Vers une « démystification » du Chan
descriptions au xvie siècle jusqu'à nos jours. Cette étude part de la
réception du Chan/Zen dans la pensée occidentale depuis les récits
fournis par les missionnaires (chap. 1) et présente un tableau global des
tentatives réductionnistes faites à l'encontre du bouddhisme et du Chan,
montrant notamment qu'il a fallu attendre le xixe siècle pour que ce
domaine soit considéré comme un objet d'étude à part entière. Le
chapitre suivant aborde le rôle joué par Suzuki Daisetsu, l'École de
Kyoto, ainsi que la récupération du Zen par certains tenants actuels
d'une forme de nationalisme japonais sous couvert culturel (chap. 2).
L'auteur passe ensuite en revue les principaux modèles suivis par les
spécialistes modernes, en particulier en Chine et au Japon, décrivant
les limites qui caractérisent chacune de ces approches (chap. 3). Cette
première partie se conclut sur les « alternatives » aux méthodes
traditionnelles, à savoir le structuralisme, la critique herméneutique et
ce que l'auteur propose sous la dénomination de « recherche
performative » (performative scholarship), une étude mettant l'accent
sur les effets produits par « la rhétorique du Chan » plutôt que sur ses
présupposés théoriques (chap. 4).
La seconde partie porte sur des problèmes épistémologiques parti-
culiers, visant à appliquer ce regard alternatif à des questions telles que
les conceptions de l'espace (chap. 5), du temps (chap. 6), du langage
(chap.
7), de l'écriture (chap. 8), la perception de l'individualisme et
du moi dans le bouddhisme et dans la philosophie occidentale (chap. 9).
Pour éviter de reproduire les approches traditionnelles, l'auteur a
notamment recours aux méthodes inspirées par la sociologie,
l'anthropologie, la philosophie, la linguistique ou la critique littéraire.
Bernard Faure montre sa familiarité avec les écrits des représentants de
plusieurs de ces disciplines, et il exprime une admiration particulière
pour le travail de Pierre Bourdieu, Michel Foucault et Jacques Derrida.
Il semble d'ailleurs que son analyse portant sur les approches du Chan
serve aussi accessoirement à présenter certaines tendances récentes de
la pensée européenne à ses lecteurs américains. Concernant ce point,
bien que l'estime dont jouissent ces penseurs soit légitime, elle devient
parfois quelque peu contraignante, à la limite d'une nouvelle forme de
cette « orthodoxie » que l'auteur dénonce. Ainsi on peut noter le
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