FEMMES Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER 1 Exposition réalisée sur la base du mémoire de maîtrise « Les Bourbonnaises dans la Résistance » de Julie Chantelot, enseignante d’histoire-géographie, par l’Association des maires et des présidents de communautés, le Service départemental de l’Office national des anciens combattants et la Délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité, dans le but de faire connaître le rôle des femmes de l’Allier dans la guerre (1939-1945). Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Un enjeu pour la mémoire collective 2 SOMMAIRE Le contexte de l’engagement des femmes dans la Résistance 3 La condition de la femme sous le gouvernement du maréchal Pétain 4 Résistantes et résistances 5 La Résistance dans la sphère privée 6 Résistance politique et manifestations 7 Des activités typiquement féminines 8 Des figures d’exception : Simone Léveillé 9 Des figures d’exception : Alice Arteil 10 Des figures d’exception : Fernande Valignat 11 Des figures d’exception : Jacqueline Penot 12 Des figures d’exception : Marie-Jeanne Bouteille 13 Les Bourbonnaises à la Libération 14 Les résistantes dans la vie publique d’après-guerre 15 L a faible proportion de femmes dans la vie publique du département pourrait nous conduire à penser qu’il y a, dans cette répartition des rôles entre hommes et femmes, un penchant naturel ou une fatalité. L’étude du passé nous montre cependant qu’à certaines occasions, dans certains contextes, les femmes ont participé activement à la vie publique du département et ont même contribué à l’écriture des pages les plus nobles de son histoire. La période 1939-1945, pendant laquelle les femmes s’engagèrent dans des actions de résistance, est l’un des plus beaux exemples de ce phénomène. La plupart de ces actions, bien que stratégiques, furent discrètes et diffuses (panneaux 3 à 8), mais certaines Bourbonnaises apparaissent aujourd’hui comme des figures d’exception et c’est à ce titre qu’elles sont présentées dans l’exposition (panneaux 9 à 13). Méconnu ou passé sous silence, le rôle des femmes dans cette période de l’histoire devait être porté à la connaissance de tous, dans un souci de justesse historique, mais aussi dans un souci de justice à l’égard de celles qui (trop ?) modestement donnèrent leur tribut à la libération de la France. Que ces femmes puissent donc retrouver la place qui leur revient dans la mémoire collective et que leurs parcours inspirent à l’avenir les femmes de l’Allier et d’ailleurs ! LES SOURCES DE L’EXPOSITION SOURCES ÉCRITES : Chantelot Julie, 2004, Les Bourbonnaises dans la Résistance, mémoire de maîtrise, Université Blaise-Pascal de ClermontFerrand, 276 p. • Archives du service départemental de l’ONAC de l’Allier • Archives départementales de l’Allier et de la Lozère • Archives de la Direction interdépartementale chargée des Anciens Combattants • Recherches des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l’Allier. SOURCES ORALES : Témoignages de Mesdames Marguerite Livernais, Irène Cordat, Suzanne Cluzel, Emilienne Bidet, Jeanine Dufour, Huguette Favier, Augustine Chicois, Jacqueline Penot, Jeanine Depresles, Yvette Burlaud, Amélie Brancher, Simone Garnier, Geneviève Laurent, Suzanne Bidault, Angelita Bettini, Arlette Baena. FONDS ICONOGRAPHIQUES : Collection de la Société d’émulation du Bourbonnais • Fonds Jean-Gabriel Séruzier - collection musée Yves-Machelon, Gannat • Photographies de Marie-Élisabeth Rat/ONAC • Collections privées de Mme Lelong-Léger, de M. et Mme Bidault, de Mme Laurent, de Marc Saint-Denis et de Mme Bettini • Collection AGMG (Association des mutilés, réformés et anciens combattants réunis) • Archives départementales de l’Allier. SITES INTERNET : • Site du ministère de la Défense http://www.defense.gouv.fr et http://www.memoiredeshommes. sga.defense.gouv.fr/ • Sur les camps de Brens et Rieucros : http://membres.lycos.fr/apsicbr/divers.htm et http://www.rieucros.org/femmescamp /femmes_camp BIBLIOGRAPHIE : Georges Rougeron, Le Département de l’Allier sous l’État Français (1940-1944), Imprimerie Typocentre, Montluçon, 1969 • Sérézat André, Et les Bourbonnais se levèrent, Editions Créer, collection Forum – Massif Central, Nonette, 1985 • Fallut Robert, Faits divers 1939-1945 dans le canton de Bourbon l’Archambault, Imp. Guériaud, Lapalisse, 2003 • Moncorgé Raymond, Montagne Bourbonnaise 1939-1945, recueil et témoignages, Imp. Nouvelle, Saint Pourçain sur Sioule, 2004 • Touret André, Montluçon 1940-1944, la mémoire retrouvée, Editions Créer, Nonette, 2001 • ANACR, ARAC, FNDIRP – Loire, Puy de Dôme, Allier, Les années noires 1940-1942-1943 Les internés du château de Mons Arlanc. • Bourbonnais Hebdo, Supplément au n°786 Organe de la fédération de l’Allier du PCF,1994 • Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Editions Tirésias, 2004. • G.Chatard, Bulletin de la Société d’Emulation du Bourbonnais, « Un groupe franc dans la Résistance et la Libération du Bourbonnais », tome 68, p. 538 et suivantes, 1996. • Charles-Louis Foulon, article “Résistance” in Encyclopaedia Universalis. • Jean Carrier-Les Amis du groupe franc Alice, Le Groupe Franc Alice, dactylographié, 2003. • Marie-Madeleine Fourcade, L’Arche de Noé Réseau Alliance 1940-1945, Librairie Arthème Fayard, 1968, réédition Librairie Plon, 1982, 1998. • Mechtild Gilzmer, Camps de femmes Chronique d’internées Rieucros et Brens 1939–1944. • Georges Rougeron, Les administrations départementales de l’Allier (1940-1945), s.l., 1960 • Le 15.2 - 152e Régiment d’Infanterie Histoire des Diables Rouges, sous la direction du colonel Rosenblatt, 1994. Les partenaires tiennent à remercier chaleureusement toutes celles et tous ceux qui ont permis, par leurs témoignages, leurs documents, leur aide et leur soutien, de réaliser cette exposition. Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Le contexte de l’engagement des femmes dans la Résistance 3 LA CONQUÊTE DES DROITS DES FEMMES EN QUELQUES DATES 1792 Instauration du mariage civil et autorisation du divorce par consentement mutuel 1836 Organisation de l’enseignement primaire pour les filles 1861 Première femme autorisée à se présenter au baccalauréat, qu’elle obtient en l’ayant préparé seule 1876 Hubertine Auclert, journaliste et première suffragette, fonde l’association “Le droit des femmes” et se bat pour l’égalité politique 1900 Jeanne Chauvin devient la première avocate 1907 La loi du 13 juillet accorde aux femmes mariées la libre disposition de leur salaire 1909 La loi institue un congé de maternité de huit semaines, sans rupture de contrat de travail mais sans traitement 1924 Les programmes de l’enseignement secondaire ainsi que le baccalauréat deviennent identiques pour les filles et les garçons 1936 Cécile Brunschvicg, Suzanne Lacore et Irène Joliot-Curie sont nommées sous-secrétaires d’État (à l’Éducation nationale, la Protection de l’enfance et la Recherche scientifique) dans le gouvernement de Léon Blum 1938 Suppression de l’incapacité civile : les femmes peuvent s’inscrire à l’université sans l’autorisation de leur mari 1944 Par ordonnance du 21 avril, signée du général de Gaulle, « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes » L a société d’avant-guerre est loin d’être une société paritaire, voire égalitaire. Du point de vue