Universit´e Claude Bernard–Lyon I
CAPES de Math´ematiques : Oral 1
Ann´ee 2008–2009
M´ethodes d’approximation
de z´eros de fonctions r´eelles
On pourra prendre pour base la le¸con propos´ee par Daniel Perrin dans http://www.math.
u-psud.fr/~perrin/CAPES/Equations/equations07.pdf ou Denis Vekemans dans http:
//megamaths.perso.neuf.fr/oral1/cfon-04c13.pdf. Toutefois, quelques remarques me
semblent n´ecessaires pour pr´eciser certaines choses ou r´epondre `a un certain nombre de ques-
tions ´evidentes (enfin, ´evidentes pour le jury...).
Cadre : Le cadre des th´eor`emes est tr`es restrictif. Il suppose implicitement qu’un travail
pr´eliminaire a ´et´e accompli pour localiser un z´ero et un intervalle assez petit qui l’entour.
Outils rudimentaires pour ce travail : tracer le graphe, prendre des valeurs plus ou moins
au hasard, ´etudier les variations... Pour les polynˆomes, il y a tout un tas de m´ethodes
plus ou moins ´evolu´ees, telle la r`egle des signes de Descartes. Glissons cela rapidement,
il vaut mieux ´eviter d’´etaler une culture que l’on n’a pas...
En fait, une fonction continue “typique” est bien plus irr´eguli`ere que ce qu’on imagine :
son graphe ressemble `a celui d’un mouvement brownien, et en particulier, il n’y a aucun
intervalle sur lequel elle est monotone. (Il paraˆıt que l’on peut donner un sens pr´ecis
`a cela...) En revanche, si une fonction de classe C1s’annule en un point, il n’y a pas
de raison que sa d´eriv´ee s’y annule aussi (bien sˆur, cela peut arriver !) ; idem pour la
d´eriv´ee seconde d’une fonction C2. Au voisinage d’un z´ero, les hypoth`eses sont donc assez
g´en´eriques.
Plutˆot que distinguer des cas selon le signe de f0ou f00, dire tout de suite que l’on peut
supposer f0>0 et f00 >0 quitte `a remplacer fpar x7→ ±f(±x) (cf. II (a)).
On pr´esentera typiquement trois m´ethodes : dichotomie, s´ecante, Newton. Il est indis-
pensable de donner `a chaque fois une majoration de l’erreur. Pour le choix de la preuve
`a d´evelopper, je pense que celle de la dichotomie est un peu trop simple et que celle de
la s´ecante est un peu trop compliqu´ee.
Pour la dichotomie, ne pas h´esiter `a presenter la m´ethode comme un outil th´eorique pour
prouver le th´eor`eme des valeurs interm´ediaires (qu’on ne prend pas comme pr´erequis)
et comme un outil num´erique pour le cœur de la le¸con. Remarquer au moins `a l’oral
que c’est la m´ethode la plus robuste ; en particulier, elle marche pour des fonctions non
d´erivable avec la mˆeme efficacit´e.
Si fest C1et pas C2, on peut a priori appliquer toutes les m´ethodes (s´ecante, Newton),
mais les majorations d’erreur sont ´evidemment inop´erantes. La question se pose de savoir
si les m´ethodes convergent quand mˆeme ! Moyennant une hypoth`ese de convexit´e, c’est
le cas (exercice...). Mais sans ¸ca, imaginer un exemple o`u la suite (xn) n’est pas bien
d´efinie. Dans le mˆeme esprit : que donne la m´ethode de Newton si f0s’annule en α(et
seulement en α) ?
Exemples et calculatrice : la strat´egie consistant `a en traiter un avec toutes les m´ethodes
`a la fin semble bonne. Comme d’habitude ces questions ne sont pas aobrd´ees ici mais il
ne faut pas les laisser de cˆot´e pour autant.
1
I Dichotomie
Soit a<bdeux r´eels et f: [a, b]Rune fonction continue. On suppose que f(a)f(b)<0.
On d´efinit alors par r´ecurrence deux suites (an) et (bn) par a0=a,b0=bet
nN,(an+1, bn+1) =
an,an+bn
2si f(an)fan+bn
20,
an+bn
2, bnsinon.
Montrons par r´ecurrence que pour tout nN, on a :
anan+1 bn+1 bn, bnan=ba
2n, f(an)f(bn)0.
