Le système du Salaire Minimum et L`évolution des Relations du

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Le système du Salaire Minimum et
L’évolution des Relations du Travail au RU
Damian Grimshaw, Claire Shepherd et Jill Rubery
Septembre 20101
DOCUMENT DE SYNTHÈSE
Onze ans après l’instauration du premier salaire minimum légal au RU, la plupart des
observateurs considèrent que cette mesure a contribué de manière positive à l’équité salariale
en relevant le statut des salariés les moins rémunérés et en réduisant les différentiels salariaux
entre les hommes et les femmes. Le salaire minimum légal est également lié à une promotion
du dialogue social en matière de fixation des salaires et cela est dû en grande partie à l’action
vue comme effective de l’organisme tripartite indépendant, la Low Pay Commission
(Commission sur les bas salaires). Aujourd’hui tous les grands syndicats et la plupart des
organisations patronales majeures soutiennent le salaire minimum national et reconnaissent
qu’il fournit une protection cruciale sur un marché du travail où les accords collectifs sont
faibles et inégaux.
La présente étude vise à examiner de manière plus poussée deux ces deux questions, à savoir
l’équité salariale et le dialogue social, de sorte à mettre en évidence ce que cela représente
pour politiques et mise en pratique dans le cadre de l’évolution constante du fonctionnement
du salaire minimum. Nous disposons de très peu d’informations sur la manière dont
employeurs et syndicats adaptent leurs stratégies de négociation en regard du salaire
minimum. Les partenaires sociaux sont-ils d’accord pour que les travailleurs les moins
rémunérés dans un secteur ou une entreprise donnés perçoivent un salaire supérieur au salaire
minimum pour adultes ? Comment les syndicats font-ils passer le principe d’une amélioration
de la situation de leurs membres les moins rémunérés si cela entraîne une réduction des
différentiels avec les travailleurs plus qualifiés ou ayant plus d’expérience ? La question se
pose également de savoir s’il est possible pour un employeur, s’il le veut, de maintenir un
“écart” entre son plancher de rémunération et le salaire minimum en l’absence d’une
convention sectorielle. Il faudrait savoir également quelles sont les stratégies que les
syndicats, et peut-être les employeurs, élaborent pour tenir compte de l’équité salariale dans
étant donné les modifications constants du salaire minimum national.
Développements du salaire minimum national
La Commission sur les bas salaires a su utiliser des études commanditées pour faire des
recommandations sur les règlements relatifs à l’administration du salaire minimum. Certaines
modifications incluent l’introduction de nouveaux taux pour les 16-17 ans et les apprentis,
ainsi que des changements dans la définition du salaire, comme l’exclusion des frais de
service et des pourboires, par exemple. Par ailleurs, la Commission a fait preuve de plus
d’initiative en recommandant en termes explicites une hausse du taux de salaire minimum qui
a dépassé la croissance du salaire moyen au cours de 2003-6. L’approche suivie indique
clairement Il est clair que l’approche suivie se fonde sur le consensus et le dialogue social au
sein de la Commission bien que la récession et reprise actuelles représentent des obstacles
certains.
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Etabli pour le EWERC projet de recherche “systèmes de salaire minimum et évolution des relations du travail
en Europe” VS/2009/0159 (EWERC, Université de Manchester) pour la Commission européenne, DG Emploi,
Affaires sociales et Egalité des Chances.
Le changement des relations du travail
La dynamique des relations du travail renforce l’importance de la protection fournie par le
salaire minimum au RU mais peut cependant contrer les efforts faits pour utiliser le salaire
minimum pour aider les bas salariés. Quatre travailleurs sur cinq dans le secteur privé ne sont
pas pris en compte par les conventions collectives et tout indique que les travailleurs sont à
risque d’exploitation dans les secteurs à faibles rémunérations. D’autre part, la densité
syndicale est faible dans toutes les catégories de bas salariés – femmes, hommes, travailleurs
à temps plein et à temps partiel. Le recours limité aux mécanismes d’élargissement (par
rapport à la situation enregistrée dans les autres pays européens) est un problème majeur. La
seule instance est l’élargissement de l’accord salarial du secteur de la santé publique aux soustraitants du secteur privé.
L’impact sur l’équité salariale
Au départ le salaire minimum avait peu d’impact sur l’équité salariale. Cependant notre étude
des rémunérations après 2001 signale des améliorations sensibles par rapport à l’écart des
salaires et à la situation des travailleurs les moins rémunérés. Ces améliorations correspondent
à une période de hausses du niveau relatif du salaire minimum. Le salaire féminin moyen
comparé à celui des hommes travaillant à temps plein est passé de 74% à 78% en 2002-2007.
o Les femmes travaillant à plein temps enregistrent les gains les plus forts, à partir
d’un niveau plus bas, passant de 58% à 64% du salaire masculine moyen à temps
plein.
o Le dernier décile des salaires pour tous les salariés est passé de 46% à 48% au
cours de 2002-2007. Cette hausse est entièrement due aux gains obtenus par les
salariées, notamment dans les emplois à temps partiel.
o La part globale des travailleurs dans les emplois faiblement rémunérés,
correspondent aux travailleurs gagnant moins des deux-tiers du salaire médian, n’a
pas évolué et tourne autour de 21-22% depuis 1999.