de leur statut civil, les femmes sont encore soumises à l’autorité de leur père ou de leur mari : d’après le code napoléonien de 1804, « la femme doit obéissance à son mari ». Au plan de la vie publique, les femmes n’ont toujours pas le droit de vote, puisque le suffrage est encore exclusivement masculin. Paradoxalement, les femmes sont éligibles et peuvent même faire partie du gouvernement (voir ci-contre) mais elles ne peuvent pas voter. Le travail des femmes n’est pas généralisé, mais les femmes ont déjà montré leurs compétences professionnelles. À l’occasion de la Première Guerre mondiale, elles ont occupé la place laissée vacante par les hommes dans les usines (les « munitionnettes »), avant de regagner leurs foyers au retour des soldats. Rappelons également qu’à cette époque l’armée est exclusivement masculine. La loi du 11 juillet 1938, dite “Paul Boncour”, sur l’organisation de la nation en temps de guerre, instaure un engagement féminin, mais les premières femmes dans l’armée ont un statut civil et sont exclusivement chargées de tâches annexes (cantinières, infirmières, etc.). LA PRÉPARATION DES FEMMES DE L’ALLIER À L’ENGAGEMENT DANS LA RÉSISTANCE Malgré ce contexte peu favorable à l’émancipation des femmes et à leur engagement dans la vie publique, les femmes de l’Allier vont se mobiliser pendant la guerre et certaines vont s’engager dans la Résistance. Plusieurs événements internationaux ayant eu des retombées locales ont pu préparer leurs esprits. La Guerre d’Espagne amène, de 1936 à 1939, un afflux de réfugiés républicains, opposants au général Franco, en France et notamment dans l’Allier. Certaines communes sont sollicitées et réquisitionnent des bâtiments pour loger les exilés. C’est le cas de beaucoup de communes et même de petites communes comme Teillet-Argenty, près de Montluçon, qui héberge deux familles (femmes et enfants) d’Algésiras. Outre l’accueil des réfugiés, les communes de l’Allier soutiennent les Républicains espagnols en organisant des collectes et des ventes d’objets. Ces opérations sont souvent initiées et conduites par des femmes engagées dans des associations caritatives. Les accords de Munich, le 30 septembre 1938, permettent à Hitler d’annexer le territoire des Sudètes. Sous l’influence du parti communiste, à l’époque très établi dans le département, les Bourbonnais s’opposent plus nettement que la moyenne des Français à ces accords. La guerre est déclarée le 3 septembre 1939. Des Bourbonnais sont mobilisés et laissent derrière eux autant de sœurs, filles, amies, mères et épouses. Le 10 mai 1940, les Allemands attaquent et, en deux mois, l’armée française est vaincue. Des hommes sont faits prisonniers et les femmes doivent attendre leur retour. Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER La condition de la femme sous le gouvernement du maréchal Pétain 4 L e gouvernement du maréchal Pétain donne de véritables leçons de sexisme éducatif. Trop fragile, trop naïve, trop maternelle, la femme est trop féminine pour subir l’école. Trop arriviste, agressive ou calculatrice, elle ne l’est pas assez pour la mériter. Les stéréotypes sexistes sont développés et radicalisés avec l’aide d’idéologues virulents. Citons pour mémoire quelques extraits portant sur l’éducation des filles. René Benjamin, contradicteur de l’école républicaine, qui écrit en 1941 : « Il faut y regarder deux fois avant d’instruire les filles. Leur donner toutes les sciences sans la règle pour les contenir, c’est les charger d’explosifs. Je n’offenserai personne en disant que ce sont des créatures fragiles : on ferait mieux de préserver leurs nerfs. C’est grâce à leurs nerfs qu’elles comprennent si vite, qu’elles s’assimilent si bien, qu’elles devancent si merveilleusement les garçons. » Abel Bonnard, dans son Éloge de l’ignorance, écrit en 1926 : « La façon dont certaines sont attirées par le vocabulaire des sciences ne laisse pas de rappeler l’avidité avec laquelle les filles des tribus sauvages se jettent sur la pacotille qu’un marchand étranger déballe sous leurs yeux. » Propos d’importance, car Abel Bonnard sera ministre de l’Éducation nationale d’avril 1942 à 1944… Alexis Carrel, Prix Nobel de médecine de 1912, qui sera le “régent” de la Fondation française pour l’étude des problèmes humains créée par la loi du 17 novembre 1941, énonce dans L’homme cet inconnu la répartition des rôles entre hommes et femmes : « Les sexes doivent de nouveau être nettement définis. Il importe que chaque individu soit, sans équivoque, mâle ou femelle. Que son éducation lui interdise de manifester les tendances sexuelles, les caractères mentaux et les ambitions du sexe opposé.... N’est-il pas étrange qu’une grande partie du temps des jeunes filles ne soit pas consacrée à l’étude physiologique et mentale des enfants ? La femme doit être rétablie dans sa fonction naturelle, qui est non seulement de faire des enfants mais de les élever. » À lire également ces propos extraits du journal Le Temps : « Des journaux, ce matin, s’emplissent des bacheliers d’octobre. Au long de ces listes, beaucoup de noms de jeunes filles... Un jour se lèvera peut-être où le nom des femmes sera publié dans les journaux parce qu’elles auront donné un quatrième enfant à leur époux et à la Patrie, parce que, de l’aveu unanime, leurs enfants seront les mieux élevés ou parce que la maison sera la mieux tenue dans le village. » CE DISCOURS VA SE DONNER LES MOYENS DE DEVENIR UNE POLITIQUE Collection de la Société d’émulation du Bourbonnais • Le 11 octobre 1940, l’acte relatif au travail féminin interdit l’embauche des femmes dans la fonction publique, met en congé sans solde les mères de trois enfants dont le mari travaille et à la retraite les femmes de plus de 50 ans. • Le 2 avril 1941, une loi sur le divorce réaffirme la domination du mari sur la femme et une autre précise les droits et devoirs des conjoints en renforçant la puissance maritale et paternelle. • La loi du 18 mars 1942 rend l’enseignement ménager familial obligatoire pour les jeunes filles. • En 1942, l’avortement est considéré comme un crime d’État passible de la peine de mort. Une femme, reconnue comme avorteuse, est guillotinée en 1943. Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Résistantes et résistances 5 L Archives du Service départemental de l’ONAC a Résistance est un phénomène difficile à saisir. Il n’y a pas une mais des résistances. Pour la plupart d’entre nous, la résistance se définit par des actions armées. Mais cette définition exclut les femmes. Il faut en réalité distinguer deux sortes de résistance : • UNE RÉSISTANCE MILITAIRE ET ARMÉE (les maquisards, les combattants de la France libre, etc.) • UNE RÉSISTANCE CIVILE Elle rassemble tous ceux et celles qui ont mené des actions individuelles ou collectives et dont les actes de solidarité ont été essentiels à la Résistance organisée. LES ÉTAPES DE L’ENTRÉE DES FEMMES EN RÉSISTANCE Sur les 245 femmes titulaires de la carte de Combattant volontaire de la Résistance : 14 % sont entrées en résistance avant le 22 juin 1941 (invasion de l’URSS par l’Allemagne) Et, si cette résistance civile est difficile à saisir, elle est aussi difficile à comptabiliser : ainsi, dans l’Allier, les demandes de carte de Combattant volontaire de la Résistance (CVR) ont été principalement déposées par des hommes (245 femmes seulement sur 4.000 dossiers) ce qui ne reflète peut-être que partiellement le rôle des femmes à cette période. LA DATE D’ENTRÉE DES FEMMES EN RÉSISTANCE L’entrée des femmes dans la Résistance est très différente de l’entrée en résistance masculine qui se concentre à partir de 1943 et se prolonge après le débarquement. On peut penser que les femmes qui sont entrées dans la Résistance dès le début de la guerre étaient déjà des militantes. 