Des fourches patibulaires
dans le ciel Pleybennois
Les fourches patibulaires ont été initiées au début du 12
e
siècle.
Le nombre de piliers des fourches variaient suivant la qualité des
seigneurs qui exerçaient l’autorité de justice et d’application de la
sentence. Les ducs pouvaient en avoir huit, les comtes six, les
barons quatre, les châtelains trois, et les simples gentilshommes
hauts justiciers deux.
Les Templiers ayant droit de basse, moyenne, et haute justice en
leurs domaines, avaient droit aux fourches patibulaires et
devaient, selon toute vraisemblance, les utiliser au même titre et
de la même façon que les autres ayants droits de justice. Sans
nul doute, d’une manière aussi expéditive.
Les fourches patibulaires étaient placées au milieu des champs,
près de routes, et au sommet d’une éminence, souvent sur le
territoire d’une seigneurie dont le maître des lieux était, aussi,
l’exécuteur des sentences. D’ailleurs, plusieurs siècles après les
faits, on retrouve de nos jours, certains noms, en Breton, de ces
sites comme « Lein » qui veut dire hauteur, sommet. On
retrouvera ces dénominations, un peu plus loin dans ce texte.
Certains gibets étaient construits en bois. C’était le cas dans nos
campagnes. Ils comportaient une traverse supérieure soutenue
par des poteaux plantés en terre. Les criminels y étaient attachés
lors des exécutions par pendaison, l’une des méthodes exécutoire
de l’époque qui comportait dans l’abondante panoplie
exterminatoire, l’écartèlement, le pal, la fusillade, la flagellation,
tous aussi barbares les uns que les autres. Les corps étaient
ensuite exposés à la vue et à la vindicte des passants, qui ne se
privaient pas pour gratifier les criminels, passés dans l’autre
monde, de tous les reproches et insultes puisés dans leur riche
vocabulaire, comme si on infligeait au défunt, une double peine
post mortem. Sans oublier l’assaut des oiseaux de proies toujours
nombreux autour du site. On pouvait, également exposer des
criminels exécutés sur d’autres sites afin d’impressionner le
public, à titre de prévention. Et malgré l’aspect hideux du site et
l’odeur pestilentielle que dégageaient les cadavres en bout de
corde, leur voisinage abritait cabarets et estaminets où on levait
le coude pour arroser les exécutions. Lamentablement. Le public
venait, parfois, de fort loin y assister et vilipender les criminels.
Les clameurs du public couvraient les sanglots de femmes, les
pleurs et cris d’enfants auxquels on allait enlever un mari, un
père, et les priver de gagne pain. Et puis l’une des curiosités
judiciaire du moyen âge était les procès en justice d’animaux
comme les porcs vivants en liberté. Souvent, il arrivait qu’une
truie dévore un enfant, se rendant ainsi coupable d’homicide. Elle
était jugée et condamnée aux fourches patibulaires auxquelles
elle était pendue après avoir été vêtue d’un costume d’homme. Il y
avait également des procès contre les bœufs, les poules, et plus
étrange, contre les vers et les chenilles.
Sur une hauteur
Pleyben étant situé sur une hauteur et au carrefour d’axes de
circulation faits de chemins creux et de voies charretières, à
l’époque, le secteur fût jugé convenable par le seigneur du lieu
pour implanter des fourches patibulaires. Le terrain retenu
dominait un espace appelé à devenir le bourg de Pleyben. C’est
ainsi que l’on retrouve une parcelle de terre appelée « Park a
justissou » (le champ de la justice) à Leinneus. Un nom que l’on
peut interpréter comme étant le champ d’application du verdict
de la justice des hommes. Le nom de ce village a une explication
significative : Lein, veut dire haut, sommet, et Euzh indique
l’horreur, soit le sommet de l’horreur, sachant que les fourches
étaient toujours installées sur une hauteur, une éminence. Dans
son proche environnement on trouve, également un champ appelé
Stang an euzh (la vallée de la terreur) Kroas an Euzh, le
carrefour, le croisement de l’horreur, devenu Kroas Nu, par
déformation. Il y aurait, aussi, un champ appelé « maner an
éternité » qui aurait pu servir de cimetière pour inhumer les corps
des pendus. On remarque que la zone en
Des fourches installées sur une hauteur
question se situerait dans un triangle formé par la jonction de
trois points : Kroas Nu, le magasin Unicopa, Leinneuz Vras et
Leinneuz Vian.
