en œuvre de ce savoir Au fil de l’histoire, les collections de ressources biologiques humaines se sont affirmées comme des outils incontournables en recherche biomédicale… Plus récemment, un changement d’échelle et une professionnalisation des collections se sont amorcés avec les avancées de la génétique et de la bioinformatique. Cette mutation dans les outils mis à disposition de la recherche biomédicale suscite une vaste réflexion éthique et juridique… dans la prévention et dans la prise en charge. REGISTRE Recueil continu, exhaustif, des cas standardisés d’une maladie dans une ère géographique définie. COHORTE Ensemble de personnes incluses en même temps dans une étude et qui vont être suivies pendant plusieurs années. Rassembler des objets pour leur valeur documentaire est une pratique scientifique ancienne. En recherche médicale, l’approche globale du malade s’est enrichie d’une étude plus focalisée sur ses tissus et ses cellules. Il faut pour cela disposer d’éléments détachés du corps humain. Vont ainsi se constituer des collections de matériel biologique humain rare et précieux. Le défi est d’associer des échantillons biologiques de faible volume au grand nombre d’informations décrivant l’état de santé du donneur, informations sans lesquelles le matériel biologique est de peu d’intérêt. De plus ces collections doivent s’inscrire dans la durée et être accessibles aux scientifiques pour permettre leur valorisation. Étude prospective, programmée dans le temps qui vise à évaluer l’évolution de l’état de santé d’une population par le suivi de paramètres cliniques ou biologiques, avec ou sans intervention, avant et après l’apparition de pathologies. 4 De la collecte de données à la collection d’échantillons biologiques… À l’origine, des collections ont été constituées notamment par les épidémiologistes, les anatomopathologistes et les généticiens des populations. Les bases de l’épidémiologie descriptive, jetées à l’aube du XXe siècle, avec notamment la création de premiers registres recensant les cas de maladies par zone géographique, préfigurent les grands registres actuels (cancer…). Après- guerre apparaissent les premières études de cohortes, telles que celle conduite auprès de 5 000 résidents de la ville de Framingham (États-Unis) dans le domaine cardiovasculaire. Les participants à cette cohorte se prêtent à un questionnaire, à un examen clinique détaillé, à un électrocardiogramme… Mais également à un prélèvement de sang, collecté pour des mesures de paramètres tels que le taux de cholestérol sanguin. C’est le début, pour les épidémiologistes, des collections d’éléments biologiques à grande échelle. Par ailleurs, depuis longtemps, les anatomopathologistes réservaient des pièces opératoires pour affiner le diagnostic et participer à des recherches médicales. Avec les progrès de la biologie, l’étude des marqueurs biologiques devient une étape majeure. Elle répond à de nombreux besoins, qu’il s’agisse de caractériser une pathologie, de repérer ses signes précoces, d’évaluer l’exposition à des facteurs environnementaux ou alimentaires, de rechercher des facteurs de susceptibilité, en particulier génétiques… La mise en place d’une collection qui associe échantillons biologiques (sang, tissus, urine, ADN...) à une description clinique des personnes prélevées se révèle un instrument puissant pour comparer les statuts biologiques avant et après la déclaration d’une pathologie, analyser les évolutions des INSERM U508, U558, U258 PRIME EN BANQUE ET INFARCTUS Les centres français de Lille, Strasbourg, Toulouse, puis Paris, impliqués dans le programme européen Monica de surveillance des maladies cardiovasculaires, mené sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé, se sont associés au centre de Belfast (Irlande du Nord) pour une étude prospective sur l’infarctus du myocarde : l’étude Prime. Une cohorte de 10000 hommes âgés de 50 à 59 ans, a priori sains, a été constituée de 1991 à 1993. Coordonnée à Lille par l’équipe de Philippe Amouyel (U508 Inserm, Institut Pasteur), la banque comporte 240000 échantillons de plasma et de sérum, l’ADN ayant été extrait sur une partie de la banque. Différents paramètres sont analysés en liaison avec les événements cardiovasculaires : fractions lipidiques, facteurs de coagulation, interleukines, marqueurs génétiques, antioxydants et vitamines, hormones, paramètres de la glycémie. Le suivi sur cinq ans a confirmé le rôle de l’inflammation dans les maladies coronaires. L’analyse sur dix ans devait être validée fin 2004. Erratum : voir dernière page différents paramètres ou tester des hypothèses nouvelles sur des prélèvements anciens. L’essor des collections dans un contexte d’avancées scientifiques Ces dernières années, les activités de stockage d’échantillons biologiques se sont beaucoup amplifiées grâce à deux évolutions majeures pour la recherche biomédicale : les formidables développements de l’informatique (puissance de calcul, capacité de stockage) et les nouvelles techniques de biologie moléculaire. Ainsi l’amplification par PCR (Polymerase Chain Reaction) de l’ADN présent dans les échantillons permet de compenser la petite taille de l’échantillon pour détecter des mutations. La qualité des études dépend largement des données associées aux échantillons : informations personnelles (âge, Collections de ressources biologiques humaines Ressources biologiques humaines/Utilisation dans la recherche REPÈRES COLLECTION «Collection d’échantillons NATURE DES ÉCHANTILLONS biologiques humains» désigne, au sens du code de la Santé publique, la réunion, à des fins scientifiques, de prélèvements biologiques effectués sur un groupe de personnes, sélectionnées en fonction des TYPES DE COLLECTION Banque d’ADN : – ADN extrait (sang, cellules…), cellules buccales, cellules sanguines leucocytaires congelées, sang séché sur buvard, couche leuco-plaquettaire, lignées cellulaires… TECHNIQUES UTILISÉES – extraction d’ADN, – techniques de génétique moléculaire. BUTS EN RECHERCHE – recherche de mutations et de facteurs de prédisposition, immunogénétique, pharmacogénétique… caractéristiques cliniques Liquides biologiques : – plasma et sérum sanguin, liquide céphalo-rachidien, urine… ou biologiques d’un ou Tissus fixés et lames Organes Cultures primaires Lignées cellulaires établies (dont cellules cancéreuses) plusieurs membres du groupe, ainsi que des dérivés de ces prélèvements. Une autorisation doit être délivrée par le ministre – biochimie, – extraction de molécules, – dosages… – culture cellulaire, – microscopie optique et électronique, – électrophysiologie, – extraction de molécules, – techniques de génétique moléculaire… – microscopie optique ou électronique, – histologie, – microdissection, – extraction de molécules, – techniques de génétique moléculaire… chargé de la Recherche, après avis du CCTIRS, Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche – sérologie, recherche de marqueurs, – études immunologiques, virologie… – biologie et physiologie cellulaire, – pharmacologie, toxicologie, – études génétiques, protéomique… dans le domaine de la santé – anatomopathologie, morphologie, – physiopathologie, biologie cellulaire, – études génétiques, protéomique… (loi du 6 janvier 1978). PCR Procédé in vitro de sexe, profession, mode de vie et alimentation, origine de la population ou données généalogiques…), données cliniques et biologiques… Elles sont nécessaires pour observer la survenue et l’évolution des maladies ou des caractères étudiés. Les systèmes informatiques sont maintenant capables de stocker et traiter un nombre toujours croissant de données. L’essor des collections est aussi dû aux progrès des techniques de recueil, de transport et surtout de conser- vation des échantillons biologiques, notamment par cryopréservation. Dans de nombreux laboratoires ou services hospitaliers, une vraie dynamique s’est mise en place pour conserver des échantillons prélevés au cours d’un acte médical ou de recherche. Néanmoins, la conservation et la gestion de ces collections requièrent de véritables structures avec des personnels dédiés, des locaux et des équipements sous alarme. Des banques tournées vers les services Certains laboratoires se sont spécialisés dans la constitution de collections mises à disposition d’autres équipes de recherche. Outre la conservation, ils assurent la transformation, la distribution et la cession d’échantillons pour des usages diversifiés de recherche. Ainsi, à l’activité de collecte s’ajoute ici une activité de service. On parle alors de banques d’échantillons biologiques, ou biobanques. Elles peuvent être dédiées à un domaine de recherche ou avoir une multiplication exponentielle d’une séquence connue d’ADN. On peut ainsi obtenir rapidement des quantités mesurables – ou au moins identifiables – d’une séquence d’ADN à partir de traces infinitésimales. 5 REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines I CRYOPRÉSERVATION Conservation à très basses températures. BANQUE Terme utilisé, dans un souci de simplification, pour désigner un site sur lequel sont assurées des activités de transformation, de conservation de tissus et cellules humaines en vue de leur cession dans le cadre d’une activité commerciale, ou non, pour un usage scientifique ou thérapeutique. PHARMACOGÉNOMIQUE Identification des gènes impliqués dans les variations de sensibilité ou de tolérance au médicament. 6 vocation généraliste, comme la banque d’échantillons INSERM 360, U593, E361 sanguins associée à la cohorte Gazel, conduite par l’Inserm TROIS CITÉS, 10 000 VOLONTAIRES sur 20 000 volontaires, agents d’EDF-GDF, mise en place Les pathologies vasculaires et les facteurs de risque associés en 1989, exemple de ces nouveaux grands instruments dont jouent-ils un rôle dans la maladie d’Alzheimer ? C’est ce que cherche se dote la communauté scientifique. à élucider l’étude des 3 Cités (Bordeaux, Dijon et Montpellier), La création de ces banques, qui réunissent souvent diffécoordonnée par l’équipe d’Annick Alpérovitch (Inserm U360). En 1999 rentes collections, correspond à une volonté de professionet 2000, 10000 volontaires de 65 ans et plus, ne présentant pas de nalisation. Il s’agit de permettre aux équipes d’obtenir dans démence sévère, ont été recrutés et différentes données recueillies : les meilleures conditions,les échantillons de tissus,de cellules mode de vie, pathologies antérieures, pression artérielle et bilan ou d’ADN nécessaires à leurs travaux et de bénéficier d’un vasculaire (électrocardiogramme, échographie de la carotide), lieu de stockage sécurisé pour leurs propres collections. imagerie cérébrale chez les moins de 85 ans. Sérothèque, Il faut souligner que les ressources biologiques présentes plasmathèque et DNAthèque ont été constituées à partir de dans les banques contiennent de l’ADN (voir tableau p. 5), prélèvements sanguins pour l’étude des marqueurs biologiques et des elles permettent l’accès aux données génétiques des facteurs de susceptibilité génétique. L’Institut Pasteur de Lille, qui gère personnes. Les enjeux sont majeurs : identification de la banque, a mis en place une procédure qualité et élaboré un logiciel mutations à l’origine de maladies héréditaires et de facteurs de gestion de banque performant. Le suivi des pathologies cognitives, de susceptibilité génétique, élaboration de traitements des accidents vasculaires cérébraux et des pathologies coronaires, pharmacologiques spécifiques, de thérapies géniques prévu jusqu’en 2003, a été reconduit. Résultats dans cinq ans… et de tests génétiques… En France, la banque d’ADN et de cellules du Généthon (voir p. 7) a, par exemple, permis la localisation et l’identification de nombreux gènes de maladies rares. Le Centre d’étude du polymorphisme conditions de recueil des échantillons et de l’exploitation humain de Paris offre à la communauté scientifique inter- des informations, c’est-à-dire de confidentialité, de respect nationale l’accès à un matériel génomique commun, issu de la vie privée et des principes de consentement éclairé. d’un grand nombre de familles, et propose des services adossés aux nouvelles technologies d’analyse du génome. Des collections à l’échelle d’un pays Le développement des centres nationaux de séquençage Ces questions se posent de façon aiguë avec l’apparition de (CNS) et de génotypage (CNG) a considérablement ren- possibilités de traitement de grands volumes de données forcé le