Explorer la dynamique des ions d`un plasma avec la

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Les photons explorateurs
Explorer la dynamique des ions
d’un plasma avec la fluorescence
induite par laser
Dans un plasma chaud, faiblement collisionnel, les interactions principales se produisent par
l’intermédiaire des champs électromagnétiques engendrés par la distribution spatiale des particules
chargées, distribution elle-même affectée par ces interactions. Ce couplage autocohérent est
la source du potentiel électrostatique qui apparaît dans la gaine entre le plasma et les parois qui
le limitent. Il donne aussi naissance aux ondes et instabilités qui se propagent dans le plasma.
La fluorescence induite par laser en fournit un diagnostic résolu spatialement, temporellement,
énergétiquement.
AUTOCOHÉRENCE DANS UN PLASMA
FAIBLEMENT COLLISIONNEL
ans un plasma, les intervalles
de temps entre collisions de
particules chargées dépendent de la densité et de la température du plasma. Si le plasma est faiblement ionisé, intervient aussi la
densité de particules neutres pour ces
collisions. Dans de nombreuses situations, les temps de collisions sont
beaucoup plus grands que tous les
temps caractéristiques du milieu
(temps de transit des particules ou
période d’oscillation par exemple).
On trouve de tels plasmas faiblement
collisionnels un peu partout dans
l’univers, ainsi que dans les expériences qui visent à reproduire sur terre
les conditions de la fusion thermonucléaire contrôlée. Au laboratoire, il
est aisé de créer un plasma non collisionnel stationnaire par décharge
dans un gaz à faible pression. Dans
D
– Physique des interactions ioniques et
moléculaires, Equipe turbulence plasma,
UMR 6633 CNRS, Université de Provence,
service 321, centre universitaire de SaintJérôme, 13397 Marseille cedex 20.
ces plasmas, les interactions collectives entre particules chargées se
font par l’intermédiaire des champs
électromagnétiques, dits autocohérents, engendrés par les distributions spatiales des particules chargées, elles-mêmes affectées par ces
interactions.
À la limite du plasma avec les parois qui le confinent, dans une zone
que l’on appelle la gaine, où la neutralité électrique du plasma n’est plus
assurée, un champ électrique est créé
de façon autocohérente. Considérons
un objet immergé dans un plasma. La
faible masse des électrons par rapport
à celle des ions introduit un déséquilibre entre les courants électronique et
ionique collectés par cet objet. Le
champ électrique autocohérent créé
repousse les électrons et attire les ions
afin que le courant total soit nul. L’objet se charge négativement et son potentiel, dit potentiel flottant, est négatif par rapport au plasma. Mais toute
perturbation de potentiel dans un
plasma se trouve écrantée avec une
longueur typique appelée longueur de
Debye dont le carré est proportionnel
au rapport de la température du
plasma à sa densité. Pour un plasma
typique de laboratoire, cette longueur
est de l’ordre du millimètre. Les gaines, dont les dimensions sont estimées
à quelques longueurs de Debye, ont
donc une extension très limitée.
Les interactions collectives autocohérentes régissent aussi les ondes
qui se propagent dans le plasma. Une
perturbation de densité électronique
se propage avec la fréquence plasma
électronique dont le carré est proportionnel à la densité du plasma. Lorsque l’amplitude de l’onde atteint une
taille critique, entrent en jeu des effets non linéaires qui impliquent une
dynamique complexe des particules
en résonance avec l’onde, celles dont
la vitesse est voisine de la vitesse de
phase de l’onde. Le comportement
non linéaire de l’onde se manifeste
par un raidissement du front de
l’onde et la formation d’un choc.
Tous ces mécanismes complexes sont
l’objet d’importantes simulations numériques (voir Images de la Physique 1993) et leur investigation expérimentale requiert des diagnostics
précis.
Traditionnellement, les plasmas de
laboratoire sont explorés à l’aide de
sondes de taille et de forme variables.