Pour n= 0, il n’y a qu’`a v´erifier la premi`ere s´erie d’in´egalit´es, qui va de soi : on a soit a1=a
et b1= (a+b)/2, soit a1= (a+b)/2 et b1=b.
Soit nN, supposons la propri´et´e vraie pour n. On a soit an+2 =an+1 et bn+2 = (an+1 +
bn+1)/2, soit an+2 = (an+1 +bn+1)/2 et bn+2 =bn+1 ; dans les deux cas, vu que an+1 bn+1, on
a imm´ediatement an+1 an+2 bn+2 bn+1. L’´egalit´e bn+1 an+1 = (bnan)/2 = (ba)/2n
va de soi.
Enfin, comme f(an) et f(bn) sont de signe contraire, f((an+bn)/2) n’a pas le mˆeme signe que
l’un de ces deux nombres : si f(an)f((an+bn)/2) >0, alors f(bn)f((an+bn)/2) 0. La
d´efinition de (an+1, bn+1) assure donc que f(an+1)f(bn+1)0.
Ainsi, la propri´et´e annonc´ee est prouv´ee par r´ecurrence. Les suites (an) et (bn) sont adjacentes,
leur limite commune αv´erifie, par continuit´e de f:f(α)20, c’est-`a-dire : f(α) = 0. On
vient de d´emontrer le th´eor`eme des valeurs interm´ediaires et d’exhiber un algorithme qui donne
un encadrement d’un z´ero de f(pas n´ecessairement le seul si fn’est pas monotone).
Remarque : Pour un algorithme de dichotomie, on prend g´en´eralement en entr´ee a,bet la
pr´ecision ε`a laquelle on souhaite l’approximation d’un z´ero de f. Il est int´eressant de noter au
passage le nombre de passages dans la boucle (pour comparer diff´erentes m´ethodes).
Exercice : `
A l’aide de la m´ethode de dichotomie, montrer sans utiliser le th´eor`eme des ac-
croissements finis que pour fd´erivable sur [a, b], si f0<0, alors fest strictement d´ecroissante.
(Indication : proeder par contrapos´ee. En supposant qu’il existe c < d avec f(c)< f(d), ex-
hiber deux suites adjacentes (cn), (dn) telles que (f(dn)f(cn))/(dncn)(f(d)f(c))/(d
c)>0, et montrer qu’en la limite `de ces suites, f0(`)0. La fin est assez facile. Voir
http://www.math.u-psud.fr/~perrin/CAPES/analyse/fonctions/Lagrange.pdf.)
II ethodes `a un pas
Dans la suite, on suppose que f: [a, b]Rest de classe C2strictement croissante et strictement
convexe, c’est-`a-dire que f0>0 et f00 >0. On suppose aussi f(a)f(b)<0, et fa donc un
unique z´ero α[a, b[.
Le principe de ces m´ethodes est de construire une suite (xn) qui converge vers α: on choisit
une droite passant par (xn, f(xn)) pour approximer la courbe, ne d´ependant que de xn, et on
d´efinit xn+1 comme l’abscisse de l’intersection de cette droite et de l’axe des abscisses.
1Remarques pr´eliminaires
(a) Sym´etries Quitte `a remplacer fpar l’une des quatre fonctions suivantes, on peut et on
va supposer sans perte de g´en´eralit´e que fest strictement croissante et convexe :
f1:x7→ f(x), f2:x7→ f(x), f3:x7→ −f(x), f4:x7→ −f(x).
(Si f=f1est croissante convexe, f2est d´ecroissante convexe, f3est d´ecroissante concave et f4
est croissante concave – et r´eciproquement.)
2
(b) ´
Equation de droites Consid´erons les points A(a, f(a)) et B(b, f(b)) sur le graphe de f,
et soit cl’abscisse de l’intersection de la droite (AB) avec l’axe des abscisses. On v´erifie sans
peine qu’alors, en notant pla pente de cette droite (suppos´ee non nulle), on a :
c=af(b)bf(a)
f(b)f(a)=af(a)
p.
2M´ethode de la “s´ecante `a pente fixe”
On suppose connaˆıtre m, M Rqui bornent f0: pour tout x[a, b], mf0(x)M. On
pose alors p=m+M
2et on d´efinit une suite (xn) par x0=bet :
xn+1 =xnf(xn)
p.