potentiel d'analyse de ces échantillons. L’accès aux qui ont ouvert la voie à la constitution de très grandes données génétiques intéresse les industriels qui se posi- collections. Plusieurs biobanques nationales ont ainsi tionnent dans la course aux nouvelles thérapeutiques ou été créées. En Islande, la société deCode Genetics gère une aux tests génétiques. Ce contexte international fortement vaste banque d’échantillons et de données cliniques et concurrentiel a favorisé la création de grandes banques pri- généalogiques de la population entière. D’autres projets de vées proposant des services en génomique. En raison ce type existent en Estonie, au Royaume-Uni, au Canada… de la nature particulière de l’information génétique, le Les ambitions affichées sont diverses, et l’implication de nombre croissant de banques d’ADN pose la question des l’industrie pharmaceutique plus ou moins forte. Ainsi, INSERM U170, U88 COLLECTION D’ADN ET SAVOIR-FAIRE ÉPIDÉMIOLOGIQUE Le projet Icare, coordonné à Paris par Isabelle Stücker (Inserm U170) et Danièle Luce (Inserm U88), vise à examiner le rôle des expositions professionnelles dans la640 survenue de cancers respiratoires. Environ 3000 cas de cancers du poumon, 3000 cas de cancers des voies aérodigestives supérieures et 3000 témoins issus de la population générale doivent être inclus dans l’étude d’ici 2006 (la collecte a commencé fin 2002). Une collection d’ADN a été établie d’abord à partir de cellules buccales. Elle doit permettre de rechercher les facteurs de susceptibilité génétique de ces cancers et l’existence d’interactions entre ces facteurs de risque et les facteurs de risque environnementaux. L’investigation va porter sur 80 cancérigènes, ce qui a nécessité l’élaboration d’un questionnaire extrêmement détaillé pour évaluer les expositions professionnelles (notamment aux fibres minérales de substitution à l’amiante, aux fumées de diesel, au formaldéhyde…). deCode a signé, dès 1998, un contrat avec la compagnie pharmaceutique Hoffmann-La Roche portant sur la mise au point de médicaments pour une douzaine de maladies communes, puis, en 2002, avec l’entreprise Merck pour travailler sur l’obésité. Le projet académique anglais, BioBank UK, est centré sur les maladies multifactorielles communes chez l’adulte. Ces ambitions, toutefois, se confrontent à diverses difficultés : mauvaise adhésion des médecins, financement difficile, acceptation sociale problématique… De plus, la pertinence scientifique de certaines collections semble parfois relative en regard de leur coût élevé. Enfin, les limites entre intérêt général et intérêts privés ne sont pas toujours clairement posées. Le point commun de tous ces projets est de rassembler des millions de données indispensables pour toute stratégie de médecine prédictive. Collections de ressources biologiques humaines CRB INSERM U574 – IFR94 BANQUE DE L’IRNEM : UN SERVICE COMMUN « Mon principal problème est d’obtenir des crédits et du personnel pour faire fonctionner la collection », affirme d’emblée Corinne Antignac (Inserm U574, Paris) qui dirige la banque d’ADN de l’Institut fédératif de recherche – IFR94 Necker-Enfants malades (Irnem). Créée en 1994 pour les besoins des cliniciens de l’hôpital des Enfants malades, la banque est devenue six ans plus tard un service commun à toutes les équipes du nouvel institut. Sa mission est «simple » : conserver l’ADN – purifié ou sous forme de lymphocytes, lignées cellulaires ou échantillons tissulaires – dans les meilleures conditions possibles. L’Institut est implanté dans des hôpitaux célèbres, entre autres, pour leurs cohortes de patients atteints de maladies génétiques familiales, dont certaines sont constituées et suivies depuis près de quarante ans. Pas étonnant donc, avec une telle mine, que « cette banque à vocation généraliste soit en fait centrée essentiellement sur les maladies génétiques rares », comme l’explique sa responsable. http://www.necker.fr/irnem/Archives/Serv.Comm/Banque%20ADN. htm http://www.necker.fr/irnem/Index.html REPÈRES GÉNÉTHON : UNE ORGANISATION PIONNIÈRE Le laboratoire Généthon a été créé par l’Association française contre les myopathies (AFM) en 1990 afin de lutter contre les maladies génétiques. Ses missions sont passées de l’étude des marqueurs génétiques à l’identification de gènes au bénéfice des malades puis à la mise en place d’outils pour les thérapies géniques et cellulaires. Depuis sa fondation, Généthon a été mis en place afin d’accélérer Centres de ressources la découverte de gènes défectueux. Les échantillons ont été recueillis en France et dans le monde entier grâce à un réseau de médecins de collecte. Cette collection intègre aujourd’hui près de 150000 échantillons provenant de 55000 familles. Cette démarche pionnière de la part d’une association de patients, au service de la communauté scientifique internationale, a permis de lever un frein dû à la difficulté de rassembler des collections et à la faible implication des laboratoires pharmaceutiques dans la recherche sur les maladies rares. Ces développements ont conduit les équipes du Généthon à définir des règles déontologiques et éthiques, des modalités d’évaluation des projets et une démarche qualité, très élaborées. Le Généthon est ainsi un centre de ressources biologiques humaines de référence au niveau international. biologiques humaines, microbiennes, végétales ou animales, cultivables (cellules…), réplicables (ADN…) ou non renouvelables (tissus, sérums…), qui acquièrent, valident, étudient et distribuent des collections, maintiennent des bases de données accessibles aux utilisateurs, éventuellement Un nouveau défi : structurer les pratiques Les interrogations suscitées par ces très grandes collections ont mis sur le devant de la scène la nécessité d’encadrer les banques et collections de ressources biologiques humaines. Il s’agit de s’assurer que les prélèvements sont effectués et gérés selon des normes de qualité, pour permettre une utilisation optimisée de ces ressources et accélérer les découvertes en garantissant le respect des règles éthiques. En France, le dispositif légal actuel trouve son fondement notamment dans les lois relatives à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (1978), à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite «loi HurietSérusclat » (1988), à la loi de bioéthique (1994). Ce corpus juridique a été largement réactualisé et précisé, notamment en 2004 avec les lois relatives à la politique de santé publique et à la bioéthique. S’y ajoutent des règles de bonnes pratiques et des recommandations édictées principalement par la Haute Autorité de santé et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). La nécessité de rationaliser la gestion des collections et de diminuer les coûts liés à leur entretien en augmentant leur valorisation se fait également sentir. Un effort de structuration et de mise en synergie paraît souhaitable, en France comme à l’international. En 1999, l’OCDE propose de créer un réseau de centres de ressources biologiques, CRB humaines, mais aussi animales, végétales et microbiennes. « Ces CRB doivent assurer l’accès aux ressources biologiques dont dépendent la recherche-développement en sciences de la vie et les progrès des biotechnologies. » En octobre 2003, l’Unesco proclame dans une « déclaration internationale sur les données génétiques humaines », les principes qui doivent prévaloir en accord avec le droit international des droits de l’homme. Ainsi la réflexion sur les CRB doit porter sur des procédures standardisées permettant de garantir la traçabillité des échantillons, une rationalisation des usages et un meilleur rapport investissement/résultats, sans oublier la sécurité des personnels qui s’en occupent… Entre respect des droits des personnes et soutien à la recherche ou au diagnostic, entre utilisation non commerciale des éléments du corps humain et valorisation, entre circulation des connaissances et intérêts privés, de justes équilibres sont à trouver… fournissent l’accès à des services et outils de traitement des données. IFR, INSTITUT FÉDÉRATIF DE RECHERCHE Il regroupe des unités de recherche issues de l’Inserm, du CNRS ou de l’Inra avec les équipes cliniques et universitaires, le plus souvent présentes sur un même site. 7 Erratum L'encadré P4 du présent numéro sur les « collections de ressources biologiques humaines » intitulé « Prime en banque et infarctus » comporte des inexactitudes qui sont corrigées dans le texte suivant: L'Etude PRIME, coordonnée par l'équipe de Pierre Ducimetière (Inserm Unité 258) a permis la constitution de deux bio banques orientées vers la recherche cardiovasculaire, qui rassemblent des échantillons et des informations sur près de 11.000 hommes, à priori sains, âgés de 50 à 59 ans, recrutés entre 1991 à 1993 et suivis depuis. La banque de plasma et de sérum est hébergée à Lille (Inserm Unité.545) tandis que la banque d'ADN est située à Paris (Inserm Unité.525). Ces banques ont pour vocation de redistribuer les aliquotes aux laboratoires participant au projet. Elles permettent d'analyser de nombreux paramètres en liaison avec les évènements cardiovasculaires observés au cours du suivi de la cohorte: fractions lipidiques, facteurs de coagulation, facteurs inflammatoires, marqueurs génétiques, antioxydants, etc. Par exemple, l'association de l'inflammation avec le développement de la maladie coronaire a été confirmée par l'étude de plusieurs marqueurs dont les interleukines 6 et 18. L'analyse globale des résultats est prévue au printemps 2006. L'étude PRIME a bénéficié d'un réseau de recrutement de volontaires et de laboratoires de recherche qui s'est appuyé sur l'existence de l'étude ECTIM « étude cas témoin de l'infarctus du myocarde» (coordonnée par l'unité 258 et le SC 7 et actuellement par Inserm U 525). ECTIM et PRIME n'auraient pu exister sans le programme MONICA de l'OMS qui, avec les centres français (coordonnés par Inserm U 258), Lille (Inserm Unité 508 - Institut Pasteur), Toulouse (Inserm Unité 558) et Strasbourg, associés au centre de Belfast, ont offert une logistique idéale pour le recrutement des volontaires. REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines II La pratique, entre principes et réalité Les collections existantes ont été créées dans des circonstances diverses, chacune avec un but spécifique. Malgré cette diversité, elles tendent à uniformiser leurs pratiques. Toutes utilisent en effet des produits dérivés du corps humain, d’où des préoccupations légales et des contraintes techniques communes. La lourdeur et la complexité de la tâche impliquent la professionnalisation de cette activité et l’émergence de nouveaux métiers. Le mot « collection » recouvre une multitude de réalités : diversité des pathologies étudiées, des populations concernées et des finalités (collection à but de recherche, recueil de prélèvements cliniques pour le diagnostic, banque «professionnelle», etc.). Toutes obéissent cependant aux mêmes contraintes car elles prélèvent, conservent et utilisent ou cèdent, des produits issus du corps humain qui peuvent Le processus : de la collecte à l'exploitation Chacune des étapes conditionne la réussite des suivantes et doit répondre à des critères techniques et éthiques stricts, le tout dans un cadre légal complexe. 8 parfois être dangereux pour ceux qui les traitent. Ces échantillons sont des « objets » précieux, fragiles et parfois même dangereux s’ils proviennent de personnes porteuses de germes pathogènes. Les collections détiennent de plus des renseignements confidentiels sur les donneurs. À tout moment, il faut pouvoir garantir la préservation de la qualité des échantillons, la sécurité des intervenants et la régularité éthique et légale de chaque opération. Or, de la collecte à l’analyse des échantillons, chaque étape du processus de transformation d’un prélèvement conditionne la réussite technique des étapes suivantes et influe sur la pérennité potentielle de la collection. Bien sûr, les collections s’inscrivent dans un cadre légal et réglementaire. On comprend donc toute l’importance des aspects logistiques et juridiques. 