Si l’on s’intéresse à la distribution en
énergie des ions, les analyseurs
électrostatiques constitués d’un système de grilles pour opérer une sélection en énergie des ions collectés restent un outil économique d’analyse
du plasma. Toutefois, leurs dimen65
sions importantes et leur faible résolution, typiquement d’un ordre de
grandeur plus élevé que l’énergie
thermique des ions du plasma, en
proscrivent l’utilisation pour l’étude
détaillée de phénomènes où la dynamique des ions intervient. C’est le
cas notamment des gaines ou des ondes de chocs ioniques.
La fluorescence induite par laser
(FIL) résolue en temps fournit un
outil d’analyse inégalé grâce aux remarquables résolutions spatiale, temporelle et énergétique qu’elle autorise. Nous illustrerons ses possibilités
sur deux mesures réalisées dans une
expérience de laboratoire conçue
pour accueillir ce diagnostic. La première concerne la mesure de la distribution de vitesse des ions au voisinage d’une électrode conductrice
plane au potentiel flottant dans un
plasma. La seconde concerne l’évolution de la distribution de vitesse
des ions induite par la propagation
d’un choc dans le plasma. Ces mesures stimulent de nouveaux développements dans la compréhension de
mécanismes non linéaires fondamentaux qui interviennent hors du
contexte du laboratoire. La dynamique de la gaine est importante pour le
contrôle des plasmas utilisés dans les
techniques de gravure et de dépôt en
génie des procédés plasma alors que
des chocs non collisionnels se produisent lorsque le vent solaire rencontre la magnétosphère terrestre.
LE DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL
Depuis leur mise au point dans les
années 1970, les machines à plasma
à confinement multipolaire se sont
imposées pour les études qui nécessitent un plasma stationnaire, de
grande dimension, facilement accessible, non magnétisé, non collisionnel et peu bruyant. Elles consistent
en une enceinte cylindrique entourée
de barres d’aimants permanents à polarité alternée (figure 1a). Dans cette
chambre, on réalise un vide initial
poussé (10–7 mbar). Le plasma stationnaire est créé par décharge thermoionique entre une cathode chaude
66
(qui peut être constituée de un ou
plusieurs filaments chauffés par le
passage d’un courant) et une anode
(généralement les parois reliées à la
terre) dans un gaz en écoulement (généralement de l’argon) dont la pression est inférieure à 10–3 mbar. Il résulte des collisions ionisantes entre
atomes neutres et électrons « primaires » émis par les filaments et accélérés par la différence de potentiel de
décharge qui se forme entre anode et
cathode. Le plasma est composé des
particules suivantes : les ions créés
par ionisation des atomes du gaz à la
température de l’enceinte, les électrons « secondaires » qui résultent
des collisions ionisantes et forment
les électrons du corps du plasma avec
une distribution de vitesses maxwellienne et une température de quelques eV, les électrons minoritaires
plus chauds qui proviennent de la population des primaires « refroidis »
par les collisions ionisantes avec une
distribution en énergie non maxwellienne qui s’étend jusqu’à l’énergie
correspondant au potentiel de décharge (typiquement quelques dizaines de volts), et enfin les atomes du
gaz neutre qui n’est que partiellement
ionisé (le taux d’ionisation est de
l’ordre de 10–4). Le champ magnétique multipolaire confine essentiellement les électrons primaires et ne
s’étend pas à plus de 10 cm du pourtour du plasma. Il augmente la probabilité d’ionisation des électrons primaires et, par conséquent, la densité
du plasma qui vaut typiquement
10 15 m–3. Au cœur du plasma, la
neutralité électrique est assurée et la
densité des ions équilibre la densité
électronique. Dans ces conditions de
densité et de température, les libres
parcours moyens des particules sont
supérieurs aux dimensions de la machine : le plasma est non collisionnel.