On montre que sous les hypoth`eses pr´ec´edentes, on a :
|xn+1 α| ≤ Mm
M+m|xnα|.
3M´ethode de Lagrange
On d´efinit x0=aet, pour n0, xn+1 comme l’intersection de la droite passant par les points
(b, f(b)) et (xn, f(xn)) (s´ecante `a la courbe). Ainsi :
xn+1 =xnf(b)bf(xn)
f(b)f(xn)=xnf(xn)
f(b)f(xn)
bxn
.
Cela a un sens : sous les hypoth`eses de monotonie et de convexit´e pr´ec´edentes, on montre par
r´ecurrence que axnαet donc que xn+1 est bien d´efini. En effet, l’expression
xn+1 =f(b)
f(b)f(xn)
| {z }
λ0
xn+f(xn)
f(b)f(xn)
| {z }
1λ0
b
de xn+1 comme barycentre de xnet bavec des coefficients positifs (f(xn)0 car xnα)
montre que xnxn+1 b. Par convexit´e de f, le point (xn+1,0) sur la s´ecante est au-dessus
de (xn+1, f(xn+1)) sur la courbe, ce qui se traduit par f(xn+1)0 = f(α), soit xn+1 α.
Majoration de l’erreur
Soit
m1= inf
[a,b]|f0|et M2= max
[a,b]|f00|.
On pose de plus, pour x[a, α],
g(x) = xf(b)bf(x)
f(b)f(x),
d’o`u xn+1 =g(xn). On veut majorer |g(x)α|. Pour cela, l’expression de g(x) comme
barycentre de bet xdonne sans calcul :
g(x)α=f(b)
f(b)f(xn)(xα) + f(x)
f(b)f(x)(bα).
Par le th´eor`eme des accroissements finis, le d´enominateur s’´ecrit f0(θ)(xb) pour θconvenable :
faute de mieux, on va le minorer par m1|xb|. Cela incite `a faire apparaˆıtre bxau num´erateur :
g(x) = bx
f(b)f(x)αx
bxf(b) + bα
bxf(x).
3
On voit apparaˆıtre dans la parenth`ese le barycentre de f(b), affect´e du coefficient µ= (α
x)/(bx)0 et de f(x), affect´e du coefficient 1 µ0. L’id´ee suivante, c’est se rappeler
que l’on veut faire apparaˆıtre des d´eriv´ees d’ordre 2 ; d’o`u, formule de Taylor et, au d´epart,
diff´erences de valeurs de f. Cela l´egitime d’introduire f(b)f(α) au lieu de f(b) :
g(x) = bx
f(b)f(x)αx
bx(f(b)f(α)) + bα
bx(f(x)f(α)).
´
Ecrivons donc les formules de Taylor : il existe u]x, α[ et v]α, b[ tels que
(f(b)f(α) = (bα)f0(α) + (bα)2
2f00(v),
f(x)f(α) = (xα)f0(α) + (xα)2
2f00(u).
Petit miracle : la simplification des deux termes (bα)(xα)f0(α). Il reste :
g(x)α=bx
f(b)f(x)(bα)(xα)bα
bxf00(v) + xα
bxf00(u).
Le terme entre les grandes parenth`eses est un barycentre de deux valeurs de f00 avec coefficients
1µet µ, donc il est major´e par M2. Ainsi :
|g(x)α| ≤ M2(ba)
2m1|xα|.
En appliquant `a x=xn, et en supposant baassez petit pour que le coefficient soit <1, on
voit que la suite xnconverge vers α`a une vitesse au pire g´eom´etrique.
Voir une autre majoration et une autre preuve (plus ´el´ementaire) par Daniel Perrin (r´ef. au
d´ebut).
4M´ethode de Newton
Dans ce cas, on choisit pour droite la tangente `a la courbe de fpassant par (xn, f(xn)). Sa
pente ´etant f0(xn), on d´efinit (xn) par x0=bet, pour n0 :
xn+1 =xnf(xn)
f0(xn).
On montre sans peine que cette suite est bien d´efinie et d´ecroissante : pour tout n,α
xnxn+1 b. On en d´eduit facilement qu’elle converge vers α, et on montre facilement la
majoration suivante :
|xn+1 α| ≤ M2
2m1|xnα|2.
