NOUVELLES VOIES D’ABORD PROXIMALES DU
NERF SCIATIQUE
P-J. Zetlaoui.
Département d’Anesthésie-réanimation, Hôpital de Bicêtre, 78 rue du Général Leclerc,
94270 Le Kremlin Bicêtre cedex. [email protected]
INTRODUCTION
Il a y encore 10 ans, le bloc du nerf sciatique était l’une des techniques d’anesthésie
locorégionale périphériques les moins utilisées [1]. Il existait 6 à 7 voies d’abord hau-
tes différentes du nerf sciatique : la voie glutéale de Labat [2] et ses modications par
Winnie [3] et Rucci [4], la voie ischiatique de Raj [5], la voie antérieure de Beck [6] et
les voies trochantériennes de Ishiyanagui [7] et sa variante décrite par Guardini [8]. Les
nécessités cliniques, le développement des techniques d’anesthésie-analgésie gionale, et
l’amélioration du matériel (neurostimulateurs, aiguilles et cathéter), ont motivé et permis
de nouvelles recherches dans la technique de bloc du nerf sciatique. Une meilleure «vision
de l’anatomie», facilitée par les progrès de l’imagerie médicale a permis la description
de nouvelles voies d’abord. En 10 ans, plus de 10 nouvelles voies d’abord proximales
du nerf sciatique ont été décrites. La majorité d’entre elles semblent cliniquement ef-
caces. Le but de cet exposé n’est pas de comparer ces nouvelles voies proximales, mais
de tenter, après un bref rappel des plus importantes de fournir des arguments de choix
pour chacune d’elle.
1. RAPPEL ANATOMIQUE
1.1. LE PLEXUS SACRAL
Il est formé par l’union du tronc lombosacral (TLS) aux branches antérieures des trois
premières racines sacrales (Figure 1) [9]. Le tronc lombosacral est constitué par l’anas-
tomose du nerf furcal de Jehring issue de la quatrième racine lombale et la cinquième
racine lombale. Il fusionne avec la branche antérieure de la première racine sacrale.
Cet ensemble reçoit successivement les branches antérieures des deuxième et troisième
racines sacrales pour constituer le plexus sacral.
Le plexus sacral adopte une forme triangulaire dont la base est située au niveau des
foramen sacraux et le sommet dirigé vers l’échancrure ischiatique. Il est appliqué sur la
face antérieure du muscle piriforme du bassin et recouvert par l’aponévrose pelvienne qui
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le sépare des viscères et des vaisseaux hypogastriques. Le plexus sacral donne naissance
à 7 nerfs, six branches collatérales et 1 branche terminale, le nerf sciatique.
1. 2. LES BRANCHES COLLATÉRALES DU PLEXUS SACRAL
Le nerf de l’obturateur interne est formé de bres issues du TLS et de S1, il aborde
le muscle obturateur interne auquel il se distribue, par sa face interne. Ceci rappelle
que toute l’adduction de la cuisse n’est pas sous la dépendance du nerf obturateur.
Figure 1
: Représentation schématique du plexus sacral. Iconographie P. Zetlaoui.
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: Représentation schématique du plexus sacral. Iconographie P. Zetlaoui.
: Représentation schématique du plexus sacral. Iconographie P. Zetlaoui.
L4
L5
S1
S2
S3
Tronc lomboscral
Nerf fémoral
cutané postérieur
Nerf sciatique
Nerf tibial
Nerf péronier commun
Nerf
pudendal
Nerf glutéal supérieur
Nerf de l'obturateur interne
Nerf du
piriforme
Nerf du jumeau supérieur
Nerf du jumeau inférieur
du carré fémoral
et rameau articulaire
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Le nerf glutéal (fessier) supérieur est lui aussi issu des bres du TLS et de S1. Il est
responsable de l’innervation des muscles moyen fessier, petit fessier et tenseur du
fascia lata.
Le nerf du muscle piriforme est issu essentiellement de S2.
Le nerf du muscle jumeau supérieur naît à la face antérieure du plexus et se destine
au muscle jumeau supérieur.