Comme schématisé sur la figure 1a,
la machine dont nous disposons,
d’une longueur de 80 cm et d’un diamètre 40 cm, est dotée de hublots
axiaux et longitudinaux pour implanter le diagnostic FIL et explorer longitudinalement et transversalement le
plasma le long de l’axe de la machine. Plus classiquement, des sondes
de Langmuir, mobiles axialement et
radialement, déterminent les paramètres caractéristiques du plasma et permettent de mesurer les fluctuations
de densité.
LA FLUORESCENCE INDUITE PAR
LASER
Ce diagnostic, fondé sur l’effet
Doppler, fournit la distribution de vitesse des ions du plasma dans la direction du faisceau laser (voir encadré). On accède à la distribution en
mesurant la FIL lorsqu’on balaye la
fréquence du laser. On utilise un laser monomode accordable continu
constitué d’un laser à colorant en anneau pompé par un laser à argon. Le
faisceau laser peut être injecté le long
de l’axe de la machine ou selon un
rayon du dispositif, et on mesure la
fonction de distribution des vitesses
axiales ou radiales des ions. La résolution en vitesse du diagnostic est
excellente puisque l’élargissement
Doppler qui résulte de l’agitation
thermique des ions est de l’ordre de
1.5 GHz (vitesse thermique ionique
vith ~ 600 m/s) alors que la largeur
naturelle de la transition excitée par
le laser est égale à 20 MHz (correspondant à un écart en vitesse
δv ~ 10 m/s). Une faible fraction du
faisceau laser traverse une cellule à
iode dont l’absorption donne un étalonnage absolu de la fréquence
d’émission du laser. Le volume diagnostiqué correspond à l’intersection
du faisceau laser avec le champ de
visée de l’optique collectant la lumière de fluorescence et correspond
typiquement à un cylindre de quelques mm3. Un moteur positionne simultanément la monture du miroir de
renvoi du faisceau laser radial et
du système de collection de la
fluorescence pour obtenir une exploration complète le long de l’axe du
dispositif.
EXPLORATION D’UNE GAINE
ÉLECTROSTATIQUE
Au cours de l’ionisation des atomes neutres, on ne sélectionne pas
Les photons explorateurs
(a)
(b)
Figure 1 - a) Schéma de la machine à confinement multipolaire et du montage de FIL résolue en temps.
b) Diagramme des temps caractéristiques de la FIL résolue en temps.
l’état d’excitation des ions qui peuvent être créés dans le même état que
celui qui est excité par le laser. Il y a
donc, en permanence, une importante
émission spontanée qui provient du
plasma. Afin de ne recueillir que la
fluorescence induite par le laser,
l’émission du laser est hachée par un
modulateur acousto-optique et une
détection synchrone soustrait le signal qui correspond à l’émission
spontanée et extrait ainsi le signal de
fluorescence du bruit. Les performances actuelles permettent de sonder
des plasmas peu denses, à partir
d’une densité égale à 1014 cm–3.
Dans cette version initiale, le diagnostic fournit une mesure locale de
la distribution moyenne de vitesse
des ions.
Considérons une électrode conductrice plane de 20 cm de diamètre polarisée au potentiel flottant dans le
plasma. Les courbes en trait plein de
la figure 2 donnent, pour différentes
distances à l’électrode, la distribution
des vitesses ioniques perpendiculaires à l’électrode. Vu les faibles distances considérées, la zone explorée est
la gaine électrostatique de l’électrode
dans laquelle les ions sont accélérés,
ce qui explique les écarts considérables observés par rapport à une distribution maxwellienne. Rappelons que
la longueur de Debye est ici de l’ordre de 1 mm. Les mêmes mesures à
une distance supérieure à 3 cm de la
plaque fournissent une distribution
maxwellienne de température égale à
0,05 eV. Pour les vitesses parallèles à
la plaque on observe, pour toute distance, une distribution maxwellienne
de même température. La géométrie
du problème est donc monodimensionnelle. Les courbes pointillées de
la figure 2 sont données par un modèle analytique à une dimension qui
tient compte des mécanismes de création du plasma en volume et de la dynamique des ions selon leur point de
création et leur vitesse initiale dans le
potentiel autocohérent au voisinage de
la plaque. Ce modèle fait intervenir
plusieurs classes d’ions selon leur position et leur vitesse dans ce potentiel
et nécessite pour sa validation un diagnostic d’exploration qui présente une
bonne résolution spatiale, comme la
fournit la FIL. On obtient un bon accord expérimental à condition d’intro67
Encadré
Considérons un système à trois niveaux dont l’état initial 1 est
métastable à longue durée de vie pour que sa population soit
représentative de l’ensemble des ions du plasma (les
transitions qui partent de l’état fondamental, naturellement
préférables, se situent dans l’ultraviolet, hors du domaine des
lasers continus accordables actuels).