L’histoire nous dit que seuls les criminels étaient exécutés là. Ils
étaient pendus haut et court. C’était selon la volonté du seigneur
du lieu, peu enclin à pardonner et qui, très probablement, se
serait laissé aller à des abus de pouvoir, de zèle aussi, sans
doute, comme il est permis d’imaginer. La justice était expéditive,
en l’absence de défense, et il n’y avait point de place à la
présomption d’innocence. L’accusé payait toujours le prix fort : la
corde pour tous, parfois pour des hommes qui ne s’étaient rendus
coupables de rien. Le seigneur ne s’embarrassait pas de
fioritures, tous condamnés à prendre le chemin de Park a
Justissou, sans aucun espoir de retour. Condamné à être dévoré
par les rapaces et autres oiseaux de mauvaise augure, à peine
rendu le dernier souffle. L’horreur : neuzh, la honte : ar veiz,
effrayant: euzheus. On ne peut que frémir à l’idée de voir des
hommes de tous âges, sacrifiés dans des conditions indignes et
barbares et livrés à la vindicte populaire, une humiliation morale
inutile, sans doute aussi difficile à soutenir que la souffrance
physique. Au fait le condamné bénéfiçiait-il d’un
accompagnement décent au moment d’escalader l’échelle du
sacrifice? Sur certaines gravures illustrant un site, on remarque
la présence d’un prêtre muni d’un crucifix. On y voit également
des prisonniers aux pieds entravés dans des planches, attendant
leur tour, l’arrivée sous escorte de condamnés, les oiseaux de
proie survolant les gibets, un homme enterrant des cadavres ou
ce qu’il en reste, alors qu’un paysan cultive sa parcelle comme si
de rien n’était.
Le roi était seul habilité à faire supprimer les gibets dont il avait
permis l’établissement. C’est ainsi qu’en 1487, le procureur du roi
au Chastelet s’en alla en différents lieu des prévôté et vicomté de
Paris ordonner la démolition des fourches patibulaires, carcans,
échelles et autres marques de haute justice. Il y eut, ensuite,
révocation générale de tous dons de portion du domaine aliéné
depuis le décès de Charles VII que fit publier Charles VIII à son
avènement à la couronne. A noter qu’après le rattachement de la
Bretagne au royaume de France, la juridiction seigneurale n’avait
plus à traiter les affaires criminelles qui étaient de la compétence
des cours royales. Celle de Pleyben n’échappa pas à cette
restructuration et plus tard, le 4 août 1789 intervint l’abolition de
toutes les juridictions mais aussi l’apparition, dans la foulée, de
la guillotine, un instrument aussi sinistre et sanguinaire que les
fourches patibulaires. Il aura fallu plusieurs autres siècles avant
que la justice des hommes se découvre un visage plus humain et
que la peine de mort soit enfin abolie.
Déjà, la double peine
Entre le 5
e
et 13
e
siècle une forme de petite délinquance sévissait
dans les campagnes. Elle trouvait, la plupart du temps, son
explication dans la pauvreté frappant les populations avec son lot
de famine, de frustration. Pour survivre et nourrir les enfants il
n’y avait d’autre solution que de voler des produits de basse cour,
de braconner sur le territoire de chasse du seigneur, qui lui,
mangeait à sa faim. De tels comportements étaient lourdement
réprimés et les coupables jugés par l’autorité de basse justice,
dont la compétence se limitait à ce genre de larcins et de rapines.
La loi, en la matière, était-elle respectée ? Nul ne le sait. Et rien
n’indique l’absence de débordements, d’excès dans le prononcé de
la sentence. Un voleur de poule pouvait être amputé d’une main.
Ce qui le culpabilisait pour le restant de sa vie. Une sanction à
perpétuité, en quelque sorte, et une double peine pour le vol d’un
peu de nourriture, afin de survivre et d’apaiser la faim de ses
enfants. Mais, fort heureusement, aussi invalidante que fût la
peine, le coupable échappait aux fourches patibulaires. Dans ce
domaine il y eut, sans doute des abus avec les comportements de
certains seigneurs va-t-en guerre et sanguinaires, condamnant à
tour de bras, sans discernement, ni humanité. Ne furent-ils pas
tentés de régler leurs comptes avec certains de leurs sujets ? Car
dans l’intimité des campagnes il s’en passait des choses. Le
seigneur déléguait son autorité à un sénéchal, souvent moins
conciliant, dans le but de renforcer la considération de son
maître. Très certainement, il y eut des abus dans l’interprétation
des textes et leur application, car en basse et moyenne justice, ils
ne définissaient pas les frontières de façon précise le classement
des délits. Cela entraina, inévitablement des injustices ou des
fautes impardonnables de discernement de la part de la justice
seigneurale tellement sollicitée par l’abondance des délits qu’elle
dût faire appel au clergé, dont le rôle et le comportement reste
indéfini.
Quelle juridiction ?
En l’absence de documents fiables, il est difficile d’indiquer à
quelle juridiction appartenait le site de Park a Justissou que les
anciens appelaient le terrain de l’horreur, comme semble
l’indiquer les noms de lieux, qui ont survécu aux siècles. On
remarque que la seigneurie de Trésiguidy était titulaire du droit
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !