Le 20 janvier 2016 Street Dance Club d’Andrew Skeels ouvre Suresnes cités danse Commande et production du Théâtre Jean Vilar, Street Dance Club ouvre joyeusement la 24ème édition de Suresnes cités danse. À la chorégraphie, on découvre l'américain Andrew Skeels, danseur des Grands Ballets Canadiens au parcours atypique, puisque passé par le hip-hop, le jazz et les claquettes avant de se confronter à 17 ans, au répertoire classique. À la musique, c'est Antoine Hervé, pianiste et compositeur jazz, qui officie. Ensemble, ils font renaître les années folles version Harlem. Après la Première Guerre mondiale, alors que Montmartre et Montparnasse voient fleurir toutes les avant-gardes et que Joséphine Baker, Sydney Bechet et leur Revue nègre conquièrent Paris, les Noirs américains font swinguer Harlem. Prohibition, ségrégation puis grande dépression n'y font rien, notables et artistes blancs viennent assister aux revues du Cotton Club, et même danser au Savoy Ballroom où le public est métissé, incroyable première ! Count Basie, Duke Ellington, Cab Calloway où Louis Armstrong s'y produisent ; claquettes, charleston et Lindy hop y font fureur ou s'y inventent. C'est cet esprit de fête, de plaisir et de liberté, malgré un contexte social plus que difficile, qu'Olivier Meyer, directeur du Théâtre de Suresnes, a demandé à Andrew Skeels et Antoine Hervé de faire revivre avec Street Dance Club. Le chorégraphe a sélectionné parmi 150, 7 danseurs et danseuses hip-hop au styles variés : électro, break, krump, ou house dance. Solos, duos, trios ou danses de groupes se succèdent dans différentes séquences, dont certaines sont très réussies. Un doux pas de deux mettant en scène Victor Virnot et Noémie Ettlin, une danse chorale où les mouvements passent d'un interprète à l'autre, une série de visages qui s'imbriquent et se désolidarisent, un charleston hip-hop, un break tout en fluidité de Steven Valade en sont les meilleurs exemples. La musique inventée par Antoine Hervé elle aussi fait mouche, tant l'impression est forte d'écouter des standards du tout début des années swing. Cependant, des costumes et lumières un peu fades, des interprètes au niveau hétérogène et quelques petits problèmes de réglage, font que Street Dance Club n'offre pas totalement la fête escomptée. Même si le public, debout et applaudissant bruyamment, ne boude pas pour autant son plaisir. Delphine Baffour Suresnes : « Street Dance Club » Mardi 12 janvier 18 h15 théâtre Jean Vilar à Suresnes. Dans la grande salle à demi éclairée, le filage de Street Dance Club d'Andrew Skeels, vient de s’achever. Joie d’avoir vu évoluer une heure durant de magnifiques danseurs, dans une chorégraphie inventive et pleine de vie, qui rend hommage à la danse des clubs noirs américains des années 2030, tout en inventant son propre univers. De l’esprit Cotton Club et Savoy Ballroom, le chorégraphe n’a pas voulu, en effet, retenir les paillettes. Mais plutôt la naissance d’une nouvelle communauté d’hommes et femmes, unis par la danse et la musique au-delà des barrières imposées alors par la ségrégation féroce régnant aux Etats-Unis. D’où une série d’ensembles très réussis où se rejoue, sous plusieurs formes et combinaisons, l’éternelle dynamique d’un groupe tour à tour excluant puis intégrant des individus à la fois différents et semblables. Skeels n’a pas son pareil pour faire surgir des images fortes de pyramides de têtes ou de mains, de corps aux mouvements subtilement décalés, et de chaînes de gestes coordonnés s’animant façon jeu de carte. Mais il sait aussi créer de beaux solos et duos où se révèle une écriture ciselée qui, bien que très contemporaine, puise paradoxalement à certaines des sources du mouvement hip hop. Tout autant que la danse, la partition originale du jazzman Antoine Hervé est indissociable de la pièce. Le compositeur, avec un talent époustouflant, a su restituer l’ambiance sonore de ce pan d’Histoire en reprenant et en réorchestrant les thèmes de plusieurs standards, de Duke Ellington à Billie Holiday. En complicité avec Andrew Skeels, il a privilégié une tonalité souvent nostalgique, comme pour ne pas oublier que derrière leur virtuosité et leur gaieté affichée, les artistes de cette époque vivaient une réalité beaucoup moins rose. A quelques dizaines d’heure de la première, Andrew Skeels est fébrile. Son Street Dance Club n’est pas la reconstitution plate des danses noires et blanches d’avant-guerre qu’auraient peut-être attendue certains. Mais il en est d’autant plus intéressant. En conjuguant son regard d’Américain d’aujourd’hui sur un passé aussi stimulant que complexe, et l’inspiration apportée par des interprètes nourris d’influences multiples du krump au new style en passant par le break et l’électro -, il