Zoologie et Eglise catholique dans la France du XVIIIe siècle (1670-1840) : une science au service de Die u Eric BARATAY (*) .la—zoolAuoXVIIIe ècle, de nombreux clevrcsement, font àpreuve n années intérêt RÉSUMÉ progressi parti r ld''deséutude marqué pour giauteurs e . Se sidébarrassant l ' A nti q ui t é, i l s vont chercher dans 1670, de l a tutel l e des de rmatièrement on de lfaia plteacepourpartides ani preuveunede l'certi existence de Dilaecréati u, uneonconfi lui.culUnimèinreauxtérêtdeunelqui'homme, t ude que est enti dure j u sque vers l e s années 1840. Ensui t e, l e s cl e rcs se tournent vers autres. sciences, comme la paléontologie, sources nouvelles de débats philo sophid'ques MOTS-CLÉS. Eglise ; zoologie. — Histoire naturelle ; apologétique ; bestiaire; classification ; terest SUMMARY. —theln1670s the 18th century many vschol ars showed irintyZool ogy.entFrom on, freei ngthethemsel es aniprogressi vely aoffromdeep theexiinauthoof anci authors, they sought i n study of m al s proof t h e s oftioGod, confi rmatiforonhiform. man' strend specilaasted l placeuntiandl thecertai1840snty .thatThereafter the wholschol e tence creaThi s ars n was meant other sci e nces, such as Pal e ontol o gy, whi c h came to provi d e a new turned to point of departure forNatural philosophi c al debate. History ; apologetics; bestiary ; classification ;Church ; — ZoolKEYWORDS. ogy. A partir des années 1660 environ, les sciences naturelles, notamment la zoologie, prennent un nouveau visage. Avec les travaux de Malpighi (1661), Hooke (1665), Swammerdam (1669), Leeuwenhoek (1673), le microscope révèle un monde vivant jusque-là inconnu (insectes, animalcules, cellules, etc.). Sous l'impulsion de savants tels que Claude Perrault (1671 à 1676) ou Edward Tyson (1680 et 1689), de très précises monographies d'espèces sont publiées . UniversitéBP Jean0638, Moul.in-Lyon69239 III, Faculté desCedex let res et civilisati02 ons, (*) Eric Baratay, 74, rue Pasteur, Rev. Hist. Sci., 1995, XLVII /3, 241-265 242 Redi (1668) et de Malpighi (1684 ) Les observations relancent le débatdesurFrancesco la procréation des animaux en mettant à mal la vieille croyance en la génération . Au XVIIIe sièclen, Linné fonde la zoologie systématiquespontanée (1735), tandis que Buffo les sciences naturelles (1749-1779) . En fait entrerdécennies l ' histoire dans quelques (1660-1740), ces travaux fondent la zoologi e moderne. Ils obtiennent un écho certain auprès du public cultivés : journaux scientifique grâce au soutien de nouvelles institutions en 1665), jardins botaniques et zoologique s (Journal (Jardin dudesroiSavants en 1626) académies des sciences (Paris en 1666) . Dès les débuts du XVIIIe siècle, l'histoire naturelle est à la mode dans les salons aristocratiques et bourgeois (1) . Or, l 'observation de la nature suscite un intérêt semblable dan s le clergé français à partir des années 1670, ce qui donne naissanc es à toute une génération de clercs. Lenaturalistes dont leslesplus célèbre premier multiplie expériences sont les abbés Nollet et Pluche . Le second publie en 1734 Le Spectacle mondaines surdontl'électricité succès auprès du public dépasse celui de l'Hisde la nature dele Buffon (2) . L'engouement persiste jusqu 'aux toire naturelle. Derrière la simple anecdote, il révèle une évolutio n années profonde1840des mentalités cléricales, une conception nouvelle de l a nature, notamment du monde animal, et constitue l'un des épisodes les plus marquants de la relation agitée que l'Eglise entr . etinavcls (3) Cet intérêt est un phénomène nouveau, car les clercs des générations années 1600-1670 regar-. daient précédentes, peu la naturecelles et ledes monde animal de leursnotamment, propres yeux François de Sales, par exemple, émaille son Introduction à la vie dévote (1609-1619) de nombreuses descriptions d'animaux, mai s 75 % d 'entre elles proviennent de sources littéraires antérieures : la Bible, les oeuvres des Pères de l'Eglise et surtout celles d'Aristote et de Pline l'Ancien (64 % de ces mentions) . Seulement 2 5% stoire,s voi: Sevpen, r J. Ehrard, ID.déeMornet de nat, Lesure enScieFrance éti du (1) XVIIIeSur sicetèclteehi(Pari (Pari 1963);J.L'Roger, nces devidans ladansnatla premi ularepensée enèreFrancmoi s : Col i n , 1911); Les Sci e nces de l a e f r ançaiColsien,du1963). XVIIIe siècle : La génération des animaux de Descartes à l'Encyclopédie (PariseauXVIsiècl Torla1987); is, Un physi ècle des lumièop. res: L'acit. bbé Nol. leint, 1700-1770 (Jonas: chez(2) l'aJ.Suruteur, sure, voiPlciruechelna ausynt: SihMornet, n. 1,(Pari 8-9s : (3) cette hi s toi r èse r é cent e de G. Mi n oi s , L' E gl i s e et l a sci e nce Fayard, 1990-1991). 243 des textes semblent donc strictement personnels, mais ils évoquent de parfaites évidences : les oiseaux chantent et volent, l'abeille s e pose sur les fleurs, le loup dévore les moutons, etc . (4). Autrement dit, lorsque l'évêque de Genève entend faire une description précise , ilbêtes recourtlessystématiquement aux sources plus proches comme le cerf oulittéraires, l'abeillemême . pour le s Une attitude qui n'a rien d'original, qui se rencontre aussi chez les prédicateurs, les moralistes, les théologiens . Deux exemples sont significatifs . Lorsque le jésuite Etienne Binet publie son Essai des merveilles de nature en 1621, dans le but de donner des connaissances précises aux jeunes prédicateurs pour bâtir leurs sermons , tout ce qu'il leécrit paon, le chant du espèces rossignol,delapoisson société des abeilles, nid sur des lehirondelles, certaines est tiré de Pline l'Ancien. Voulant décrire la nature, il ne sait qus, e se plonger dans les livres . Le cas de Louis Gruau montre à quel point ce réflexe est profondément enraciné dans les mentalités , puisque ce curé de campagne des débuts du XVIIe siècle pratique la chasse aux loups, invente des techniques de chasse, écrit u n livre pour les vulgariser en l'émaillant de remarques personnelles . Mais, lorsqu'il veut décrire les mœurs de l'animal, il ne peut s'empêcherLadeconséquence reprendre tout qu'dil a' lu chez les anciens (5) . x de cecepeu observations est la croyancedeause animaux fantastiques : le phénix qui renaît périodiquement cendres, le griffon, le nycticorax qui ne vole que la nuit, le farouch se ichneumon, les sirènes, l' "harpye" qui porte une haine farouch e à l'homme et se roule dans le sang de celui qu 'elle tue, la licorne , les satyres, les dragons (6) . Autre conséquence : le libre cours au x affirmations contestables . A la suite de Pline et de Virgile, le cur é (4) (Pari 1910), Bibl145.. e ; 209.. pour. . pourles lment es Pères 17, 20, l69,es 279.. pourAri stotes,; éd.59,: de114. . . pour260.Pl.in. e;pour52,la123, ions ;personnel 1567-1622, évêque ) de Genève enurelle1602. (5) Respect i v ement . :chap. VI, 2,VIII,20 .IX,29,XI33,et L.XVXI-c. tirés4 deà 23l'Hi(Bistoinetre:nat1569de(jFrançois éPlsuiine,te L.en IX-c . 7, 8, 10, 18, 59, L.X-c. 1 639, prédi:cat?,eur),curé L.deGruau, ion de chasse (Paris, éd. de 1888), chap.3 et 1590, 4(6) (Gruau Saullgees), Nouvel . le deInvent Lephéni x : P. de Bérul Oeuvres pi é t é (Paris, éd.t. de1, 1644), Le griffonL: L.P. Baide lBesse, , La Théol ogieioafnsfectthéol ive:o(Pari s, éd.(Paride s1643-1644), 1hneumon, .1,1084.enyctiorax587. Concept gi q ues , 1606), 650. L' i c l rène,610l. harpye" l': DeniLejesune,de lLea Mère de Direeu,de Homél ierse moral euse, s (Pari1662), s, 1618), 597,a siaLe480, LaF."Hédel licornein,:: J.Des Mi s si o nnai l ' o ratoi (Toul o t. 2, 461. yres (Paris,(Paris, 1627). Le dragon : S. Martit.n, Les2,Nouvel les Fl149. eurssatdesyer vies des satsaints 1653), col. 244 Eric Baratay 244 Gruau croît que les loups d 'Italie ont les yeux pleins de poison et que leurs haleines rendent muet . Le curé Louis Bail reprend les dires d'Aristote à propos de la scolopendre de mer qui rejette . Jean-Pierr ses entrailles pourdeseBelley, défaireécrit desque hameçons Camus, évêque le pélicanavalés s'ouvre le ventr ee pour ressusciter ses petits avec son sang (7) . Il ne faut cependant pas exagérer la dépendance des clercs d e ce temps vis-à-vis des sources littéraires . Certains savent regarder le monde animal lors de quelques occasions précises, tels le jésuit e Binet à propos du cheval de course ou le jésuite Richeome pour les bêtes de chasse (8). Ce sont justement les descriptions de chevau x et les traités de chasse qui livrent le plus d'observations personnel les centrées, queld'qéuestonnant bêtes dans (chevaux, chiens, oioùseaux cerfs, lièvres), cedequifait,n'sura rien une société l'élit e, cultivée, y compris cléricale, pratique la chasse et l'équitation. Il reste que dans les sermons, les traités de théologie, les manuel s d'édification, et pour les autres bêtes, inconnues ou mal connues, la référence aux ouvrages anciens est systématique . le contexte l'époque, comprend pour lesDans animaux exotiquesdeque l'on necepeutrecours étudiersesur place, mai il pose problème pour ceux de l'environnement immédiat . Sanss doute, la formation des clercs, notamment des théologiens et de s prédicateurs, entièrement basée sur le livre, ne peut que les conduir e à une telle pratique . Mais, en fait, les ecclésiastiques s'inscrivent dans une tendance générale . Rééditées et largement diffusées à partir des débuts du XVIIe siècle, les oeuvres des anciens, notamment celles de Pline etqued'Apersonne, ristote, sontdeconsidérées des références gatoires l'humaniste comme au naturaliste, n ' obli. Prisonniers d'une conception de la création où l'âogesed'contr or s edir e situe en arrière, les contemporains ne peuvent se détacher de ce s auteurs qui ont tout dit et l'ont bien dit (9) . D'où les répétitions et compilations des savoirs antérieurs, les gloses interminables à (7) Gruau, 19-20; Bail, op.J.-cit. P.inCamus, n. 6, t. 1,Homél 1.1, i585 (Bainl ic:al1610-1669 docteur en théol36op.o(Camus giciet., curé: de5,1584-1652, Montmartre); es domi es (Lyon,, éd. (8) de 1625), évêque de Belley . en 1609) E.t.Bi2net,: LeEssai l es de(Parinature , éd. 295, de 1625), Oeuvres, Pèledesrin demervei Lorette s, éd.(Paride s1628), 314, 348569; (LouiL.sRiRiccheome, heome . : (9) 1544-1625, jésuite en 1565) P. Del a unay, La Zool o gi e au XVIe si è cl e (Pari s Hermann, 1962), 93-96. Voi r aussi E. Callot, La Renaissance des sciences de la vie au XVIe siècle (Paris : PUF, 1951). 245 leur propos, l 'absence de réelle vérification . Dans un monde où l'information circule peu, mal, lentement, où les déplacements sont assez rares et encore difficiles (10), tout paraît possible et le vra i se distingue mal du faux . Tous croient en une nature, et par derrière elle en un Dieu, agissant dans tous les sens, créant des animau x fantastiques, des monstres, des peuples bizarres . Le Traité des monsde Fortunio Liceti, par exemple, édité en 1616, connaît u n viftressuccès et est réimprimé en 1634, 1665, 1668, 1708 (11) . A cela s'ajoute, pour les clercs, un manque évident de curioAinsi, il ne semble pas que les naturalistes de la Renaissance, silesté.Rondelet, Belon, Gesner ou Aldrovandi, soient utilisés, puisqu'il s même, les animaux découverts par le s ne sont jamais citésun. Desiècle explorateurs depuis et enregistrés par les naturalistes précédemment nommés ne sont jamais signalés . En cette premièr es moitéduXVIesiècle, af uneaméricane 'existe ouj rspa dans l'imaginaire clérical! Ce désintérêt s'explique essentiellemen t parlerôlequejouel'animaldanslareligon .Jugétrèsembla e à l'homme par la structure de son corps, ses mouvements, la pré-r sence d'une âme, mais aussi différent et, en fait, inférieur pa la nature même de cette âme, par ses facultés instinctives, par sa destinée toute terrestre, placé juste en dessous de lui dans une création où tout est lié, il participe au drame divin, c'est-à-dire à l a lutte de Dieu et de Satan, au combat de l 'homme pour gagner le salut. II remplit l'office d'un véritable missionnaire guidant, so utena,corglshmeàpnrDiutsesdan . A ce titre, il intervient dans les vies des saints , ladans bonne cellesvoiedes simples chrétiens en tant qu'intermédiaire entre le ciel et les hommes, agent de Dieu ou du démon . Il est aussi parti-u culièrement employé dans la pastorale comme symbole (tels l'agnea e christique, la colombe du Saint-Esprit) ou. Ainsi, commedansexemple d son Introconduite pour enseigner et édifier les fidèles duction à la vie dévote, François de Sales multiplie les compara isonaveclmdi,évoquantprexml,udibonderie des éléphants pour inciter les chrétiens à plus de chas nz et(Paricri(10)tsiq:PUF,1968)53-70ueE.àLabr.,éedfltuVaXisIrnbcèhpA ousse, Le paradoxe de.l'érudit cartésien Pier e Bayle, inReligon,érudt s et de(1 )c:M.ioJRH1nFV,s3-t2gr4epdLhu ses .:(dSPéyrofsa,1u9ti) 246 Eric Baratay 246Bridoul (13) publie, en 1672, un livr e . Le jésuite Toussaint teté (12) intitulé L'Ecole eucharistique établie sur les respects et devoirs miraculeux que les animaux, oiseaux et insectes ont rendus en diverse s occurrences au Saint-Sacrement de l'autel pour montrer que les bêtes sont plus respectueuses du saint sacrement que les protes- e tants. Ce recours incessant monde animal pour définir laà natur de l'homme, sa place dans aula création, le comportement suivre dans la religion, est bien l'aspect le plus original de cette époque , celui qui la distingue le plus de la suivante (1670-1840) . Issu d'un fort sentiment de proximité entre les deux créatures, il transform e une faune encore abondante, foisonnante, véritable épaisseur vivant e autour des hommes, en un incessant point de repère . Plongé dans la nature, très proche de l'animal par son régime démographique e, par son mode et ses conditions de vie enracinés dans le rural, mêms dans lesbiologiquement villes, l'homme duet XVIIe siècle se sert depour cet seautre le pluse proche, géographiquement, juger, mesurer. C'est pourquoi la valeur des histoires et descriptions d'animau x est plus liée à leur capacité d'enseigner la religion qu 'à leur véracité. Utilisé dans le seul but de situer l'homme et de le guider, vers son des salut,justifications l'animal doitattendues démontrer intimes apporter sur des troiscertitudes thèmes fondamen: la supériorité de l'homme, l'existence et les caractéristiques taux du monde céleste, la nécessité de se conduire suivant les ordre s de Dieu. Dès lors, la réalité compte moins que cette espérance . La vision religieuse du pélican offrant son sang à ses petits (imag e évidente du Sauveur), par exemple, est plus importante qu 'une' que . Même s'ils étonnent, les gestes de l animallconqueréait t ne peuvent être analysés que par les'prisme rassurant de l'instinc . Même ils peuvent être quelquefois qui postule son infériorité douteux, les animaux fantastiques riches de significations symboliques, presque créés pour cela, restent en faveur : François de Sales , par exemple, signale bien qu'Aristote est très réservé sur ce sujet, mais continue de les évoquer ; Louis Bail se sert du phénix et d u t. in n.si4,ècl279.e à Surnosl'ujotiurslisatienonFrance religieuse del'aniunimalv. :deE. Barat "1991 L'E(12) gl(Pari isF.e setde: SalEd. l'anies,malop.duciXVIIe ", thèse, LyonayIII,, (13) 1595-1672,dujésuiCerf, te on1996), 1614 .chap. 4-5. 247 griffon dont le caractère fabuleux est pourtant souligné par Pline (14) . , Dans la seconde moitié du (15), XVIIeestsiècle, cetteenmentalité permanente depuis l'Antiquité remise question cléricale au profit d'une volonté d'observer directement la nature en se délivrant d e la tutelle réductrice et déformante des auteurs anciens. Ce rejet des autorités commence vers 1660 à propos des questions d e physique et de philosophie, notamment celle de l'âme des animaux , etmoment intervient sciences au début où l'dans intérêtlesdes clercs naturelles (et du public lettré) duse XVIIIe déplacesiècle, de sciences abstraites, les mathématiques et la physique, vers les science ss empiristes, concrètes, notamment l'histoire naturelle (16) . Intitulant, en 1702, « Sur le refus de suivre les anciens », l 'un des chapitres de son Histoire critique des pratiques superstitieuses , l'oratorien Le Brun soutient que l'Histoire des animaux d'Aristot e etqu'l'Histoire de Pline ne doivent plus être utilisées parc e elles sontnaturelle peu crédibles . Le premier « tombe souvent dans de s erreurs grossières », notamment en ce qui concerne la génératio des animaux à partir de la pourriture, tandis que le second esnt « peu soigneux de vérifier les faits » qu'il rapporte (17). En réalité, le détachement s'effectue progressivement . Dans l e premier tiers du XVIIIe siècle, ceux qui se réfèrent à Pline ou Aristote sontBougeant encore nombreux le s jésuites et Regnault: enle bénédictin 1719 et 1737,Calmet l' en 1713, Grozelier en 1726, etc. (18). Bougeant écrit que l'histoireoratorien des animau est celle « où l'étude et les recherches des Anciens ont été les plu xs ec.s,2op.et ci49.t. in n. 4, 211; Bail, op. cit. in n. 6, t. 1 1 . 