1/ ÉLABORATION D’UN PROTOCOLE Dans la constitution d’une collection à des fins de recherche, vu la rareté de la « ressource » et l’aspect parfois invasif du prélèvement, la définition du protocole est une étape majeure. C’est en effet la pertinence scientifique du projet qui justifie l’existence d’une collection, tant auprès des autorités que des financeurs (organismes de recherche, centres hospitaliers, industriels, associations de malades). Il en va de même lorsqu’un chercheur demande à une Collections de ressources biologiques humaines collection déjà constituée de lui fournir des échantillons. Le protocole déterminera également la population concernée (critères d’inclusion dans la collection), le type et la quantité de produits biologiques à prélever et les transformations techniques qu’ils doivent subir, ainsi que les données cliniques, biologiques ou autres, à recueillir auprès des donneurs. En somme, toutes ces étapes dépendent du protocole de recherche. 2/ COLLECTE • Acte de prélèvement Trois situations bien différentes se présentent. La première : l’acte de prélèvement peut être effectué au cours d’un soin prodigué au donneur. Le médecin recueille pour la collection l’excédent de fluide (sang, lymphe, urine, liquide céphalo-rachidien, etc.) non utilisé après une analyse diagnostique ou « récupère » d’éventuelles pièces opératoires (tumeurs, annexes fœtales, restes d’exérèse…). Ces prélèvements auraient eu lieu sans l’existence de la collection. La personne prélevée doit être informée de cette utilisation et ne pas s’y opposer pour qu’elle soit possible. Deuxième situation : le prélèvement peut être effectué dans le cadre d’un protocole de recherche biomédicale. La loi prescrit l’examen du protocole par un CPP/CCPPRB et exige un consentement signé après information. Enfin, troisième hypothèse : les prélèvements peuvent être effectués dans le cadre d’un don à visée purement scientifique. Les frontières entre ces situations ne sont pas toujours nettes étant donné la pérennité des échantillons et leur possible réutilisation hors du contexte de soins. La plupart des donneurs encouragent d’ailleurs une utilisation maximale de leurs prélèvements, « pour que cela serve à quelque chose ». Dès cette étape, le protocole des futures recherches impose des choix techniques. Outre la quantité et le type de tissus et fluides REPÈRES ANNEXES FŒTALES QUATRE NIVEAUX DE CONFIDENTIALITÉ POUR LES DONNÉES Non identifiables ou anonymes. Il n’est pas possible d’identifier le donneur car, dès le prélèvement, aucun lien n’existe entre lui et les échantillons et données médicales. Nominatives. Il existe un lien direct (nom, immatriculation à la Sécurité sociale, numéro de dossier) entre le donneur et les échantillons et données. Codées ou dénominalisées. Échantillons et données sont identifiés par un code. Il faut posséder la clé du code pour remonter jusqu’au donneur. Anonymisées. Le lien entre le donneur et les échantillons et données est perdu par destruction des identificateurs (nom ou clé de codage). Placenta, cordon ombilical, liquide et membrane amniotiques. Ces tissus proviennent de l’œuf fécondé et possèdent donc le même patrimoine génétique que le fœtus. EXÉRÈSE Ablation chirurgicale d’un organe ou d’un tissu. CPP/CCPPRB Les comités pour la protection des personnes sont compétents en matière de recherche biomédicale, d’utilisation secondaire d’éléments biologiques. Ils interviennent, auprès des autorités, dans les procédures pour la mise en place des activités de conservation et de préparation à des fins scientifiques. 9 REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines II GÉNOTYPAGE Analyse d’une partie du génome d’un individu afin d’identifier des variants de gènes (allèles) ou des marqueurs particuliers, en général liés à une maladie. Le génotypage permet de suivre la transmission familiale de ces variants et/ou d’établir un diagnostic. INSERM U289 – EMI9906 – IFR70 UNE COLLABORATION AVEC L’INDUSTRIE Alexis Brice (U289, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) et Dominique Campion (EMI9906, université de Rouen) ont constitué, dans le cadre du réseau Inserm Génétique et maladie d’Alzheimer, une collection d’échantillons d’ADN concernant un millier de personnes atteintes de cette maladie. Depuis décembre 2002, cette banque, service commun de l’IFR70, est liée par un contrat de collaboration à la firme pharmaceutique Aventis, au nom d’un intérêt réciproque bien compris. Les chercheurs publics peuvent utiliser la plate-forme de génotypage à haut débit d’Aventis… et la firme contribue au financement de la collection. En retour, les chercheurs d’Aventis accèdent à cette précieuse ressource pour tester leurs hypothèses et leurs nouvelles molécules. biologiques prélevés, il faut, par exemple pour éviter la formation d’un caillot dans les tubes de collecte de sang, utiliser un produit anticoagulant précis (héparine, EDTA [éthylènediaminetétracétite] ou citrate de sodium). Mais chacun de ces produits « bloque » des facteurs sanguins particuliers qu’il sera impossible d’analyser par la suite. En conséquence, pour ne pas se priver d’analyses futures, beaucoup de collections conservent, par exemple, le sang prélevé avec plusieurs types d’anticoagulants. • Consentement Tout prélèvement suppose le consentement ou, à tout le moins, la non-opposition de la personne. Ce consentement n’est, par principe, jamais définitif. En matière de recherche biomédicale, il est nécessairement donné par écrit après que la personne qui participe à la recherche a reçu une information claire et loyale sur celle-ci. 10 Les parents décident pour un enfant mineur ou en situation prénatale. L’avis de l’enfant est généralement pris en compte s’il est en âge de comprendre. Pour les « majeurs protégés », la décision revient au tuteur légal. Enfin, pour un donneur décédé, et malgré le régime du consentement supposé, on demande le plus souvent l’avis des proches. Cette information préalable doit comprendre notamment l’exposé de l’objectif, la méthodologie et la durée de l’étude, les contraintes et les risques qu’elle impose au donneur ainsi que l’avis du CPP. Dans le cadre d’un examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou de son identification par empreintes génétiques à des fins de recherche scientifique, le consentement express de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen, après qu’elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l’examen. Outre la question du prélèvement, se pose la question de la réutilisation des éléments biologiques prélevés. Cette dernière est désormais clairement encadrée par la loi. L’utilisation d’éléments et de produits du corps humain à une fin médicale ou scientifique autre que celle pour laquelle ils ont été prélevés ou collectés est possible, sauf opposition exprimée par la personne sur laquelle a été opéré ce prélèvement ou cette collecte, dûment informée au préalable de cette autre fin. Une dérogation au principe d’information a été introduite lorsqu’il est impossible de retrouver la personne concernée (donc anonyme, changement d’adresse, décès…), ou lorsqu’un CPP, consulté par le responsable de la recherche, n’estime pas cette information nécessaire. Un consentement n’est jamais définitif : le donneur peut le révoquer sans forme et à tout moment. Il peut également exclure certains types de recherches – génétiques par exemple. Notons enfin que la plupart des revues scienti- LA QUALITÉ DES ÉCHANTILLONS Un échantillon de qualité doit être exploitable et représentatif. Il est scientifiquement utilisable si son volume est suffisant pour l’analyse, s’il est lié de manière sûre avec les données… et si on peut le retrouver (identification et localisation dans l’enceinte de stockage). Il n’est le reflet du prélèvement d’origine que s’il est recueilli, transformé et conservé dans les règles de l’art. Aucune règle officielle ne dicte les procédures et les obligations de qualité pour les collections scientifiques, mais les lois concernant les banques à visée thérapeutiques peuvent constituer une référence, en particuliers une récente directive européenne (cf. Textes de référence p.22). De plus il existe des guides de bonnes pratiques internationaux ainsi que des normes concernant la chaîne du froid ou le risque viral. On s’assure régulièrement de la qualité des échantillons en en prélevant quelques-uns au hasard pour tester la survie des cellules, l’existence des données, etc. fiques – et des organismes qui financent les recherches – exigent la présentation de l’avis d’un comité d’éthique et d’un consentement pour publier les résultats. • Recueil des données patients Les données médicales, biologiques et personnelles du donneur caractérisant les prélèvements, sont un composant indispensable d’une collection, sans lequel les échantillons eux-mêmes n’auraient aucun intérêt. Elles sont donc recueillies et conservées avec autant de soin. De plus, leur confidentialité doit être assurée pour protéger le donneur de toute utilisation malveillante (voir l’encadré). Elles sont soumises au secret professionnel et plus particulièrement au secret médical. Traitées dans un >>> Collections de ressources biologiques humaines d’opération ou de la chambre du donneur au laboratoire de l’hôpital, par exemple. REPÈRES CNIL Commission nationale de l’informatique et des L’immortalisation des cellules Les lymphocytes, isolés du sang par centrifugation, sont cultivés en présence du virus du lymphome qui leur confère une certaine «immortalité» car elle devient tumorale. Cette transformation s'accompagne de la modification de certains caractères sans toutefois, ici, affecter l'ADN. • Conditionnement Selon les conditions de prélèvement et les possibilités techniques, les produits biologiques sont expédiés tels quels au laboratoire de transformation ou subissent une première mise en condition. C’est souvent le cas pour le sang, qui ne peut être laissé sans traitement, car il coagule, ce qui rend impossible l’isolement ultérieur des cellules sanguines (hématies, plaquettes et leucocytes). Si l’on veut préserver le plasma et les cellules pour en extraire par exemple les acides nucléiques (ADN et ARN), on recueille le sang en présence d’un anticoagulant et on le centrifuge rapidement. Une opération, apparemment aussi banale que la centrifugation, détruit des facteurs de coagulation différents selon la vitesse et la température auxquelles elle est effectuée. libertés. Instituée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, cette autorité administrative indépendante a pour mission de protéger la vie privée et les libertés individuelles ou publiques des utilisations abusives de l’informatique. Elle recense, contrôle et réglemente les fichiers contenant des données personnelles, et en garantit le droit d’accès. PATIENTS ET CHERCHEURS ENSEMBLE CONTRE LA MALADIE fichier informatisé, ces données relèvent de la loi de l’informatique et des libertés (1978) qui a mis en place la CNIL et le Comité consultatif de traitement de l’information pour la recherche en santé. La nature des données varie selon le type de collection. Elle est évidemment déterminée par les analyses à venir lorsqu’on les connaît. Outre les éventuels renseignements cliniques si le donneur est un patient, elles peuvent comprendre des paramètres biologiques, des images médicales, mais aussi des renseignements plus généraux comme le régime alimentaire et tabagique, le mode de vie, les données socio-économiques, professionnelles, etc. Les caractéristiques du prélèvement sont également archivées pour permettre la traçabilité de l’échantillon : date, lieu et circonstances, identité du préleveur, modes de conservation... 3/ CONSERVATION Les étapes précédant le stockage définitif se succèdent le plus rapidement possible pour éviter la dégradation des échantillons. La « chaîne du froid » commence dès le prélèvement pour n’être interrompue qu’au moment de l’utilisation finale par le chercheur. Les phases de conditionnement et de transformation, présentées ci-dessus successivement pour des raisons de clarté, ne sont pas toujours bien séparées : il arrive qu’une partie de la transformation soit effectuée dès le prélèvement. Quant au transport, il peut être très court : de la salle Depuis la création du Généthon par l’AFM (voir p. 7), le rôle des associations de patients dans la constitution de collections de ressources biologiques s’est affirmé. Leur mobilisation traduit la volonté des malades de «donner» de leur personne. Atteints de pathologies mal connues, souvent rares (mucoviscidose, maladies neurodégénératives…), ces malades espèrent, par le don d’échantillons, débloquer les recherches les plus difficiles, et pourquoi pas en susciter. À l’actif des collections, qu’ils ont lancées et soutenues, de nombreux succès, telle la découverte d’un gène impliqué dans l’amyotrophie spinale. Les associations ont un droit de regard sur l’utilisation de ces collections. Elles sont de précieux partenaires pour des organismes comme l’Inserm. 