moléculaire, la génération des im-
pulsions laser intenses et la caracté-
risation des fragments. Tout d’abord,
il est indispensable d’utiliser une ci-
ble moléculaire en phase gazeuse de
très faible densité afin d’étudier la
réponse d’une molécule unique.
Ainsi, la mesure précise de l’énergie
acquise par les fragments au cours
de l’explosion exige d’éviter les
phénomènes de charge d’espace où
une trop grande densité de charges
tend à accélérer les fragments après
leur création. Par introduction d’un
gaz à l’aide d’une microfuite régla-
ble, on prépare une cible molécu-
laire à l’équilibre thermodynamique
(T = 300 K).
En ce qui concerne la génération
des champs laser de puissance,
on dispose de systèmes laser variés
délivrant différents éclairements,
longueurs d’onde et durées d’im-
pulsion. Chronologiquement, nous
avons démarré nos études dans
le régime des impulsions pico-
secondes. Aujourd’hui nous avons
accès à des systèmes laser Saphir :
Titane (Ti :Sa), qui sont basés sur
l’amplification dite à dérive de fré-
quence. Dans cette technique, on
étire temporellement les impulsions
laser avant de les amplifier afin
d’éviter des densités de puissance
trop élevées pour le milieu amplifi-
cateur, puis on recomprime les im-
pulsions en fin de chaîne. Les lasers
Ti :Sa permettent ainsi d’atteindre
des puissances crêtes très élevées,
avec de surcroît une stabilité tir à tir
remarquable. La source femtose-
conde du DRECAM au Centre
d’études de Saclay génère non seu-
lement des impulsions dans le pro-
che infrarouge, mais elle couvre
également une large gamme spec-
trale qui s’étend du visible jusqu’à
l’infrarouge
~
2µm
!
,
cela grâce à
des amplificateurs paramétriques
optiques et à des colorants. A l’aide
de lentilles de courte focale ou de
miroirs paraboliques, on parvient à
focaliser le faisceau laser dans un
volume V extrêmement petit
(V ≈10
−8
cm
3
). Etant donné les fai-
bles pressions de gaz utilisées, la ci-
ble soumise au champ laser intense
contient une centaine de molécules.
C’est par la mesure des énergies
et des distributions angulaires des
fragments émis que l’on peut percer
les secrets de l’explosion coulom-
bienne. En utilisant des techniques
étonnamment simples mais efficaces
(voir encadré 1), on parvient à iden-
tifier les ions moléculaires transitoi-
res et ainsi à déterminer toute la
dynamique de l’explosion coulom-
bienne.
LES MOLÉCULES S’ALIGNENT
Dès les premières expériences, il
fut observé que l’émission des frag-
ments était confinée dans des cônes
resserrés autour du champ électrique
du laser linéairement polarisé. Ce
résultat était d’autant plus étonnant
que les molécules cible présentent
toutes les orientations possibles
dans l’espace. On crut d’abord que
le laser ionisait préférentiellement la
classe de molécules déjà orientées
parallèlement au champ laser à
l’instant du tir, et que les molécules
présentant une orientation différente
n’étaient pas ou peu ionisées (scéna-
rio sélectif). Une expérience réalisée
dans notre laboratoire a montré
qu’il en était tout autrement. L’idée
consiste à irradier les molécules ci-
bles avec deux impulsions jumelles,
décalées dans le temps, et présen-
tant des polarisations perpendiculai-
res. L’utilisation d’une seconde im-
pulsion permet de sonder ce qui
reste dans le volume d’interaction
après le passage de la première, tan-
dis que le recours à des polarisa-
tions croisées permet de différencier
les fragments créés par chaque im-
pulsion. L’expérience montre claire-
ment que la première impulsion io-
nise toutes les molécules de la cible,
et donc que le scénario sélectif est
erroné : la directivité de l’émission
des fragments provient en fait de
l’alignement de toutes les molécules
parallèlement au champ laser, avant
leur explosion. Les expériences réa-
lisées récemment sur la source laser
femtoseconde ont montré que les
temps d’orientation de toutes les
molécules étudiées – mêmes les
plus lourdes comme l’iode – sont
extrêmement courts, inférieurs à
100 fs. Ce résultat est tout à fait dé-
monstratif de l’effet du champ fort,
car les temps de rotation propre de
ces molécules sont au moins 10 fois
plus longs à température ambiante.
L’alignement moléculaire a été
discuté, à l’exemple de
H2
+,
par
plusieurs équipes, en faisant appel à
un modèle quantique. Ce modèle dit
de pompage rotationnel prévoit que
plus une molécule absorbe de pho-
tons, plus elle est « pompée » vers
des états rotationnels excités, où les
noyaux se trouvent essentiellement
sur un axe parallèle à l’axe de pola-
risation du laser. Pour une molécule
diatomique, le pompage rotationnel
peut être décrit schématiquement de
la façon suivante, en considérant
uniquement le moment angulaire
nucléaire
j
s
et en négligeant le mo-
ment orbital des électrons
l
s
et le
spin électronique
s
s.
On part d’un
niveau rotationnel
u
j,m
&
dans l’état
électronique fondamental où jet m
sont faibles. L’état
u
j,m
&
est repré-
senté par un vecteur
j
s
qui précesse
autour du champ électrique
E
s
du la-
ser. Les règles de sélection pour des
transitions entre deux niveaux rota-
tionnels en champ électromagnéti-
que linéairement polarisé sont
Dj=±1
et
Dm=0.
Après ab-
sorption et réémission de nombreux
photons, les molécules se retrouvent
dans des états rotationnels très exci-
tés où
u
j
s
u
est grand alors que sa
projection mreste faible. La
figure 2a montre le cas m= 0 où le
vecteur
j
s
est perpendiculaire à
E
s:
la molécule tourne dans un plan qui
contient le vecteur
E
s.
L’effet d’ali-
gnement moléculaire le long du
champ électrique du laser résulte
d’une rotation correspondant à un
échange quasi-instantané des noyaux
sur l’axe
E
s.
Cela correspond à une
Interaction lumière-matière
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