Le nerf des muscles jumeau inférieur et carré fémoral. En plus d’innerver les deux
muscles dont il porte les noms, il envoie une branche articulaire pour l’articulation
coxofémorale. Ce nerf doit donc être pris en considération pour une chirurgie de la
hanche.
Le nerf fémoral cutané postérieur de la cuisse est issu du TLS, de S1 et S2. Il quitte
le bassin par la grande échancrure ischiatique, en dessous du muscle piriforme, en
arrière du bord médial du nerf sciatique. Il se divise rapidement en deux branches
1- Une branche motrice (nerf glutéal inférieur) pour le muscle grand fessier, essentiel-
lement constituée de bres issues du TLS et de S1
2- Une branche principalement sensitive, issue de S2, responsable de l’innervation
sensitive d’une partie de la fesse, de la partie postérieure de la cuisse, de la fosse
poplitée et de la région latérale du genou en s’anastomosant avec le nerf sural,
branche du nerf tibial.
1.3. LE NERF SCIATIQUE
Issu de toutes les racines entrant dans la constitution du plexus sacral, le nerf sciatique
en est la branche terminale. Il quitte le bassin et aborde le membre pelvien par la grande
échancrure ischiatique en dessous du bord inférieur du muscle piriforme. A la fesse, le
nerf sciatique se place au centre de la gouttière entre l’ischion et le grand trochanter.
Puis, il descend presque en ligne droite le long de la cuisse, vers la fosse poplitée où il
se divise en deux branches terminales, le nerf tibial et le nerf péronier commun. Le long
de son trajet à la cuisse, le nerf sciatique donne 6 collatérales pour les différents muscles
de la face postérieure de la cuisse et une branche sensitive, le nerf articulaire du genou
pour la région latérale de l’articulation.
2. LES NOUVELLES VOIES D’ABORD DU NERF SCIATIQUE
Les nouvelles voies d’abord proximales du nerf sciatique se divisent en trois groupes,
les abord postérieurs (Figure 2), les abords antérieurs et les abords latéraux.
2.1. LA VOIE PARASACRALE DE MANSOUR
Proposé par Mansour en 1993 [10], le bloc sciatique par voie parasacrale est le seul
à réaliser un véritable bloc plexique. En effet au niveau du point de ponction, le nerf
sciatique n’est théoriquement pas encore complètement organisé, et le plexus honteux
n’est pas encore totalement individualisé. Il s’agit d’un bloc du plexus sacré qui est
abordé au bord supérieur du foramen ischiatique à sa sortie du petit bassin et avant de
rentrer dans la région glutéale.
2.1.1. RAPPEL DE LA TECHNIQUE
Le patient est placé en position de Sim. Les repères sont l’épine iliaque postéro-
supérieure et l’ischion. Une ligne droite est tracée pour relier ces deux points. Le point
de ponction se localise sur cette droite, 6 cm (ou trois travers de doigt) en dessous de
l’épine iliaque (Figure 3) [11]. La ponction est réalisée perpendiculairement au plan
cutané avec une aiguille de 100 à 150 mm en fonction de la corpulence du patient. Le
nerf est habituellement localisé à une profondeur de 60 à 80 mm [11], cependant, chez le
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patient obèse, la profondeur peut dépasser 100 mm [12]. Il est recommandé de débuter
la recherche avec un niveau de stimulation élevé (2,5 à 3,0 mA) de façon à augmenter
les chances d’un repérage rapide du nerf. Si un contact osseux est obtenu lors de la
progression de l’aiguille, celle-ci sera retirée et est réintroduite 1 à 2 cm distalement sur
cette droite. Les réponses obtenues en neurostimulation peuvent être de type plexique,
plusieurs réponses musculaires pour une même stimulation. Une réponse motrice obtenue
au niveau de la cuisse est théoriquement acceptable ; cependant on s’efforcera d’obtenir
une réponse distale en dessous du genou.
Figure 2 : Projection des différents points de ponction proposés dans les techniques
de : A- Mansour ; B- Casals ; C- Labat-Winnie ; D- Sutherland ; E- di Benedetto. Ico-
nographie P. Zetlaoui Mapar 2003
Figure 3 :Repères de ponction pour la voie de Mansour. EIPS = épine iliaque postérieure
et supérieure ; Tisc = tubérosité ischiatique ; M = point de ponction selon la technique
de Mansour ; LW = point de ponction selon la technique de Labat-Winnie.