11 REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines II Le stockage et l’utilisation de l’ADN CARBOGLACE Appellation impropre – c’est une marque déposée –, mais coutumière de la glace carbonique, ou dioxyde de carbone (CO2) à l’état solide. Abondamment utilisé pour le transport de denrées périssables, le CO2 garde une température proche de - 80 °C. ALIQUOTES Ses conditions sont donc à déterminer en fonction de l’utilisation future des échantillons. Fraction d’un échantillon suffisante pour une (des) analyse(s). Chaque aliquote prélevée dans un échantillon est conditionnée individuellement. Elles sont toutes, par définition, identiques en composition et en volume. • Transport Si le laboratoire de transformation n’est pas sur le site du prélèvement, les échantillons sont expédiés en boîtes isothermes, parfois dans de la carboglace, s’ils sont déjà congelés. Le transport d’éléments biologiques est réglementé pour des raisons de sécurité sanitaire. De plus, ce transport suppose, lorsque les éléments biologiques sont importés ou exportés, que l’établissement obtienne une autorisation valable cinq ans auprès du ministère chargé de la Recherche. Transformation C’est à ce moment que le produit biologique prélevé est transformé en échantillons propres au stockage ou à l’analyse. Cette phase comporte la préparation qualitative, le fractionnement en aliquotes et la mise en tubes ou paillettes pour la conservation. Par sécurité, la plupart des 12 collections préparent et conservent, outre les échantillons utilisables, au moins un exemplaire non cessible de chaque prélèvement, qu’il soit mis en culture ou congelé. Le refroidissement des échantillons jusqu’à la température de stockage peut être rapide pour les liquides. En revanche, afin d’éviter que la formation de cristaux de glace n’endommage les cellules, lymphocytes et tissus sont congelés progressivement (1 à 3 °C par minute) en présence de produits cryoconservateurs. Malgré ces précautions, les cellules souffrent du traitement et seule la moitié d’entre elles environ survit à un cycle de congélation-décongélation. En revanche, les acides nucléiques, étant relativement stables au froid, permettent une extraction qui peut sans grande perte s’effectuer après congélation des cellules. Étant donné leur sensibilité à la congélation, il arrive que les cellules soient immortalisées et mises en culture dès leur arrivée au laboratoire (voir le schéma). On cultive lymphocytes et tissus, soit pour analyser leurs caractéristiques, soit pour disposer d’une source illimitée d’ADN. Cela nécessite une infrastructure spécialisée très lourde. Mais certaines caractéristiques des cellules cultivées et immortalisées peuvent se modifier de génération en génération : c’est le phénomène bien connu de la dérive, évidemment préjudiciable aux résultats et à la pérennité de la collection. Échantillons + enregistrements Depuis le tout début de la chaîne, un lien matériel ininterrompu doit exister entre le numéro de référence du prélèvement, les multiples échantillons qui en sont tirés et les données qui s’y rapportent. Étiquettes multiples, codes-barres, procédures très strictes de transfert, tout est donc mis en œuvre pour ne pas perdre la trace d’échantillons au cours des différentes manipulations. Bien qu’il existe des logiciels commerciaux, beaucoup de collections ont développé leur propre outil informatique de stockage et de traitement des données, ce qui n’est pas sans poser des problèmes lors de la fusion des données de différentes sources. Outre les données concernant le Collections de ressources biologiques humaines REPÈRES INSERM U643 DIVAT : FIABILITÉ ET PÉRENNITÉ D’UNE COLLECTION « Ca a commencé, il y a six ou sept ans comme une base de données cliniques sur nos transplantés », se souvient Magalie Giral, coordonnatrice de la recherche clinique à l’Institut de transplantation et de recherche en transplantation (Inserm U643, CHU Nantes), premier site français de greffe du rein. En juillet 2003, avec l’autorisation du ministère, l’équipe a commencé à collecter du sang, de l’ARN et des tissus pour créer une banque à vocation européenne. Cette banque bénéficie du mécénat des laboratoires Roche. Rassemblant aujourd’hui des services néphrologiques de Nantes, Nancy, Paris, Toulouse et Montpellier, la banque Divat (réseau d’information validée en transplantation) concerne plus de 6000 patients, dont les échantillons sont décrits par 250 paramètres validés. À la fin du protocole expérimental initial propre à l’équipe nantaise, les échantillons et données d’un patient pourront être cédés à d’autres chercheurs. En effet, pour Magalie Giral, «le souci majeur est la pérennité de la banque. Il faut que ce que nous avons collecté et conservé soit exploitable, que cela serve au maximum». donneur et le prélèvement, le fichier contient des éléments de gestion de la collection, le suivi de chacun des échantillons (entrée, sortie, volume restant...) et des éventuels incidents (pannes, décongélation-recongélation de certains échantillons, etc.). Ces données doivent en même temps respecter les règles de confidentialité et les règles de protection des personnes. LE CONTEXTE JURIDIQUE L’encadrement des collections a fait l’objet d’une profonde refonte avec la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 sur la bioéthique pour les éléments biologiques, et la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 sur la protection des personnes physiques pour le traitement de données personnelles, modifiant la loi de 1978 informatique et libertés. La loi définit désormais la notion de collection. Elle encadre les activités de conservation et de préparation à des fins scientifiques, des éléments du corps humain, en imposant au responsable de cette activité de la déclarer, lorsqu’elle est mise en œuvre pour les besoins de ses programmes de recherche, ou bien d’obtenir une autorisation, lorsqu’elle est mise en œuvre en vue d’une cession de ces éléments. L’utilisation secondaire est désormais explicitement envisagée et encadrée. Au-delà, il faut également s’intéresser à la déclaration de l’Unesco qui constitue la première référence mondialement reconnue, aux recommandations de l’OCDE, des comités d’éthique ou d’organisations professionnelles... de dérive. C’est pourquoi, malgré les pertes, les collectionneurs préfèrent congeler les cellules qu’ils n’entendent pas analyser immédiatement. Ils utilisent deux méthodes de conservation : azote liquide à - 196 °C ou congélateurs à - 80 °C. Le stockage en azote liquide, insensible aux pannes électriques, convient aux grandes collections de cellules, mais le retrait d’un échantillon y est une opération délicate. Pour des collections souvent utilisées, les congélateurs sont plus souples d’emploi. Si certaines collections peuvent conserver dans des conditions de température différente (y compris en étuve), le respect des conditions de sécurité, de stockage et de traçabilité reste toujours aussi impératif. La sécurité est une dimension essentielle du stockage. Elle nécessite des systèmes d’alarme, de secours et du personnel d’astreinte pour les opérations de transfert d’urgence. C’est une des principales raisons de la professionnalisation croissante des collections. De plus en plus de grandes collections sont, en outre, dédoublées sur deux sites distincts afin de limiter les risques. Stockage Depuis l’abandon de la lyophilisation, trop coûteuse, le froid demeure la méthode quasi universelle de conservation des échantillons biologiques. La culture cellulaire 4/ UTILISATION ne peut être considérée comme une conservation à Une collection biologique est principalement créée en vue proprement parler, en particulier à cause des phénomènes d’une recherche particulière, d’un protocole préexistant. Le collectionneur et l’utilisateur font souvent partie de la même équipe. On parle dans ce cas d’utilisation « primaire ». Lorsque la recherche est achevée, se pose la question du devenir des échantillons. Ils peuvent être détruits ou anonymisés, mais une collection biologique est une ressource tellement précieuse que la tendance générale est d’en autoriser l’utilisation « secondaire » par d’autres chercheurs. Cette utilisation secondaire est désormais clairement encadrée par la loi. De plus en plus de centres de conservation se sont dotés d’un comité scientifique, dont une des tâches est d’accepter ou non les demandes de cessions d’échantillons biologiques, parfois en prenant l’avis du CPP. Il se fonde sur l’intérêt scientifique de l’étude, la non-concurrence avec les recherches déjà entamées par les initiateurs de la banque, le respect des règles éthiques et légales et, évidemment, la disponibilité des échantillons. Un contrat définit la propriété des résultats et établit éventuellement un prix de cession. Les échantillons peuvent également être cédés à une collection de type banque, une structure de conservation qui ne fait pas elle-même de recherche (voir l’encadré ci-contre). Ces collections « professionnelles » conservent les échantillons et les cèdent à 13 REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines II titre onéreux après agrément de la demande de recherche par leur conseil scientifique. En vertu du principe de nonpatrimonialité du corps humain, les échantillons euxmêmes ne sont pas commercialisables : c’est le service de transformation et de conservation qui est vendu. Cela représente une rupture culturelle pour bien des cliniciens et des chercheurs qui doivent accepter que les échantillons qu’ils ont parfois eux-mêmes prélevés ne leur « appartiennent » pas, et que leur utilisation a un coût. Deux phases dans le financement On peut distinguer deux phases dans les besoins de financement d’une collection. Tout d’abord, lors de sa création, elle nécessite des investissements lourds pour disposer de locaux sécurisés, de matériel de laboratoire, d’un système informatique, de congélateurs et de leurs systèmes de sécurité. Les fonds proviennent en général des organismes de financement de la recherche (publics et associatifs, nationaux ou internationaux) et sont dédiés au protocole scientifique qui en a justifié la demande. Ils ont donc une durée limitée. Pour assurer son équilibre économique et sa pérennité, la collection doit ensuite trouver d’autres ressources, proposer des services complémentaires. Dans la plupart des cas, les locaux sont fournis par un hôpital et le salaire du personnel par les organismes de recherche. Reste à assurer les frais de fonctionnement. C’est la justification du prix de cession demandé aux utilisateurs. En conclusion Aujourd’hui, on ne peut que constater la grande hétérogénéité des structures et des situations. Des règles empiriques de fonctionnement se sont cependant forgées avec l’expérience et tendent à devenir des standards de fait. Citons, par exemple, la présence d’un comité scientifique, une coordination technique assurée à plein-temps ou 14 NEUROBIOTEC : UNE STRUCTURE ORIGINALE Il y a quelques années, à l’hôpital neurologique et neurochirurgical des Hospices Civils de Lyon - HCL, le professeur Christian Confavreux (Inserm U433) entretenait une collection de prélèvements de ses patients “avec les moyens du bord“. « Une panne de congélateur a tout détruit. Cela fut l’événement décisif pour notre création » se souvient Nathalie Dufay, ingénieur de Neurobiotec Banques (NBB), un Centre de responsabilité des HCL. Officiellement lancée début 1997 après une réflexion conduite notamment par Marie Françoise Belin (Inserm U433), cette banque est un élément clé du Centre de Ressources Biologiques des HCL. Elle gère actuellement treize collections dédiées à des pathologies neurologiques ou psychiatriques, initiées par des cliniciens qui en sont toujours responsables en tant que membres du comité scientifique de Neurobiotec Banques. La banque ne fait pas de prélèvement mais reçoit du sang et des tissus prélevés par les cliniciens en vue d’un diagnostic, ou les “résidus opératoires“. Elle assure ensuite transformation et conservation, dans des locaux dédiés et avec un personnel spécialisé, des plasma, lymphocytes, liquide céphalo-rachidien et tissus