Forum Med Suisse 2011 ;11(1–2):18–19 18
HigHligHts 2010:pat Hologie
La fusion génique TMPRSS2-ERG dans le cancer
de la prostate
Marqueur tumoral de nouvelle génération?
Kirsten D. Mertza,Mark A. Rubinb,Gieri Cathomasa
aKantonales Institut für Pathologie, Liestal
bWeill Cornell Medical College of Cornell University,NewYork, USA
Quelque 5600 hommes développent chaque année en
Suisse un cancer de la prostate, mais plus de trois quarts
d’entre eux décèderont d’une cause indépendante de ce
cancer.Larecherche de marqueurs pronostics fiables et
de stratégies thérapeutiques efficaces est dès lors d’une
importanceclinique extrême. L’ hétérogénéité molé
culaire du cancer de la prostate constitue cependant un
gros défi pour le développement d’approches diagnos
tiques, pronostiques et thérapeutiques adéquates. Les
paramètres diagnostics actuellement disponibles (anti
gène prostatique spécifique [PSA], screening, stade de
Gleason, volume tumoral dans le matériel de biopsie) ne
suffisent pas àune évaluation individualisée du traite
ment et du pronostic.
La caractérisation des modifications chromosomiques
contribue de manière très significative àl’appréciation
du risque individuel et au développement de nouveaux
traitements contre le cancer.Onpensait jusqu’ici que les
modifications chromosomiques sous forme de transloca
tions étaient l’apanage quasiment exclusif des leucémies,
des lymphomes et des sarcomes. L’ exemple le plus
connu est la translocation des chromosomes 9et22(au
trement dit le «chromosome de Philadelphie») avec la
fusion correspondante des gènes BCR et ABL1 propre à
la leucémie myéloïde chronique (LMC). La découverte du
chromosome de Philadelphie arévolutionné le traite
ment de la LMC avec le développement de l’imatinibe, un
inhibiteur spécifique du produit de la fusion génétique
BCRABL1. Les translocations spécifiques àcertains
types de cancers ont toujours été considérées comme
rares, mais la découverte, en 2005, de fusions géné
tiques dans le cancer de la prostate acomplètement bou
leversé la conception de la biologie des tumeurs épithé
liales [1].
La translocation la plus fréquente dans le cancer de la
prostate est une fusion du gène modelé par les andro
gènes TMPRSS2 avec un gène de la famille des facteurs
de transcription ETS [1]. De tous les facteurs de trans
cription ETS, le gène ERG est le partenaire de fusion le
plus fréquent du TMPRSS2. Cette fusion se détecte de la
façon la plus fiable àl’aide d’une hybridation par fluo
rescence in situ (FISH) (fig. 1 x)[2]. Malgré l’identifica
tion constante de nouveaux partenaires de fusion de la
famille des ETS, la fusion génétique TMPRSS2ERG est
considérée aujourd’hui comme un marqueur représen
tatif des fusions génétiques ETS dans le cancer de la
prostate [3]. Compte tenu de la prévalence élevée du can
cer de la prostate dans le monde, la fusion génique TM
PRSS2ERG est devenue la translocation la plus fré
quente d’une manière générale dans les tumeurs
malignes. La fusion des gènes TMPRSS2 et ERG est pré
sente chez environ la moitié des patients avec cancer de
la prostate.
Pour que les patients atteints d’un cancer de la prostate
puissent cependant véritablement tirer profit de la dé
couverte de cette fusion génique, il faut parvenir dans
une seconde étape àl’application de cette nouvelle ac
quisition en pratique clinique. Entretemps, la transcrip
tion fusionnelle TMPRSS2ERG peut être mise en évi
dence dans l’urine des patients avec cancer de la
prostate [4]. Al’inverse du PSA, qui est certes spécifique
du tissu prostatique, mais pas du carcinome prostatique,
la fusion génique TMPRSS2ERG n’a été isolée àcejour
que dans des cellules néoplasiques. Cette translocation
est donc nettement plus spécifique que le PSA. La spéci
ficité et la sensibilité peuvent encore être augmentées en
combinant la détermination de la fusion TMPRSS2ERG,
le screening du PSA et la mesure d’autres biomarqueurs.
Un test urinaire détectant la présence de la fusion gé
nique TMPRSS2ERG sera très prochainement dispo
nible sur le marché et permettra de simplifier le dépis
tage précoce du cancer de la prostate.
La fusion génique TMPRSS2ERG apuêtre mise en évi
dence chez près de 20% des cas de néoplasie intraépi
théliale prostatique de haut grade (PIN), àvrai dire au
voisinage immédiatdecancers de la prostate invasifs[5].
Ces lésions PIN TMPRSS2ERG positivessemblent consti
tuer de vrais précurseurs des cancers invasifs. Il paraît
donc intéressant de déterminer plus particulièrement le
status fusionnel dans les cas où les biopsies de la pros
tate montrent des PIN de haut grade et/ou des glandes
prostatiques atypiques. Dans les PIN isolés, la détermi
nation du status fusionnel pourrait cependant aussi être
utile dans les cas où un cancer invasif de la prostate
aurait été manqué lors des biopsies. La présence dans
ces cas d’une fusion TMPRSS2ERG ouvre de nouvelles
possibilités thérapeutiques.
Le phénotype des tumeurs peut suggérer l’existence d’al
térations moléculaires sousjacentes. Des critères mor
phologiques ont par exemple été décrits pour le cancer
colorectal non polypeux héréditaire et pour les cancers
du sein associés au BRCA1 et au BRCA2. Le cancer de la
prostate TMPRSS2ERG est associé àune constellation
spécifique de propriétés morphologiques (modèle de
croissance cribriforme, mucine bleuâtre, cellules en ba
gue àchaton, macronucléoles, prolifération intracana
laire) [6]. Il yadéjà un certain temps que la plupart de
ces critères morphologiques aété mise en relation, indé
pendamment des fusions géniques ETS, avec une évolu
tion clinique agressive du cancer.
En raison de données encore contradictoires, on ne peut
pour l’heure répondre àlaquestion de savoir si les fu
Kirsten D. Mertz
Le Dr Rubin a
découvert la trans-
location licensée
pour le diagnostic
et la thérapie.