perception fournit des raisons qui justifient nos croyances, et que toute
croyance implique de facto la présence de concepts — comment croire sans
concepts ? —, alors le contenu de notre perception est nécessairement
conceptuel1. Le jugement n’aurait ainsi d’autre fonction que celle de prendre
en charge (to endorse) ce qui est déjà contenu conceptuellement dans la
perception.
La position non conceptualiste, quant à elle défendue par F. Dretske,
G. Evans, M. Tye2, etc., récuse cette réduction du contenu de la perception à
un contenu linguistique ; elle refuse que le contenu d’une expérience percep-
tive soit intégralement épistémique3. Avec Jeff Speaks4, nous pouvons
distinguer deux types de non-conceptualisme — même si les frontières entre
ces deux types peuvent parfois être floues, notamment chez G. Evans5 ou M.
Martin6 : un non-conceptualisme « fort » (Absolute Nonconceptual Content),
soutenant que le contenu perceptuel est absolument non conceptuel, et un
non-conceptualisme « faible » (Relative Nonconceptual Content), admettant
que le contenu perceptuel n’est que relativement non conceptuel. On peut
résumer ces deux thèses comme suit :
(ANC) Différents « agents » peuvent vivre une expérience perceptive
identique sans posséder nécessairement le même registre
conceptuel permettant d’identifier chacun des items composant
le contenu de cette expérience. Les choses perçues — ou que
nous pouvons percevoir — ne se réduisent pas à l’utilisation de
nos capacités conceptuelles.
1 P. Engel, « Le contenu de la perception est-il conceptuel ? », dans J. Bouveresse &
J.-J. Rosat (éd.), Philosophies de la perception. Phénoménologie, grammaire et
sciences cognitives, Paris, Odile Jacob, 2003, p. 244.
2 M. Tye, « On the Nonconceptual Content of Experience », dans M.E. Reicher &
J.C. Marek (éd.), Experience and Analysis, Proceedings of the 27th International
Wittgenstein Symposium, Kirchberg am Wechsel, Öbv & Hpt., 2005 ; article
disponible en ligne : https://webspace.utexas.edu/tyem/www/Kirchberg.pdf
3 P. Engel, art. cit., p. 251.
4 J. Speaks, « Is there a problem about nonconceptual content ? », dans Philosophical
Review, vol. 114, n° 3, 2005, p. 359-398.
5 On comparera, par exemple, G. Evans, The Varieties of Reference, Oxford,
Clarendon Press, 1982, p. 227 et Ibid., p. 124
6 M.G.F. Martin, « Perception, Concepts, and Memory », dans Philosophical Review,
vol. 101, n° 4, 1992, p. 475.
Bull. anal. phén. VIII 5 (2012)
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