Conclusions de l’étude
Cette étude apporte des éclairages sur l’équité salariale et le dialogue social en se fondant sur
trois études de cas d’accords salariaux locaux dans les secteurs du nettoyage industriel, de la
sécurité privée et de la vente de détail. L’étude utilise les données sur les salaires, la
documentation relative aux accords collectifs et les données fournies par 15 entrevues avec
des représentants d’organisations professionnelles et de PME. Les conclusions relatives à
chaque étude de cas sont les suivantes :
1. Nettoyage industriel
o Elargissement de la convention collective du secteur public aux entreprises privées
offrant des services de nettoyage externalises avec le soutien des syndicats et de
plusieurs entreprises internationales hautement performantes.
o La stratégie syndicale très focalisée sur les bas salaires à permis de réduire l’écart
entre le taux de rémunération le plus bas et le salaire minimum national.
o Le syndicat et l’employeur soutiennent les accords salariaux axés sur les bas
salaires, y compris rémunerations à titre forfaitaire et élimination des échelons
salariaux les plus bas.
o L’organisation cliente (en l’occurrence les commissions hospitalières individuelles
du service de santé national, le NHS) représente un obstacle majeur car elle peut
retarded l’extension de l’accord salarial.
2. Le secteur de la sécurité privée
o Certains employeurs sont en faveur d’un salaire minimal sectoriel comme mesure
de protection contre une concurrence intensive fondée sur les réductions de coûts
dans les réponses aux appels d’offres.
o L’étude effectuée au niveau de l’entreprise montre que le maintien et le
développement du differential entre le salaire inférieur et le salaire minimum
national n’ont pas entièrement réussi.
o Un système de fixation des taux salariaux détermine par le client fait que certains
clients sont en faveur d’une valorisation des competences et des salaires mais que
de nombreux autres privilégient une approache à faible coûts.
o Le syndicat n’a pas vraiment réussi à établir une approche salariale locale
s’appliquant à la multiplicité des clients en dépit d’une stratégie robuste et
focalisée en regard des bas salaires.
o Une plus grande syndicalisation est à la base de la stratégie syndicale en matière
de bas salaires.
3. La vente de détail
o Le syndicat a bénéficié du soutien du patronat pour apporter des améliorations
significatives au salaire des jeunes travailleurs.
o Le différentiel des salaires adultes entre le taux de rémunération le plus bas et le
salaire minimum national a diminué et le taux inférieur se situe bien au-dessous du
seuil de bas salaire pour tous les travailleurs du RU.
o L’approche syndicale en matière de bas salaires repose essentiellement sur des
accords salariaux axés sur les bas salaires, par exemple l’élimination des chelons
inférieurs dans les grilles salariales.
o L’entreprise a négocié des réductions des primes octroyées pour horaires atypiques
et la suppression des primes pour heures supplémentaires.
Impact en matière de politiques et de mise en pratique
L’étude des accords salariaux éclaire non seulement l’interaction entre l’évolution du salaire
minimum national et la nature du dialogue social dans les secteurs faiblement rémunérés mais
aussi certaines contradictions dans la dynamique de l’équité salariale. Il convient de noter que
si la hausse d’ensemble du salaire minimum national a amélioré la position relative des
salariés les moins rémunérés par rapport au salarié moyen, cette hausse n’a pas eu d’effet sur
la part totale de travailleurs classes comme ‘bas salariés’. Depuis 1999 cette part reste élevée,
juste au-dessus de 20%. Notre étude met en évidence un certain nombre de facteurs possibles.
Certains types d’accords axés sur les bas salaires qui n’avantagent que les rravailleurs très
faiblement rémunérés risquent de compacter les différentiels salariaux au bas de l’échelle et
de ne pas relever les salaires au-dessus du seuil de faible rémunération.
Par ailleurs, le
rétrécissement de l’application des conventions collectives est à contre-courant de la hausse
du salaire minimum du fait qu’un instrument institutionnel important pour négocier les effets
en série plus haut dans la grille salariale se trouve affaibli. Dans le secteur privé, la plupart des
travailleurs ne sont protégés que par le plancher salarial légal et ils sont nombreux dans les
secteurs faiblement rémunérés à ne pas bénéficier des grilles salariales généralement
négociées dans le cadre d’accords fixes conjointement. Enfin, les emplois faiblement
rémunérés dans le secteur des services aux enterprises, comme le nettoyage et la sécurité, sont
très dependants de la decision des enterprises clients de payer le prix approprié pour les
services demandés. Le cas exceptionnel du nettoyage externalise pour le service de santé
public montre comment une norme de salaire sectorielle peut s’appliquer sans affecter la
concurrence. Dans d’autres secteurs la priorité accordée par les entreprises clientes aux
réductions de coûts entrave les efforts déployés par les employeurs (et les syndicats) pour
améliorer rémunerations et compétences et empêche de progresser sur la base des acquis du
salaire minimum national.
Le Système du Salaire Minimum et
L’évolution des Relations du Travail en Espagne
Josep Banyuls, Ernest Cano et Empar Aguado
Septembre 20102
DOCUMENT DE SYNTHESE
Le salaire minimum n’a toujours rempli qu’un rôle marginal sur le marché du travail espagnol
et dans son modèle de relations du travail. Depuis sa mise en place, le salaire minimum a été
perçu plus comme faisant partie intégrante des politiques sociales et comme un instrument des
politiques macroéconomiques que comme une forme d’intervention sur le marché du travail.
Il n’a d’ailleurs joué qu’un rôle secondaire dans les mesures d’égalité salariale pour les
acteurs sociaux. Il n’en demeure pas moins que les hausses du taux relatif du salaire minimum
entre 2005 et 2009 ont relancé le débat sur le rôle du salaire minimum sur le marché du
travail, notamment en regard du risque d’effet négatif sur la création d’emplois. Suite aux
derniers développements des questions se posent sur les effets possibles sur le dialogue social
et les conventions collectives ainsi que sur les tendances des structures salariales.