24 % sont entrées en résistance entre le 23 juin 1941 et le 11 novembre 1942 (invasion de la zone libre par les Allemands : l’Allier est entièrement occupé) 17 % sont entrées en résistance entre le 12 novembre 1942 et février 1943 (création du STO) 44 % sont entrées entre mars 1943 et le 6 juin 1944 (débarquement allié en Normandie). LA PART DES FEMMES DANS LES MOUVEMENTS RÉSISTANTS La répartition des femmes dans les mouvements résistants est à peu près similaire à celle des hommes. Comme eux, elles rejoignent majoritairement le Front national de lutte pour l’indépendance de la France créé en mai 1941 par le Parti communiste clandestin dissous en septembre 1939 et les Francs-Tireurs Partisans français, créés en avril 1942 et qui sont la branche armée du Front national. C’est là une caractéristique départementale qui tient à la place importante du Parti communiste dans le département à cette époque. L’ÂGE DES RÉSISTANTES La Résistance a recruté des femmes de tous âges alors que les hommes étaient principalement des jeunes gens. Cela s’explique par le poids relatif de l’absence des hommes d’âge moyen (prisonniers de guerre en Allemagne) et le refus de ces jeunes hommes de partir travailler outre-Rhin pour le STO, ce qui les contraint à la clandestinité. LA PROFESSION DES RÉSISTANTES De même, alors que les résistants masculins sont surtout des travailleurs du monde agricole (l’Allier est alors un département essentiellement rural), des ouvriers et des étudiants (métiers et classes d’âge touchés par le STO et ayant une pratique de l’organisation), les femmes avaient des professions plus variées. Brassard de combattant FFI Archives du Service départemental de l’ONAC Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER La Résistance dans la sphère privée 6 L Collection de la Société d’émulation du Bourbonnais a résistance féminine commence dans la sphère privée, le domaine réservé des femmes. Ainsi, premières touchées par les restrictions alimentaires, les Bourbonnaises manifestent leur opposition et leur mécontentement face aux problèmes de nourriture. LE PROBLÈME DU RATIONNEMENT Dès le 1er août 1940, le pain est rationné. Il est suivi par le sucre, le café, l’huile, la viande, etc. Le rationnement est différencié selon l’âge et la fonction. Ainsi, six catégories sont établies : enfants de moins de 3 ans, jeunes, adultes (de 21 à 70 ans), vieillards, travailleurs de force, cultivateurs. À titre d’exemple, en juin 1941, un adulte a droit à : 275 g de pain par jour 70 g de fromage par semaine 100 g d’huile par mois 430 g de matières grasses par mois 500 g de sucre par mois 250 g de pâtes par mois. L’approvisionnement est plus aisé à la campagne, où les agriculteurs élèvent lapins, volailles et ont leur jardin. En ville, le marché noir se développe. Les femmes doivent faire la queue devant les magasins pour avoir de la nourriture. Mme B., de Vichy, témoigne : « À Vichy on avait plus facilement du poisson mais il fallait faire la queue. Le marché ouvrait à 6h et il fallait y être à l’ouverture. Comme je commençais à travailler à 8h, j’y allais à 6h et ma sœur me relayait à partir de 8h. Elle était servie vers 10h. Enfin, on avait du poisson ! » Tickets de rationnement. Collection de la Société d’émulation du Bourbonnais LE GÎTE ET LE COUVERT Les femmes aident directement la Résistance en nourrissant et en hébergeant les alliés parachutés, les résistants et les maquisards. Elles appartiennent de fait à la Résistance civile. Lorsqu’elles sont découvertes par la Gestapo, la sévère répression qui les frappe alors les conduit des prisons françaises jusqu’aux camps de concentration nazis. Les maisons sont des lieux de résistance : elles servent de lieu de réunion, d’écoute ou de transmission radio. Elles ont aussi pu servir à cacher des documents ou du matériel. Les femmes permettaient alors l’organisation de la base logistique de la Résistance. Photographies de Marie-Élisabeth Rat (ONAC) LIEUX DE MÉMOIRE Maison de Zélie Laurand, sur la commune de Châtel-Montagne. C’est dans cette maison que Mélanie Mandart accueillait les résistants rejoignant le maquis de l’Armée secrète formé dans les Bois Noirs. Arrêtée en juillet 1944 dans les bois du Mazotin, elle est emprisonnée dans les caves du Petit casino à Vichy et torturée par les miliciens. Transférée au château des Brosses, à Bellerive-sur-Allier, elle échappe à la déportation grâce à la Libération. À Bourbon-l’Archambault, emplacement de la maison des époux Quillier, qui appartenaient au réseau de résistance polonaise en France. Dès novembre 1943, Augustine Quillier (nom de code : Monica) était agent de liaison entre les dirigeants et différents secteurs du réseau sur le territoire national. Le 19 juin 1944, alors qu’elle héberge deux résistants polonais et anglais qui assurent les liaisons avec Londres par l’intermédiaire de postes émetteurs cachés dans son hôtel, la Milice effectue une descente et découvre le matériel. Les nazis sont appelés en renfort et la maison est pillée et détruite par des grenades incendiaires. Une plaque “Ici s’élevait la villa Marie-Joseph incendiée le 19 juin 1944 par les Hitlériens” en porte désormais le témoignage. Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Résistance politique et manifestations 7 E Collection de la Société d’émulation du Bourbonnais n mai 1942, l’Allemagne décide de réquisitionner la main d’œuvre civile dans les territoires occupés pour faire face à l’intensification de son effort de guerre. Pierre Laval propose alors la “Relève”. Faisant appel au volontariat des travailleurs des deux zones, le principe promettait le retour d’un prisonnier de guerre contre le départ pour les usines allemandes de trois ouvriers qualifiés. Devant son échec, la loi du 14 septembre 1942 institue « le recensement et l’affectation de la main d’œuvre à des travaux déterminés par le gouvernement » touchant les hommes de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans, plus particulièrement les ouvriers qualifiés et les manœuvres spécialisés ; puis, en février 1943, est imposé le Service du travail obligatoire (STO), permettant la réquisition de classes d’âge entières. Des femmes rédigent des tracts virulents : elles contestent le régime de l’État français et sa politique et le manifestent publiquement. Peu de traces ont été conservées de ces mouvements de femmes, mais deux manifestations importantes par le nombre de participants ou leur valeur symbolique méritent d’être signalées. Pho tog rap hie de Ma rieÉlis abe th R at ( ON AC ) Archives départementales de l’Allier. Cote 996W63.2 Monument dédié à la manifestation de 1943 : « Le 6 janvier 1943, à l’appel de la Résistance, les Montluçonnais s’opposèrent au départ d’un train de requis pour le travail obligatoire vers l’Allemagne nazie. » MANIFESTATIONS DE FEMMES À VICHY Dans de nombreuses villes de France ont lieu des manifestations de ménagères qui protestent contre les difficultés du ravitaillement. Ainsi, le 11 novembre 1942, les femmes de la zone sud sont appelées à manifester et seize d’entre elles, malgré l’invasion de la zone non occupée, marchent sur le siège du gouvernement pour lui présenter leurs revendications (exiger du ravitaillement). Elle portent lettres et pétitions au maréchal Pétain, qui ne les reçoit pas. En juin 1943, près de huit cents femmes expriment leur mécontentement durant la matinée avant d’aller se saisir de force des marchandises du marché couvert. MANIFESTATION DU 6 JANVIER 1943 À MONTLUÇON À Montluçon, un premier départ de travailleurs désignés avait eu lieu le 29 décembre 1942 sans réaction de la population. Mais, au début de 1943, la nouvelle selon laquelle des ordres de réquisitions avaient été envoyés pour le 6 janvier avait circulé, fortement relayée par la diffusion de nombreux tracts appelant à manifester et à empêcher ce nouveau départ de travailleurs forcés. Ainsi, Cécile et Léone Barbat témoignent : « On a commencé à faire des tracts : “Ne partez pas. Résistez. Restez chez vous. Partez au maquis…” On gravait à l’envers le texte des tracts sur du linoléum pour que ce soit à l’endroit. On attachait avec des punaises notre petit morceau de linoléum. On avait des tampons-buvards imprégnés d’encre qu’on achetait dans le commerce et on marchait ainsi en utilisant pour le tirage du papier d’emballage. » Le départ est fixé à 13h30. À partir de midi, 2.000 à 3.000 personnes se rassemblent devant la gare. À l’arrivée de la locomotive, la foule envahit les quais et les voies. Les groupements mobiles de réserve (GMR) appelés en renfort sont repoussés à coups de gravillons pris sur le ballast. Des femmes, des enfants, de jeunes gens se couchent alors devant le train pour empêcher tout départ. C’est l’intervention des soldats de la Wehrmacht, baïonnettes au canon et grenades à la main, qui disperse les manifestants et permet au train de partir, mais il ne contient que quelques dizaines d’hommes sur les 143 requis. Trois femmes sont arrêtées suite à la manifestation par la police française et emprisonnées au camp Bignet. Elles sont condamnées à des peines de prison mais font l’objet d’un arrêté d’internement administratif qui les envoie dans les camps de Rieucros (Lozère) et de Brens (Tarn), destinés exclusivement aux femmes. Libérées de ces camps, elles doivent, à leur retour, effectuer leurs peines à la prison du Vieux Château de Montluçon. Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Des activités typiquement féminines 8 L Photographie de Jean-Gabriel Seruzier a Résistance recrute en fonction de ses besoins et des personnes qui peuvent lui être utiles : dans les mairies pour des faux papiers et des tickets de ravitaillement, dans les bureaux pour des renseignements, dans les hôpitaux et les associations de secours pour pouvoir soigner ses blessés… De là découle une typologie d’activités plus spécifiquement exercées par les femmes. Accident du lieutenant Cornet dans la région de Dornes au cours des combats de la Libération. L’INFIRMIÈRE Prendre soin des blessés : un rôle souvent dévolu aux femmes et endossé, dans la Résistance, par de nombreuses infirmières diplômées mais aussi par celles qui ont appris sur le terrain. Mais ce travail ne s’arrête parfois pas aux soins : en 1940, Mlle G., infirmière à l’hôpital militaire temporaire d’Yzeure, permet l’évasion de soldats et d’officiers blessés et leur fait passer la ligne de démarcation. Collection de Madame Lelong-Léger L’AGENT DE RENSEIGNEMENT Cette activité de recherche et de transmission d’informations est liée au contexte socio-professionnel de l’agent. Cette fonction est ainsi très présente à tous les niveaux de l’administration. Les agents copient tous types de documents qui circulent entre leurs mains : cartes, ordres de mission, informations économiques, militaires, industrielles et politiques, état de l’opinion… Mme Favier, une Alsacienne repliée dans l’Allier et réquisitionnée d’office à la Kommandantur de Dompierre-sur-Besbre comme interprète, raconte : « Il arrivait à la Kommandantur des lettres anonymes de dénonciation, j’ai pu en supprimer, parfois. J’ai même fabriqué des faux papiers : les imprimés avaient le tampon de la Kommandantur, je n’avais plus qu’à les compléter à ma manière et à les faire signer par le chef. Je prévenais aussi les passeurs que je connaissais. Ceux-ci, des braconniers, connaissaient parfaitement le secteur et les horaires des douaniers pour passer prisonniers de guerre, juifs et résistants. » Sur un plan militaire sont notés mouvements de troupe (trains, routes, etc.), matériels (véhicules, armements, etc.), exercices effectués, unités stationnées ou de passage… Mlle L., employée à la Préfecture et membre du réseau JadeAmicol, lié à l’Intelligence Service, relève ainsi « les marques distinctives des unités allemandes ». Le Domaine Neuf, à Cressanges : la ferme de la famille Tantot, dont tous les membres sont engagés dans la Résistance, sert de lieu de réunion, d’accueil et d’hébergement pour les résistants recherchés. La fille de la maison, Marguerite, est, dès novembre 1942, agent de liaison pour les responsables des groupes locaux puis départementaux. Son activité s’intensifie avec l’installation, dans le secteur, du maquis Danielle-Casanova. Après l’attaque du 18 juillet 1944 menée par la Milice et les GMR, elle contribue à rassembler les maquisards dispersés et à reconstituer la compagnie. L’AGENT DE LIAISON L’agent de liaison sert de relais entre les divers groupements résistants locaux, départementaux, etc. C’est un maillon indispensable à toute organisation. Des femmes, généralement jeunes, transportent à pied, à vélo ou en train, tracts, journaux clandestins et documents divers. Elles portent également les ordres aux différents groupes, font passer les messages de Londres en cas de parachutage, mènent les résistants au maquis, collectent vivres, fonds, médicaments et matériel médical et n’hésitent pas à convoyer des armes.… Mlle D. Marcelle, ouvrière à Dunlop, arrêtée le 23 juillet 1941, témoigne du rôle d’agent de liaison : « Au début de décembre 1940, mon père m’a remis deux paquets assez volumineux que j’ai portés selon ses indications chez M B.