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En définitive, Hugo autorisa les représentations d’Ernani comme celles de Lucrezia Borgia, dès
lors que le Théâtre-Italien lui reconnut son droit d’auteur et il n’intenta procès à propos d’Ernani
qu’après la rupture de cet accord.
Mais si Hugo se montrait peu enthousiaste à l’égard de l’opéra italien, il affichait nettement un goût
pour d’autres répertoires : le poète était sensible à la musique des siècles précédents (Palestrina,
Monteverdi, Pergolèse…) qu’il avait pu découvrir au cours des concerts donnés à Paris par le
musicologue et compositeur belge François-Joseph Fétis (1784-1871), l’homme qui avait
redécouvert et fait jouer, après deux siècles d’oubli, l’Orfeo de Monteverdi. Dans la musique du 19
e
siècle, Hugo avait aussi une grande prédilection toute particulière pour la musique allemande :
comme beaucoup de ses contemporains, il admirait le Freischütz, le grand opéra romantique de
Weber représenté dès 1825 à Paris ; et dans son grand ouvrage critique de 1864, le livre intitulé
William Shakespeare, il écrit que « la musique est le verbe de l’Allemagne », « Le choral de Luther
est un peu une marseillaise. (…) La Liedermusik, dont le Roi des Aulnes de Schubert est le chef-
d’œuvre, fait partie de la vie allemande ». Et, un peu plus loin, au terme de sa vaste revue de tous
les génies de l’humanité depuis l’Antiquité, Hugo s’attache à trouver qui fut le plus grand homme
de l’Allemagne : « Aussi peut-on dire que les plus grand poètes de l’Allemagne sont ses musiciens,
merveilleuse famille dont Beethoven est le chef » (…).
Outre cette immense admiration pour Beethoven, Hugo comptait parmi les compositeurs de son
époque plusieurs amis dont il appréciait le talent, et qui appartenaient à cette première génération de
romantiques, si féconde en génies artistiques. Le poète a ainsi entretenu des relations amicales avec
Berlioz, lequel, comme Hugo, vouait une admiration sans bornes à Beethoven. L’histoire a
rapproché l’auteur d’Hernani et celui de la Symphonie fantastique, puisque les deux œuvres
emblématiques du romantisme français, qui auront chacune été à l’origine d’une révolution et qui
auront toutes les deux suscité les passions les plus extrêmes, ont été créées la même année, en 1830,
à quelques mois d’intervalle. Berlioz soutint d’ailleurs Hugo lors de la bataille d’Hernani. Hugo fut
également l’ami de Franz Liszt, qui s’inspira à plusieurs reprises des œuvres de l’auteur français,
tant pour ses compositions symphoniques que pour ses mélodies et ses pièces pour piano. Deux
poèmes symphoniques portent le titre de poèmes de Hugo : Ce qu’on entend sur la montagne, tiré
des Feuilles d’automne, et Mazeppa, tiré des Orientales, dans lequel il suit assez fidèlement la
trame du poème de Hugo (supplice de Mazeppa et transfiguration). Ce dernier poème avait d’abord
inspiré Liszt dans la quatrième des Douze Etudes d’exécution transcendantes. Enfin, le grand
compositeur hongrois se permit de « déposer de la musique aux pieds des vers » de Victor Hugo, ce
qui mit en musique les vers de Hugo dans de magnifiques mélodies (entre autres, Oh ! quand je
dors, Comment, disaient-ils…), ce qui nous amène à évoquer pour finir les rapports de la poésie de
Hugo et de la mélodie.
En effet, nombreux sont les compositeurs qui ont mis en musique des poèmes de Victor Hugo :
outre Liszt, Bizet, Saint-Saëns, Lalo, Massenet, Franck, Fauré, et même Wagner, ont composé des
mélodies sur des textes du poète français. Les poèmes utilisés sont le plus souvent issus des recueils
écrits avant l’exil de 1852 : Les Orientales, Les Chants du crépuscule, Les Rayons et les Ombres
(dont le poème « Autre Guitare » a connu un succès certain auprès des musiciens puisqu’il a été
repris par Bizet, Lalo, Massenet, et Saint-Saëns), … Ils figurent souvent parmi les plus courts, et
parfois les plus anecdotiques, de leur auteur, telle cette Eglogue tirée des Contemplations et mise en
musique par Léo Delibes. Les compositeurs se heurtaient en effet à un problème de taille, puisque,
comme le rappelle J. Gaudon, Hugo « est le poète des formes amples, des envolées lyriques, des
récits épiques, des larges coulées d’alexandrins dont la respiration poétique est inimitable et qui