solides recueillis, ainsi que les données biologiques et médicales des donneurs. Les chercheurs extérieurs peuvent demander l’accès aux collections, accès soumis à l’avis du comité scientifique de Neurobiotec Banques. Il s’ensuit un contrat de cession payante, la banque devant à terme autofinancer son activité. Le prix de la cession représente les gestes techniques effectués, la gestion de la qualité et de la traçabilité, la conservation des échantillons, la fourniture de données cliniques et biologiques vérifiées et complètes, et le recueil du consentement. Le contrat définit également la répartition de la propriété intellectuelle sur les résultats. « Aujourd'hui, nous demandons juste que la biothèque soit citée » précise Nathalie Dufay, puisque Neurobiotec Banque fournit un service professionnel mais ne participe pas aux recherches. Depuis mai 2003, Neurobiotec Banques a suscitée la création d'une seconde entité, Neurobiotec Services, elle aussi implantée à l’hôpital. Cette structure de valorisation Inserm-IFR19/HCL, sous la responsabilité de Marie Françoise Suaud-Chany, met à la disposition des chercheurs publics ou privés un ensemble de plateaux techniques pour valoriser et exploiter les échantillons de la banque mais aussi ceux qu’ils apportent eux-mêmes. La parfaite synergie entre l'Inserm et les HCL fait toute la force de ce projet. http://www.neurobiotec.net/ un système d’assurance-qualité (définition et respect de procédures d’opératoires, audits éventuels). Depuis quelques années, cette activité est en effet passée du stade artisanal à une pratique professionnelle qui a conduit à l’émergence de la notion de Centres de ressources biologiques en 1999. De la collection rassemblée par un clinicien-chercheur en vue de sa propre recherche et stockée dans un congélateur, on est passé à des entités de type banque, gérées par des « banquiers » ou « conservateurs » professionnels, qui pratiquent la cession à titre onéreux d’échantillons conditionnés et documentés selon des critères liés à l’assurance-qualité du conditionnement et de la conservation de ces échantillons. Certaines banques peuvent même valoriser leurs échantillons en développant des savoir-faire qui permettent de proposer des services supplémentaires d’analyse et de traitement, à la demande. Collections de ressources biologiques humaines REPÈRES III Les centres de ressources biologiques, un futur en construction CABRI (Common Access to Biological Resources and Information.) Réseau lancé sous l’égide Normaliser les activités des collections et les échanges de produits biologiques, développer la qualité et la traçabilité, rationaliser la gestion requièrent des investissements sur le long terme. Sous l’impulsion de l’OCDE, une organisation des CRB se dessine. Cette évolution bouscule des habitudes de travail et suscite bien des questions. de la Commission européenne, opérationnel depuis 1999. Il a créé des catalogues communs et entretient 26 collections, essentiellement en bactériologie, mycologie et virologie, quelques-unes À l’ère de la post-génomique, l’accès international à des ressources biologiques validées, avec des garanties d’assurance-qualité et de traçabilité est devenu un enjeu stratégique. Partant de ce constat, en 1999, le groupe de travail de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) sur la biotechnologie s’est positionné en faveur de la création d’un réseau mondial des centres de ressources biologiques (RMCRB). Plusieurs préalables à cette création ont été posés. Il s’agit en particulier d’élaborer des normes communes de qualité pour les échantillons ainsi que pour les échanges de matériels et d’information et de définir des dispositifs de sécurité appropriés. La mise en place de ces instruments devrait être achevée en 2006. D’ici à 2005, chaque pays au niveau européen, doit établir des scénarios de fonctionnement et recenser les CRB potentiels – qui souhaitent développer des activités de service et de cession autour de leur(s) collection(s). La démarche est globale et concerne des collections d’échantillons d’origine microbienne, végétale, animale ou humaine, lesquelles partagent une même vocation patrimoniale, une mission commune de préservation et de fourniture d’échantillons biologiques pour la R & D et des impératifs identiques de protection de la propriété intellectuelle. Chaque catégorie de ressources est prise en compte à travers des recommandations particulières. Prendre en compte la spécificité des ressources biologiques humaines La France dispose de collections de référence reconnues internationalement. Elle joue un rôle moteur dans les discussions multilatérales et a été choisie pour assurer la coordination de la mission de l’OCDE sur les CRB. D’ores et déjà, ce groupe d’étude a établi des prescriptions générales, applicables à tous les CRB (voir encadré p. 16), inspirées notamment par le réseau européen des centres de ressources biologiques (RECRB) qui a soutenu le projet Cabri et les expériences de l’UKNCC (UK National Culture Collection). En ce qui concerne les ressources biologiques humaines, les préconisations en cours de rédaction devront permettre d’harmoniser des pratiques très hétérogènes ; une attention particulière est aussi portée aux règles éthiques de protection des personnes. À l’échelon national, un comité consultatif – associant le ministère de la Recherche, des représentants des grands organismes de recherche français, trois associations caritatives ainsi que le programme franco-allemand Europrotéome – a été créé en 2001. Il travaille à la mise en place d’un processus d’évaluation et d’accréditation, nécessaire à la constitution du réseau national. Il devra aussi veiller à l’assurance-qualité-traçabilité des collections. À terme, il pourrait être chargé de labelliser et apporter un soutien financier aux CRB agréés, en coordination avec les organismes de recherche maîtres d’œuvre. Ces mesures devraient permettre une plus grande transparence et un meilleur contrôle des activités de banques, au bénéfice tant des patients que de la collectivité. L’obtention du statut de « collection de qualité » s’effectuera en fonction de critères liés au projet scientifique sous-jacent et à la mise en place d’une démarche qualité (incluant l’organisation des systèmes d’information). L’adhésion à une charte déontologique proposée par le ministère de la Recherche constitue un premier pas vers l’accrédition. de ressources biologiques humaines. EUROPROTÉOME Cette entreprise bio-pharmaceutique allemande travaille à développer de nouveaux produits pharmaceutiques et diagnostiques dans le domaine du cancer. Elle a fondé avec des institutions européennes un réseau de cancérologie clinique qui entretient une vaste collection de cellules et de sérum humains, dans Financements sous condition pour les cohortes et les collections Depuis 2001, l’Inserm et le ministère délégué à la Recherche et chargé des nouvelles technologies financent la constitution de nouvelles collections et cohortes. le respect des règles d’éthiques strictes. 15 REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines III CHARTE DES CRB DÉTENANT DES RESSOURCES BIOLOGIQUES HUMAINES (2001) «Les adhérents s’engagent à rendre disponible ce matériel biologique pour des études scientifiques dont le but est une meilleure connaissance de la physiologie et des pathologies, en garantissant le consentement du sujet, la protection des personnes et de leur environnement, et en appliquant une INSERM U593 UNE COLLECTION EN RÉSEAU, GÉRÉE PAR INTERNET Le Groupe national carcinome hépatocellulaire (CHC) rassemble des équipes pluridisciplinaires impliquées dans l’étude et la prise en charge de cette tumeur maligne du foie. Il a créé un CRB en réseau pour mettre à la disposition de la recherche une collection prospective de cas incidents de tumeurs du foie. Les échantillons (245 patients concernés depuis 2002) sont conservés dans les services d’anatomopathologie des centres hospitaliers participants. La banque de données cliniques, recueillies de façon standardisée, est hébergée par l’équipe de Geneviève Chêne (Inserm U593) et gérée via Internet selon des principes novateurs. Les règles des prélèvements ont été harmonisées, et un gros travail a été réalisé autour du consentement. La standardisation des modes de conservation doit intervenir d’ici à la fin de l’année. À terme, le CRB souhaite s’ouvrir sur d’autres réseaux/ d’autres pathologies et se structurer à l’international. démarche d’assurancequalité-traçabilité.» TUMOROTHÈQUES Banques hospitalières de cellules et tissus tumoraux cryopréservés, constituées pour permettre la recherche d’éléments diagnostiques, pronostiques et prédictifs de la réponse aux traitements anticancéreux. Il faut mentionner ici que, parallèlement à cet effort qui a permis leur recensement, une démarche similaire a été entreprise à Bordeaux par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) pour soutenir les tumorothèques hospitalières (oncothèques). Cette action s’inscrit dans le Plan national de lutte contre le cancer lancé en mars 2003. Dans les deux démarches, traçabilité, suivi des recommandations de l’HAS (Haute Autorité en santé) pour la conservation, l’optimisation du système d’information, la validité du montage financier font partie des critères qui conditionnent l’obtention d’une aide au fonctionnement. De nombreux avantages à la création de CRB… Les collectionneurs sont conscients de la nécessité de la mise en place d’une démarche qualité. D’une part, la stan- 16 dardisation des modes opératoires va permettre de garantir la qualité des gestes techniques (centrifugation, congélation…) effectués sur les échantillons et d’élever le niveau de sécurité sanitaire. D’autre part, la gestion de l’information sera également soumise à des règles aussi strictes que pour la conservation des échantillons : les données de traçabilité et les données cliniques seront donc plus fiables et plus complètes. La labellisation « CRB » devrait renforcer la valeur ajoutée des collections dont les industriels sont par ailleurs très demandeurs. Les ressources biologiques humaines, disséminées sur l’ensemble du territoire, sont actuellement d’un accès trop souvent aléatoire et mal régulé pour permettre le meilleur usage de ces collections. Par ailleurs, les CRB vont favoriser une synergie des efforts de recherche. L’organisation en réseaux (nationaux, voire internationaux) des collections va permettre de fédérer les compétences et d’atteindre plus facilement une « masse critique » d’échantillons. Ceci est particulièrement important pour les recherches sur les maladies rares (voir encadré p. 11) qui concernent des patients dispersés et peu nombreux. Elle devrait permettre de dégager des moyens pour mettre sur pied des plates-formes de haute technicité ouvertes à l’ensemble de la communauté scientifique. Autre atout, des collections rares, difficiles à constituer, pourront être « versées » dans les CRB qui se chargeront d’assurer leur pérennité et leur cession pour des utilisations multiples. Le CRB se verrait ainsi doter de la gestion de collections « vivantes » liées à des protocoles de recherche qui les financent et parfois de collections d’intérêt plus « patrimonial » pour lesquelles il faudra trouver d’autres modalités de financement. Cet effort de rationalisation dans la gestion des collections devrait dégager des économies publiques, même si l’on peut s’interroger sur d’éventuelles pesanteurs qui pourraient apparaître avec la normalisation et l’intégration dans des centres. Quant LES CRITÈRES D’ACCRÉDITATION DES CRB Des prescriptions générales relatives au fonctionnement des centres de ressources biologiques (CRB) sont disponibles depuis 2003. Elles posent des exigences en terme d’organisation, qui devront être respectées pour aller vers l’accréditation. Ce document définit les ressources humaines devant être affectées au CRB (responsabilités, qualifications du personnel). Il précise l’organisation optimale des locaux – en zones spécialisées – et les équipements indispensables. Il définit aussi les premières normes relatives aux procédures d’enregistrement, de conservation et de contrôles qualité, à l’encadrement des cessions, à la traçabilité et à la confidentialité… Les prescriptions par type de ressources sont toujours en cours d’élaboration. à l’avenir des collections de travail que leurs détenteurs ne souhaiteraient pas confier à des CRB, sans soutien public, il n’est pas sûr qu’elles aient les moyens nécessaires pour garantir leur pérennité. … mais des questions encore en suspens Le CRB n’a pas été inscrit en tant que tel dans la loi d’août 2004 (voir encadré juridique p. 13) qui reconnaît seulement les collections et il n’a pas de personnalité morale ce qui peut poser des questions de responsabilité. Par ailleurs, les modalités de réutilisation des collections suscitent encore beaucoup d’interrogations. D’abord, il est difficile de prévoir quelles seront les études utiles dans trois ou cinq ans. Dès lors, comment évaluer la quantité de ressource à prélever et les modalités de conservation ? Et comment être sûr de recueillir des données cliniques judicieuses ? Et quelle information préalable au patient pour recueillir son « consentement éclairé » au don de Collections de ressources biologiques humaines REPÈRES TYPE/RECRUTEMENT/ EFFECTIFS Banque nationale/ Population générale/ 270000 OBJECTIFS Identification des composantes génétiques des maladies courantes BUDGET/TYPE DE FINANCEMENT Non spécifié/ Privé (accords avec Roche et Merck) Fondation du projet génome estonien (sans but lucratif) Banque nationale/ Population générale/ 1,065 millions Recherche génétique – surveillance de la santé publique (composantes génétiques à développer) Non spécifié/ Public et privé (accord avec Egeen) 2001-2010 Fondation du projet génome letton (public, regroupe 12 équipes de recherche) Banque nationale/ Population générale/ 60000 Étude génétique de la population – diagnostic – prévention 405 000 dollars annuels/ Public (et privé attendu) UK Biobank (Royaume-Uni) Projet prévu sur 10 ans UK Biobank Ltd (organisation caritative à responsabilité limitée) Banque nationale/ Population générale entre 45 et 69 ans/ 500000 Interactions gènes/environnement dans les maladies complexes 109 millions de dollars/ Public : Conseil de la recherche médicale, Wellcome trust, ministère de la Santé, gouvernement écossais Vaesterbotten Project (Suède) 1999 Banque publique, droits exclusifs d'accès concédés à Uman Genomics (compagnie privée) par le Conseil suédois de la recherche médicale Banque régionale/ Population générale/ 66000 Identification des gènes impliqués dans des maladies – marqueurs génétiques – cibles médicamenteuses Non spécifié/ Banque existant sur fonds publics insuffisants (université d’Umea), recherche de soutien privé (Uman Genomics) GenomEUtwin (Finlande) 2002-2006 ou + Institut national de la santé publique et université d'Helsinki (public) Banque internationale (6 pays UE + Australie)/ Jumeaux/ 80000 Influence des facteurs génétiques et non génétiques sur l’obésité, la taille, les maladies cardiovasculaires et la longévité Non spécifié/ Public (Fonds européens et autres) NOM (PAYS) DeCode Biobank (Islande) DATES1 2000 INSTITUTION (STATUT) DeCode Genetics (compagnie privée) Genome project (Estonie) Projet prévu sur 10 ans Genome project (Lettonie) 1. Date de démarrage de la biothèque (textes officiels ou début du recrutement); le projet ou une éventuelle collection préexistante peuvent être antérieurs. cellules. Notons toutefois que le CRB apporte une sécurité au donneur concernant le respect de sa volonté, et lui permet d’avoir un interlocuteur si, par exemple, il souhaite révoquer et donc retirer ses échantillons des collections. Ensuite, comment un CRB pourra-t-il assurer à la fois sa mission de protection des intérêts des collectionneurs et son devoir de diffusion des ressources ? L’examen des projets de réutilisation, par un comité scientifique, avant toute cession ou la mise en place de droits de priorité sur l’utilisation de la collection sera-t-elle un garde-fou suffisant pour les collectionneurs ? Quels seront les critères de choix des projets de recherche : intérêt pour le donneur, intérêt pour la recherche, quantité de produits demandés ? La question est complexe, car il s’agit d’une véritable révolution culturelle pour nombre de chercheurs, qui, en raison de leur fort investissement personnel auprès des patients, se sentent volontiers « garants » des prélèvements ainsi que des données cliniques et biologiques associées. Normaliser les échanges internationaux dans un contexte concurrentiel Quoi qu’il en soit, il est probable qu’à terme, la labellisation CRB, gage de rigueur méthodologique, sera souvent recommandée pour publier les résultats de certaines études adossées à l’utilisation d’une collection. Elle deviendra donc un atout pour les chercheurs engagés dans la concurrence internationale. Celle-ci est aujourd’hui vive, et des pays comme le Japon, la Chine ou l’Inde misent d’ores et déjà beaucoup sur le développement des collections. En Europe, la Belgique a déjà adopté une organisation en réseau. Les travaux allemands, anglais ou hollandais sont aussi bien avancés. En clarifiant et en harmonisant les échanges interfrontières, la mise en place du réseau mondial des CRB devrait permettre d’organiser la traçabilité des échantillons et le respect d’une charte de bonnes pratiques, la définition de normes de qualité et de normes juridiques au niveau international. Il importe d’intervenir, aujourd’hui, dans leur élaboration car elles deviendront les règles internationales de demain. Une normalisation qui devrait autant profiter aux cliniciens, aux chercheurs, qu’aux patients… Extrait de « Social and ethical issues of post-genomic human biobanks ». Nature Reviews Genetics 5, 866 -873 (Nov 2004) ; Anne Cambon-Thomsen (Inserm U588) Les collections européennes 17 REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines IV Évolution des collections : de nouveaux équilibres à trouver L’optimisation de l’utilisation des collections et la mise en place de procédures qualité font l’unanimité. Le débat porte plutôt sur les modalités et les implications de ces évolutions dans un contexte marqué par une grande diversité de situations et par la mise en œuvre des centres de ressources biologiques « labellisés » – CRB. Des lignes de tension se dessinent qui révèlent les évolutions en jeu dans un cadre international en devenir. BANQUIER Dans ce contexte, l’activité bancaire se réfère bien entendu aux banques telles que définies dans le code de la Santé publique (article L-1243-3) : «Tout organisme assurant la conservation et la transformation de tissus et cellules du corps humain en vue principale de leur cession.» EMBARGO Période définie pendant laquelle il y a une restriction de la libre circulation d’un objet, ou d’une information. 18 Les éléments du corps humain sont des ressources rares et précieuses. Leur organisation au sein de collections doit faire progresser les connaissances, en clinique et en santé. Reste à établir la bonne pondération entre les exigences légitimes des donneurs, celles des scientifiques ou des cliniciens vis-à-vis des collections. Du côté des donneurs Les malades sont les premiers acteurs concernés. Par leurs dons ils reconnaissent l’intérêt des collections pour faire progresser la connaissance sur leurs pathologies. Ainsi les associations de patients s’investissent de plus en plus souvent en amont dans leur constitution. Elles interviennent pour accélérer certains protocoles, ouvrir de nouveaux champs de recherche, notamment dans les maladies rares, ou tout simplement informer leurs adhérents et leurs familles et les encourager à participer à la collecte. Elles se positionnent de plus en plus comme des partenaires avec lesquelles il faut compter sachant qu’elles sont porteuses de l’exigence d’un accès le plus large possible des collections aux équipes de recherche. La recherche du consentement éclairé suppose aussi une information préalable complète délivrée aux malades, qui doit balayer le champ des utilisations secondaires éventuelles. Mais cette information se révèle difficile à définir en raison des évolutions de la recherche que l’on ne peut pas toujours anticiper. On notera, au passage, la complexité qu’il y a à préserver l’anonymat des donneurs tout en leur assurant un retour d’information. Par ailleurs, les résultats des travaux, conduits grâce à ces ressources biologiques et publiés dans des revues internationales, ne doivent pas déboucher sur une éventuelle stigmatisation de tel ou tel groupe de personnes. Nouveaux métiers et nouvelles interrogations La constitution des collections repose le plus souvent sur un réel engagement personnel des chercheurs ou des cliniciens auprès des donneurs, de plus leur savoir-faire est mis à forte contribution pour annoter les échantillons. Comment cette implication de collectionneur pourra-telle se concilier avec une approche de type plus « industrielle » ? A priori, une professionnalisation de la gestion des collections est souhaitable. Bien structurées et dotées de bases de données sophistiquées, celles-ci ont d’ores et déjà montré leurs atouts. De nouveaux métiers se dessinent, tel celui de « banquier ». Cette évolution suscite toutefois des inquiétudes parmi les chercheurs qui, même engagés dans une démarche qualité, ne souhaitent pas nécessairement se transformer en gestionnaires de collections. Autre motif d’interrogation, les chercheurs souhaiteraient se voir garantir une certaine priorité sur les collections pour lesquelles ils ont dépensé beaucoup d’énergie afin de les constituer et ils s’interrogent sur le contenu et la durée des embargos qui protégeront leurs droits. L’avenir des CRB Verser des collections de laboratoires dans des CRB dûment « labellisés » et structurés en conséquence permettra d’améliorer leurs conditions de conservation, leur partage et leur exploitation au maximum de leurs potentiels. Doit-on tout conserver ? Comment évaluer les collections qui peuvent devenir des collections de référence permettant une reproductibilité des résultats de recherche, et celles qu’il faut arrêter ? Si la préservation d’un patrimoine apparaît évidente lorsque les échantillons sont particulièrement rares, celle-ci a un coût qu’il s’agit d’évaluer à la lumière de la gestion économique globale de chaque CRB. Les collections ont une valeur économique, qui est liée à l’ensemble des données qu’elles structurent. Elles peuvent donc faire l’objet de transactions commerciales. Ceci n’est pas sans ambiguïtés dans le droit français qui affirme l’indisponibilité du corps humain. En outre, les CRB développent des services dérivés qui engendrent des ressources. Actuellement la loi n’accorde pas à ces CRB une personnalité morale alors que ces derniers vont de plus en plus être appelés à fonctionner dans un espace marqué par les innovations biotechnologiques. Ces différentes questions constituent autant d’enjeux au plan international. Collections de ressources biologiques humaines De nouvelles exigences en question L’utilité des collections de tissus humains s’impose, semble-t-il, pour faire progresser la recherche. Le débat porte principalement sur les nouvelles exigences que cette évolution va entraîner. Huit personnalités, concernées à des niveaux différents, expriment leurs points de vue singuliers. Jeanne-Hélène Di Donato Responsable de collections Généthon Le nouveau métier de banquier Les collections seront d’autant plus utilisables qu’elles seront gérées professionnellement. On assiste vraiment à l’émergence d’un nouveau métier où il ne s’agit plus de travailler sur les éléments biologiques, mais de les gérer et de les distribuer tout en appliquant la législation dans toute son ampleur, et en assurant les procédures qualité. Certaines collections sont anciennes et représentent un vrai patrimoine. Mais aujourd’hui le contexte a changé, l’utilisation des «ressources biologiques» est de plus en plus présente en recherche et correspond à des demandes très diversifiées, y compris à l’international. L’objectif est clairement d’optimiser l’utilisation des collections, de construire la transparence, d’éviter les doublons et les pertes (panne de congélateurs, ou départ du chercheur q ui laisse sa collection, orpheline dans le coin d’un réfrigérateur). L’objectif est aussi d’éviter que des collections soient « kidnappées » par une personne; c’est également de mettre des garanties pour la sécurité des transferts, pour éviter les « ventes » aux pays les plus offrants, etc. L’organisation rationnelle des banques est l’expression du respect que l’on doit aux malades et à tous ceux qui font don d’eux-mêmes pour faire avancer les connaissances. In fine, ce professionnalisme correspond à la demande