NOTES D’AUTOMNE EN
ARGONNE
Concert du dimanche 13 octobre 2013
Aux jours où les feuilles jaunissent,
Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent,
La glycine est fanée et morte est l’aubépine
Mais voici la saison des bruyères sur la colline.
Rudolph SPEIL, Danois d’origine, arrive aux Etats-
Unis à l’automne 1887 pour préparer avec 35
musiciens le premier concert du Detroit
Symphonic Orchestra qui vient d’être créé. C’est
dire s’il n’a guère le temps d’admirer les
magnifiques érables, hêtres et chênes aux feuilles
mordorées des forêts qui couvrent le Michigan.
L’orchestre débutant va devenir un des meilleurs
du monde. En 2008, on y a tenté une expérience
extraordinaire : le chef a été remplacé par un
robot androïde nommé ASIMO (en hommage à
l’auteur de science fiction Asimov) Les musiciens
ont joué le jeu et on a même vu en fin de concert
le grand violoncelliste Yo Yo Ma ( grand par le
talent et la taille ) s’incliner profondément pour
serrer la main du chef : Asimo ne dépasse pas
1m30 ! Aux dires des musiciens, rien ne remplace
un chef « humain » avec ses regards, ses clins
d’œil, sa gestuelle. En l’absence d’Asimo, Speil a
dû quand même avoir le temps de goûter aux joies
de la nature, puisqu’il nous offre cette romantique
promenade pour flûte, cor et piano.
1. SPEIL. Ballade pour flûte, cor et piano.
Sois le bienvenu rouge automne
Accours dans ton riche appareil
Embrase le coteau vermeil
Que la vigne pare et festonne…
Brahms, on le sait était un bon vivant. Ne
déclarait-il pas ne pas comprendre « les gens qui
avaient peur de montrer qu’un bon dîner leur
faisait plaisir ». Il adorait le champagne, buvait du
bourgogne dans des chopes à bière, arrosait son
café de rhum. On raconte que sur son lit de mort,
il aurait réclamé un verre de vin du Rhin. Après
l’avoir bu, il murmura « Das ist schön » (Que c’est
bon !) et il rendit le dernier soupir. Aux palais des
aristocrates qui l’idolâtraient, il préférait les
auberges de campagne, celles où on boit et on
danse aux moissons et aux vendanges sur des airs
tziganes qui font alterner les lassus, tempos lents
et les friskas, tempos rapides.
2. Deux danses hongroises pour piano à 4 mains.
Brahms, dès son café avalé, avait l’habitude de se
promener trois ou quatre heures en forêt chaque
matin, avant de se mettre au piano. « Les idées me
viennent si nombreuses au milieu des bois et près
des lacs que je dois prendre garde à ne pas à ne
pas les écraser en marchant. » Au début de
l’automne, il regagne Vienne et les mystères de la
forêt renaissent en musique sous sa plume.
3. BRAHMS. Trio pour violon, cor et piano.
Certains débuts d’automne ont vu changer le cours
de l’histoire. Valmy : 20 septembre 1792. Aux cris
de « Vive la Nation ! » 24000 gardes nationaux
français, galvanisés par leurs généraux obligent à
la retraite les 80000 hommes du duc de Brunswick.
Le chapeau de Kellermann, fiché sur son sabre a
stoppé l’invasion austro-prussienne. La première
république va naître.
Automne 1762 : un jeu claveciniste virtuose de 6
ans joue devant la cour Vienne éblouie. Parmi le
public, une petite archiduchesse de 7ans en robe
à paniers.
Automne 1793 : le 16 octobre, la petite
archiduchesse devenue reine de France, monte à
l’échafaud place de la Révolution à Paris. Ses
cheveux, dit-on, ont blanchi en une nuit en prison.
Elle a trente-sept ans. Elle s’appelle Marie-
Antoinette. Deux ans auparavant, à
l’automne1791, le petit claveciniste a rejoint les
étoiles : il a trente cinq ans. Sa musique est à
jamais dans nos cœurs.. Il s’appelle Wolfgang
Amadeus Mozart.
4. MOZART. Trio des quilles pour clarinette,
violoncelle et piano. 1er mouvement.
Si l’œuvre de Mozart est parvenue jusqu’à nous,
c’est grâce à ses éditeurs. Franz Anton Hoffmeister
fut l’un d’eux. Il lui servit aussi parfois de
banquier.. L’été 1786, Mozart a publié le Trio des
Quilles dont nous venons d’entendre un extrait. Il
est comme bien souvent à court d’argent. Sa
femme attend un enfant. Mozart a pris en pension
un jeune garçon de huit ans à qui il enseigne la
musique et qu’il entoure d’affection. Il s’appelle
Hummel et deviendra un compositeur réputé.
Mozart compose en hâte et adresse pour édition à
Hoffmeister le quatuor à cordes K 499 qui porte le
nom de celui-ci. Comme on est jamais si bien servi
que par soi-même, Hoffmeister sera aussi l’éditeur
des oeuvres d’un certain…. Hoffmeister, car il est
aussi compositeur : 66 symphonies, 60 concertos
pour flûte, 50 quatuors à cordes et des trios
comme celui-ci.
5. HOFFMEISTER. Trio pour flûte, violon et basson.
Automne 1914. Les premiers coups de feu de la
guerre retentissent dans la forêt d’Argonne. La
victoire de la Marne stoppe l’offensive allemande.
Les combats locaux d’une rare violence se
poursuivent jusqu’en septembre 2015. Les
volontaires italiens, appelés Garibaldiens en
hommage au héros de l’unité italienne, viennent
se battre en Argonne aux côtés des Français. Deux
petits-fils de Garibaldi sont tués tout près d’ici au
bois de Bolante et à Courte Chausse, l’un à Noël
1914, l’autre moins de 10 jours après. En mai
1915, l’Italie entre en guerre. Les ressortissants
italiens regagnent leur pays. Parmi eux le père du
petit Eugène BOZZA, 10 ans, né à Nice et dont la
mère est française. L’enfant a appris le violon avec
son père. Il continuera ses études à Rome mais il
revient en France en 1922. Il y fera carrière et y
finira ses jours en 1991, couvert d’honneurs.
Compositeur, chef d’orchestre, directeur de
conservatoire, il avait une prédilection pour les
instruments à vent.
6. BOZZA. Sonate pour basson et piano.
Il faudra attendre un autre automne, celui de
1918 pour que l’Argonne retrouve la liberté et la
paix après une meurtrière contre-offensive
allemande. En mars 1918, la grosse Bertha
bombarde Paris. Claude DEBUSSY agonise près de
son piano silencieux. Son ancienne camarade de
classe, la compositrice Mel Bonis échappe par
miracle à la bombe qui tombe sur l’église Saint
Germain l’Auxerrois et fait 80 morts et 60 blessés.
Mel, c’est Mélanie, qui voulait éviter qu’on sache
qu’elle était une femme, car à l’époque, seuls les
hommes compositeurs étaient pris au sérieux.
Camille Saint Saens (au prénom féminin et
masculin) écrira après avoir entendu avec
admiration une œuvre de la compositrice : « Je ne
croyais pas qu’une femme puisse écrire cela. » Elle
fut néanmoins secrétaire de la Société nationale
de musique et compositrice de talent dont on
redécouvre l’œuvre. Aimant la solitude de la
campagne favorable au repos et à l’écriture
musicale, elle composa, entre autres, des Scènes
de la forêt et ce trio bucolique pour flûte, cor et
piano.
7. BONIS. Trio pour flûte, cor et piano.
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