La probabilité de transition d’un ion de l’état 1 vers l’état 2
dépend de la zone d’intersection du profil de résonance de la
transition 1-2 avec la raie laser de fréquence x1. Pour un
laser monomode longitudinal, la largeur de la raie émise
(~ 0,5 MHz) est très petite devant la largeur naturelle c0 de la
transition de pulsation x12. C’est donc c0 qui fixe la résolution
en énergie du diagnostic. Si les ions sont distribués en vitesse
selon la loi f(v), seuls ceux dont la vitesse
s s s s
s s s s
vs ∈ @ v − dv , v + dv # avec : xe = x12 + k . v et k . dv = c0
duire un chauffage anisotrope des ions
lorsque la distance à l’électrode x diminue. Celui-ci est indiqué par la
croissance du paramètre Ti sur les
courbes de la figure 2. L’origine de ce
phénomène est aujourd’hui inconnue
et fait l’objet d’intenses spéculations.
Cet exemple illustre l’apport de la FIL
à l’étude des gaines d’un plasma, domaine largement inexploré jusqu’à
présent puisque les mesures par sonde
sont inopérantes.
FIL RÉSOLUE EN TEMPS
Pour observer des phénomènes périodiques qui affectent les ions, tels
68
(formule du changement de fréquence dû à l’effet Doppler),
subiront une transition. Comme la durée de vie du niveau 2
est très courte (de l’ordre de la nanoseconde), les ions se
désexcitent et retombent sur des niveaux inférieurs, en
particulier sur le niveau 3, en émettant des photons de
fluorescence. L’intensité de la transition 2-3 induite par ce
processus est proportionnelle à la population des ions dans la
classe de vitesse qui interagit avec le laser. En balayant la
fréquence de ce dernier, toutes les classes de vitesse des ions
sont successivement explorées et le diagnostic fournit la
distribution de vitesse des ions du plasma projetée dans la
direction du faisceau laser.
que l’oscillation des gaines, la propagation d’ondes ou de chocs électrostatiques, le diagnostic doit avoir une
résolution temporelle supérieure à
celle qui correspond au temps de réponse des ions, de l’ordre de la microseconde. Dans le cas de la FIL, cette
résolution peut être obtenue avec un
laser en impulsions, mais le taux de
répétition des impulsions est alors
trop faible pour rendre le diagnostic
commode et fiable. Une meilleure solution est apportée par un système
multicanaux (MCS) de comptage de
photons associé au laser à colorant
continu.
Les impulsions émises par le photomultiplicateur qui détecte la fluorescence sont comptées pendant un
court intervalle de temps fixé (compris entre 50 ns et 2 µs dans notre
cas). Le résultat est stocké dans un
des N (typiquement 400) canaux
consécutifs. Comme précédemment,
il faut isoler la fluorescence spontanée du plasma. Sur un même enregistrement de l’analyseur multicanaux,
on trouve, en sortie, le signal correspondant à une période complète de la
modulation du laser imposée par
le modulateur acousto-optique : la
première moitié des N canaux
Les photons explorateurs
trement de la valeur correspondante
de la première moitié. On reconstitue
alors l’évolution temporelle de la distribution de vitesse des ions.