1. 587; Pline, Histoire natu(14) relleF.El, lL.edeestX,Salprésent (15) auteursMoyen du HautAgeMoyen anithèse, male desuniv. auteursde chréte chez ieToulouse, ns dules. Haut occid1990 entAgeal : :HériJ. tVoi agessenet, et ori"gL'inialmiageri tés e", (16) P. Chaunu, La CiHivilsistoiatrioencridetiql'Eueurope desiqluuesmièsuperst res (Pariitieuses, s : Arthaud, rre Le Brun, desprat rééd.1971), (Pari262-263 s, 1732)., t. 1,(17) 16-23PiA e. (1661-1729, oratori e n en 1678) . (18) met, Comment aire lit éralensur... lespsaumes (Pari, sObservati , 1713), t.o2,ns706curi(1672-1757 bénédilectsinparti enCal1689, abbéphyside qSénones G. Bougeant uses dsur,e toutes ueCaen,(PariNevers, s, 1729) 1719),Pari;(1690-1749, jésuiierte(1692-1728, en 1724, proforateesseur bel1710)les-lestet resl'auteur auxes decoldullaèges de s ) ; N. Grozel o eetnieensn tomes 2 et 3 des, édce.derni er ouvrage ; N.jéRegnaul t1702, , LesprofEnterirsseu physi q ues d' A ri s te et d' E udoxe(Pari de 1737), (1683-1762, sui t e en r de sciences au collège de Paris) . 24 8 Eric Baratay 248et plusieurs autres après eux ont fai t heureuses . Aristote et Pline sur cette matière tant de belles observations, qu'ils semblent l'avoir épuisée A. Mais, et cela illustre bien l'évolution des mentalités, c e recours est de moins en moins exclusif . Voulant évoquer les nouvelles espèces connues, Bougeant utilise des sources plus récentes , telles que l'oeuvre de Rondelet, qui date tout de même d u XVle (!), celle mpanzé, ainsi que les recherches desiècle l'Académi e desdesciTyson encessur(19)le.chiGrozel Regnauldes t seSavant basen t en priorité sur des faits contemporains tirés iduer etJournal et des Mémoires de Trévoux. Ce moindre emploi se change ens véritable désaffection à partir des années 1730. L'abbé Pluche, en 1732-1746, et l'abbé Ray, en 1788, ne se servent plus que des travau x des savants modernes (20) . rejetenquices'domaine, accompagne d'une épuration du bestiaire . Encore en Un pointe l' oratorien Le Brunétérefuse en ces animaux fantastiques qui n'ont jamais vus (21)de croire . Mais la plupart des clercs naturalistes des années 1700-1730 soutiennen encore l'existence de la salamandre, de serpents monstrueux, d te veaux couverts d'écailles, etc . (22). Cependant, avec le développ emntdl'spricque,atonliésduem.tplin Le bénédictin Calmet, qui utilise encore Pline en 1713, critiqu e la croyance de certains Pères de I'Eglise concernant l'éducatio n des petits corbeaux. L'abbé Pluche, qui garde les récits des voyageurs au sujet de l'ichneumon pénètrequi dansn'elest qu' crocodile et l e fait mourir de douleur, refuse le qui merveilleux un mélang de mensonge et traite la licorne d 'animal chimérique (23). Cet esprite critique devient la norme après 1730 et les histoires fabuleuses di . Un rejet compensé par l 'intro-sparientdouvgsrliex duction de nouvelles espèces. Bougeant, par exemple, évoque l e carcajou, le serpent à sonnette, la couleuvre du Brésil, les écrevisses et le castor, l'animal le plus souvent mentionné, qui symbo(19) Bougeant op. ciLet. Spectacl in n. 18, 429lpour la citation,s,439,éd. 442, 445 pour sourceessur. (20) N.-A. Pl,uche, a nature deetc.1754), t. 1, ls'esadoctppui Réaumur, lehsumani Mémoitéress deetedelde'Académi eque,des(Pari scinecinces, (1688-1761, eur en tteur héoloàgiPari e, profGoedart, e sseur d' rhét o ri pri p al du colelèsurge Bufde foLaon, préceps ); P. Ray, Zool o gi e uni v ersel l e (Pari s , 1788), s' a ppui n, Réaumur Bonnet, etc.. Cependant il utilise encore Rondelet pour l'étude des poissons qui restent, mal connusLeBrun, op.Grozelcit.ier,in op.n. 17cit.(Pariin n.s, 18, éd. de 1732), t.451,1, 71,460,78.463 et I. 3, 527. (21) (22) Exempl (23) Calmete, :op.cit. in n. 18, t. 2, 706; Pluche,t. 2,op.448, cit. in n. 20, t. 1, 121, 404, 408. 249 lise à lui tout seul l'ouverture des esprits, leur volonté d'observer la création . existait déjà chez quelques-uns à l 'époque précéCe sentiment dente, mais il se généralise à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, ce qui explique l'intégration assez rapide des nouveaux outils, comme le microscope, et des thèses récentes, celles de Tyson , de Linné, de Buffon (24) . Si certains, tels Fénelon, Bougeant o u même Pluche, en restent encore à effectuer de simples compilations, si leur goût l'observation semble quelquefois s'arrête à leur volonté de s'adeppuyer sur des ouvrages récents, d'autres fon rt preuve d'un penchant prononcé pour l'expérience personnelle . Dans Entretien sur les sciences de 1683, Bernard Lamy écri son « rechercher les faits de la nature, c 'est faire des expériences,tque pa r exemple des dissections sur les animaux, sur les plantes, sur le s poissons, pour ouvrir la nature qui nous a été fermée jusqu'à présent (25) ". Une conception concrètement appliquée par l'ora- s torien Malebranche qui possède de savant contemporains, s'intéresse à tousdelesnombreux genres, ouvrages des examens microscopiques au problème de la circulation du sang, et tient à fair e lui-même des observations (26). II donne des descriptions précise s de nombreux insectes tels que la larve du fourmi-lion, qui creus e un trou dans le sable pour attirer ses proies et leur sucer le sang . Un animal qu'il élève dans une boite remplie de sable en l'observant sans cesse et en la montrant fièrement à ses amis . Mais, il expérimente aussi . A la suite de Francesco Redi, il recouvre des viandes d'un voile de gaze pour vérifier que les vers ne peuven t apparaître Reprenantplusieurs les travaux sur lesDaniel oeuf s de poules,(27) il en. dissèque commedeleMalpighi note le jésuite en 1670 : « Il a présentement un fourneau où il met couver des oeufs et [ ...] en a déjà ouvert dans lesquels il a vu le cœur form é et battant avec quelques artères (28) ." es : F.35Fénel on, Œuvres, t. 1 :inTrain.t18, é del439,'exis455; tenceRay, etdesop.attcit. ributsinden.Di20e u. (Pari(24) s, éd.Exempl de 1820), ;parBougeant ,balop., cit. (25) P. 276-277, ci t é F . Gi r Bernard Lamy (Pari s : PUF, 1964), 79 (1640-1715, oratorien en 1658, professeur deebranche mathématiques et de. 66-68 philosophie) (26) H. Gouhi e r, La Vocati o n de Mal (Pari s : Vri n , 1926), (1638-1715 , oratori en en 1660,citmembre honorai rephidelosophe l'Académi e des scicolaesnces .en 1699) IXe (27) entretien é par Y. Séméri a , Le et l ' i n sect e . Ni Mal e branche (1638. 1715)(28) ou l'enttr.eomolau père ogiste desson Dieu,BulletinH.mensuel Sociiéntén.li26,nnéenne de Lyon,jésui(1985 ),I- te en Gouhi eéolr,deoop.gilae).cit. 68 (?-1728, 1667, profLeteude sseurdedeMalrhétPoieobranche rique,ciphitéelopar:sophi e et t h Sur l e s travaux sci e nti f i q ues Roger, op. cit. in n. 1, 212, 335-337. tl'ai e 250 Eric Baratay 250 est pas un cas isolé . A l'autre bout de la période, Malebranche n' en 1763, l'abbé Boissier de Sauvages entend favoriser l'élevage de s vers à soie . Pour cela, il rejette les anciens qui débitent " des fables » et n'est guère plus tendre avec les modernes qui n'ont fait que compiler les premiers ou n 'ont effectué que peu d 'expériences " sur quelques douzaines de vers à soie élevés sur la tablette de leu r cheminée » . Seules des analyses réitérées peuvent donner des connais sances sûres. Aussi visite-t-il les ateliers du voisinage afin d ee connaître de production, éleveurs,l'influenc prendr e des notes les pourlieux essayer chez lui etquestionner vérifier, parlesexemple, de la chaleur sur le développement des bestioles (29) . bien ce goût pour l'observation qui suscite la publicatio n C'estgrands de ces tableaux d 'histoire naturelle qui jalonnent le siècl e et lui donnent son caractère particulier : le Traité de l 'existence et des attributs de Dieu de Fénelon (1712) le Spectacle de la nature de l'abbé Pluche (1732), la Zoologie universelle de l'abbé Rayde(1788), l'Histoire naturelle des oiseaux, des reptiles et des poissons l'abbé Bourassé (1840) (30), etc . Reste à expliquer les raisons d'un tel changement de mentalité. La plus immédiate est l'adhésion du clergé à un esprit critique, une rationalité qui dégagent le regard, le laissent libre de tout magistère des anciens et permettent d'adhérer à la science moderne. Un processus qui se retrouve,: épuration au même moment, d'autreslutte domaicontre ne s du culte dans des saints, de l' h istoire de l'Egl i s e les superstitions populaires, critique du satanisme et de la sorcellerie, etc. (31). Mais, il s'installe lentement . Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, l'initiative revient assez souvent à des oratoriens, des jansénistes pressés de rejeter l'aristotélisme pour bâtir u n nouveau système de pensée adapté aux connaissances nouvelles e t capable de soustraire l'Eglise aux critiques des libertins ou de s milieux scientifiques . Par contre, les jésuites et les docteurs de l'Université, attachés à la tradition scolastique, sont en majorité rétiPierre BoissierXI-XII, Mémoi32-33 res sur l'éducation des vers à soie (Nîmes, 1763), p. (29) III-VI, .de Sauvages, (30) Bourassé, 1813-1872, chanoi n e de Tours, esseur de zoologie au petit séminair e de Tours, hirsJ.toriLeen.Goff, R. Rémond (dir.), Histoirprof (31) Voi e de la France religieuse (Paris : Seuil , 1988), t. 2. Zoologie et Eglise catholique 251 cents . Mais, l'ensemble 251 du clergé adhère progressivement à ces exigences nouvelles danss'inscrit les années (32)plus . ample, celu i En fait, tout cela dans1690-1730 un contexte de la société cultivée où s 'effectue une profonde mutation des mentalités à partir des années 1670 . Déjà mise en cause par les médecins de la première moitié du XVIIe siècle, l'autorité des anciens, notamment d'Aristote, est, là aussi, peu à peu rejetée . Répétition , compilation des savoirs, érudition sont condamnées au profit d'une rationalité nouvelle faite d'esprit critique et de recherche de la vérité. Proposées autrefois par les Mersenne, Descartes ou Gassendi, ce s nouvelles valeursà sont les savants fondateurs de l a zoologie moderne partiradoptées des annéespar1670 . Leurs travaux se histoire dépouillent des récits et des mythes pour devenir de véritables naturelles. Mais, l'évolution est progressive . Si le rejet des ancienss conduit à vouloir recueillir des faits réels et contemporains, tâch e à laquelle s'emploient les nouveaux journaux scientifiques, l a croyance aux relations extraordinaires, aux monstres et animau x fantastiques perdure, là aussi, jusqu 'aux années 1730. A ce moment , lamitéconception qui met en avant l'unifordes lois demécaniste la nature,dedoncl'univers, l ' impossibilité des fantaisies, prodiges et merveilles, et la volonté de contrôler les dire populaires (Réaumur) mettent à bas les vieilles croyances (33) . s Pourtant, si la rupture vécue par les clercs s 'inscrit dans celle du monde intellectuel, elle est aussi la résultante d 'une évolutio n particulière . A partir des années 1670 environ (1650-1690 suivan t les différents l'animal connaît une véritable dégradatio n de son statut aspects), . Le succès progressif de la théorie cartésienne d e l'animal-machine le réduit à l'état d'une simple mécanique sans âme, de ressorts, rouages et fluides divers, totalemen t ravaléeconstituée dans la matière . Une dévalorisation qui dereprésente boutissement d'une vaste entreprise de mécanisation la créationl'acommencée par les cieux sous l 'impulsion de Galilée et étendue à l a biologie par Descartes. En mécanisant les plantes, l'animal et mêm e le corps de l'homme, elle vise à ce qu'Alexandre Koyré a appel é une " géométrisation à outrance " , une " mathématisation du réel » , c'est-à-dire une réduction du vivant aux lois de la mécanique e t des mathématiques, ces nouveaux instruments de lecture de (32) Barat (33) Roger,ay,op.op.citon.. ininn.n.1, 12,92, chap. 155-163,6-10.187-192, 207-217, 224 . 252 Eric Baratay 252 de l'automatisme des bêtes sont l'univers (34) . Si les adversaires à cette déprénombreux, au moins jusque vers 1730, ilsdeparticipent ciation en assimilant, eux aussi, le corps l'animal à une machine et en lui adjoignant une âme purement matérielle (35) . Or, au même moment, le monde animal perd l'essentiel de son rôle religieux . Le bestiaire symbolique est fortement contesté, surtoutt dans les écrits. Le rôle d'agent de Dieu ou du démon est largemen mis sous le boisseau dans l'hagiographie et dans la vie quotidienne. L'animal modèle, destiné à enseigner les fidèles, n'est plus évoqu é que par des marginaux de moins en moins nombreux. Tout ceci s'accompagne d 'une véritable méfiance vis-à-vis des animaux, puisqu'à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, une série ed mesures visent à éviter tout contact physique avec les ecclésiastiques. La pratique cléricale de la chasse et du négoce des troupeaux fait l'objet d'interdictions sans cesse répétées de la part d'une hiéoublient là les devoirs de leurs rarchie qui craint que les clercs bref qu'ils s'enfouissent charges, les affaires dudétournent ciel, les fidèles, marche vers le spiritue l dans le profane et se prière, ded'éleur tude, de travail . Ces interdits en abandonnant l'esprit de s'inscrivent dans le contexte de la Réforme catholiqueduqui exalte, le clergé, le met à part (port de la soutane, respect célibat de la clôture, etc.), au-dessus des simples laïcs, près des anges . Ils mettent en place une hiérarchie (clercs, laïcs, animaux) où les premiers, centrés sur le spirituel, doivent se garder de relations trop étroites avec les seconds, qui baignent quotidiennement dans le monde matériel, et avec les bêtes qui symbolisent la matière . C'est pourquoi, la représentation de celles-ci, traditionnelle autr e dans la statuaire, la peinture religieuse, la décoration des églises , fois est fortement contestée . De même, leur présence physique, habi, tuelle auparavant dans les processions, les églises, les cimetières dénifait l'objet de vives mesures de refoulement . Dévalorisation, proche, touché, grement, bannissement : le monde animal, autrefois Koyré, Gassendi.1955), et la science de son177 temps, in Tricentenaire de Pierre Gassendi (Pari(34) s :A.Descar PUF, (35) t e s n' e st pas l ' i n vent e ur, mai s l e t h éoriay,op. cien, d'cit.uneinthn.éori12,e quichap.6-7;H. apparaît partBusson ou t, àLalaRelfoiisg.ioSurn desle cart ésiqauesnisme(1660-1685) dans l'Eglis(Pari e : sBarat: PUF, cl a ssi 1948); H. Gouhi e r, Cart é si a ni s me augustinisme au XVIIe siècle (Paris : Vrin, 1978).et Zoologie et Eglise catholique 253 utilisé, médité, devient un253 univers lointain, simplement regardé (36) . Mais, l'adhésion à la rationalité et le changement de statut d l'animal ne peuvent pas totalement expliquer l'intérêt des clerc es pour la zoologie. La façon dont celle-ci est utilisée révèle le s attentes : il ne s'agit pas d'une pure curiosité scientifique et encor e moins d'un amour des animaux, mais plutôt de retrouver les grande s vérités chrétiennes . S'ils ne sont pas tous cartésiens, les clercs adhèrent tout de même à une mentalité commune aux lettrés de ce temps considérantcréées le monde leusesenmécaniques par unet les Dieucréatures horlogercomme delesmerveilérige, au rang de preuves concrètes de Son existence, de. CeSaquipuissance de Sa sagesse. Les observations de Malebranche ont bien cette finalité . A propos des insectes, il écrit : « ... je n'ai jamais rien étudié qui m'ait donné une plus grande idée de la sagesse de Dieu (37) . » Ses la putréfaction viandeslavisent à réfuter l'idé e d'uneexpériences générationsurspontanée conçuedescomme volonté d'accorde à la nature le pouvoir de donner la vie, donc de l'ôter au Dieur créateur. Les dissections d 'oeufs de poules doivent prouver la validité de la théorie de la préexistence et de la préformation des germe s contre celle de l'épigenèse (ou développement autonome des vivants) considérée comme tout aussi négatrice des pouvoirs de Dieu (38) . Les préoccupations identiquesquechez Fénelonnombre : « Qu'dey républia-t-il d e plus beau et de plussont magnifique ce grand ques d'animaux si bien policées, et dont chaque espèce est d'une construction différente des autres? Tout montre combien la faço n de l'ouvrier surpasse la vile matière qu 'il a mise en oeuvre . » Le s corps, dotés de mouvements « exécutés selon les plus fines règle s de la mécanique », montrent l'art et la sagesse de l'ouvrier . Les processus d 'alimentation et de digestion soulèvent son admiration : « Qu'y a-t-il de plus beau qu'une machine qui se répare et se renouvelle sans cesse elle-même (39)? » Même chose chez l'abbé Pluch e qui voit des preuves de l'existence de Dieu dans la répartition des pertormee durôlpostetrelridientgieiux,ne enla déval orisatd'aioprès n : Barat ; ay, op. cit. inden. vi12,siteschap.past8-10oD.ralesJul(36) ia,SurLalaréfetrési France lestàprocès-verbaux :ordres s t a nces, i n La soci e ta rel i g i o sa moderna (Naples : Guida, 1973) , 311-(37) 397 .Cité, sans références, par A. Chaumeix, Lenel3el'ecentenai re1938), de Malebranche,132 Revue . (juillet des(38) Deux XLVI SurOp. cescit. tMondes, hinéorin.24, es : Roger, . ci t . i n n op . 1, 119, 325 et sui v . (39) t. 1, 34-48. 25 4 Eric Baratay 254 familles animales : " Vous ne pouvez pas faire un pas, écrit-il , sans nouveaux Sagesse qui estqueaussi inépui-e t sabletrouver dans ladediversité destraits plansd'udeneses ouvrages, féconde libre et sûre dans l'exécution », mais aussi dans l'organisation des : " On trouve Dieu dans la structure de la patte d'un e animaux mouche . » L'étude minutieuse de tel ou tel animal et la recherch e de la « destination » de ses divers organes ne peuvent que conduir e" à l'admirer et à en glorifier Dieu » . Les modes de reproduction , d'laéprésence ducation, d'lesunemigrations, les moindres faitstoutet gestes Sagesse qui a tout prévu, organiséprouven et veillet sur tout (40) . Cette conception est partagée par tous les clercs jusqu'au premier tiers du XIXe siècle (41). Elle est reprise par les écrivains catholi-e ques, tels Bernardin de Saint-Pierre dans ses Etudes de ladeNatur de 1784 ou Chateaubriand dans son Génie du christianisme 1802e. Mais, en fait, dansetlesnotamment années 1670-1740, elle est. Profondémen celle de tout t la société cultivée des scientifiques chrétiens, interprétant eux aussi la nature comme une grand e machine, ceux-ci considèrent la science comme le moyen de connaîtr e les choses et d'admirer la sagesse de Dieu. Tel est, par exemple , le but de Réaumur dans ses Mémoires pour servir à l 'histoire dess insectes (1734-1742). Cette conviction est renforcée par le succèu et l'influence des scientifiques anglais de la première moitié d r XVIIIe siècle qui développent une théologie de la nature fondée sud e les découvertes du microscope et la gravitation universelle retrouve donc logiqu Newton . Cette « science sermonneuse » se: Dulart écrit un poèmeemntdaslopretnfaçis sur La Grandeur de Dieu dans les Merveilles de la Nature en 1749 , Bullet publie L'Existence de Dieu démontrée par les Merveilles de la Nature en 1768 (42). Paradoxalement, l'attention à l'animal preuve de Dieu est bie n une conséquence de la défiance cléricale envers cette créature quei s'comme installeunà piège partir àdeéviter, la seconde moitiéplusdu mener XVIIe siècle Consin d'est éré ne pouvant à Dieu,. elle plus qu'une preuve de Son existence, ce qui la rend encor . Mais, on le voit bien, il ne s'agit plus de la visionergadbl francis(40) IbiJ:-J. d., p.Bourassé, IV, 43, 152, 176, 282, (Tours, 327. 1842). (41) EsquiMornet, sse ent261, omolci271, o.giinques (42) L' e xpressi o n est de op. t n. 1, Sur la 241-245 théologi.e protestante, voir les pages 31-32. Voir aussi Roger, op. cit. in n. 1, 31.229-235, 255 Zoologie et Eglise catholique 255 caine, autrefois illustrée par un Bérulle et, encore à la fin d u XVIIe siècle, par un Grignion de Montfort (43) . Une conception qui s'estompe progressivement. Il ne s'agit plus, non plus, d 'une visio n poétique, mystique de la création, telle celle d'un François de Sales, mais d'un regard froid, scientifique et rationnel qui admire la mécanique et la des précision (44) . Il s'effectue un e nouvelleanimale répartition tâchesde: l'laouvrier nature faitexistence connaître(que Dieu, apporte uniquement la preuve matérielle de Son le athées, qui rejettent la validité des textes sacrés, devront biens accepter), tandis que l'esprit humain est désormais l'unique voi e pour monter à Lui, par la prière et la méditation . Cette évolution, concomitante au déclin de la mystique dans l'changement Eglise et designificatif la poésiedans dansle l'bestiaire. ensembleL'de la société, induit un animal fantastique, c'est-l à-dire l'animal imaginaire et imaginé, l 'animal transparent sur leque les clercs plaquaient un symbolisme religieux, disparaît, Mais, d e la même manière, les oiseaux et les agneaux, ceux de Françoi s d'Assise ou de Grignion de Montfort, qui suscitaient de véritable s envolées sont moins évoqués et se voientmystiques remplacéschez par lecess inhommes sectes . LedecasDieu, de Malebranche illustr e bien cette évolution . Ce cartésien ne veut pas se laisser distrair par les bêtes et ne leur porte pas des sentiments d ' affection trèse développés . Pourtant, il ressent le besoin d'étudier cette créatio n animale parce qu'elle lui apporte la preuve de la grandeur de Dieu. Aussi, faisant la synthèse de ces mouvements contradictoires, choisit il les insectes, les animaux les plus bas, les plus terrestres, les plu s matériels, les plus adaptés à la doctrine de l'animal-machine, don c les plus éloignés de l'homme . Il n'est pas question de s 'élever à Dieu leur entremise, mais de s'apercevoir simplement qu'il exist e et de par comprendre Sa nature instar castor,nesautre animal fétiche du temps, ces animaux. Car, sont deà l'véri tabldues machi à creuser enfouir, couper, inévitablement créées par un Dieu horloger . Voilà, pourquoi ils ont véritablement la faveur des clercs naturalistes . L'abbé Pluche écrit que « leur petitesse semble d 'abord autoriser lel' mépris qu'on en fait ; mais elle est une nouvelle raison d'admire r art et le mécanisme de leur structure [ ... et] des yeux attentifs (43) 1673-1716, missideonnai l'idéeredeennatBret ureagne: R.. Lenoble, Esqui sse d'unehistoire de l'idée de (44) natureSur(Paril'évols uti:on Albin Michel, 1968). Eric Baratay 256 256 yunaperçoivent une Sagesse de les de négliger, a pri sr soin tout particulier de lesqui, vêtir,biende loin les armer, les pourvoi de tous les instruments nécessaires à leur état (45) » . Un enthousiasme qui n'est pas propre aux clercs, que le monde savant de s années 1670-1740 partage amplement à la suite de la découverte de l'infiniment petit grâce au microscope (46) . Mais, l'observation attentive du monde animal a une autre fina-r lité. Il s'agit de sehomme, persuaderroique mondeterrestre, fut créé par Dieu despou du cemonde seigneur servir et aider l ' il doit commander et dominer (47). Pour cela, les clercs animaux dressentqude' grands inventaires où s'exprime un anthropofinalisme extrême allant se loger dans les moindres descriptions anatomique s ou psychologiques . Fénelon, par exemple, pense, en 1712, que ler chien pourbêtes caresser l'homme, pourensuite garder àsesl'homme, biens, pou attraperestd'néautres " et pour les laisser san s . Le cheval, lui, est né " pour porter, pour marcher , en rien retenir » pour soulager l'homme dans sa faiblesse » . Quant aux moutons, ils " ont dans leur toison un superflu qui n'est pas pour eux, e t qui se renouvelle pour inviter l'homme à les tondre toutes le s années (48) ». L'abbé Pluche tient le même raisonnement en 1732 e. Les domestiques ont été leur créésdocilité, spécialement pour le àservic de l'animaux homme comme le montrent leur aptitude bea ' " ils nous aidentucoptravile nmgtpuelfaiq naturellement, et nous viennent présenter d'eux-mêmes leurs différents services, puisqu 'ils ne s'éloignent jamais de nous » . C'est vra . Les animauximentl'"udspbaxréent»dDiu sauvages, par contre, se retirent d 'eux-mêmes au loin pour ne pas nous déranger . " Les baleines, les marsouins et tous les grand s poissons, dont la vue alarmerait et ferait fuir ceux qui nous nour-u rissent, cherchent la haute mer [...]. Toutes les autres espèces a t. in n.à 20,unet.époque 1, 7-8 . oùMailessilévêques est aussisuppri signimficentatif une que grande ces insectes soichômées, e(45) nt miOp.soùencileavant partilesetravai desloso-fêl etesurs s moi n es cont e mpl a t i f s sont consi d érés comme des f a i n éant s , où phi phes font lpeut 'apologie de l'agronomi et devagabonds l'industrie et. Cedesmonde, travai oieseaux bêtes imquiagilnoaiuereslesquivertus portendut plus(46) àl,lneaRoger, rêverieseop.qu'contenter acitd'. ainctin.odes n1,. 183. n . 20, t. 5, 64 Exemples Voir : Fénelon, op. cit. i.n n. 24, 31-331-26, ; Pluche, op . cit . in et et(47) suiv. (48) Fénelon, op. cit. in Genèse n. 24, 31-32 (1651-1715, archevêque28 de Cambrai en9-7 1695). 257 contraire viennent se ranger sur nos côtes . Les uns sont toujour . » L'expres-s avec nous . D' a utres viennent tous les ans par caravanes sion du finalisme culmine avec la description du cheval. Pluche donné le titre de roi des animaux au lion, regrette l 'usage aitalors ce tyranque sanguinaire, que le cheval est pacifique, noble e t « encore plus aimable par ses inclinations . II n'en a, pour ainsi dire, qu'une, qui est de servir son maître " . L'abbé délaisse une classification basée sur la comparaison des animaux, le lion es t roi parce qu'il est le plus fort, pour un ordre déduit de l'utilit é anthropocentrique . Ce finalisme n'e(49) st cependant pas propre aux clercs . Le succès des auteurs anglais, qui véhiculent une conception identique, e t l'incapacité de penser à une action du milieu sur les vivants l e rendent très présent parmi les savants au moins jusqu'aux année s 1740. Mais, certains écrivains le reprennent à leur compte à un e époque tardive, tel Bernardin écrivant que le. melon estplusdivisé en segments afin d'deêtreSaint-Pierre plus aisément découpé Il représente la traduction chrétienne d 'une vision anthropocentrique de la création partagée par tous . Bien qu 'il refuse ce providentialisme naïf, Buffon, par exemple, part de l'homme, rapporte tout à lui et couronne aussi le cheval (50) . S'il ne concerne pas seulement l 'animal, Fénelon écrivant que les arbres ont une ombre pour rafraîchir l'homme l'été (51), l e finalisme l'affecte en priorité . L'abbé Pluche tient à commencer son tableau de la nature par « les premiers objets.(sic) se tro uventaords»,àvileanmux(52) , C'estquipourquoi e les générations cléricales de la seconde moitié du XVIIIe siècle se contentent plus des traditionnelles bénédictions de troupeauxn destinées à solliciter la protection de Dieu et des saints, mais veulen t participer concrètement aux progrès de l 'élevage (don de Dieu, celuici doit être amélioré pour qu'il profite pleinement aux hommes ) (49) che, op.humai cit. nine n.(1700-1750) 20, t. 1, 338-343 . SurePlu: che, r R. 1960), Mercie306 r, LaRéhabi tilaonpromoti de laPluonature (Viauxl emonbl LadBaliquevoiance, et suioureau, v. liSurtan du l i o n comme roi des ani m dans l ' h éral médi é val e : M.Past nouseLe Monde mal etouse-l ses représent ns. au Mayen Quel estet XVe le roisides Ag , (XIe(50) èclens)am (Toul UniDivc.tideoaninnaiToul ees-Mifrançai raialt,iso1985), 133-135 l e t r es, l e di x -hui t i è Sur Bernardi de Sai n t Pi e rre, r e des ' h omm siauèclSieè(Pans : Fayard, 1960), t.:2,Payot, 509 ; 1972), sur Buff299; on : Roger, G. Gusdorfop., Dicit.eu, inla nature, l 541m. ee cl e des l u mi è res (Pari s n. 1, 245, (51) LetPlutche, res (Pans, (52) op. cit.éd.in n.de 1718), 20, t. 171, 1, VI.173-174 . 258 Eric Baratay 258 en observant attentivement les espèces domestiquées, en diffusan t les connaissances et les bonnes méthodes . L'abbé Boissier de Sauvages publie, en 1763, les Mémoires sur l'éducation des vers à soie qui présentent les causes des diverses maladies et les meilleures méthodes pour accélérer l'élevage . La même année, l'abb é Carlier publie l'Instruction sur la manière d'élever et de perfectionner la bonne espèce des bêtesde àlalaine de Flandre dans d'leubut de favoriser le développement production française ne laine de bonne qualité en conseillant l'élevage du mouton des Flandres, la création d 'une école de bergers, le parcage des bêtes en plein champ, l'aération diverses maladies (53) abondante des bergeries pour éviter le s A l'inverse, le même. sentiment anthropocentrique conduit à s'interroger sur le rôle exact de certaines espèces sauvages qui semblent aller à l'encontre du schéma finaliste de la création (54) . S'ils se rallient à l'idée que les insectes sont des preuves vivantes d e l'existence de Dieu, Fénelon et Pluche laissent tout de même percer un réel embarras, le premier avouant qu'il est possible de croire que ces animaux sont « inutiles » . Quelques années plus tard, e n l'abbé Joannet présence et1770, se contente d'écrirene: sait « Cepasn'ecomment st point àexpliquer nous deleur pénétrer le vues du Créateur (55). » Des interrogations qui créent une contr s dans le discours (56) et montrent bien que, derrière un regar adicton d qui se veut plus exact, la conception de l'animal change avec la finalité à promouvoir . Nous l'avons aperçu au fur et à mesure, un accord évident s'installe entre l'Eglise et la science des années 1670-1740 . Les clercs Boisèsireerd'deéleSauvages,op. cit.oinner n n. 29,la bonne IX-XIII,espèce 32-33;desClaudebêtesCarlàilear,ineInstructi sur(Pari(53) las,mani ver 125, et de135. perfecti de Flaondrne 1763) 2, 8, 70, (54) Sans r du cont l'époque où,apparai en périssentodebideencroigênant ssances. démographi qu e, , lL'eHs omme ours, loupset parl etloeautre . . bêterxtéaleedude: LiGévaudan VoirAniD m. Bernard l e up (Mont b re expressi o n, 1982); R. Del o rt , Les aux une(55) histoiFénel re (Pari s Seui li,n1984), 259-262.Pluche, op. in n . 20, t. 1, 340 ; Jean Joannetont, o n,op. ci t . n. 24, 32-34; Les Bêtes mieesuxdeconnues (Pariet Nancy) s, 1770),. At.noter 1, 176que (Joannet : m1716-1789, prêtre, des académi Besançon A. Cal et, op. cient. écri in n.vant18,membr t e. 2,l ese 340, pose aussi l a quest i o n de l ' u t i l i t é des mont a gnes à l a quel l e ilrépond qu' . recuei l ent lreadis cbêtes sauvages. un vérile cltabl e utilitarismel'apolenogétcascade tion lrésol XIXeOnsièclnuiae,lsàloibrsque la zool(56) ogiCont e et adopte 'idéeudue aucaractère le de certaiergénesabandonne espèces . ique pour 259 adoptent aisément ses méthodes (l'empirisme), ses instruments (l ne microscope), ses centres d'intérêt et ses conceptions (la génératio e spontanée...), parce que tout cela débouche une vision commun . Cettesursituation explique leu r de Dieu et pour de la lafinalité du monde sympathie zoologie qu'ils utilisent comme une nouvelle de la société cultivée apologétique en profitant l 'engouement du XVIIIe siècle. C'est biendepourquoi nombre des naturalistes de l'époque, et surtout les vulgarisateurs, sont des clercs . Cette adéquation se fait plus difficile dans la seconde moiti é du XVIIIe siècle. Sinaturelles les ecclésiastiques gardent mêmes parconceples sciences sont désormais pluslesincarnées des tions, philosophes qui se piquent de science (Benoît de Maillet, Diderot,à Maupertuis...) que par des savants philosophes, contrairement , l'époque précédente . Ces nouveaux venus abandonnent l'empirisme s cherchent plus à expliquer qu'à décrire, renouent avec les grand , systèmes du monde (oubliés depuis l'échec de la biologie cartésienne)e teintent leurs écrits, pour une partie d'entre eux, de matérialism et d'athéisme (57). . La théologie de la création Ce qui aux provoque des controverses se heurte conceptions de ces philosophes qui considèrent l a nature comme l'unique source de tous les êtres et à celles de certains savants qui entendent dégager leur science de touteeprétention apologétique. En 1756, l'oratorien Lelarge de Lignac s' mporte contre Buffon qui considère que les espèces supérieures sont uni-e quement celles qui les plusdeproches qui dépréci les plus basses en sont les taxant nuisibles,dequil'homme, ne dit rien de Die u et ne veut pas entendre parler d'une théologie des abeilles : " Tout . Il faut avoir une indifférenc e prêche dans la nature qui aillenéanmoins jusqu'à l'insensibilité pour ne pas voir l'empreinte du Tout Puissant dans les insectes (58)." Une autre polémique s'installe à propos des critères de la supériorité de l'homme qui ne fait aucun doute pour personne . Adeptese du thomisme, les ecclésiastiques de la première moitié dudans XVIIela siècl intellective et cherchaient taill e lui attribuaient une âme droite, la possession de la main, du langage, la capacité d'inventer , etc ., des preuves concrètes de sa prééminence sur des animaux seu (57) Roger, n.gnac,1, 458Sui. tes des lettres à un amériquain, (Hambourg, 1756), Joseph(Lelop. Lelargeacit. rgededeLiingLinac : 1710-1762) . SuroBuffon thi. s4,t(58) 118-132 n, 1977),: M.189.Duchet, Anthropologie et oire au Siècle des lumières (Pari s : Flammari 2 60 Eric Baratay 260 lement guidés par une âme sensitive et l'instinct (59) . En réaction à la poussée de libertinage des années 1610-1660, une partie de s clercs, notamment des oratoriens, des jansénistes, adopte progressivement le cartésianisme, à partir des années 1660 . Une philosophie radicale qui semble sauver la position particulière de l'homm e à l'état de machine et l'existence de Dieu en réduisant l 'animal et en n'accordant une âme qu'à l'homme . Une âme de natur e s spirituelle (la seule possible désormais), .source Il n'est deplustoutes d'ordrele facultés (60) . Le débat change alors de forme empirique, mais uniquement théologique et philosophique . L'originalité humaine ne se situe plus au niveau des activités, mais exclusivement dans une différence fondamentale de substance, dans l a possession d'une âme . De 1660 à 1730 environ, cette question reste au stade d 'une simple discussion. Dans l'Eglise, le cartésianisme rencontre l'oppofidèle s sition des jésuites et d 'une partie des théologiens qui restent cette théori e au thomisme . Le monde cultivé hésite lui aussi entre et d'autres philosophies, comme le gassendisme . D'ailleurs, sonr attachement au christianisme et à l'empirisme méthodologique (pou les savants) limite les dangers du débat . Mais à partir des année s 1730, la philosophie sensualiste de Locke est reprise, et souven t transformée dans un sens matérialiste, par les philosophes de s lumières, tels Voltaire (1734), La Mettrie (1745), Helvétius (1758), d'Holbach (1770). Leurs thèses ne mettent plus que des différence s de degré entre l'homme et l'animal, affirment l'origine commune de leurs facultés, ne fondent la supériorité du premier que su r une sensibilité, une intelligence, un pouvoir d'invention et d'adaptation plus poussés . De son côté, Buffon oppose simplement la perfectibilité de l'homme à l'automatisme de l 'animal (61). Face à ce qui leur apparaît comme une véritable confusion de s créatures, les clercs réagissent avec vigueur en adhérant au cartéune manière plus unanime qu'autrefois . Mais, cette sianisme conversiond'intervient au moment où la société cultivée délaisse cett e op .301, s :P.tde. 1,Besse, cit . in575, n. 6, t.2642,; Y.9, de238, Paris, 271, La Théol (Pari(59) s, éd.Exempl deDil ye1640), 297, 379, . ogit.e natN.4,urelMal22l ee(60) A. , L' A me des bêt e s (Pari s , 1676), 28-33, 66-71, 143, 171, 210-211; branche, De.la recherche a véri1, té135et(Parisuisv, .1674-1675), VI-IV op. cit. in n. 50, (61) Ehrard, op. cit. in n.de l1,t. , t. 2, 683-688; Gusdorf, 317-319. philosophie, qu'elle juge dépassée, au profit d'autres systèmes (62) . Ce décalage empêche les clercs de souscrire totalement au cartésianisme (notamment à l'idée de l'animal-machine dont l'inadéquation avec la réalité est relevée par les contemporains) sous pein e de se voir déconsidérés . Bien qu'abondamment utilisé pour critiquer officielle et rejeter(63) les .autres thèses,à cette il ne peut pas bloquée faire office de doc-e En réaction situation où aucun trine théorie n'arrive à s'imposer, les clercs zoologistes préfèrent laisse r ce débat stérile aux théologiens et s'en tenir à un solide empirisme . Dans son Spectacle de la Nature, l'abbé Pluche écrit, en 1732 , qu'il n'est pas nécessaire d'ouvrir la salle des machines pour étudier les animauxde. Ilsleursontprincipe bien décrits des mécaniques, la question moteurcomme ne l'intéresse pas . Seul mai s . Dans Zoolprobl ogiscomptenlg,seréactionlefu unièmever-s selle de 1788, l'abbé Ray se préoccupe essentiel ementsades de description, de comportement, de classification des différente s espèces (64). Car, en cetteest-à-dire secondepour moitié XVIIIe d'siècle, l'intérêt pourd ual les du systèmes ordonnancement systématique, vivant, l'emportec ' nettement sur les pures observations, sur la microscopie et l'entomologie qui passent de mode (65) . Ce qui provoque un autre débat, puisque l'un des problèmes majeurs est celui d e la nature exacte de ces singes anthropomorphes encore mal connus , mais étrangement semblables à l'homme, silencieux, velus . Cette,marchntpeu-êsdxi,fuyantlcvso question prend forme hors de France lorsque l'Anglais Edward Tyso n publie, en 1699, une monographie, Orang-outang sive homo sylve consacrée au chimpanzé où la remarquable ressemblance ana-stri, tomique avec l'homme est fortement soulignée . Plus tard, dan s son Systema Naturae de 1735, Linné range ce dernier parmiSimia, le s animaux faisant figurer le genre Homodansà côté desdes genres Lemur etenVespertilio (chauves-souris) l'ordre primates, classe des mammifères. Dans la dixième édition de 1759, il accentu e (62) prèsqEhrard, op. . in n.bêtes 1, t. 1.(Pari, 681-682, hèse du pastuneeur âme DavidspiBoulre itluelier l, Essai phieD'lure oasophi ueanisurmaux, l'âmecitest des sobtient , 1728),la taccordant inféri aux celle qui l' é cho le . plus important op . 121 Exempl es:t. Joannet, cit. .inSurn. tout 55; M.celdea, Baratay, Polignac, op. Anti-Lucrèce (Pari s, 1749)6,. nota(63) mment 2, 66, 78, 80, 98, cit. n. 12, chap. (64) Pl u che, op. ci t . i n n. 20, t. 1, X; Ray, op. cit. i n n.20, 560 . (65) Roger, op. cit. in n. 1, 749-750 . 262 Eric Baratay 262 cette proximité de l'homme et des singes anthropoïdes en divisan t le genre Homo en deux espèces : Homo sapiens et Homo svlvestris (l'orang-outang) (66) . Ce sentiment de parenté est repris en Franc e par les philosophes des lumières : Robinet pense que l 'orang-outang estagitun deintermédiaire entre l'leétat singedeetpure l'homme dans nature; Rousseau (67). croit qu'i l s' Les clel'rcshomme s'opposent farouchement à ces tendances. Le jésuit e Regnault voit dans l'orang-outang un simple singe, car la ressemblance anatomique avec l'homme ne lui paraît pas une preuve suffisante pour l'intégrer à l'humanité, d'autres animaux étant dans le même cas, tels les sirènes ou le paresseux d 'Amérique « qui par le museau ressemble fort au visage de l'homme " . L'abbé Ray ne pasrien, non ne plusparle ce quipas,pourrait rapprocher de signes, l'hommee : il n'voit invente même leavec de simples quant à l'intelligence, le castor ou l 'éléphant font mieux . Rejetantt cette propension à rapprocher les êtres selon leur aspect physiqu e et à construire des espèces intermédiaires, il écrit : " La seule anatomie le rapproche de nous [ ...], mais qu'en conclure, sinon qu'u n animal peut être construit comme nous sans nous ressembler davantage par les la nature d'unfacultés être (68)et par la réunion de tout ce qui constitu e Cette position n'est pas." innocente . Elle vise à centrer le débat uniquement sur les facultés spirituelles des créatures qui représentent les véritables critères de différenciation pour des clercs qu i dénient toute âme spirituelle et tout type de raison aux animau x en les réservant aux hommes. Il s'agit de barrer la route aux idées nouvelles, de combattre la thèse d'une série continue des êtres vivants où l'anatomie révéleraitenladegré progression des facultés, varieraient simplement d'une créature à l'autre,oùoùcelles-c l'homm i ne serait donc que l'étage supérieur de l'édifice et non cet êtr ee (66) F.etTibêtnleas:nd,EntL'irnetterpel 'hommesousdesla dilurmi. deèresL.parPolli'ahkov omme(Parisauvage, ion,n Hommes iens surla(ditiolern.),racideHislme, s : Mout 1975), 186, 189 ; M . Daumas s toi r e de l a sci e nce (Pari s : Gal l i m ard, 1957), "diPlf éérences iade ",ent1356. Liêtnrné,es :quiGusdorf , à part.op.le lacirynx etn. 50,la quadrupédi e, ne: voiId.,t guère de re (Pari lesSur deux t .in Pour 370.situSurationTyson La: G.RévolL.utioThéodori n galiléenne s : Payot , 1969), t. 2, 169, 191. une d' e nsembl e Peti dès, His, toiLesre deScileances zoolodegielades origiXVIIe nes àetLinXVIIIe né (Pari ses,: Hermann, 1962) .nt, (67) E. Guyénot vi e aux si è cl l ' i d ée d' é vol u t i o (Pari(68) s : AlRegnaul bin Mit, cop.hel,ci1941), 387 ; M . Duchet, op. cit . in n. 58, 192, 230-232 . l'orang-outang et le goritl.ein. n. 18, t. 4, 33-36; Ray, op. cit. in n. 20, 560-563. Ray confon d zoologie et Eglise catholique à part, créé directement263 par Dieu, image de Dieu, preuve évident de Son existence et de la nécessité de la religion . Ce n'est donce pas un hasard si l'abbé Ray oppose aux tenants de la sous-humanit é de l'orang-outang l 'intelligence du castor ou celle de l'éléphan t leur chaîne des créatures est ainsi brisée . De même, nombre de clercs renvoient les Pygmées dans le monde des singes (69) . Sans doute, ces hommes petits,Leur sombres, mall'connus, tro p ressembler à ces animaux. accorder humanitéparaissent sur de simple critères physiques serait permettre l 'accession des primates à unes sous-humanité et laisser se mettre en place une suite allant du singe à l'homme, en passant par le Pygmée et le sauvage . Dans la première moitié du XIXe siècle, la réaction cléricale se fait encore plus forte. Les nouvelles générations ont l'impressio n que précédentes n'ont paslessuconceptions combattre efficacement adversaireslesdont elles analysent par ce qu'eleurs lles jugen être leurs conséquences : le matérialisme, la révolution, la déchris-t tianisation. Dès lors, si dans la question des singes anthropomorphes, ils combattent avec les mêmes arguments que leur s prédécesseurs (70), ils tiennent à porter la contradiction jusqu'aux fondements mêmes du débat. Ils refusent totalement d'intégre r l'homme dans cette classification zoologique acceptée par l'immense majorité des scientifiques, tels Cabanis ou Broussais qui rejetten t toute et sedebasent sur laquparenté anatomiplusqueévolué et physique ologiquenotion pourd'âme ne faire l 'homme 'un animal les autres (71) . Ainsi, soucieux d 'assurer la reconquête religieuse par la diffusion d'une saine philosophie et tenant à combattr e " l'influence matérialiste du XVIIIe siècle », Pierre Debreynne, religieux de la Grande Trappe, propose, en 1838, une nouvelle classification des êtres : au " règne MINÉRALOGIQUE », puis au « règne PHYTOLOGIQUE, qui croît succèdent le " règne ZOOLOGIQUE , qui croît, vit et sent », puiset levit"»,règne ANTHROPOLOGIQUE, qui croit , vit, sent et pense » . L'homme est totalement l'écart des vivants. La présence d 'une âme immortelle, l'aàbsence d ' autre s diaires entre lui et l'animal sont des preuves irréfutables deinlaterméjustesse de ses vues . En 1851, Mgr Maupied affirme avec force que (69) Exempl es : Bougeant n. 18,seaux, cit. lien desoi 439; Pldesuche,reptilopes. ciett desin npoi. s20,sonst. (Tours 1, 325., J.-J .Bourassé, Histoi,reop.naturel éd. (70) de(71) 1843), 119. Daumas (dir .),op. cit. in n. 66. 1365. Eric Baratay 264 l'homme n'est point un264 animal . Il ne forme pas plusieurs espèces comme les bêtes. Lors de la création, Dieu " le sépare [ ...] des animaux d 'une manière. Il bien plusnature, énergique il n'a séparé par un êtrequ'sociable et formeles, ani » est, à luimaux toutdes seul,végétaux un univers à part, " le règne social » (72) . En refusant la science de ce temps, il s 'agit bien, comme l'écrit l'abbé Ray, d'affirmer l'existence d'un " intervalle immense, [ ...] infini , ou du moins incommensurable », accepté par tous ceux " qui on t une plus noble idée de l'espèce humaine » (73). Ainsi, mise d'autorité au service de la religion, la zoologie doi t fournir une preuve de l 'existence de Dieu, la confirmation de l a place particulière de l'homme et la certitude la création es t marqué durant lesqueannées 1670-1840 entièrement faitepour pourcette lui . Très environ, l'intérêt science s 'estompe rapidement ensuite sous l'effet d'un profond changement de mentalité . En effet, le nouveau clergé d 'après la Révolution, qui se met en place à partir des années 1830 environ, abandonne la vision de la nature de celu i qui l'a précédé, c 'est-à-dire le Dieu horloger, le monde immense mécanique, l'animal-machine. Retrouvant l'idéal franciscain, reprenant à sonavec compte mouvement poque et s e, promenant plaisirledans les jardins,romantique les bois, ledelongl'édes océans il reconsidère la nature comme une voie menant à Dieu, renouant ainsi avec une vision plus poétique, plus mystique qui supplant e le regard scientifique de l'époque précédente . Au même moment , de nouveau doté d'une âme, replacé juste en dessous de l'homme, l'animal retrouve une grande partie de son rôle religieux d 'agent, de modèle,trèsdesensible, symbole,par oublié à partirdans des années . Un d'phénomène exemple, les écrits1670 du curé Ars ou de Thérèse de Lisieux (74), que le mouvement concomitant de retour au Moyen Age amplifie fortement . Debreynne, ,; (72) croyantnecatpratholiqiue,quepui(Pari s,néd.e à dela Grande 1840), 34-35 (1786-1867 eur enPed,.médeci nle,'homme profPensées esseur ded'unmédeci s moi121, Trappe, Orne) Mgrdoct Maupi Di e u, et l e monde (Pari s , 1851), t. 1, 466, t. 2, 7 (1814-?, prof e sseur de théologi:eMinois, à la Sorbonne, prélop.at decit. la mais. oninde San.Sai3, nteté)t.. Sur2,cechap. combat contIV re la science 3) Ray, op. ci t .i n n. 20, 560. Le ref u s d' u ne t o t a l e cont i n ui t é s' e xerce sur d' a ut r es mai lparTrembl ons de la chaîey,nene. 1740, Ainsi,consiRay,déréibidpar., 469, classecomme parmi lelesmaianiml oauxn intleermédi polypeairdécouvert etaétntuldi- ée beaucoup e ent r e l a pl et l'a(74)nimJean-Mari al. e Vianney [curé d'Ars], Sermons(Paris, éd. de 1893), t . 2, 27, 420 ; T. de Lin.s12,ieux,Hi re d'.une âme (Paris : Cerf, 1979), 132-133. Sur tout cela : Baratay, op. cit . in chaps.toi13-14 265 A tout cela, s'ajoute. La un déplacement progressif de l' i ntérêt clépar Buffon de La Théorie rical pour les sciences publication Epoques de la nature en 1779 avait de terrecontroverse en 1749, puisurs ladesvalidité crééla une de la thèse mosaïque et attir é l'attention sur les questions de géologie et d'évolution de la créa-u tion. Si un compromis s'installe dans la première moitié d XIXe siècle grâce aux efforts de Mgr Frayssinous qui, reprenanst l'deidée de Buffon, assimileet laisse les jours la Genèse à des époque durées indéterminées toutedeliberté aux scientifiques (75) , 1860à propos des origines l'homme lecette débat rebondit à partir de par les philosophes desdelumières fois-ci . Posée en filigrane , relancée par Lamarck, cette question ne suscitait jusqu 'alors quet des réactions méprisantes de la part des clercs. Enquilalaplaçant considéraien définiticomme une pure spéculation philosophique vement sur le terrain plus dangereux de la science, en lui donnantr une certaine optique antireligieuse, Darwin les oblige à délaisse les classification, de description zoolo-e giquetravaux pour s'd'entomologie, investir dans la de paléontologie et construire une scienc catholique de combat (76). Une autre époque commence... 1765-1841, sulpiiscienen1822, en 1788, sémiet denailr'IenstdeructPari sen ion (75) 1800, évêque d'H.ermopol mincatisprofesseur threoldes Afffaaceideresàthéol eccl éosigiaoestgiauieques publ i q ue en 1824 Voi r G . Laurent , Les i q ues l a géol et à l a pal é ont o l o gi e de (76) 1800R.àLadous, 1880, iAdam, n Chrisletiasiningesmeet leetprêtre science (Parison des: Vrin, 1989), . de l77-100 . La questi ori g i n es et ' é vol u biologique de l'homme dans les catéchismes français (1850-1950), ibid ., 101-145 . tio n