L’existence de ce carr´e est pr´ecieuse : posons c= log10(M2/2m1), de sorte que la constante
est 10c. Supposons que nsoit assez grand pour qu’on connaisse αavec kecimales exactes
(i.e. |xnα| ≤ 10k, et kgrand). Alors au rang suivant, on a une approximation avec 2kc
d´ecimales exactes.
En r´esum´e, on double presque le nombre de d´ecimales exactes `a chaque it´eration : c’est bien
plus efficace que la convergence des m´ethodes pr´ec´edentes.
Exemple. Prenons f(x) = xqβpour x0, o`u qNet β > 0 fix´es. On calcule que
g(x) = 1
q(q1)x+β
xq1.
Pour q= 2, l’algorithme est connu depuis Babylone (tablette YBC 7289, voir par exemple
http://www.bibnum.education.fr/mathematiques/tablette-ybc-7289).
Remarque. La m´ethode ne va pas bien se comporter si f0(α) = 0, car on n’aura pas de
minoration de |f0|. Faire un dessin pour l’expliquer.
4
5Principe de toutes ces m´ethodes `a un pas
On constate que ces m´ethodes `a un pas consistent `a remplacer l’´equation f(x) = 0 par une
´equation g(x) = x, o`u g: ]a, b[Rest une fonction de la forme
g(x) = xf(x)
p(x),
o`u p(x) est la pente de la droite qui sert `a approximer la courbe. Ceci permet de voir la solution
αcomme limite d’une suite r´ecurrente d´efinie par xn+1 =g(xn).
Une telle suite, si elle converge vers un point fixe attractif α(tel que |g0(α)|<1), poss`ede en
gros deux comportements diff´erents (r´ef´erence : premi`ere ´epreuve du CAPES 1998) :
soit g0(α)6= 0 : on obtient facilement une majoration de la forme |xn+1 α| ≤ k|xnα|,
avec 0 < k < 1, et un peu plus de travail montre que xnαest ´equivalent, pour n+,
`a Ck0npour 0 < k0<1 convenable ;
soit g0(α) = 0 ; on supposera ici que g00(α)6= 0 ; on obtient facilement une majoration
de la forme |xn+1 α| ≤ k|xnα|2, et un peu plus de travail montre que xnαest
´equivalent, pour n+, `a Ck2npour 0 < k < 1 convenable.
On essaie pour cette raison de choisir p(x) de sorte que g0(α) = 0. Ceci ´equivaut `a p(α) = f0(α),
condition remplie si on prend par exemple p(x) = f0(x) –comme dans la m´ethode de Newton !
6It´eration de Householder (just for the sake of it)
Ne croyons pas que l’histoire s’arrˆete n´ecessairement ici ! Au lieu de remplacer comme avec
Newton la courbe par sa tangente, on peut remplacer la courbe par sa parabole osculatrice,
c’est-`a-dire f(x) par son DL d’ordre 2 au voisinage de xn: la fonction qefinie par
q(x) = f(xn)+(xxn)f0(xn) + f00(xn)
2(xxn)2
poss`ede deux racines
θ±(xn) = xn+f0(xn)±pf0(xn)22f(xn)f00(xn)
f00(xn).
On a suppos´e f0>0 et on a en tˆete que xnest une bonne approximation de α, si bien que
f(xn) est petit : les racines sont r´eelles. Plus pr´ecis´ement, f0(xn)m1>0 et f00(xn)M2.
On va faire un DL de θ±(xn) :
θ±(xn) = xn+f0(xn)±f0(xn)q12f(xn)f00 (xn)
f0(xn)2
f00(xn)
=xn+f0(xn)±f0(xn)1f(xn)f00 (xn)
f0(xn)2f(xn)2f00 (xn)2
4f0(xn)4+o(f(xn)2))
f00(xn).
On choisit la racine θ+, la plus proche de celle de la m´ethode de Newton :
θ+(xn) = xnf(xn)
f0(xn)f(xn)2f00(xn)
4f0(xn)3+o(f(xn)2).
Pour cette m´ethode, la suite des approximations est d´efinie par :
xn+1 =xnf(xn)
f0(xn)f(xn)2f00(xn)
4f0(xn)3.
Sous r´eserve que fsoit C3, la rumeur publique semble dire qu’il serait possible de d´emontrer
une majoration de la forme |xn+1 α| ≤ C|xnα|3: `a chaque ´etape, on triple le nombre de
d´ecimales exactes.
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