Vingt-deuxième dimanche du Temps Ordinaire 28 août 2016 « L’ambition du Christ » Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour. « Va te mettre à la dernière place, dit Jésus, abaisse-toi et tu seras élevé ». Si Jésus donne cet enseignement au cours d’un dîner chez un pharisien, c’est d’abord tout simplement parce qu’Il remarque, nous dit l’Évangile, que les invités cherchent à obtenir la meilleure place. Et après tout, c’est bien humain : lequel d’entre nous, à table, ne cherche pas (même inconsciemment) à s’asseoir à une place plus intéressante, aux côtés de personnes agréables… plutôt qu’à un coin de table entre deux invités ennuyeux ? L’enseignement de l’Évangile a toujours une base simple, humaine. Cependant, Jésus n’est pas venu pour nous apprendre la politesse : Il nous conduit plus haut, pour comprendre le sens de notre vie sous le regard de Dieu. C’est donc la question de l’humilité qui est ici en jeu. Être humble, c’est se comporter ainsi : ne pas se mettre en avant, ne pas chercher de récompense ni de reconnaissance (« N’invite pas les riches qui te rendront ton invitation »), ne pas chercher à être bien vu ni faire étalage de ses propres qualités. La première remarque que nous pouvons faire, c’est qu’il s’agit d’une description du comportement de Jésus Lui-même : les disciples que nous voulons être, doivent imiter le Maître. Jésus cherche d’abord la discrétion, même si beaucoup Le suivent ; Il travaille comme charpentier, Il passe des nuits à prier dans la solitude, Il s’adresse personnellement à ceux qu’Il guérit, Il cherche à éviter les grandes foules. Comme l’écrira saint Paul (Ph 2,8), « il s’est humilié, abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort de la croix ! » Suivre le Christ pour nous, suppose vraiment cette humilité, cet abaissement, pour que la mort débouche sur la Résurrection. Mais évidemment, nous connaissons bien les reproches que l’on peut faire à un tel comportement. Et nous-mêmes, tout en étant convaincus de cela, nous avons du mal à le suivre : car s’abaisser tout le temps, c’est finalement un chemin de médiocrité ! Comment voulons-nous dire à nos jeunes de « travailler pour réussir dans la vie », si l’Évangile nous dit qu’il faut être le dernier et le plus faible ? C’est l’objection majeure de la philosophie de Nietzsche contre la foi chrétienne : elle serait une religion de “minables”, de médiocres, qui prennent prétexte de l’Évangile pour rester dans leur nullité. Être chrétien, ce serait n’avoir aucune ambition ; ou alors, faire le bien uniquement pour avoir la vie éternelle comme une récompense… ce qui n’est pas mieux. Ce n’est pas ainsi que nous devons prendre les paroles de Jésus. Jamais le Seigneur ne nous invite à la médiocrité, et les générations de Saints, qui ont jalonné l’histoire de l’Église – et qui n’étaient certes pas des minables – en sont les témoins ! En ce temps de rentrée, alors que les défis et les difficultés sont bien présents autour de nous, nous ne sommes pas appelés à rester sans rien faire, ni à nous chercher des excuses pour éviter de vivre en chrétiens. Pour reprendre un titre récent, « Engagez-vous ! » Nous devons avoir une ambitioncomme chrétiens dans ce monde : l’ambition de faire en sorte que le Christ soit écouté, connu, suivi. Notre ambition n’est pas celle qui cherche à se montrer par orgueil : c’est le goût du service qui doit nous guider, comme disciples du Christ-Serviteur. Comme le Christ, notre service doit être à la fois actif et vrai. En disant cela, nous n’oublions pas l’humilité que recommande Jésus. Le chrétien est humble, non pas parce qu’il se trouve nul, mais parce qu’il est porteur de quelque chose – l’Évangile – qui le dépasse. Nous portons un message qui n’est pas le nôtre, mais qui est celui du Christ : celui qui est le seul authentique chemin de vie et de progrès pour l’humanité. Être humble, c’est s’effacer devant cet Évangile, en être témoin et le laisser agir dans le cœur de l’homme ; être humble, c’est être petit devant cet Évangile, devant Dieu… et devenir grand de la Sagesse de Dieu. Les Saints qui ont porté l’Évangile devant les hommes n’ont pas été des petits ni des médiocres ; au contraire, ils ont été immenses (même de l’avis de leurs ennemis et de leurs persécuteurs !), car c’est l’Esprit saint qui les habitait visiblement. L’homme n’est vraiment grand que s’il sait s’agenouiller devant Dieu, parce que la puissance de Dieu est Amour. Au contraire, ceux qui s’agenouillent devant les puissances terrestres, par désir de se faire voir, finissent par renoncer à leur propre dignité. La logique de la vie chrétienne est donc bien la logique de l’Amour : c’est en donnant sans limite, que l’on reçoit infiniment. C’est en cherchant le vrai Bien (non pas mon bien ou ma carrière…), que l’on trouve la vraie grandeur, la vraie célébrité, la vraie gloire ; et dans ce domaine, il ne doit pas y avoir de limite à l’ambition ! Abaissez-vous dans le service, nous dit Jésus… et vous serez grands dans l’Amour.