[…] Je savais que mon père tenait ces paquets d’un homme dont je ne connaissais pas le nom. Par la suite, cet homme est venu me voir deux fois en décembre 1940 et une fois en janvier 1941. À chacune de ces visites, il me remettait deux paquets que je portais le lendemain à T. où je rencontrais derrière l’église, à l’heure qui m’était indiquée par cet homme, un jeune homme que je ne connaissais pas et auquel je remettais les paquets. » (extrait du procès verbal de Mlle D. Marcelle, Archives départementales de l’Allier, 788W10). Cette implication d’un membre de la famille explique l’engagement des femmes qui, généralement, suivent l’exemple d’un mari, d’un fils ou d’un père. Quant au cloisonnement, c’est un moyen de défense lors d’une éventuelle arrestation. Femmes DES FIGURES D’EXCEPTION DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Simone Léveillé 9 S imone Léveillé est née le 11 septembre 1919 dans une vieille famille de commerçants moulinois. Le 10 mai 1940, étant guide de France, elle apporte, nuit et jour, son aide aux réfugiés du nord de la France qui affluent en gare de Moulins. Possédant une propriété à Neuilly-le-Réal, elle obtient facilement un laissez-passer pour traverser la ligne de démarcation à Toulon-sur-Allier et commence à transporter des paquets de lettres. Elle fait ses débuts dans la lutte contre l’occupant en donnant des renseignements sur les troupes nazies stationnées à Moulins à l’aspirant Walter appartenant au 152e Régiment d’infanterie (RI) détaché au Poste des Gris à Toulon-sur-Allier puis à son remplaçant, l’adjudant Léonard du 92e RI. Ce dernier la présente à des officiers du Service de renseignements (SR). Elle est alors mise en liaison avec le lieutenant Henri Ximenes dont le bureau est à la Madeleine, au quartier Villars. Elle appartient officiellement au réseau « SR Kléber » des Forces françaises combattantes à partir du 1er mai 1941 (ce réseau est issu des services spéciaux de la Défense nationale). Son action consiste à signaler toutes les activités des troupes allemandes avec le plus de précisions possible (nombre, type d’armes et d’exercices pratiqués, etc.), à transporter d’une zone à l’autre des documents volés aux nazis et en particulier le TCO (document indiquant l’horaire, la provenance et la destination de tous les trains passant en gare) pris dans les bureaux de la gare. En 1942, le lieutenant Ximenes est remplacé par le lieutenant Schneider puis ce dernier par Monsieur Boss. Fin 1942, elle s’active plus particulièrement aux passages clandestins des agents du SR, de personnes traquées, à la diffusion de tracts divers et de la presse clandestine, en particulier des Cahiers du Témoignage Chrétien, émanant du mouvement de résistance du même nom qu’elle a rejoint depuis le 1er mars. Souhaitant participer plus activement à l’organisation de la résistance armée, elle devient, en 1943, sous le pseudonyme de “Claire”, agent de liaison de maître Maurice Tinland, responsable du mouvement Combat sur Moulins. À ses activités précédentes s’ajoutent alors le transport d’armes et d’explosifs ainsi que l’organisation du service social du mouvement. En janvier 1944, son chef, M. Tinland est arrêté. Elle reprend alors ses liaisons et ses activités de renseignements avec le lieutenant Schneider, qu’elle a retrouvé à Montluçon, où il est interprète à la gare, créant un réseau couvrant Moulins, Montluçon, Bourges, Châteauroux, Limoges, Ussel et Brive. En juin 1944, recherchée par la Gestapo, elle se consacre plus particulièrement à la Corrèze et à la Haute-Vienne laissant le secteur de Moulins entre les mains d’“Alain” et “Aline”. Collection de Madame Laurent Pour son action dans la résistance, la croix de guerre avec étoile d’argent et la médaille de la Résistance lui furent décernées. En mars 1947, elle se présente aux élections municipales de Moulins mais elle n’est pas élue. En mars 1953, elle rejoint la liste du maire sortant maître Maurice Tinland, son ancien chef de mouvement, et devient conseillère municipale. Elle occupe plusieurs mandats successifs sur différentes listes jusqu’en 1971 où elle décide de ne plus se présenter. En haut : maître Maurice Tinland, son ancien chef dans la Résistance, lui remet ses décorations à Moulins. En bas : Simone Léveillé entourée de ses compagnons de résistance. De gauche à droite, Henri Charpin, Henri Ducros et Jean Mathonnière. Femmes DES FIGURES D’EXCEPTION DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Alice Arteil 10 Photographie de Jean-Gabriel Seruzier Photographie : Les Amis du groupe franc Alice Photographie de Jean-Gabriel Seruzier A lice Poyet est née le 16 juin 1912, à Saint-Romain-d’Urfé (Loire). En 1936, elle épouse Raymond Arteil, commerçant de tissus à Saint-Justen-Chevalet. Le couple a une petite fille en 1940, année où Raymond, mobilisé, participe à la campagne de France avec son régiment d’artillerie. D’abord sans nouvelles de son mari, porté disparu au cours des combats, elle apprend finalement en 1941 qu’il est prisonnier. Elle se lance alors dans la lutte contre les nazis en diffusant tracts et journaux clandestins. Personne ne la contactant, elle met sur pied seule de petits groupes de résistants. Résistante franc-tireur en 1942, elle entre dans la clandestinité et prend la tête du maquis de Lavoine, fort d’une cinquantaine d’hommes. Elle parcourt infatigablement la Loire et l’Allier durant tout l’hiver 1943, tant pour échapper à la Gestapo que pour nouer des contacts pour l’organisation du maquis. Fin novembre 1943, sa section fusionne avec les Francs-Tireurs Partisans français (FTPF). À la demande des Mouvements unis de résistance (MUR), elle organise le groupe franc Alice devant être mis à la disposition du groupement Roussel (ORA). En janvier 1944, elle dispose de sept volontaires : Jean Carrier, Louis Pers, Louis Groslier, Louis Brandon (qui deviendra colonel), Jean-Marie Carrier puis René Ehrard et Joannès Bardet. Joseph Ronckar et Joseph Besch les rejoignent plus tard. Lucien Rideau assure le ravitaillement et les liaisons entre les groupes disséminés dans la Montagne bourbonnaise. Le 17 mars 1944, JeanMarie Carrier et René Ehrard, hébergés à l’hôtel Monin des Biefs, sont capturés lors d’une descente de police allemande et déportés à Neuengamme. L’hôtel est détruit et Mme Monin déportée à Ravensbrück. Effectuant d’abord de nombreuses missions de liaison entre ClermontFerrand, Roanne et Moulins, le groupe est de toutes les actions du groupement Roussel à partir d’août 1944, sabotant lignes téléphoniques et voies de chemins de fer (déraillement du train Roanne-Lapalisse dans le tunnel du Crozet) et participant aux combats de la Libération. Le groupe se distingue en particulier lors de l’attaque du train blindé entre Moulins et Paray-le-Monial et aux combats de Digoin et de Decize aux côtés du second groupe franc mené par le sous-lieutenant Jean Dearbridge, qui sera par la suite élevé au rang de général de division. Promue au rang de lieutenant, Alice Arteil combat aux côtés de ses hommes jusqu’à ce qu’un ordre strict de l’état-major interdise aux femmes l’action armée. Versée alors à l’état-major du 15-2 (le 152e régiment d’infanterie), elle suit son groupe jusqu’à Singen, où elle est démobilisée. Son époux, libéré par les Russes, la retrouve avec leur fille à Saint-Just-en Chevalet, où elle s’éteint en octobre 1995. Alice Arteil est chevalier de la Légion d’honneur, titulaire de la croix du combattant volontaire de la Résistance, de la croix de guerre avec palme, de la croix du combattant volontaire 39-45, de la croix d’honneur franco-britannique avec rosette, de la médaille de la Résistance du Luxembourg et de la croix du commandeur de l’étoile de la résistance franco-belge. En haut : au PC de Montaiguët-en-Forez, les sous-lieutenants Jean Dearbrige et Alice Arteil, chefs des deux groupes francs rattachés au groupement Roussel, préparent une nouvelle mission contre l’occupant. À l’arrière-plan, Louis Groslier (“Pierrot”) de Luzillat (Puy-de-Dôme), membre de l’armée de l’air, appartenant au groupe franc Alice depuis sa création. En bas : février 1945, Alice Arteil et quatre hommes de son groupe dans les rues de Colmar libérée. L’un d’eux est devenu le colonel Brandon. Femmes DES FIGURES D’EXCEPTION DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Fernande