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2.1.2. ÉVALUATION
Après la description initiale [10], ce bloc a été évalué dans plusieurs études publiées
[12, 13, 14, 15]. Le taux de succès est très élevé, compris suivant les études entre 90
et 100 %. La nature de la réponse motrice obtenue en neurostimulation ne semble pas
inuer sur la qualité du bloc et une seule stimulation semble sufsante [14]. Des volumes
d’anesthésiques locaux de l’ordre de 10 à 15 mL permettraient un bloc efcace, et 20 mL
semble être un volume sufsant.
2.1.3. AVANTAGES
L’identication des repères osseux est habituellement (très) facile, même chez
les patients dont l’anatomie est peu favorable pour l’anesthésiste. La construction
géométrique est simple. Seule la distance xe de 60 mm peut théoriquement poser pro-
blème en fonction de la taille des patients. Placer le point de ponction à la jonction du
1/3 supérieur-2/3 inférieurs de la ligne permet de corriger ce petit problème (modication
de l'auteur). Ce bloc réalise un vrai bloc plexique du plexus sacré comme en témoigne les
opacications. Le faible volume nécessaire pour un bloc efcace, 15 à 20 mL, constitue
un argument de choix lors de la réalisation d’un bi-bloc fémoro-sciatique.
Par ailleurs, il était évoqué que, en raison du niveau de ponction, cette voie d’abord
permettait une extension de l’anesthésie au nerf obturateur (93 %) [13]. L’étude de
Jochum et coll. montre, avec une méthodologie précise d’évaluation du bloc moteur des
adducteurs que cette hypothèse est improbable [16]. Il s’agissait en réalité d’une erreur
d’analyse sémiologique oubliant le fait que le nerf sciatique est en partie responsable de
l’adduction de la cuisse, et que la diminution de l’adduction observée ne traduisait que
la réalité du bloc sciatique.
Un cathéter pour analgésie prolongée est facilement mis en place par cette voie, à
condition d’une légère modication de la technique [17, 18, 19]. En effet, l’aiguille doit
adopter une direction légèrement céphalique pour faciliter l’introduction du cathéter. Le
risque de déplacement secondaire semble faible.
Par ailleurs ce bloc est facile à enseigner et à maîtriser. La réalisation est habituellement
rapide, une seule réponse en neurostimulation semble sufsante pour un bloc efcace.
L’acceptation par les patients semble bonne, la technique étant peu douloureuse.
2.1.4. INCONVÉNIENTS
Avec cette technique sans limite osseuse de profondeur, il est théoriquement possible
de dépasser le plan du nerf sciatique et de faire pénétrer l’aiguille dans le pelvis, avec un
risque de ponction des vaisseaux iliaques internes, de l’uretère et du rectum. Il semble
cependant que cette angoisse anatomique reste purement théorique, en effet aucune
complication de cette nature n’a jamais été rapporté malgré semble-t-il une diffusion
large et rapide de cette technique.
2.1.5. INDICATIONS
L’intérêt de ce bloc réside dans la facilité d’identication des repères, la facilité de
la ponction et la qualité du bloc obtenu avec une injection unique et un volume réduit
d’anesthésique local. À ce jour aucune complication n’a été rapportée, mais il est souhai-
table cependant, avant de préconiser cet abord de première intention, de rester prudent,
en raison des risques théoriques. Envisager la voie classique de Labat-Winnie [2, 3] de
première intention, entre autres, est une attitude probablement plus sûre. En dehors de la
chirurgie de la hanche, pour laquelle la voie parasacrale de Mansour [10] offre un bloc
plus adapté en raison de l’extension du bloc aux branches les plus proximales du plexus
sacral (nerf de l’obturateur interne, nerfs glutéaux supérieur et inférieur, nerf du carré
fémoral et surtout la branche articulaire), l’abord de Labat-Winnie offre dans tous les
autres cas un bloc équivalent.
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