Les causes du cancer en France - 2 -
RESUME ET CONCLUSIONS
Le nombre de décès dus au cancer a considérablement augmenté en France, comme dans tous les
pays industrialisés depuis le début du XXe siècle, mais de telles comparaisons historiques n’ont de sens
que si l’on ramène cette fréquence à un même nombre d’habitants, or la population française a
beaucoup augmenté au cours du XXe siècle. De plus, comme la fréquence des cancers croît rapidement
avec l’âge (figure A2.1) et que l’espérance de vie a considérablement augmenté au cours du XXe siècle,
il en résulte un accroissement considérable de la proportion de décès dus au cancer. Il faut donc
examiner la fréquence dans chaque tranche d’âge ou, ce qui est plus simple, considérer une population
dans laquelle la proportion d’habitants dans chaque tranche d’âge serait restée constante. Après avoir
fait ces deux standardisations, on constate que la mortalité par cancer a diminué régulièrement chez les
femmes depuis 1950 (de -24% entre 1950 et 2004), alors que chez les hommes elle a augmenté jusqu’en
1985 (de +47% de 1950 à 1985), puis a diminué de 21% de 1986 à 2004 (figure A2.2). Pour les deux
sexes réunis, elle a baissé de 13% depuis 1968.
Cette évolution globale recouvre des variations importantes selon le type de cancer et le sexe
(figures A2.3 à A2.6). Par exemple, le cancer de l’estomac était la principale cause de mortalité par
cancer en 1950 et sa mortalité a été divisée par cinq depuis. Inversement, celle du poumon chez les
hommes a augmenté jusqu’en 1985 puis a diminué en fonction de l’évolution du tabagisme, avec un
décalage de quelques années. Chez les non fumeurs, l’incidence du cancer du poumon est restée stable
malgré les variations de la pollution atmosphérique jusqu’au début des années 80. Chez les femmes,
après être restée longtemps stable, l’incidence du cancer du poumon a augmenté rapidement à la fin des
années 1960 au moment où la pollution de l’air diminuait, à cause d’une augmentation du tabagisme
féminin.
L’accroissement de l’incidence globale des cancers depuis 1980 est, pour la plus grande part, dû
au perfectionnement des méthodes diagnostiques et au dépistage qui décèle des petits cancers très
faiblement évolutifs qui auraient pu rester méconnus. Dans les cancers où ce phénomène a joué,
l’incidence a augmenté brutalement, tandis que la mortalité restait stable ou diminuait à cause des
progrès thérapeutiques (c’est le cas des cancers du sein, de la prostate et de la thyroïde). Pour d’autres
cancers, incidence et mortalité ont évolué parallèlement.
Les causes des variations de l’incidence et de la mortalité ont été identifiées dans la plupart des
cas, sauf pour deux cancers dont l’augmentation n’a pas, en l’état actuel de nos connaissances, de cause
établie : les cancers du testicule et les lymphomes non Hodgkiniens (LNH). Cependant, l’incidence de
ces cancers parait actuellement stabilisée.
Problèmes méthodologiques
La prévention du cancer repose sur l’identification de ses causes. C’est l’objet de ce rapport. Cette
tache est difficile car si de nombreuses études sont effectuées chaque année dans le monde, beaucoup de
résultats sont contradictoires ou discutables, tantôt parce que la méthodologie n’a pas écarté certaines
sources d’erreur, tantôt parce que le nombre des sujets étudiés a été trop petit donc la puissance
statistique insuffisante, ce qui entraîne des fluctuations statistiques aléatoires qui ont fait croire, à tort, à
une augmentation ou à une diminution (rappelons qu’un résultat est qualifié de significatif s’il a moins
de cinq chances sur cent d’être observé sous l’effet du hasard). Il faut donc s’attendre à l’absence d’effet
à ce qu’une étude sur vingt paraisse significative simplement du fait des fluctuations statistiques. Il
s’ajoute à cela un biais de publication car les résultats significatifs sont plus volontiers publiés que ceux
qui ne le sont pas. Enfin, l’interprétation des résultats et le crédit qu’on leur accorde sont souvent
entachés de facteurs subjectifs. Aussi faut-il analyser avec une extrême rigueur les données
épidémiologiques sans se laisser influencer par des résultats incertains ou par les croyances du public.
C’est pourquoi dans ce rapport nous n’avons pris en compte que les données solidement établies, si
possible fondées sur de larges méta-analyses, tout en examinant les diverses hypothèses dans la
discussion.
Les causes avérées
Ce rapport confirme qu’en France (comme dans tous les pays industriels et la majorité des pays
du tiers-monde) le tabac reste, à l’orée du XXIe siècle, la principale cause de cancer (29 000 décès, soit
33,5% des décès par cancer chez l’homme, 5 500 décès, soit 10% des décès par cancer chez la femme).