OBJETS & COMMUNICATION MEI 30-31
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Les pagodes coréennes présentes sur les images ci-dessous se trouvent actuelle-
ment dans le temple Bulguk, dans la ville de GyungJou au Sud-Est de la Corée,
la capitale à l’époque du royaume de Silla. Le temple a été construit en 535, et les
deux pagodes ont été construites autour de l’année 751, l’année de l’élargissement
du temple. Les pagodes se trouvent côte à côte dans la cour du bâtiment principal,
la salle du Bouddha. La hauteur de ces pagodes atteint un peu plus de dix mètres.
L’une s’appelle Sukgatap et l’autre Dabotap. Sukga est l’appellation coréenne pour
Sakya, qui désigne le bouddha historique Sâkyamuni, ‘le Sage des Sâkya’. Dabo
signifie ‘maint trésor’, c’est un nom attribué au Bouddha Prabhutaratna2. Le fait
que ces deux pagodes se trouvent au même endroit fait référence à une scène du
Sûtra du Lotus3. Dans le chapitre XI, ayant entendu l’enseignement du Bouddha
Sakya, le Bouddha Prabhutaratna est apparu sous la forme d’une tour pour faire
l’éloge de l’enseignement du Bouddha.4 Dans le Sûtra, le Bouddha explique que
le Bouddha dans la Tour aux trésors (Dabotap) est le corps intégral d’un Ainsi-venu
(tathâgata), une des appellations du Bouddha. Ici est révélée la symbolique de la
pagode : en effet, elle représente le corps du Bouddha et en même temps sa tour
funéraire (stûpa), selon le Sûtra. Au début de la voie de bodhisattva5, Prabhutarat-
na fait ce vœu solennel : « Si, après que je suis devenu un bouddha et entré dans
l’extinction, en n’importe quel lieu des terres des dix directions se trouve prêché
Le Sûtra du Lotus, afin que je puisse écouter ce Sûtra, ma tour funéraire y surgira
précisément, pour attester de la véracité de ce Sûtra et en louer l’excellence. »6.
Alors que ce bouddha était sur le point d’entrer dans l’extinction, au milieu de la
grande assemblée, il s’adressa aux moines : « Après mon entrée dans l’extinction,
si certains veulent faire des offrandes à mon corps dans son intégralité, qu’ils
érigent alors une grande tour »7. Le Sûtra de Lotus affirme ainsi que le corps du
Bouddha, la Tour (la pagode) et la tour funéraire (stûpa) sont identiques.
2 Le terme ‘bouddha’ signifie ‘celui qui a atteint à l’Éveil suprême’. Les autres bouddhas ont fait leur ap-
parition sur terre avant le Bouddha Sâkyamuni. Un des bouddhas du passé connu s’appelait Dîpanka-
ra, et le Maitreya est le bouddha à venir. Le Bouddha Prabhutaratna est un des bouddhas déjà apparus.
3 Le Sûtra de Lotus est l’un des textes fondamentaux du mahâyâna, le bouddhisme du Grand-Véhicule.
4 « A ce moment, devant le Bouddha, une tour ornée des sept trésors, […], surgit de terre et resta suspen-
due dans les airs. », Servan Schiriber, S. et Albert, M. (2007). Le Sûtra du Lotus, pour la traduction
française de la traduction américaine de Watson, B. ; Les Indes savantes, Paris, 171.
5 Le boddhisattva est un être qui, ayant atteint l’Éveil, retarde son entrée au nirvâna (auquel le bouddha
est arrivé et quitte le cycle de la transmigration (samsâra)) afin d’aider les autres êtres.
6 En 1966, pendant la restauration de la pagode, les contenants des sarira et un texte bouddhiste (trésor
nationale n° 126) ont été découverts à l’intérieur de la Sukgatap. Le texte bouddhiste imprimé qui fut
découvert est considéré comme le plus ancien imprimé xylographique au monde, s’il date bien de 751.
7 La forme de la goutte symbolise la substance concentrée dans les centres énergiques, à l’intérieur du
corps. Si la goutte est située au somment de la hampe, elle signifie plus particulièrement l’essence de
l’Éveil.