La présente étude examine les rapports qui existent entre le système actuel de salaire
minimum et le modèle des relations du travail en Espagne. L’étude s’intéresse en particulier
aux effets possibles sur les stratégies de négociation syndicales, patronales et publiques, ainsi
que sur les tendances des structures salariales dans les secteurs à bas salaires.
Politique de salaire minimum et tendances salariales
En Espagne le salaire minimum légal date de 1963 et a été, dès son introduction, vu comme
un instrument de politique sociale auquel toute une gamme de transferts sociaux et de prise en
charge étaient liés. En 2004 le gouvernement a annulé le rapport qui existait entre taux
minimum et prestations sociales et s’est fixé comme objectif social de relever le taux de
salaire minimum. L’année 2004 marque donc une nouvelle étape. Le gouvernement socialdémocrate récemment élu a introduit une série de mesures destinées à relever les revenus les
plus bas et à renforcer la cohésion sociale. Ces mesures incluent une hausse des pensions non
contributives et, à moyen terme, une augmentation du taux de salaire minimum pour atteindre
60% du taux moyen, comme le recommande la Charte sociale européenne.
L’impact négatif sur les dépenses sociales a été minimisé par l’introduction d’un autre indice
de référence pour les transferts sociaux – l’Indice public de revenus à effet multiple (IPREM).
Depuis 2004 le salaire minimum est donc uniquement un instrument d’intervention sur le
marché du travail et ses effets sur ce marché sont directement fonction de son niveau, sa
portée et sa mise en vigueur.
Les effets des hausses récentes du salaire minimum légal se reflètent dans la valeur croissante
de l’indice de Kaitz (le rapport entre le salaire minimum et le salaire moyen). Les chiffres
fournis par l’Enquête sur les salaires pour 2002-2007 suggèrent que l’indice est passé de 31%
à 39%.
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.Etabli pour le EWERC projet de recherche “systèmes de salaire minimum et évolution des relations du travail
en Europe” VS/2009/0159 (EWERC, Université de Manchester) pour la Commission européenne, DG Emploi,
Affaires sociales et Egalité des Chances.
L’intersection avec le modèle espagnol des relations du travail
Le modèle espagnol des relations du travail présente un nombre de caractéristiques qu’il
convient de prendre en compte pour expliquer les effets possibles du salaire minimum sur les
conventions collectives. L’une des caractéristiques les plus frappantes est la diversité. Une
structure de négociation collective très fragmentée génère un nombre élevé d’accord
collectifs. Les accords sont structurés par rapport à de multiples fonctions (entreprise ou
secteur) et niveaux d’organisation (municipalité, province, région autonome, régions
multiples et national). Outre les accords sectoriels, il existe un nombre important d’accords
locaux. Les niveaux de négociation s’articulent de manière complexe et souvent insuffisante
et contradictoire. Ce contexte fait que l’on observe toute une gamme de taux de rémunération
et de conditions d’emploi, même au sein d’un secteur d’activité. Cela est dû à une multiplicité
d’accords collectifs fragmentés et non coordonnés. Un taux de rémunération plus élevé
pourrait promouvoir l’équité salariale en relevant le plancher de rémunération et en comblant
l’écart des salaires entre les hommes et les femmes.
Le salaire minimum, les conventions collectives et les niveaux de rémunération dans trois
secteurs
L’examen de trois secteurs à faibles taux de rémunération – vente de détail, accueil et
nettoyage – montre que la hausse du salaire minimum n’a pas encore d’effets sensibles sur les
stratégies et pratiques des acteurs sociaux dans les conventions collectives, ni sur les
structures salariales pour les travailleurs faiblement rémunérés. L’évolution des salaires dans
ces trois secteurs est déterminée dans une certaine mesure par une dynamique de branche
sensible à l’inflation et aux pratiques établies et renforcées par les conventions collectives.
Les acteurs sociaux ne semblent pas s’être adaptés aux hausses du salaire minimum entre
2005 et 2009. Cela pourrait s’expliquer par le fait que le salaire minimum se maintient à un
niveau relativement bas par rapport aux taux minima négociés dans le cadre des accords
collectifs. C’est pourquoi les hausses du taux minimal enregistrées dans les trois secteurs
examinés ne semblent pas avoir entraîné d’effets en série sur les bas salaires. Les données
rassemblées également que les différentiels salariaux n’ont pas changé entre les différentes
catégories d’emplois dans les grilles salariales.
La situation peut s’expliquer également par le fait que les pouvoirs publics en Espagne,
contrairement à d’autres pays comme le RU par exemple, ont moins recours aux subventions
salariales pour les bas salaires. Ce qui fait que de fortes pressions s’exercent sur les acteurs
sociaux pour le maintien d’un niveau de rémunération qui corresponde au revenu de
subsistance. L’écart qui existe entre le salaire minimum légal et le taux de rémunération de
base des agents de nettoyage, des vendeurs et des serveurs dans la région de Valence, par
exemple, se situe dans les 35-50%, un taux bien plus important que ce que notre étude
comparative a enregistré dans d’autres pays.
