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SOMMAIRE
Dans ce mémoire, je me propose d’aborder la question des limites du langage
dans la philosophie de Wittgenstein. La possibilité de poser des limites au langage
présuppose celle de saisir un critère pour délimiter la sphère du dicible. Dans le
Tractatus, le critère nous est donné par la structure logique de l’image. Or, bien que la
conception picturale du langage ne soit pas à proprement parler fausse, elle est
trompeuse. Conséquemment, en laissant tomber cet accord de forme entre le langage et le
monde suggéré par la théorie picturale, l’indicible ne semble plus se montrer dans les
écrits postérieurs au Tractatus. Du moins, avec la notion de « jeux de langage », le critère
pour saisir les limites du langage n’est plus aussi clairement défini et les règles qui
déterminent les usages légitimes du langage ne sont plus aussi strictes.
Aussi, bien que Wittgenstein fasse encore référence à la notion de limites du
langage, il n’insiste plus sur la distinction qu’il opérait dans le Tractatus entre le dicible
et l’indicible. Mais comment devons-nous comprendre ce que Wittgenstein entend par
limites du langage s’il n’y a plus lieu de faire référence à l’indicible? Il semble curieux de
parler de limites du langage sans comprendre cette expression comme limites du dicible,
et par voie de conséquence, à cette idée que l’indicible peut être toujours présent dans les
Recherches philosophiques. Est-il toujours approprié de soutenir que l’indicible a encore
sa place dans la seconde philosophie de Wittgenstein? Loin de dissoudre les problèmes
philosophiques, c’est exprimer sensiblement la même position que celle adoptée par
l’auteur du Tractatus, et plutôt que de dissoudre le malaise intellectuel propre à cet
indicible qui se montre, il semblerait être balayé sous le tapis. Il n’y aurait alors aucune
dissolution ou résolution du problème engendré par le silence métaphysique. Est-ce la
raison pour laquelle il affirme qu’il préférerait ne tracer aucune limite (§76)? Et s’il
devait en tracer une, alors quelle devrait être la nature de cette limite? Est-elle
phénoménologique, caractérisant toujours le rapport entre la sémantique de notre langage
et la réalité du monde? Pourtant, il semble que la position phénoménologique n’est pas
plus en mesure de régler le problème et de calmer notre malaise intellectuel.