Valignat Collection Madame et Monsieur Bidault Collection de Mesdames Bettini et Capion-Branger Collection AGMG (Association des mutilés, réformés et anciens combattants réunis) 11 En haut : Fernande Valignat prononce un discours au nom de l’Union des femmes de France lors de la fête de la Liberté, le 2 octobre 1944 à Moulins. Au milieu : à Rieucros, en 1941, de gauche à droite, Mmes Freydeire, Andréa, Fernande Valignat, une internée (non identifiée) et Odette Capion. En bas : départ d’un camion de Montluçon convoyant du ravitaillement et des vêtements pour les soldats démunis. De gauche à droite, Fernande Valignat, Héloïse Daumin, Malou Michard, France Veau, Lucienne Laprairie et, sur le marchepied du camion, Suzanne Bidault. F ernande Germaine Gilberte Justine Cognet, née le 23 janvier 1906 à Montluçon, est institutrice. Mariée à Pierre Valignat, instituteur et militant communiste, candidat aux élections cantonales de Montluçon-est en 1936, elle parle, pour la première fois au nom du Parti communiste, à Montmarault, le 26 février 1938. Secrétaire du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme, elle travaille à la réalisation et au développement d’œuvres, fêtes, affiches et brochures. Suite à la dissolution du Parti communiste en septembre 1939, nombre de militants, surveillés et exclus de la vie publique, entrent dans la clandestinité. Le 1er septembre 1940, Fernande Valignat, enseignante à Montluçon, est révoquée puis, le 8 octobre 1940, en vertu de la loi du 3 septembre 1940 « relative aux mesures à prendre sur instruction du Gouvernement à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique », elle est internée administrativement. Avec son époux et d’autres membres du parti, elle est détenue au Centre de séjour surveillé (CSS) au château de Mons, à Arlanc (Puy-de-Dôme). Jacques Guillaumin indique dans une lettre à sa famille : « Mons, mercredi 16 octobre 40, 9e jour de captivité.[…] Le courage des femmes de nos amis donne à tous un cran nouveau… » En 1941, Mme Valignat est envoyée au camp de Rieucros, près de Mende. Les réfugiées étrangères fuyant le totalitarisme et les prisonnières politiques y sont internées. Les Françaises recréent une organisation clandestine et gèrent la vie quotidienne. Elles connaissent la faim et le froid. Nourries de châtaignes, elles ramassent du bois pour se chauffer. Fernande s’occupe du cours d’histoire, sans renoncer à ses opinions : « Quelques internées françaises donnent actuellement, dans leur correspondance, libre cours à l’expression de leurs idées politiques. Mmes Valignat Germaine ; Capion Odette ; Destruhaut Charlotte ; Deschambre Yvonne et Taurinya Pauline, plus particulièrement retiennent l’attention du service de censure, surtout depuis les événements qui se déroulent en Russie. La surveillance spéciale dont elles sont l’objet n’a pu relever au cours de leurs entretiens, soit entre elles, soit avec d’autres internées, des propos pouvant tomber sous le coup de la loi. J’estime que ces Françaises devraient être isolées des autres qui dans l’ensemble ont une attitude plus réservée. » (rapport du Commissariat spécial du camp de mai 1941) Rieucros, insalubre, est fermé en février 1942 et les internées transférées au CSS de Brens (Tarn). Fernande Valignat enseigne le français aux étrangères et la littérature et la poésie aux Françaises, une façon détournée de parler de politique. Militante convaincue, elle est ouvertement hostile au régime de Pétain : « Nous étions entrées dans la Résistance pour lutter ; le fait d’être au camp, ce n’était pas pour s’installer. » Selon les rapports du commandant, elle est à l’origine d’actions contre les conditions d’internement. Après un mouvement de protestation lors de la première déportation massive de femmes juives, le 26 août 1942, le tribunal militaire de Toulouse la juge, avec d’autres, pour rébellion. Acquittées, elles réintègrent le camp. Un rapport du 17 décembre 1943 cerne son état d’esprit : « Si 34 mois n’ont pas fléchi ses opinions déterminées, ils ont du moins marqué profondément un tempérament fortement trempé et diminué sensiblement cette personne […]. Son attitude au camp de Brens où elle s’occupe de l’instruction des enfants n’est pas faite de révolte mais d’une fierté marquée d’une empreinte portée au plus haut degré. En résumé, Mme Valignat n’extériorise pas ses sentiments mais il semblerait qu’elle n’aurait pas abandonné ses idées. » Le 14 mai 1944, Fernande Valignat et deux autres internées s’évadent et trouvent refuge à Gaillac. Après s’être rétablie, elle revient dans l’Allier, où elle est cachée par la famille Poncet de Créchy, puis reprend contact avec les communistes locaux. À la Libération, elle travaille à l’organisation de l’Union des femmes françaises (UFF) qui publie le périodique Espérance. En novembre et décembre 1944, elle représente cette organisation au sein du Comité départemental de libération. Par la suite, elle continue son action à Paris au comité central du Parti communiste français. Femmes DES FIGURES D’EXCEPTION DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Jacqueline Penot 12 J acqueline, Marie, Louise Hugotte est née le 13 février 1928 à LimeilBévrannes, en Seine-et-Oise. Dès 1942, la maison familiale , à Ygrande, est un centre actif de la Résistance. « Comme papa était maçon, le mot de passe était “Est-ce que le ciment est arrivé ?” Au début, je trouvais ça drôle. Et puis, alors, j’ai compris. » Sa mère accueille ces “visiteurs” pendant toute la guerre : « Elle a reçu beaucoup de monde. Il y avait des armes et des papiers partout, elle en cachait autour de la maison… Des Anglais, des Espagnols, des Allemands sont passés. » De nouvelles missions sont confiées à Jacqueline Hugotte : « Mon père m’a dit : tu peux passer dans les pharmacies. Je suis allée jusqu’à Cérilly pour chercher du coton, de l’éther, de l’alcool, et puis après, ça a été des papiers, des plis… ». À partir d’avril 1943, sous le pseudonyme de Paulette, elle transporte et distribue tracts et journaux clandestins. Collection de Monsieur Fallut Collection de Monsieur Saint-Denis Ses qualités la font remarquer par Jean Dagouret, capitaine Gaby, commandant du 201e bataillon Francs-Tireurs et Partisans : « Il était à peu près tous les jours à la maison et m’a choisie pour être son agent de liaison. » À partir de janvier 1944, Jacqueline (âgée de 16 ans !) relie différents mouvements de Résistance et participe aux parachutages. « J’étais chargée d’écouter Radio Londres pour les parachutages. Il fallait faire attention car la radio était brouillée. Et il ne fallait pas se faire prendre. Le message devait passer trois fois, il fallait écouter tous les jours. Quand je n’étais pas là, c’était maman qui devait l’écouter. Il passait un message tous les jours, et deux le lendemain. S’il y en avait deux, c’était pour la nuit […] J’ai prévenu le camp de maquisards et on y est allé la nuit, à minuit ou une heure du matin […] Ils étaient bien faits, ces parachutages. On allumait trois feux en triangle et le parachute tombait juste au milieu. On avait d’abord une lettre en morse – je m’en souviens, c’était la lettre E – l’avion répondait, puis il lâchait la cargaison […] Lors de ce parachutage, en particulier, je gardais les armes pour que les hommes puissent ramasser les containers. J’en avais plein les bras et les épaules. J’avais des grenades dans les poches. Je m’en souviens, j’ai dit : “S’il arrive quelque chose, vous pouvez partir en courant, mais moi, je ne peux plus bouger”. Et un gars me dit : “Eh bien, tu dégoupilles une grenade !” ». Jacqueline Penot au milieu de résistants acteurs des combats de Bouillole (Ygrande) à l’occasion du 60e anniversaire, le 8 août 2004. En mai 1944, Jacqueline Penot devient l’agent de liaison personnel du capitaine Gaby : affectée aux camps “14 juillet” et “des Espagnols”, elle les relie à l’état-major régional et aux mouvements de résistance de Montluçon, Villefranche-d’Allier et Buxières-les-Mines. Elle dirige vers le camp “14 juillet” des résistants, filtrés par son père, mais aussi de hauts responsables militaires. Prenant l’initiative, elle conduit seule les maquisards des Quatre-As venus déposer des vêtements en échange d’armes : « J’ai même emmené des camions qui venaient de la Creuse, trois camions de résistants. Papa était parti, mon chef n’était pas là, donc j’ai pris sur moi de les emmener. » Le 16 juillet 1944, le camp Danielle-Casanova est attaqué par les Groupes mobiles de réserve (GMR) et les miliciens. « Les maquisards passaient presque tous chez mes parents pour qu’on les soigne. On n’avait presque plus rien à manger et plus de place pour les coucher. Je me souviens que j’ai couché dans les foins parce qu’ils arrivaient dans un tel état, épuisés, affamés. C’est pour ça que, dès qu’on pouvait, on les ramenait au camp 14 juillet et c’est moi qui les conduisais. » Le 8 août 1944, en mission dans ce camp, elle prend les armes lors de l’assaut des troupes allemandes à Bouillole, près d’Ygrande. Fin août, elle participe aux combats de la libération de Montluçon. Enfin, elle vient à Moulins, « à la Madeleine, c’était une des dernières liaisons. Je devais porter un pli. J’y suis allée en moto. Mon chef n’était pas là. Un gars m’a dit : “En moto, ça irait mieux qu’en vélo”. Et je suis partie en moto mais il y avait des arbres abattus sur cette route. Il fallait passer dans le fossé ou par-dessus les troncs. Quand je suis revenue, mon chef était là, mais pas les compliments ! C’est vrai que c’était imprudent. » Après guerre, la résistante retourne à la vie normale d’une adolescente, vie qu’elle n’a d’ailleurs pas délaissée pendant la guerre : « Pour mes copines de l’époque, j’ai vécu normalement. Quand je n’étais pas occupée, j’étais avec elles. Les dimanches, on sortait, on allait se promener, on se réunissait…» Femmes DES FIGURES D’EXCEPTION DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Marie-Jeanne Bouteille 13 N Photographie : Archives de la Direction interdépartementale chargée des anciens combatants / Dessin : collection privée ée le 17 octobre 1921 à Sancerre (Cher), elle sort de l’École normale de Moulins en 1938. À la déclaration de guerre, elle occupe un poste d’institutrice à Peyrolles, près de Gannat. Sous les pseudonymes de Mouflonne et de Marie, elle rentre dans la Résistance au sein du réseau de renseignements Alliance. Tout d’abord agent de liaison, elle héberge également de nombreux agents des forces françaises combattantes. Marie-Jeanne Bouteille en 1947 (et, en surimpression, dessinée par Janine Grell durant leur captivité au camp de Compiègne). Le 17 mars 1943, vers 23h30, Paul Guillebaud, alias Mouflon, de retour d’une mission à Vichy, est abattu par Gessler, le chef de la Gestapo de Vichy, dans la salle des pas perdus de la gare de Gannat. Son épouse, Rachel, est arrêtée et déportée. Une série d’arrestations menée par la Gestapo décime alors le réseau implanté sur le secteur de Vichy. Jean Ferlot, Claude et Armand Gobert, Abel Royal, Claude Randier, Gaston et Hélène Regnier, Pierre Boubet, Jean Ducos, Eugène Tachon et Andrée Pequet sont victimes de cette répression. Le 22 avril 1943, Marie-Jeanne Bouteille est arrêtée avec son père Jean (alias V. 410), à leur domicile 36, rue du Sénateur-Gacon à Vichy. Elle est incarcérée à la Mal-Coiffée à Moulins, à la prison de Fresnes puis au fort de Romainville. Quant à Jean Bouteille, il sera fusillé au Mont-Valérien le 4 octobre 1943. Transférée au camp d’internement de Compiègne, Marie-Jeanne Bouteille est déportée sous le nom de Marie Vanura, en compagnie d’Andrée Pequet, le 31 janvier 1944, dans le même convoi que Geneviève de Gaulle. Arrivée le 3 février au KL Ravensbrück (Konzentration Lager, camp de concentration), elle porte le matricule 27073. Les déportées sont tout d’abord placées en quarantaine avant d’être affectées à des travaux à l’intérieur ou à l’extérieur du camp. 134 femmes du convoi du 31 janvier, dont Marie-Jeanne Bouteille, sont envoyées le 13 avril 1944 au kommando d’Holleischen, dépendant du KL Flossenbürg, dans la forêt des Sudètes. Là elles doivent travailler à la fabrication de munitions anti-aériennes dans la poudrerie des usines Skoda. Elle est libérée le 5 mai 1945 et rapatriée le 24 mai en France. En 1946, elle relate les conditions de sa déportation dans le livre Infernal rébus (éditions Crépin-Leblond, Moulins). En 1948, elle achève son témoignage en exposant les circonstances de sa libération des camps de concentration dans Carrefour en Bohême (imprimerie Wallon, Vichy). LE RÉSEAU ALLIANCE e réseau de renseignements est créé à l’automne 1940 par le commandant Georges Loustaunau-Lacau et Marie-Madeleine Méric, née Bridou, à l’hôtel des Sports à Vichy. Grâce à ses deux animateurs qui recrutent sans relâche de nouveaux agents, Alliance est implanté sur tout le territoire dès le début de l’année 1941. Rattaché à l’Intelligence Service, il compte jusqu’à 3.000 agents. Marie-Madeleine Méric (alias Hérisson) devient son responsable pour la zone non occupée. Le réseau est baptisé Arche de Noé par les nazis car ses membres portent pour pseudonymes des noms d’animaux (telle Jeanne Berthommier, qui travaille au ministère des Travaux publics, surnommée Mouette). Mais, à partir de mars 1943, les membres d’Alliance sont l’objet d’actives C recherches par la Gestapo et quatre cent trente-huit agents sont alors victimes de la répression nazie, abattus au cours de leur arrestation, exécutés en France ou dans les prisons allemandes, déportés dans les camps de concentration. Après l’arrestation de Loustaunau-Lacau, MarieMadeleine Méric, parvenant à échapper aux nazis, assure la direction générale du réseau jusqu’à la fin de la guerre. Alliance a fourni aux Alliés des renseignements aussi précieux que l’existence d’armes secrètes et l’emplacement de leurs rampes de lancement, le mouvement des escadrilles fascistes et des ravitailleurs allemands pendant la bataille du désert, celui des UBoot dans l’Atlantique, ou encore la carte complète des installations allemandes sur les plages de Normandie. Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Les Bourbonnaises à la Libération Collection AGMG (Association des mutilés, réformés et anciens combattants réunis) 14 L Défilé de la fête de la liberté, Moulins, 2 octobre 1944. es femmes, et notamment les résistantes, s’engagent pour la libération de l’Allier, au travers des Milices patriotiques ou des associations telles que l’Union des femmes françaises. Les femmes engagées dans les mouvements de libération portent des revendications propres à la guerre : retour des déportés et prisonniers, ravitaillement, etc. Mais elles pensent aussi à revendiquer leur émancipation et certains droits, en premier lieu le droit de vote. Photographie : collection Madame et Monsieur Bidault DES RÉUNIONS DE FEMMES À la naissance, en 1944, de l’Union des femmes françaises, une section se crée à Moulins. Ainsi, le 19 novembre 1944, 200 femmes se réunissent salle Darmangeat à Moulins. On peut découvrir sur la photo le slogan de l’UFF : « Devenir amies du front, c’est aider à finir la guerre » ou cette autre affiche au fond de la salle : « Ménagères, paysannes, commerçantes, toutes réunies ». On peut également souligner que toutes leurs réunions étaient placées sous deux icônes : le drapeau français assorti du slogan : « Les femmes au service de la France » et le portrait de Danielle Casanova, résistante communiste fondatrice des premiers comités de femmes, arrêtée en février 1942 et déportée le 24 février 1943 à Auschwitz, où elle meurt en mai 1943. Parmi les résistantes membres de l’UFF, citons Mme Valignat ; Melle Depresle ; Melle Bidault ; Melle Martin, conseillère municipale et présidente de la section de l’UFF de Moulins ; Mme Freydère, ancienne internée et présidente du comité départemental ; Mme Bidault, présidente du comité de Montluçon. 19 novembre 1944 : 200 femmes se réunissent salle Darmangeat, à Moulins. UN JOURNAL POUR LES FEMMES Fin août 1944, les femmes de l’Allier publient leur journal, intitulé Espérance. On y retrouve quelques mots d’ordre et notamment : • l’appel à l’union de toutes les Bourbonnaises • le respect des consignes du Comité départemental de Libération Photographie : collection Madame Lelong-Léger • l’engagement dans les Milices patriotiques. Camion des “Amies du Front” convoyant du ravitaillement et des vêtements pour les soldats, devant le 10, cours Anatole-France à Moulins. UNE ACTION FÉMININE Le but premier de l’UFF est de reconstruire la France. À cette fin, diverses actions sont menées. Hiver 1944-1945 : alors que la guerre continue notamment sur la façade atlantique et sur le front de l’Est, les femmes organisent des convois pour approvisionner les combattants. L’UFF secourt aussi les victimes de guerre à travers l’Assistance Française, intégrée en février 1944 au Comité des œuvres sociales de la Résistance. À partir de 1946, les œuvres sociales de l’UFF semblent prendre le pas sur l’aide aux victimes de guerre. Ainsi, mercredi 26 juin 1946, l’UFF ouvre une colonie de vacances à Bellenaves. Collectio n Madam e et Mon sieur Bid ault • la confiance dans le Gouvernement provisoire de la République française dirigé par Charles de Gaulle Femmes DANS LA RÉSISTANCE EN ALLIER Les résistantes dans la vie politique d’après-guerre 15 A Archives départementales de l’Allier (cote : Jal102/2) près maintes discussions au sein de l’Assemblée consultative d’Alger, l’ordonnance du 21 avril 1944, par son article 17, accorde aux femmes le droit d’être électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. Journal Valmy n°186 du vendredi 20 avril 1945. Les élues par rapport aux candidates aux élections municipales d’avril-mai 1945 et d’octobre 1947 VICHY MOULINS MONTLUÇON 1945 37,5 % 30,77 % 28,57 % * 1947 6,67 % 20 % 18,75 % * Part des résistantes parmi les femmes élues VICHY MOULINS MONTLUÇON 1945 33,33 % 50 % 25 % 1947 0% 66,67 % 33,33 % Les femmes dans les conseils municipaux Municipalités provisoires 1 1945 1947 VICHY MOULINS 7,69 % 7,41 % (1 FEMME) (2 FEMMES) (4 FEMMES) 11,11 % 14,81 % 12,05 % (3 FEMMES) (4 FEMMES) (4 FEMMES) 3,70 % 11,11 % 9,09 % (1 FEMME) (3 FEMMES) (3 FEMMES) 2 1. Les municipalités provisoires sont installées de la Libération aux premières élections municipales d’avril 1945. 2. À partir de novembre 1944. 3. À partir de février 1945. MONTLUÇON 3,33 % 3 UN DROIT MAIS AUSSI UNE ÉPREUVE Comme le montre, ci-contre, l’article du journal Valmy écrit par une femme qui veut rassurer celles qui sont appelées aux urnes, certaines peuvent être effrayées par ce nouveau droit. Sa rédactrice insiste sur l’importance de l’électorat féminin (62% des électeurs). Un argument longtemps utilisé par les hommes, car accorder le vote aux femmes – qui représentaient une majorité électorale – pouvait remettre en cause la vie politique. Même si le choix peut s’avérer difficile, la femme doit voter. Sa voix représente aussi celle de tous les hommes disparus ou qui ne sont pas encore revenus de la déportation, des camps de prisonniers ou des fronts. En plus du droit de vote, les femmes ont celui de présenter leur candidature. Ainsi, des Bourbonnaises, résistantes parfois, s’engagent en politique, au sein des structures nées de la Libération. Certaines se présentent même dès les premières municipales (avril 1945). DES CANDIDATES SOUVENT RÉSISTANTES Lors des municipales d’avril 1945 et d’octobre 1947, les femmes représentent de 10 à 15 % de l’ensemble des candidats ; elles sont généralement plus représentées sur les listes de gauche (20% pour les listes PCF et SFIO contre 10 % pour celles du centre et de droite) ; les résistantes sont elles aussi plus présentes sur les listes électorales de gauche. Elles constituent la part la plus importante des candidates sur les listes communistes de Moulins en 1945 (deux femmes sur trois) et de Montluçon en 1945 et 1947 (respectivement 62 % et 57%). Cependant, au fil du temps, les femmes et les résistantes sont de moins en moins présentes. Les candidates, même si elles sont peu nombreuses, sont souvent élues, mais il y a de moins en moins d’élues : la vie politique se déféminise. L’EXEMPLE DE MONTLUÇON EST SIGNIFICATIF C’est dans cette ville que l’on trouve le plus de résistantes candidates aux municipales d’avril 1945. Les femmes sont toutes en début ou milieu de liste. Les résistantes sont mieux placées que les autres : sur la liste socialiste, Mme Charvéron est en 11e position, devançant les trois autres. Les partis insistent sur l’action résistante des femmes représentées. C’est particulièrement vrai pour la liste communiste, les huit femmes présentes ayant résisté ou ayant été internées ou déportées. Leur légitimité semble donc reposer davantage sur leur statut de femme victime du régime vichyste que sur leur statut personnel. Au premier tour, les femmes, même si elles se trouvent en début de liste, sont renvoyées en fin de liste et les résistantes n’échappent pas à cette règle : Mme Charvéron arrive en 31e position après le premier tour. Seule Mme Valignat reste en tête de la liste communiste, grâce sans doute à sa popularité, à son engagement et à celui de son époux. Au second tour, seules les listes communiste et socialiste se maintiennent. Celle du PCF n’obtient aucun élu et les quatre femmes socialistes, dont la résistante Mme Charvéron, siègent au conseil municipal de Montluçon. La part des femmes, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, n’augmente donc pas avec le temps, bien au contraire. Il faudra attendre l’entrée en vigueur de la loi sur la parité de 2001 pour voir la place des femmes et leur rôle évoluer significativement dans les assemblées municipales. À ce jour, cette disposition ne concerne que les communes de plus de 3.500 habitants mais, déjà, les mentalités semblent évoluer. Beaucoup de partenaires accompagnent cette évolution et parmi eux les initiateurs de cette exposition…