Il semble donc que le salaire minimum n’ait qu’un faible effet de levier sur l’équité salariale
et les conventions collectives. Des facteurs plus importants pour la fixation des taux salariaux
et l’égalité des rémunérations dans ces secteurs à bas salaires sont, en premier lieu, la nature
de la concurrence sur le marché des produits. Dans les trois secteurs examinés les entreprises
sont confrontées à une très forte concurrence des prix ce qui exerce des pressions pour un
contrôle et une réduction des salaires. Deux autres facteurs connexes sont, d’une part, la non
valorisation des compétences et, d’autre part, la féminisation de ces secteurs. La sousvalorisation des compétences féminines et des emplois à prédominance féminine semble soustendre la légitimisation des bas salaires.
Enfin, la nature très fragmentée du modèle de relations du travail en Espagne représente elle
aussi un facteur. Les conventions collectives se caractérisent par une grande diversité entre
branches, au sein d’une même branche, et au niveau national. En l’absence de coordination et
d’évolution du dialogue social au-delà des questions de détail il est très difficile de formuler
et de mettre en œuvre des interventions liées à un salaire minimum en hausse pour
promouvoir l’équité salariale.
Le Système du Salaire Minimum et
L’évolution des Relations du Travail en Hongrie
László Neumann
Septembre 20103
DOCUMENT DE SYNTHÈSE
Contexte
La Hongrie a introduit un salaire minimum légal pour tous les travailleurs en 1991. Cela
signifie que le salaire minimum date pratiquement de la même époque que les autres régimes
(allocations chômage, Service de l’Emploi public, indemnités de licenciement, réformes du
Droit du travail, etc.) mis en place lors de la transition du socialisme d’état à l’économie de
marché. Il est intéressant de noter que le salaire minimum a été introduit au moment où les
restrictions administratives qui s’appliquaient antérieurement étaient levées et lorsque la
fixation centralisée des salaires étaient remplacées par la négociation salariale. Les nouvelles
institutions impliquées dans le dialogue social, telles que le Conseil national pour la
réconciliation des intérêts (Országos Érdekegyeztető Tanács (OÉT), étaient destinées à
contrôler les processus de fixation des salaires. La fonction première de l’OÉT est de fixer le
taux annuel du salaire minimum sur la base d’un consensus entre les partenaires sociaux et les
pouvoirs publics.
Transformations du système de taux minima et dialogue social
Au cours des vingt dernières années la Hongrie a enregistré des développements importants
au niveau du salaire minimum et des processus connexes du dialogue social. Au cours des
années 1990 le salaire minimum légal a connu une progression lente et stable qui
correspondait plus ou moins au taux d’inflation. En 2000 et 2001 le gouvernement de centredroite a décidé de pratiquement doubler le taux minimal, une initiative décrite comme « le
choc du salaire minimal », tout en s’attaquant au processus de négociation tripartite en
donnant aux pouvoirs publics le pouvoir unilatéral de fixer le salaire minimum. Une fois au
pouvoir en 2002 la coalition socialiste-libérale a rétabli la procédure tripartite mais en 20082009 le Tribunal constitutionnel a réexaminé le droit des partenaires sociaux à participer à
l’élaboration des législations, comme par exemple les taux de salaire minima, et a jugé cette
participation non-constitutionnelle. Ce qui fait que les droits de co-fixation et la procédure de
consensus au sein de l’OÉT ont été ensuite abrogés. Enfin, un salaire minimum spécifique a
été introduit en 2006 pour les travailleurs qualifiés, ce qui a créé un système de salaire
minimum à deux niveaux.
Le niveau du salaire minimum, et son principe même, ont fait l’objet de conflits durs entre les
partenaires sociaux. Les syndicats réclament un niveau plus élevé qui correspondrait au
niveau du revenu de subsistance ou au niveau recommandé par la Charte sociale européenne,
soit 60% du salaire moyen. Au cours des dernières années les syndicats ont réussi à faire
introduire un salaire minimum national distinct pour la main d’oeuvre qualifiée pour pallier le
manque de protection de nombreux travailleurs qualifiés employés dans des entreprises non
couvertes par les accords collectifs. Les employeurs, quant à eux, réclament des hausses plus
modestes du salaire minimum légal et ont proposé, dans le contexte de la récession, un gel du
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Etabli pour le EWERC projet de recherche “systèmes de salaire minimum et évolution des relations du travail
en Europe” VS/2009/0159 (EWERC, Université de Manchester) pour la Commission européenne, DG Emploi,
Affaires sociales et Egalité des Chances.
taux minimum afin de protéger les emplois et la compétitivité économique. Une tierce
présence dans ce débat est celle des économistes dits « mainstream » qui ont récemment argué
que l’abolition du salaire minimum restaurerait la compétitivité, encouragerait la création
d’emplois et limiterait l’inflation par les salaires. Cet argument se fonde sur l’impact du choc
du salaire minimum de 2000/2001 qui avait entraîné une augmentation générale des
rémunérations, des déséquilibres macro-économiques et des mesures d’austérité. L’opinion
des pouvoirs publics est partagée, ce qui reflète les rôles contradictoires que le gouvernement
joue au niveau de l’économie. Il partage certes les préoccupations des employeurs en matière
de compétitivité et d’inflation et préfère contenir les augmentations des taux minima qui
affectent les coûts des transferts sociaux, mais il voit dans le salaire minimum un moyen de
contrôler l’économie parallèle lorsque les employeurs déclarent un taux de rémunération
minimum pour leurs salariés afin de minimiser leurs versements fiscaux tout en versant des
salaires plus élevés et non déclarés, les dites enveloppes salariales.
Effets sur l’équité salariale
En Hongrie le salaire minimum est fixé à un taux relativement bas. Jusqu’aux augmentations
très significatives de 2000-2001 l’indice de Kaitz (valeur du salaire minimum par rapport au
salaire brut moyen total) n’était que 29%. L’indice est passé à 41% en 2002 mais a baissé de
manière sporadique pour arriver à 36% en 2009. La répartition salariale en 2008 se
caractérise par une pointe double nette, le double du salaire minimum (ce qui reflète les
cotisations sociales minima requises) et au niveau du taux supérieur appliqué aux salariés
qualifiés. Certain travailleurs sont plus à risque d’occuper des emplois à salaire minimum, y
compris les femmes, les jeunes, les personnes peu qualifiées et les personnes vivant dans des
régions fortement touchées par le chômage.
Le salaire minimum et le dialogue social dans trois secteurs
Cette étude présente les aspects majeurs de l’interaction qui s’effectue entre le salaire
minimum légal en mutation, les structures salariales déterminées par les conventions
collectives et la nature du dialogue social dans trois secteurs donnés – vente de détail,
bâtiment et sécurité privée. Les PME sont fortement représentées dans ces secteurs,
l’organisation syndicale y est faible, l’emploi précaire prédomine, et le recours à l’emploi non
déclaré et aux enveloppes salariales courant. Les conclusions du rapport se fondent sur un
nombre de textes (lois pertinentes, accords collectifs) et sur des entrevues avec délégués
syndicaux et patronaux.
Divergences en matière d’accords sectoriels et de protection salariale
o Dans le secteur du bâtiment, la réussite de l’accord collectif sectoriel est due en
grande partie aux efforts déployés par les pouvoirs publics pour lutter contre
l’emploi informel, ce qui a entraîné un élargissement immédiat de l’accord. Il faut
noter cependant que l’organisation patronale a refusé en 2009 de renégocier
l’accord et qu’en 2010 elle n’a accepté que de fixer les salaires par rapport au taux
de rémunération minimum.
o Dans le secteur de la sécurité privée, l’organisation des employeurs et celle des
syndicats sont relativement récentes et encore faibles, et leur légitimité est remise
en question par des organisations rivales (notamment la Chambre des Gardes du
Corps, de la protection de la propriété et des détectives privés dont il faut être
membre). Bien qu’un accord collectif sectoriel couvrant les taux de rémunération
eût été conclu il s’est trouvé abrogé avant son élargissement. La protection des
salaires présente donc de nombreuses failles.
o Le secteur de la vente de détail se caractérise lui aussi par une faible organisation
syndicale, du fait de la présence limitée des syndicats dans les petites entreprises.
Du fait que l’organisation patronale principale dans ce secteur n’a pas été autorisée
par ses membres à conclure un accord collectif sectoriel, ni un accord salarial, la
politique salariale sectorielle du syndicat repose sur deux piliers : d’une part mettre
en vigueur et maintenir les meilleurs conditions possibles sur le plan juridique,
d’autre part promouvoir la coordination et le soutien explicite d’une convention
collective locale.
Les marchés publics poussent à une réduction des coûts
o Le bâtiment et la sécurité privée sont confrontés au même environnement de
marché. Une pression vers le bas s’exerce sur les prix du fait d’une forte
concurrence portant sur les coûts dans les réponses aux appels d’offres de marché
public.
o Les entreprises de sécurité privée sont encouragées à soumettre des offres à des
prix si bas qu’elles ne sont souvent pas en mesure de couvrir les coûts liés au
salaire minimum, ni les cotisations sociales connexes.
Segmentation et problèmes pour la protection des salariés au sein des secteurs
o Les secteurs du bâtiment et de la sécurité privée se caractérisent par une chaîne de
sous-traitance très importante. Les sous-traitants majeurs et les grosses entreprises
versent des salaires plus élevés. Les syndicats ne sont reconnus que dans une
minorité d’entreprises.
o Dans le secteur de la sécurité privée de nombreuses entreprises offrent des taux
effectivement horaires inférieurs au salaire minimum. Les agents de sécurité, par
exemple, doivent régulièrement être “prêts à intervenir”, ce qui équivaut à un
temps de travail mensuel de 240 heures alors que le nombre d’heures rémunérées
n’est que 176. Jusqu’à encore récemment la loi sur le commerce classait les
vendeurs qui étaient en contact avec la clientèle (par exemple aux caisses) parmi
les travailleurs qualifiés. Les salariés du secteur de la vente au détail bénéficiaient
à la fois des augmentations importantes du salaire minimum en 2000-2001 et de
l’introduction du salaire minimum relatif aux travailleurs qualifiés en 2006. Mais
une modification récente de la législation a annulé cette définition et a légitimisé
les efforts antérieurs des employeurs en vue de reclasser ces emplois comme semiqualifiés ou non qualifiés.
Le Système du Salaire Minimum et
L’évolution des Relations du Travail en Croatie
Danijel Nestić et Ivana Rašić Bakarić4
DOCUMENT DE SYNTHÈSE
La Croatie a mis en place en 2008 une nouvelle loi sur les salaries minima qui a transformé le
système de régulation des salaires jusqu’alors fondé sur une convention collective étendue.
Cette loi relève le niveau du salaire minimum, fixe un taux inférieur au salaire minimum pour
les secteurs à fort coefficient de main d’œuvre et établit une formule spécifique pour les
relèvements annuels. En outre, de nouvelles dispositions légales sont prévues pour une
meilleure application. Cependant la mise en œuvre de cette législation a rencontré certains
problèmes : les partenaires sociaux se sont fondés sur des interprétations parfois
contradictoires des formules d’ajustement et l’accent mis sur un mécanisme de réglage précis
semble avoir contourné les mécanismes de consultation et de dialogue social et nui au climat
de confiance entre partenaires sociaux.
C’est dans ce contexte que le présent rapport examine les implications importantes de ce
nouveau système de régulation des salaries minima pour les relations du travail, et vice-versa.
L’étude porte sur les développements particuliers des accords collectifs dans trois secteurs, le
bâtiment, l’habillement, et la vente au détail. La collecte des données s’est effectuée par le
biais d’entrevues avec des délégués syndicaux et patronaux, ainsi qu’avec des représentants
des administrations publiques responsables des partenariats sociaux, et le rassemblement de
données salariales dans les accords collectifs.
Politique du salaire minimum et tendances salariales
Le salaire minimum en Croatie est défini comme un taux mensuel unique qui couvre la
rémunération totale pour un emploi à temps plein. La nouvelle loi de 2008 prévoit une
dérogation temporaire – à savoir un taux inférieur au salaire minimum qui s’applique aux
secteurs du textile/habillement, du bois et du cuir. Au cours de la période 1998-2007 le salaire
minimum a été maintenu à un même niveau relatif, l’indice Kaitz (le salaire minimum par
rapport au salaire moyen) a fluctué autour de 33% pour changer avec la nouvelle
réglementation en 2008 et atteindre 36% environ en 2008-2009. Cela a entraîné une
augmentation du nombre de salariés recevant des rémunérations minima dont la part est
passée de 3% de l’emploi total avant 2008 à 5% sous le régime actuel. L’incidence des
emplois à salaire minimum est plus forte pour les femmes, les jeunes, les personnes à faible
niveau d’instruction et les contrats de travail à durée déterminée.
Interactions avec le système des rapports du travail
Les conventions collectives gagnent lentement du terrain malgré des dispositions
institutionnelles qui semblent suffisamment robustes. Le dialogue social tripartite, au niveau
national, reste effectif et a un impact sensible sur l’élaboration des politiques. Le dialogue
social bipartite est par contre bien plus faible. Il a lieu surtout au niveau de l’entreprise et reste
très limité dans les petites entreprises. Il existe peu d’accords sectoriels en dehors du secteur
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Etabli pour le EWERC projet de recherche “systèmes de salaire minimum et évolution des relations du travail
en Europe” VS/2009/0159 (EWERC, Université de Manchester) pour la Commission européenne, DG Emploi,
Affaires sociales et Egalité des Chances
public. Pour l’ensemble de l’économie, la proportion de travailleurs dont les salaires sont
couverts par les conventions collectives est assez élevée, dans les 60% avec 70% pour le
secteur public et 40% dans le privé. L’extension par les pouvoirs publics des accords
sectoriels explique ce taux élevé. Le taux de syndicalisation se situerait à 34% seulement (et
17% seulement pour le secteur privé) et est en baisse.
Les faiblesses du processus de négociation sont dues, d’une part, aux antagonismes existants,
et, d’autre part, au cadre législatif qui réduit les incitatifs au partenariat social à plusieurs
niveaux. Des problèmes particuliers sont liés au recours généralisé à des mécanismes
d’extension (l’extension des accords à tous les salariés d’une entreprise ou à toutes les
entreprises d’un secteur) et le maintien des termes clés d’un accord collectif une fois l’accord
expiré.
Le salaire minimum et le dialogue social dans trois secteurs
Le rapport national présente les caractéristiques principales de l’interaction entre le salaire
minimum légal en transformation, les structures salariales fondées sur les accords collectifs, et
la nature du dialogue social dans trois secteurs donnés, le bâtiment, l’habillement et la vente
au détail. Les conclusions du rapport se fondent sur la documentation disponible (textes
législatifs pertinents, accords collectifs) et sur des entrevues menées auprès de délégués
syndicaux et patronaux.
Le bâtiment
o La convention collective de branche en place est régulièrement remise à jour. Elle est
étendue avec l’accord des deux partenaires sociaux, ce qui semble exclure les accords
locaux.
o La convention collective de branche fixe son salaire de base minimum au niveau du
salaire minimum légal.
o L’usage de primes venant s’ajouter au salaire de base (prime d’ancienneté, prime pour
travail pénible ou dangereux, etc) relève le salaire global de 30-60%.
o Le nombre de salariés recevant le salaire minimum est très faible mais a augmenté
avec la crise.
o L’usage d’ “enveloppes salariales” est généralisé dans les petites enterprises du
bâtiment.
o Les syndicats et le patronat font part de réductions d’emplois et de baisses salariales
importantes dans le contexte de la récession bien que les termes et conditions de
l’accord collectif de branche soient maintenus. Les employeurs rapportent que les
salaires n’ont pas été réduits en deçà du plancher garanti par l’accord.
L’habillement
o Il n’existe pas d’accord collectif de branche.
o Le dialogue social s’est relativement bien articulé, en partie grâce aux efforts collectifs
fournis pour influencer les pouvoirs publics.
o Le syndicat estime que les accords conclus au niveau de l’entreprise représentent le
meilleur moyen d’adapter rémunération et conditions de travail à une situation donnée
et d’assurer la meilleure protection possible pour le travailleur.
o Le salaire de base convenu dans l’accord collectif de l’entreprise d’habillement
étudiée est sensiblement inférieur au salaire minimum légal – près de 40% - mais les
salariés perçoivent également un supplément basé sur le coefficient de performance et
l’ancienneté.
o La part de salariés recevant le taux de rémunération minimum est élevée dans
l’entreprise, se situant autour de 25%. Un grand nombre de ses salariés satisfont les
critères de performance mais la faiblesse du salaire de base fait que leur rémunération
totale reste inférieure au taux minimal et doit être relevée par l’entreprise.
La vente au détail
o Le dialogue social dans ce secteur varie d’une enterprise à l’autre. Certaines
enterprises font part de partenariats réussis tandis que d’autres s’éloignent des
syndicates.
o Un accord collectif sectoriel a été conclu en 1998, modifié en 2005 et élargi à toutes
les entreprises du secteur. Un petit nombre d’accords locaux sont en place.
o Les délégués syndicaux font état de difficultés dans la mise en application de la
convention sectorielle bien que cette dernière ne fournisse qu’un niveau de protection
limité. Des problèmes particuliers sont liés à la pratique du temps de travail
supplémentaire non rémunéré.
o Le taux minimum le plus bas pour les emplois les plus simples prévu dans l’accord
collectif sectoriel est plus de 40% inférieur au taux minimum legal et l’écart s’est
approfondi au cours des dix dernières années. Comme pour le secteur de
l’habillement, un nombre de primes (pour ancienneté, horaires atypiques) aident à
combler l’écart.
o Le nombre de salariés recevant le taux de rémunération minimum reste limité, du
moins dans le cas des entreprises plus importantes.
Discussion des conclusions clés
La réglementation et les conditions du marché de produits dans chacun de ces secteurs
impactent sur la nature et la qualité du dialogue social, sur les plans sectoriel et local. Dans les
secteurs du bâtiment et de la vente au détail, une forte concurrence existe au niveau national
entre quelques entreprises en tête de file. Les normes sectorielles sont fixées par le biais de la
convention collective sectorielle élargie. Il n’en demeure pas moins que ces accords collectifs
n’entraînent que de faibles améliorations par rapport au salaire minimum légal en ce qui
concerne la rémunération et les conditions de travail des bas. Cette situation peut s’expliquer
par une méfiance des employeurs envers une législation qui manquerait de souplesse et par un
contexte de relations du travail conflictuelles. Il s’agit, entre autres, de déterminer dans quelle
mesure l’accent mis actuellement sur le salaire légal et les interventions au niveau de l’emploi
permet moins facilement de recourir aux conventions collectives pour introduire des
améliorations. Pour les syndicats comme pour le patronat la réglementation du taux minimal
n’est pas un désincitatif aux conventions collectives. Il importe surtout de renforcer la mise en
application des conditions prévues dans la législation et les accords. Dans le contexte de la
crise actuelle, travailleurs et syndicats sont prêts à accepter des termes plus souples pour
conserver des emplois et ce type de compromis est maintenant discuté dans les accords
locaux. La récession a renforcé le rôle du salaire minimum, notamment pour le secteur de
l’habillement. Les employeurs font observer que de fortes pressions juridiques s’exercent sur
eux pour mieux rémunérer les emplois les plus simples alors qu’ils sont en concurrence avec
des producteurs à faibles coûts partout dans le monde. Ils demandent donc que le
gouvernment intervienne encore pour faire baisser les cotisations sociales pour les salariés
rémunérés au taux minimum ou pour introduire des crédits fiscaux ou des avantages liés au
travail.
Le Système du Salaire Minimum et
L’évolution des Relations du Travail en Allemagne
Gerhard Bosch et Claudia Weinkopf
Septembre 20105
DOCUMENT DE SYNTHÈSE
Contexte
Depuis le milieu des années 1990 les salaires en Allemagne connaissent une forte dispersion
et le secteur des bas salaires s’est développé de manière considérable. Ces facteurs ont affecté
les salariés à plein temps et à temps partiel (y compris les travailleurs occupant des miniemplois). Les bas salaires ne touchent pas uniquement des categories données, par exemple
les jeunes ou les travailleurs peu qualifiés, mais affectent également les groupes d’âge moyen
et les travailleurs qualifiés. Les écarts salariaux entre grosses et petites enterprises se sont
élargis de manière sensible, de même que les écarts entre des secteurs plus ou moins lies par
les conventions collectives. Cela s’explique par le fait que l’effet contraignant du système
allemand d’accords collectifs, toujours sensible à la concurrence extérieure, a été encore
atténué par des interventions politiques. En vue d’empêcher tout développement du secteur
des bas salaires et une plus grande fragmentation de la fourchette des salaires, il a été
envisager de changer d’approche au cours des dernières années, notamment avec
l’introduction des taux de salaire minima.
De nouvelles politiques pour les salaires minima
L’introduction d’un salaire minimum national légal, comme dans les quatre autres pays
examinés dans la présente étude, a été rejetée jusqu’à présent.. En 2005 la grande coalition
précédente a élaboré un compromise plutôt complexe sur les salaires minimum avec deux
processus principaux pour les salaires sectoriels minimum:
o Les salaires minimum fixés par des accords collectifs sectoriels peuvent être
considérés comme liants sur demande commune des deux partenaires sociaux
dans le secteur.
o Une modification de la loi de 1952 sur les conditions de travail minimum peut
être appliqué aux branches sans négociation collective afin de permettre
l’instauration de salaires minimum.
Seule la première approche a été adoptée jusqu’à présent dans un petit nombre de secteurs où
les partenaires sociaux ont conclu des accords collectifs avec des taux minima. Cela n’est pas
sans risques cependant. Certains des nouveaux salaires minima fixes sont très bas étant donné
que des “syndicats favorables au patronat” ont conclu des accords prévoyant des taux bas. En
outre, dans certains secteurs à faibles rémunérations il n’existe pas de taux minima du fait des
retards pris par les partenaires sociaux pour conclure un accord. Même lorsque les partenaires
sociaux réussissent à négocier des accords sectoriels de taux minima, la mise en pratique reste
difficile et lente et les partenaires sociaux font face à de diverses interventions politiques
“hostiles” des pouvoirs publics, ainsi que du patronat, l’association des employeurs fédéraux
5
Etabli pour le EWERC projet de recherche “systèmes de salaire minimum et évolution des relations du travail
en Europe” VS/2009/0159 (EWERC, Université de Manchester) pour la Commission européenne, DG Emploi,
Affaires sociales et Egalité des Chances
(BDA), pour empêcher que les taux minima soient déclarés liants. Et enfin la progression de
taux minima multiples dans différentes branches, ainsi que le manque d’informations sur les
taux de rémunération réels risquent d’entraver la mise en pratique et le contrôle à l’avenir. Il
est certain que l’application d’une norme nationale simple et bien connue poserait moins de
problèmes.
… Il reste du chemin à faire
L’étude des obstacles rencontrés par la mise en application de taux salariaux sectoriels
minima en Allemagne au cours des dernières années montre clairement que l’on peut
s’attendre à d’autres difficultés. Les mécanismes institutionnels élaborés pour la mise en
vigueur de taux minima de branche présentent toute une gamme de possibilités, prévues ou
non, pour que les programmes politiques, les employeurs et les syndicats concurrents puissent
entraver leur mise en pratique. L’établissement de taux minimum en Allemagne reste donc
très lent et l’on peut s’attendre, à court et moyen terme, à une panoplie de différents minima
allant de pair avec un manque de réglementation salariale et de normes légales dans de
nombreux domaines.
Salaire minimum, négociations salariales et effets en série sur certaines branches
Cette étude présente les caractéristiques majeures de l’interaction entre l’élaboration de
salaires minimum, structures salariales et dialogue social de branche dans trois secteurs
donnés: nettoyage, bâtiment et agences intérimaires. Les conclusions principales de l’étude se
fondent sur la documentation connexe (législation spécifique, accords collectifs) et sur des
entrevues menées auprès de délégués syndicaux et patronaux.
Les branches dans lesquelles les partenaires sociaux se sont mis d’accord pour introduire des
taux minimum ont vu se renforcer les négociations collectives. Les salaires minimum sont
négociés dans le cadre de la “grille” salariale de branche. Toute hausse des salaires minimum
entraîne obligatoirement une hausse des salaires aux échelons plus élevés, du moins dans les
entreprises prises en compte par les accords collectifs. La nature et l’importance de ces effets
en série des salaires minimum de branche sont cependant fonction tout d’abord de
l’observance des entreprises par rapport aux accords collectifs, ensuite de la couverture des
accords collectifs, et enfin de la structure des compétences dans la branche. Il est difficile,
dans la pratique, de distinguer l’impact de chacun de ces effets puisque l’on ne sait pas, pour
toutes les branches, si les travailleurs ne reçoivent que le salaire minimum du fait de la nature
de leur emploi ou parce que l’entreprise n’est pas couverte l’accord collectif dans la grille
salariale, ou encore parce que les salariés ne sont pas correctement classés sur l’échelle
salariale par rapport aux fonctions requises et aux compétences.
Les données empiriques obtenues pour l’industrie du bâtiment montrent clairement que
l’application de l’ensemble de la grille salariale est importante dans l’ex-RFA mais très faible
en ex-RDA où le taux minimum tend à représenter « la norme ». L’effet en série est donc
important dans l’ex RFA du fait de la portée des accords collectifs, et reste faible en ex-RDA.
Ce qui explique les prises de position différentes des délégués patronaux selon qu’ils viennent
de l’une ou l’autre région. Les personnes interrogées dans notre étude rapportent que les
employeurs en ex-RFA ne participaient généralement qu’aux négociations des taux de
rémunération dans la grille salariale alors que leurs homologues de l’ex-RDA ne
s’intéressaient qu’aux taux des salaires minima.
Dans le secteur du nettoyage la plupart des travailleurs ne perçoivent que le salaire minimum.
Cela reflète surtout le fait que la plus grande part des emplois n’exigent qu’un faible niveau
de qualification. La situation serait la même dans le secteur des agences d’emploi intérimaire
si les taux minima y étaient appliqués. Notre recherche empirique semble indiquer que de
nombreux travailleurs qualifiés employés dans le secteur de l’intérimaire sont incorrectement
classés et sont rémunérés aux taux réservés aux emplois non qualifiés..
Conclusions
o L’importance de “l’effet en série” de chaque salaire minimum de branche sur
la grille salariale varie d’une branche à une autre. Cet effet est marqué dans les
branches à accords collectifs étendus et à fort coefficient de travailleurs
qualifiés.
o Jusqu’à présent les salaires minimum n’ont été introduits que dans les branches
pour lesquelles les accords collectifs sont bien établis ou se sont développés au
cours des dernières années. Dans les branches où les négociations collectives
viennent de se développer dans le cadre des accords sur les taux minima, l’on
peut s’attendre à ce que l’impact sur la grille salariale et les accords collectifs
se renforce avec le temps.
o Les branches où les accords collectifs restent faibles et fragmentés n’ont pas
encore introduit de taux minima. Ici, l’on peut s’attendre à un salaire minimum
“indépendant” sans autres accords collectifs qui pourraient être liés aux taux
minima.
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