PROPAGATION DE CHOC ACOUSTIQUE
IONIQUE
Ainsi améliorée, la FIL a visualisé
la dynamique des ions lors du passage de « chocs électrostatiques » qui
sont réalisés dans un plasma de laboratoire. Ces nouvelles données de
laboratoire complètent et éclairent les
observations de l’ionosphère faites
par satellite.
Figure 2 - Fonction de distribution des vitesses perpendiculaires des ions mesurée à différentes distances x d’une électrode au potentiel flottant (étoiles). Courbes pointillées : modèle analytique avec température ionique locale Ti.
correspond à la propagation d’une
période de la perturbation de densité
quand le faisceau laser traverse le
plasma et excite la fluorescence,
l’autre moitié contient l’information
correspondant à l’émission du plasma
pendant une autre période de propagation de la même perturbation de
densité en l’absence du laser.
Pour disposer d’un signal exploitable, il faut cumuler les données qui
correspondent à un nombre important
d’événements sensiblement identiques. Cette technique requiert une
parfaite synchronisation entre la prise
de mesure, la modulation du laser et
le phénomène étudié. Cela est
d’autant plus critique que l’émission
spontanée du plasma est aussi affectée par la propagation du phénomène
étudié. Il est donc important de retrouver les mêmes conditions de
plasma en présence et en absence du
faisceau laser. La figure 1b représente
les différents signaux utilisés. Une
boîte de signaux logiques délivre, à
partir des signaux Ac et Mp fournis
par le MCS, le signal de contrôle du
modulateur acousto-optique, l’impulsion de déclenchement du générateur
du signal S qui est appliqué sur
l’anode du plasma pendant chaque
demi-période de la modulation du
laser.
Pour chaque position de mesure,
l’intervalle spectral (12/14 Ghz) couvert par le laser à colorant est échantilloné en cinquante points correspondant à cinquante valeurs de vitesse
ionique. Pour chaque fréquence du
laser (chaque vitesse des ions), le signal de sortie du MCS correspond à
l’accumulation de plusieurs milliers
d’événements périodiques ou répétitifs (10 000 en général). Il est stocké
dans un micro-ordinateur via une
carte d’acquisition. L’évolution temporelle de l’intensité de la fluorescence induite par le laser à cette fréquence est obtenue en soustrayant
chaque valeur des canaux appartenant à la seconde moitié de l’enregis-
Pour les expériences de chocs
électrostatiques, la machine multipolaire est configurée en machine à
double plasma : une grille métallique
la divise en deux compartiments
séparés dans lesquels on crée deux
plasmas indépendants. En appliquant
à l’anode du plasma « source » un
saut de potentiel d’une période de
400 µs donné par le signal S
(figure 1b), on provoque un écoulement brutal d’ions qui excite une
onde de densité de grande amplitude.
Cette onde se propage dans le plasma
cible, milieu à la fois dispersif et non
linéaire, et se transforme en onde de
« choc ». C’est cette réponse du
plasma que la FIL visualise.
