Les limites du langage ou la critique du langage comme thérapie

Université de Montréal
Les limites du langage ou la critique du langage comme thérapie dans la
philosophie de Ludwig Wittgenstein
Par
Marc-Antoine Beaudry
Département de philosophie
Faculté des Arts et des Sciences
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales
en vue de l’obtention du grade de
Maître ès Arts (M. A.) en philosophie
option recherche
Avril, 2014
© Marc-Antoine Beaudry, 2014
Université de Montréal
Faculté des études supérieures
Ce mémoire intitulé:
Les limites du langage ou la critique du langage comme thérapie dans la philosophie
de Ludwig Wittgenstein
présenté par
Marc-Antoine Beaudry
a été évalué par un jury composé des personnes suivantes:
Daniel Laurier
président-rapporteur
Michel Seymour
directeur de recherche
François Lepage
membre du jury
i
RÉSUMÉ
Dans ce mémoire, je me propose d’analyser la question des limites du langage;
d’examiner la place et le rôle de l’indicible dans la philosophie de Wittgenstein. La
notion d’indicible suppose un critère pour saisir les limites du langage. Dans le Tractatus,
le critère nous est donné par la structure logique de l’image. Or, en laissant tomber cet
accord de forme entre le langage et le monde, suggéré par la théorie picturale, l’indicible
ne semble plus se montrer dans les écrits postérieurs au Tractatus. Du moins, avec la
notion de « jeux de langage », le critère pour saisir les limites du langage n’est plus aussi
clairement défini et les règles qui déterminent les usages légitimes du langage ne sont
plus aussi strictes. Enfin, en concevant la signification comme « usage », la nature du
langage est appréhendée comme le fait d’une forme de vie, et dans une perspective
pragmatique, arrimée à une position minimaliste, une conception déflationniste de la
vérité peut se développer, évitant ainsi la réification de faits superlatifs associés à
l’indicible et à l’ineffabilité des critères sémantiques. Par conséquent, l’indicible et
l’ineffable ne seraient plus associés avec une posture mystique à l’égard du réel, et le
quiétisme philosophique de Wittgenstein, toujours inspiré par le nihilisme thérapeutique,
demeure l’avenue privilégiée pour neutraliser le discours métaphysique et le contraindre
définitivement au silence.
Mots clés : philosophie, Wittgenstein, langage, grammaire, signification, usage, limites
du langage, indicible, sens, non-sens, éthique.
ii
ABSTRACT
I propose to analyze the question of the limits of language. My intent is to examine the
place and role of what is account to be unsayable in Wittgenstein's philosophy. This
notion presupposes a criterion to grasp the limits of language. In the Tractatus, the
criterion is given by the logical structure of the proposition. However, after he rejects this
agreement of the logical form between language and reality, suggested by the pictorial
theory, what’s taken to be unsayable does not seem to show up in the later writings after
the Tractatus. At least with the notion of “language games”, the criterion to grasp the
limits of language is no longer as clearly defined and the rules that determine the
legitimate uses of language are not as strict. Finally, designing meaning as "use", the
nature of language is seen as the result of a form of life, and from a pragmatic
perspective, but under a minimalist position, a deflationary conception of truth can be
established, avoiding the reification of superlative facts associated with the reality of
what is unsayable. Therefore, the ineffable truth would no longer be associated with a
mystical attitude toward reality, and Wittgenstein’s quietism, inspired by the therapeutic
nihilism, remains the best avenue to neutralize the metaphysical discourse.
Keywords: philosophy, Wittgenstein, language, grammar, meaning, usage, limits,
indescribable, sense, nonsense, ethics.
iii
SOMMAIRE
Dans ce mémoire, je me propose d’aborder la question des limites du langage
dans la philosophie de Wittgenstein. La possibilité de poser des limites au langage
présuppose celle de saisir un critère pour délimiter la sphère du dicible. Dans le
Tractatus, le critère nous est donné par la structure logique de l’image. Or, bien que la
conception picturale du langage ne soit pas à proprement parler fausse, elle est
trompeuse. Conséquemment, en laissant tomber cet accord de forme entre le langage et le
monde suggéré par la théorie picturale, l’indicible ne semble plus se montrer dans les
écrits postérieurs au Tractatus. Du moins, avec la notion de « jeux de langage », le critère
pour saisir les limites du langage n’est plus aussi clairement défini et les règles qui
déterminent les usages légitimes du langage ne sont plus aussi strictes.
Aussi, bien que Wittgenstein fasse encore référence à la notion de limites du
langage, il n’insiste plus sur la distinction qu’il opérait dans le Tractatus entre le dicible
et l’indicible. Mais comment devons-nous comprendre ce que Wittgenstein entend par
limites du langage s’il n’y a plus lieu de faire référence à lindicible? Il semble curieux de
parler de limites du langage sans comprendre cette expression comme limites du dicible,
et par voie de conséquence, à cette idée que lindicible peut être toujours présent dans les
Recherches philosophiques. Est-il toujours approprié de soutenir que l’indicible a encore
sa place dans la seconde philosophie de Wittgenstein? Loin de dissoudre les problèmes
philosophiques, c’est exprimer sensiblement la même position que celle adoptée par
l’auteur du Tractatus, et plutôt que de dissoudre le malaise intellectuel propre à cet
indicible qui se montre, il semblerait être balayé sous le tapis. Il n’y aurait alors aucune
dissolution ou résolution du problème engendré par le silence métaphysique. Est-ce la
raison pour laquelle il affirme qu’il préférerait ne tracer aucune limite (§76)? Et s’il
devait en tracer une, alors quelle devrait être la nature de cette limite? Est-elle
phénoménologique, caractérisant toujours le rapport entre la sémantique de notre langage
et la réalité du monde? Pourtant, il semble que la position phénoménologique n’est pas
plus en mesure de régler le problème et de calmer notre malaise intellectuel.
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