réussit à recréer une filiation inattendue entre la gestuelle saccadée des danses urbaines et la musique des années trente. Dans le pur plaisir de la danse mais sans rien renier du passé, ni du présent. Isabelle Calabre Lundi 18 Janvier 2016 Quand le hip-hop, c’est Cotton (Club) Le festival Suresnes Cités Danse s’est ouvert avec "Street Dance Club, une pièce étincelante d’Andrew Skeels, où l’on fait des claquettes en baskets ! La vingt-quatrième édition du festival Suresnes Cités Danse a débuté vendredi dernier (1). Dix spectacles, dont six créations et de grandes figures du hip-hop comme Mourad Merzouki ou la compagnie Pockemon Crew, sont à l’affiche de cette manifestation pas comme les autres qui décline le genre en croisant ses racines issues du bitume avec des gestes venus tout droit de la danse contemporaine. Olivier Meyer, directeur du Théâtre Jean-Vilar et initiateur de la manifestation, dédie cette édition à la mémoire de Cécile Misse, chargée de production du théâtre depuis six ans, et à son ami Luis, tous deux tués au Bataclan le 13 novembre 2015. Le chorégraphe américain Andrew Skeels, qui vit à Montréal, a ouvert les festivités avec Street Dance Club, clin d’œil au Cotton Club des années vingt. Il accouple des gestes du hip-hop à d’autres nés de la danse contemporaine, sans oublier le lindy-hop et le swing des origines du célèbre cabaret new-yorkais. Andrew Skeels a auditionné plus de centcinquante danseurs de hip-hop à Suresnes. Il en a retenu sept, quatre filles et trois garçons. Ils ont répété huit à dix heures par jour pendant deux mois. « Ils ont une technique incroyable, ce sont d’excellents breakers, nous dit-il avant la générale de jeudi soir. Ils ont soif d’exploration et tous sont prêts à s’affranchir de leurs spécialités. » Andrew Skeels a un parcours atypique. Né et ayant grandi à Boston, il a commencé très jeune le hip-hop, le contact improvisation, les claquettes, la gymnastique et les arts martiaux. « J’ai suivi un parcours bizarre. J’ai commencé la danse classique à dix-sept ans ! » Il intègre les Grands Ballets canadiens, interprète des rôles de soliste dans des pièces de Jiri Kylian, Mats Ek, Ohad Naharin, entre autres. Sa formation hétéroclite est perceptible dans Street Dance Club : le hip-hop, d’ordinaire basé sur la confrontation d’un seul avec le groupe, s’avance ici sous le signe d’une communauté soudée, véritable troupe ambulante où les interprètes font des claquettes en baskets, ce qui produit le son étrange du caoutchouc sur le sol. Tous brassent l’air à l’unisson sur des mélodies énervées, inspirées des années vingt (Antoine Hervé), à base de trompette, bouchée ou pas, de basse, de piano et de batterie. C’est furieusement abouti, libre, plein de santé On redécouvre des standards de Duke Ellington, Billie Holiday, Bessie Smith, mélange de blues, de ragtime et de swing. Au sein de l’espace sonore ainsi créé, la prégnance de l’ancien se dissout dans une virtuosité gestuelle nouvellement conquise sans jamais perdre de vue les fondamentaux du hip-hop. « Je me suis inspiré, déclare Andrew Skeels, du Savoy Ballroom à Harlem où ma grand-mère allait danser. Un lieu d’exception que se partageaient à égalité les Noirs et les Blancs, le premier du genre à prôner l’intégration. On ne s’interrogeait pas sur la couleur de peau des uns et des autres. On ne se posait qu’une question : “Sais-tu danser ?”. » C’est furieusement abouti, libre, plein de santé. La vibration du rythme passe dans des corps à peine robotisés car le sens premier des figures du hip-hop est subtilement détourné. L’un des interprètes en solo exécute à ras du sol des figures coulées sur des sonorités blues, inventant une esthétique du presque rien élégant où le muscle âprement sollicité semble refouler son effort. Des pas de deux se forment sur pointes comme un défi lancé à toutes les disciplines. On applaudit à la fébrilité des figures, au besoin vital de mouvement d’un groupe qui a tout appris sur le tas. Interrogé sur la création d’un diplôme national pour les danseurs de hip-hop, Olivier Meyer, prudent mais sceptique, nous a dit : « L’avantage, c’est de sélectionner, mais suivant quels critères ? S’il faut apprendre quatre cents pages d’anatomie… En plus, cela peut être terriblement bloquant pour certains. » Pour Bruce « Ykanji » Soné, fondateur de la Juste Debout School à Pantin, « à part une poignée de chorégraphes institutionnels, personne n’en veut, de ce diplôme ». D’ailleurs, la pétition contre « une réglementation qui mettrait fin à la richesse culturelle d’un mouvement encore naissant et en pleine ébullition », qui circule depuis l’annonce officielle par le premier ministre en personne de ce diplôme, a déjà recueilli des milliers de signatures. Muriel Steinmetz