La colonne de gauche de la figure 3 montre l’évolution temporelle
de la distribution des vitesses longitudinales des ions du plasma, mesurée à 15 cm de la grille le long de la
direction de propagation du choc. En
soustrayant la distribution de vitesse
mesurée en l’absence de choc, on
isole la perturbation due au choc illustrée sur la colonne de droite de la
figure 3 avec ses contours dans le
plan (v, t). Celle-ci fait apparaître
dans l’espace (v, t) une structure
auto-organisée constituée d’un trou
d’ions autour de la vitesse nulle et
d’un pic principal autour d’une vitesse négative (qui correspond à un
ion qui s’éloigne de la grille dans le
plasma cible). Cette structure se propage en se simplifiant et en ne s’étalant pratiquement pas. Du fait qu’elle
concerne une large classe de vitesses
69
ioniques longitudinales des ions,
son existence est liée à la présence
d’un potentiel électrostatique autocohérent qui accompagne la perturbation de densité. Cette structure
résulte de la compétition des phénomènes dispersifs, dissipatifs et non linéaires présents dans le plasma dont
la description théorique est loin
d’être achevée. Une confrontation détaillée avec les simulations numériques a été entreprise pour élucider
leur rôle respectif. Avec des mesures
répétées tous les centimètres, on vérifie à partir de cet ensemble de données que cette structure se déplace à
la vitesse de phase des modes acoustiques ioniques, modes non dispersifs
qui se propagent à une vitesse indépendante de leur fréquence fixée par
la seule température des électrons. Si
on reconstruit l’espace de phase
(x, v) pour chacun des temps t, on
produit ainsi un ensemble d’instantanés que l’on anime en les groupant
dans un film. Comme le montre la
Figure 3 - Colonne de gauche : fonction de distribution des vitesses longitudinales des ions et ses
contours ; colonne de droite : perturbation de la fonction de distribution et ses contours. Mesures
effectuées à 15 cm de la source pendant la propagation d’un choc électrostatique.
figure 4, on visualise le déferlement
de la perturbation dans l’espace de
phase.
PERSPECTIVES
Figure 4 - Espace de phase des ions mesuré à 42 µs, 62 µs, 82 µs et 182 µs après le déclenchement du
choc. Les courbes continues (resp. pointillées) donnent les lignes de niveau des perturbations positives (resp. négatives) de la densité des ions.
70
Ces deux exemples illustrent l’apport de la fluorescence induite par laser à l’étude des effets cinétiques
autocohérents dans les plasmas
chauds. Ils montrent l’intérêt de cette
méthode en termes d’accessibilité et
de résolution (spatiale, temporelle,
énergétique). Des études expérimentales détaillées des mécanismes qui
interviennent dans les gaines électrostatiques et des phénomènes non linéaires et turbulents dans les plasmas
deviennent réalisables. Ces travaux
vont permettre une confrontation directe avec l’expérience des théories
qui décrivent ces phénomènes complexes. Ils débouchent aussi sur la
mise au point de diagnostics performants pour les plasmas froids du génie des procédés plasma comme pour
les plasmas chauds de la fusion thermonucléaire contrôlée avec confinement
Les photons explorateurs
magnétique, notamment pour le
plasma de bord des tokamaks. Une
perpective prometteuse de la FIL résolue en temps concerne les méthodes de marquage optique pour l’obtention des coefficients de transport
locaux dans le plasma. L’étude de
l’évolution temporelle du signal de
fluorescence recueilli en un point du
plasma, depuis sa croissance, sa saturation et sa relaxation vers un état sta-
tionnaire permettra de discerner l’influence des mécanismes de diffusion,
convection et collisions.
POUR EN SAVOIR PLUS
Sur les chocs dans les plasmas sans
collision :
Ikezi (H.), Phys. Fluids, 16, 1668,
1973.
Sur la FIL :
Stern (R.A.), Phys. Fluids, 21 (8),
1287, 1978.
Hill (D.H.), Fornaca (S.), Wickham
(M.G.), Rev. Sci. Instr., 54 (3), 309,
1983.
Bachet (G.), Chérigier (L.) and Doveil (F.), Phys. Plasmas, 2, 1782, 1995.
Bachet (G.), Skiff (F.), Dindelegan
(M.), Doveil (F.) and Stern (R.A.),
Phys. Rev. Lett., 80, 3260, 1997.
Article proposé par Gérard Bachet et Fabrice Doveil, tél. 04 91 28 82 19 – fax.
04 91 28 82 25 – courriel : [email protected]. Ce travail est le fruit d’une
collaboration avec F. Skiff (Université d’Iowa) et R.A. Stern (Université du Colorado, Boulder).
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