des chercheurs qui ont besoin de prestataires de services très diversifiés, qui s’apparentent plus à la «haute couture», qu’à la «grande distribution». Anne Janin Directeur du laboratoire Inserm ERM 0220 et du service de pathologie à l’hôpital Saint-Louis, Paris À quoi servent les collections en cancérologie ? Un défi quotidien Les prélèvements de cellules et tissus tumoraux humains ont pour particularité d’être pratiqués dans le cadre de procédures diagnostiques, donc d’être en quantité limitée et de nécessiter une requalification secondaire pour la recherche. Les collections de tumeurs cryopréservées ont été initialement mises en place pour la recherche, ce qui a amené à revoir toutes les procédures d’assurancequalité autour de la prise en charge initiale, du traitement et de la conservation des échantillons. Un effort très important dans ce domaine a été fait dans les structures hospitalières et ceci a facilité les programmes de recherche, mais aussi grandement accéléré le transfert des résultats de la recherche dans la pratique médicale quotidienne. Nous devons faire face à un défi permanent : le dépistage précoce des tumeurs, comme l’usage plus fréquent de prélèvements par ponction plutôt que par biopsie chirurgicale, fait que le matériel tumoral disponible est de plus en plus limité, alors que les analyses cellulaires et moléculaires, utiles au diagnostic comme à la recherche, augmentent. Y répondre nécessite une assurance-qualité rigoureuse et la miniaturisation des méthodes d’analyses cellulaires et moléculaires à partir de populations cellulaires sélectionnées, par trieur pour les cellules en suspension, ou par microdissection sur coupes pour les tissus. Les prélèvements tumoraux étant issus des procédures de soins, les questions touchant à la constitution, la conservation et la cession des collections sont directement liées aux politiques de santé nationales. L’élaboration des lois qui les régissent a amené à de vrais débats de société. Isabelle Stucker Épidémiologiste Inserm U170 – Villejuif Limiter son horizon de recherche? Je construis actuellement une collection d’ADN à partir d’une enquête qui inclura au total 6 000 personnes atteintes de cancer du poumon et de cancer ORL et 3000 personnes en bonne santé. Cela représentera, à terme, une dizaine d’années d’efforts et de difficultés, des investissements en matériel et en personnels pour mettre en place ce qu’il est convenu d’appeler un CRB. L’optique est de se forger un outil sur lequel nous pourrons concentrer notre travail de recherche pendant un temps aussi long que nécessaire, plusieurs années certainement. Or, l’apparition de la labellisation CRB risque de changer le paysage. Cette labellisation semble vouloir aller de paire avec une notion de cession des collections à l’issue d’une période d’embargo à définir. Ma mission est de REPÈRES conduire des travaux de recherche et pas de devenir une gestionnaire de collections, une banquière. J’entends bien les arguments qui soutiennent cette évolution, la rentabilisation des équipements, l’accélération des recherches, l’attente des malades. J’adhère complètement à l’évolution des procédures qualité que nous avons intégrées dans le fonctionnement du CRB. Pour autant, je veux faire entendre mon malaise de chercheur. Nous avons construit cet outil à notre échelle. Que va-t-il se passer? La collection va-t-elle devoir partir dans un grand ensemble, dont je vois mal les contours, et dont je n’ai plus la maîtrise. On va me demander de négocier un embargo, sachant que ce qui n’est pas explicitement décrit initialement sera à la disposition d’autres équipes. Or, en tant que chercheur je sais que je ne peux pas tout prévoir, que la découverte est inattendue. On me demande donc de limiter mon horizon, ce qui n’est guère enthousiasmant. Louis Rechaussat Président du groupe d’étude des CRB de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) Des CRB pour préserver le patrimoine biologique L’accès aux collections et leur valorisation sont deux exigences de base qui caractérisent les centres de ressources biologiques et leur confèrent une utilité 19 REPÈRES Collections de ressources biologiques humaines IV essentielle pour la recherche biomédicale. N’oublions pas une troisième exigence, celle de la préservation du patrimoine. Cette dernière notion est souvent mal perçue dans le milieu scientifique qui lui attribue une connotation muséographique. Cependant, par patrimoine il faut surtout mettre en avant leur potentiel de valorisation et de référence, tant du point de vue de la reproduction des résultats scientifiques que de l’exploitation de ces résultats pour leurs développements industriels ou leurs applications en santé. On comprend ainsi qu’un centre de ressources biologiques doit non seulement garantir la préservation du matériel biologique qui lui est confié, mais aussi assurer la gestion de l’information qui lui est associée. La gestion de ces centres implique le respect de standards de qualité très stricts, acceptés internationalement, et une capacité d’expertise élevée, donc en pratique une grande proximité avec les structures de recherche. Les centres de ressources biologiques sont destinés à apporter à la recherche biomédicale l’infrastructure dont elle a besoin pour assurer la pérennité de l’accès à un matériel biologique chèrement constitué, à garantir la qualité et les conditions de son accès et de sa distribution. Ils contribueront ainsi à la préservation et à la valorisation du patrimoine scientifique. 20 Charles Duyckaerts Neuropathologiste, hôpital Pitié-Salpêtriére, Paris Pas seulement un projet de recherche, mais un service commun Grâce au travail de sensibilisation mené par les associations de malades, il arrive fréquemment aujourd’hui que les patients atteints d’une maladie neurodégénérative fassent, pour la recherche scientifique, «don» de leur cerveau après leur mort. Les banques de prélèvements cérébraux, ainsi constituées, sont une mine d’informations disponibles pour la recherche, mais encore faut-il que le consentement du patient soit assez précis, pour pouvoir être considéré comme «éclairé», et assez large pour permettre de nombreuses recherches, dont l’objet même peut être encore inconnu aujourd’hui. Un cerveau constitue un gisement d’échantillons susceptibles d’alimenter de nombreux projets de recherche. Une collection de cerveaux est donc un service commun; elle n’est pas, à elle seule, un projet de recherche. Incinérer les cerveaux après la réalisation d’un seul projet constituerait, évidemment, un gâchis inacceptable. Les collections de prélèvements cérébraux servent aussi à découvrir de nouvelles pathologies et les modifications des affections existantes. La découverte du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, par exemple, est liée à l’observation d’une nouvelle lésion (la plaque floride). C’est une cellule qui définit l’encéphalopathie à cellules géantes du sida; les protéines pathologiques de la maladie d’Alzheimer ont été trouvées grâce à des prélèvements post mortem. Grâce à ces échantillons, la recherche peut donc être en prise directe avec la médecine. Jean Christophe Hébert Expert juridique, spécialiste du droit dans le domaine de la recherche biomédicale De l’utilité et de la valeur patrimoniale des collections En préambule, il importe de rappeler que le Code civil français pose les principes d’indisponibilité et d’inviolabilité du corps humain. Toutefois, la loi autorise l’accès à ce corps en organisant le don. Deux conditions sont alors à respecter : premièrement, le don doit avoir pour finalité un usage scientifique et, deuxièmement, avoir été effectué avec le consentement de la personne, nécessairement éclairée par une information préalable. La mise en place d’une collection, constituée par un ensemble d’éléments du corps humain et de données qui les décrivent, est donc possible. Cette faculté est assortie d’obligations visant à garantir la protection des personnes prélevées contre toute atteinte corporelle ou à leur vie privée, à assurer la sécurité des utilisateurs et la protection de l’environnement. Certains «banquiers» interrogent les juristes sur la possibilité de s’approprier leurs collections, et même de les vendre. Une collection peut être cédée, la question de sa valeur et de sa propriété se pose donc de façon concrète. La valeur résulte non pas des éléments qui la composent, pris individuellement (les éléments biologiques sont exclus du domaine patrimonial du fait de la loi), mais de la plus-value (scientifique, technique, etc.) apportée à ces éléments. Il est à noter que le législateur prévoit la circulation des collections, sans toutefois qualifier les éléments du corps humain de «choses » sur lesquels un droit patrimonial serait susceptible d’être exercé. Du fait de l’importance croissante reconnue à ces collections biologiques humaines, et des investissements qu’elles impliquent, la question de leur valeur va se poser de façon récurrente. André Hovine Président de l’Association France Parkinson Pourquoi une association de malades s’implique-t-elle dans la constitution d’une collection? Si la loi interdit la publicité pour solliciter le don de tissus ou d’organes post mortem, elle autorise l’information sur le don. Les associations de malades sont en effet bien placées pour sensibiliser leurs adhérents à l’importance des dons de tissus post mortem, tissus provenant de personnes malades ou tissus témoins provenant de personnes non touchées par la pathologie, tous les deux sont nécessaires pour les recherches scientifiques, dont les malades sont potentiellement les premiers bénéficiaires. Dans le cas de la maladie de Parkinson, les processus biologiques ne peuvent être étudiés que sur des prélèvements de cerveaux opérés post mortem, ceci confère toute sa valeur à la constitution d’une collection. Des offres spontanées de dons post mortem de cerveaux avaient déjà été faites par des malades, dans un esprit de solidarité avec ceux qui souffrent de la même maladie qu’eux. L’Association France Parkinson a voulu aller au-delà et contribuer, avec un réseau de neurologues, neuropathologistes et chercheurs, à la création d’une banque de tissus, la «Cérébrothèque Parkinson ». Il en ressort deux orientations fortes : d’une part, l’information des adhérents et de leurs familles et du grand public et, d’autre part, la sensibilisation au don auprès des neurologues et des médecins pour recueillir les consentements aux prélèvements et renseigner les dossiers cliniques des donateurs. L’Association montre ainsi, à l’égard des neurologues et des chercheurs, qu’elle sollicite souvent par ailleurs, qu’elle peut apporter une contribution significative à leurs travaux de recherche, outre une aide financière, par une capacité à coopérer dans le montage et le suivi d’un projet complexe. Collections de ressources biologiques humaines REPÈRES Les collections dans le monde OBJECTIFS données génétique relatives à la santé pour la région Asie/Pacifique BUDGET/TYPE DE FINANCEMENT Non spécifié/public Université de Tokyo (public) Banque nationale/patients admis à l’hôpital/300000 40 maladies ciblées : recherche pharmacogénétique jusqu’aux applications cliniques 218 millions de dollars (sur 5 ans)/public et privé 1999 projet prévu sur 4 ans Réseau de médecine génétique appliquée (RMGA, public), projet d’un Institut de populations et génétique (sans but lucratif) Banque régionale/Population générale (1,5 % des Québécois)/65000 de 24 à 75 ans Variabilité génétique d’intérêt médical – mécanismes génétiques des maladies – recherche génomique jusqu’aux applications cliniques Non spécifié/public Tonga Kingdom (Australie) 2000-2002 (abandon) Autogen Ltd (privé) sous contrat du ministère de la Santé Banque nationale/Population générale (base ethnique)/108000 Études génomiques d’intérêt médical dans une population isolée Non spécifié/privé Personalized medecine research project (États-Unis) 2002-2005 Fondation pour la recherche médicale de Marshfield (privée sans but lucratif) Banque régionale/Patients des centres cliniques de Marshfield/400000 (plus de 18 ans) Effet de la variabilité génétique sur plusieurs maladies et les traitements 4 millions de dollars/public (État du Wisconsin) et privé (Fondation) HapMap (États-Unis/ international) 2002 projet prévu sur 3 ans Consortium international Hap Map (public). Stockage des collections à l’Institut Corriell (centre de recherche biomédicale public) Banque internationale/Population générale (base ethnique)/400 lignées Variabilité génétique de l’espèce humaine 100 millions de dollars/public et privé GRAD (États-Unis) 2004 projet prévu sur 5 ans Centre national du génome humain à l’université d’Harvard (privé sans but lucratif) Banque nationale/Population d’origine africaine/25000 Études des gènes associés à des maladies fréquentes dans la diaspora africaine 18 millions de dollars/public (NIH et autres) et privé DATES 2002 Biobank du Japon 2004 CARTaGEN (Canada-Québec) INSTITUTION (STATUT) Institut du génome de Singapour (public) Jean Claude Ameisen Président du comité d’éthique de l’Inserm ERMES, directeur de l’unité E9922. Les collections biologiques doivent répondre à un double objectif Si les avancées de la recherche biomédicale permettent à la médecine de mieux prendre en charge chaque malade dans sa singularité, la démarche même de la recherche nécessite une prise de distances pour comprendre les mécanismes en cause. La constitution récente de collections de prélèvements biologiques de qualité illustre la tension liée à ce double objectif de progrès des connaissances et d’applications bénéfiques aux malades. Comment, par exemple, garantir à la fois au donneur un anonymat absolu et un retour d’information qui pourrait se révéler bénéfique ? Concilier le souhait légitime des chercheurs d’explorer au mieux les prélèvements qu’ils ont recueillis et l’impératif d’un partage plus large, qui permet des progrès plus rapides de la recherche ? Comment s’assurer que la notion du malade comme objet d’étude de la recherche ne se substitue jamais à celle du malade comme sujet ? Le consentement informé devrait, peutêtre, être également considéré comme la promesse que le donneur ne disparaîtra pas derrière l’ensemble d’objets d’études qu’il a permis de constituer. Et, bien que le CCNE – Comité consultatif national d’éthique – ait toujours défendu le principe de non- commercialisation des collections, comment éviter que leur éventuelle valeur marchande future ne dénature un jour, aux dépens des objectifs premiers, leurs modalités de constitution, d’exploitation et de partage ? Un cadre juridique différent de celui d’autres collections réalisées, par exemple à partir de prélèvements végétaux, ne devrait-il pas être envisagé ? Il nous faut aussi réfléchir aux termes que nous utilisons : «collection » a une connotation de «curiosités »; « banque », « banquier» (Conseil singapourien du développement économique, Agence singapourienne pour la science et la technologie) Extrait de Social and ethical issues of post-genomic human biobanks. Nature Reviews Genetics 5, 866 -873 (Nov 2004) ; Anne Cambon-Thomsen (Inserm U588) TYPE/RECRUTEMENT/EFFECTIFS Banque nationale/Population générale (groupes asiatiques)/non spécifié NOM (PAYS) Genome database project (Malaisie) et «client», une connotation marchande… Une information transparente et un dialogue public régulier seront probablement les meilleurs moyens de s’assurer que notre démarche restera fidèle aux valeurs qui la fondent, de corriger les dérives éventuelles, et de conserver à la recherche biomédicale la confiance que lui accordent les malades et la société. 21 Collections de ressources biologiques humaines PRATIQUE REPÈRES V Textes et références LÉGISLATION FRANÇAISE Loi n° 2004-800, du 6 août 2004, relative à la bioéthique http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/SPECU.htm Loi n° 2004-801, du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PPEE6.htm Loi n° 2004-806, du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique. http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/SPECV.htm Code de la Santé publique (nouvelle partie législative). http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/ UnCode?&commun=CSANPU&code=CS ANPUNL.rcv 22 Article L1121-1. Les recherches organisées et pratiquées sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales... http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/ UnArticleDeCode?commun=CSANPU&a rt=L1121-1 Article L1243-4 . Tout organisme qui assure la conservation et la préparation de tissus et cellules du corps humain en vue de leur cession dans le cadre d’une activité commerciale... http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/ UnArticleDeCode?commun=CSANPU&a rt=L1243-4 INSERM Article L1232-3. Les prélèvements à des fins scientifiques... http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/ UnArticleDeCode?commun= CSANPU&art=L1232-3 HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ Avis n° 77. Problèmes éthiques posés par les collections de matériel biologique et les données d’information associées : «biobanques», «biothèques». http://www.ccneethique.fr/francais/avis/a_077.htm#deb Article L1243-3. Tout organisme qui en a fait la déclaration préalable auprès du ministre chargé de la Recherche peut, pour les besoins de ses propres programmes de recherche, assurer la conservation et la préparation à des fins scientifiques. http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/ UnArticleDeCode?code=CSANPUNL.rcv &art=L1243-3 http://www.anaes.fr/HAS/has.nsf/Home Page?Readform Recommandations de l’Anaes pour la cryopréservation de cellules et tissus tumoraux dans le but de réaliser des analyses moléculaires, juillet 2000. Ce document définit la conduite à suivre pour la prise en charge et la gestion des prélèvements (tissus, sang...) : délais entre le prélèvement et la congélation, manipulations, contrôles… http://www.anaes.fr/anaes/publications.nsf/(ID)/0C19B0F239FF6E94C1256 9EE00376974/$file/cryopreserv.pdf Réglementation des banques d’échantillons biologiques d’origine humaine, constituées dans un but de recherche. Document établi par le service juridique de l’Inserm. http://www.inserm.fr/ COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D’ÉTHIQUE COMITÉ CONSULTATIF DES CENTRES DE RESSOURCES BIOLOGIQUES Constitué d’organismes de recherche, de représentants des ministères et d’administrations impliqués dans les sciences du vivant, ce comité a pour mission la promotion des centres susceptibles de donner accès à des ressources biologiques de qualité. http://www.crb-france.org/ LÉGISLATION EUROPÉENNE Directive 2004/23/EC of the European Parliament and of the Council of 31 March 2004 on setting standards of quality and safety for the donation, procurement, testing, processing, storage and distribution of human tissues and cells. Official Journal of the European Union of Avril 7, 2004. L102, 48 - 58 (2004). http://europa.eu.int/eurlex/pri/en/oj/dat/2004/l_102/l_10220040 407en00480058.pdf Technical requirements for the donation procurement and testing of human tissues and cells (Aout 2004). http://europa.eu.int/comm/health/ph_th reats/human_substance/oc_tech_cell/ oc_tech_cell_draft_en.pdf Collections de ressources biologiques humaines REPÈRES Déjà parus dans la collection Repères Le Défi des maladies à Prions, 2001 Cellules souches : thérapies du futur, 2002 Brevet sur le vivant : enjeux pour la santé, 2002 Tests génétiques, 2003 EURORDIS L'organisation européenne pour les maladies rares a lancé le projet Eurobiobank pour faciliter l’échange d’échantillons biologiques et la circulation de l’information. http://www.eurordis.org/article.php3?id _article=61 www.eurobiobank.org CABRI Common Access to Biological Resources and Information consortium européen qui regroupe plusieurs partenaires fournissant 28 collections, dont certaines de lignées cellulaires humaines. http://www.cabri.org/collections.html EUROPEAN SOCIETY OF HUMAN GENETICS http://www.eshg.org Elle propose de nombreux articles de synthèse et des recommandations de la société européenne de génétique humaine. >Data storage and DNA banking for biomedical research: technical, social and ethical issues http://www.nature.com/cgitaf/DynaPage.taf?file=/ejhg/journal/v11/ n2s/full/5201115a.html&filetype=pdf > Population genetic screening programmes: technical, social and ethical issues http://www.nature.com/cgitaf/DynaPage.taf?file=/ejhg/journal/v11/ n2s/abs/5201112a.html OCDE Prescriptions relatives au fonctionnement des centres de ressources biologiques (CRB) : --> Critères de certification et de qualité applicables aux CRB (pdf, 266Kb, Français). http://www.oecd.org/dataoecd/60/43/23 547759.pdf -->Partie 1 - Prescriptions générales applicables à tous les CRB (pdf, 357Kb, Français). http://www.oecd.org/dataoecd/60/45/23 547784.pdf UNESCO http://www.unesco.org/ibc Déclaration internationale sur les données génétiques humaines (16 octobre 2003) : http://portal.unesco.org/shs/en/ev.phpURL_ID=1881&URL_DO=DO_TOPIC&U RL_SECTION=201.html Premier texte international qui pose l’existence des collections et leur donne un contexte éthique. Repères est édité par l’Inserm, 101, rue de Tolbiac, 75654 Paris Cedex 13 Tél. : 01 44 23 60 70 Fax : 01 44 23 60 68 Directeur de la publication Stéphanie Lux Rédacteur en chef : Évelyne Cremer Conseiller éditorial et coordonnateur du débat : Dominique Donnet-Kamel Comité éditorial : Ségolène Aymé, Anne Cambon-Thomsen, Nathalie Dufay, Jean-Christophe Hébert, Christian Libersa, Sandrine de Montgolfier, Dominique Pinard Duchamp, Louis Rechaussat, Isabelle Stucker Ont été consultés pour ce numéro : Bruno Clément, Jeanne Hélène Di Donato, Marie-Françoise Suaud-Chany Rédaction, réalisation maquette Agence Parution Illustrations : Michel Gilles Impression : I.B.S.A. Talence Date : Décembre 2004 Issn : 1632-4706 23 REPÈRES VI Chronologie des principales étapes : des études épidémiologiques à la constitution de collections de ressources biologiques humaines 1767 1981 1990 Étude épidémiologique concernant la colite endémique du Devonshire. Création du laboratoire Généthon par l’Association française contre les myopathies (AFM), afin de lutter contre l’ensemble des maladies génétiques. 1855 «Provinces françaises», étude conduite par l’Inserm sur 6 000 personnes entre 1981 et 1986. Première étude multicentrique nationale des marqueurs génétiques. Étude épidémiologique portant sur le choléra à Londres. 1984 ~1890 Création du Centre d’étude du polymorphisme humain par Jean Dausset, prix Nobel français, 1980. Création de la Collection de l’Institut Pasteur (CIP) par le Dr Binot. 1935 Première grande étude épidémiologique conduite par l’anglais Wade Hampton Frost, pour analyser les variations de la distribution des âges de décès par tuberculose sur les cinquante années antérieures. 1949 Framingham Heart Study : une des premières études de cohortes prospectives, conduite auprès de 5000 résidents de la ville de Framingham (États-Unis), suivis sur près de cinquante ans avec prélèvements d’échantillons biologiques. 1951 Sir Richard Doll initie une étude prospective sur la surmortalité due au tabac. Réalisée sur 40000 médecins britanniques masculins, elle prend fin en 2001. 1978 Loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. 1997 Au Canada, première conférence internationale sur l’échantillonnage et la mise en banque d’ADN. 1998 1984-1995 «Monica», cohorte internationale construite sur 21 pays autour des marqueurs de prédisposition aux maladies cardiovasculaires. Elle a concerné 20000 personnes. En Islande, la société DeCode Genetics crée et exploite une base de données rassemblant les échantillons génétiques, les renseignements médicaux et les liens généalogiques de – presque – tous les Islandais. Ce qui suscite un vaste débat au niveau international. 1986 Découverte de la PCR, par Kary Mullis, qui permet d’amplifier de très petits segments d’ADN et de le rendre ainsi séquençable. 1988 Loi dite de « Huriet-Sérusclat » (20 décembre 1988), relative à la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales. 1989 Mise en place de la cohorte épidémiologique Gazel conduite par l’Inserm sur 20000 volontaires agents d’EDF-GDF. Objectif : création d’un instrument scientifique au service de la recherche médicale destiné à faciliter la réalisation d’études épidémiologiques diverses. 1999 L’atelier Tokyo’99 de l’OCDE propose de créer un réseau de centres de ressources biologiques (CRB) humaines, mais aussi animales, végétales et microbiennes. 2004 Les lois relatives à la politique de santé publique et à la bioéthique (août 2004) réactualisent le corpus juridique qui se fondait jusqu’alors : sur la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (1978), sur la loi dite «HurietSérusclat» (1988) et sur la loi de bioéthique (1994).