Pourquoi la géophysique?

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Géophysique de Subsurface
Guy Marquis, IPG Strasbourg
Le 2 Octobre 2002
Chapitre 1
Pourquoi la géophysique?
Les différentes méthodes de prospection géophysique nous renseignent sur la distribution des
propriétés physiques du sous-sol. Leur avantage principal réside dans leurs caractères non
invasif et non destructif, i.e. le milieu n’est pas perturbé de faccon permanente après leur
passage.
Elles permettent également la couverture d’une grande surface ou d’un grand volume à
faible coût et peuvent être mises en oeuvre dans pratiquement tous les types d’environnements.
Autre avantaage: elles peuvent être utilsées en imagerie en surface et/ou en profondeur pour
obtenir une image à un temps t donné, mais on peut également les utiliser pour un suivi
temporel.
Avant de se lancer dans la présentation des méthodes de prospection géophysiques per
se, nous allons débuter par un survol des principales propriétés physiques des roches afin
d’avoir une idée de ce qu’on va tenter de caractériser avec la géophysique. On pourra ensuite
passer à la présentation des différentes méthodes.
1.1
Propriétés physiques des roches
Comme on l’a mentionné plus haut, ce sont les variations des propriétés physiques du sous-sol
qui sont mises en évidence par les différetes méthodes de prospection géophysique. Chacune
de ses propriétés a sa dynamique qui lui est propre. On les présente ici de façon simplifiée;
les plus motivé(e)s d’entre vous peuvent consulter Guéguen et Palciauskas (1992) ou Mavko
et al. (1998) pour en savoir plus.
1.1.1
Vitesse
Quand on applique une contrainte sur un objet élastique, par exemple en lui tapant dessus,
la déformation qui en résulte se propage en s’éloignant du point d’impact. On a alors deux
types d’ondes élastiques: les ondes de volume et les ondes de surface. On ne s’intéressera
ici qu’aux propriétés relatives aux ondes de volume (celles des ondes de surface n’étant pas
différentes). Nous aborderons la prospection par ondes de surface dans la section 2.3.
Ondes de volume
On peut déformer un milieu élastique de deux façons: par compression-dilatation ou par
cisaillement. On distingue alors deux types d’ondes de volume.
Pour les ondes de compression-dilatation, la déformation résulte en un changment de
volume sans rotation des particules constituant le milieu de propagation. Les particules du
milieu bougent dans la direction de propagation de l’onde, i.e. la polarisation est parallèle à
la direction de propagation. Ces ondes sont nommées ondes P.
Pour les ondes de cisaillement, les particules du milieu bougent perpendiculairement à
la direction de propagation de l’onde. Ces ondes sont nommées ondes S. Si la polarisation
est horizontale, on parle d’onde SH, si elle est verticale, on parle d’onde SV.
On peut assez simplement imaginer le mouvement des particules pour ces ondes:
- P: marchez vers l’avant et bougez votre bras comme si vous donniez un coup de poing
en face de vous
- S : marchez vers l’avant et balayez horizontalement (SH) ou verticalement (SV) devant
vous avec votre bras
On ne reprendra pas ici la démonstration complète menant à la formulation des vitesses
des ondes P et S. Vous pouvez la trouver dans plusieurs bons volumes. Les expressions de
ces vitesses, esprimées en termes de constantes élastiques sont données par
s
Vp =
K + 4µ/3
ρ
s
Vs =
µ
ρ
où K est le module de compressibilité, µ est le module de cisaillement et ρ est la masse
volumique du milieu. On voit tout de suite que Vp > Vs .
Attardons-nous un instant sur un cas particulier: chacun sait (ou devrait savoir) qu’on
ne peut pas cisailler un fluide (liquide ou gazeux). Il en résulte donc que pour les fluides
µ = 0, ce qui a pour effet de réduire Vp et d’annuler Vs . On en déduit que la présence de
fluide dans un milieu poreux réduira Vp et Vs .
Les relations porosité-vitesse dépendent de la nature du fluide, de la géométrie des
pores, de la saturation, etc. On utilise la plupart du temps la relation de Wyllie (1958) qui
divise le temps de parcours en deux parties: un parcours dans la matrice et un dans la phase
poreuse. On suppose un milieu saturé. Il en résulte
1−φ
φ
1
=
+
V
Vm
Vf
où Vm et Vf sont respectivement les vitesses de la matrice et du fluide. Cette relation
relativement simple est encore couramment utilisée de nos jours. Pour un milieu de saturation
S, on a
1−φ
φ
φ
1
=
+S∗
+ (1 − S) ∗
V
Vm
Vf
Va
où Va est la vitesse du son dans l’air.
Les deux premières colonnes de la Table 1.1 donnent quelques exemples de vitesses
(ondes P et S) pour divers matériaux géologiques. Les intervalles semblent parfois très
larges: ils reflètent le degré d’hétérogénéité de certains matériaux, par exemple pour les
roches ignées et métamorphiques, et le degré de compaction pour les roches sédimentaires.
Les méthodes sismiques sont sensibles à la vitesse de propagation des ondes élastiques
dans le sous-sol.
1.1.2
Conductivité électrique
La conductivité électrique, habituellement dénotée par σ, est (mise à part la viscosité) la
propriété physique des roches ayant la plus grande dynamique. On préfère souvent utiliser
son inverse, la résistivité électrique (ρ = 1/σ), qui a des valeurs entières pour la plupart des
matériaux géologiques. En effet, ceux-ci sont de mauvais conducteurs, sauf les oxydes et
sulfures métalliques et le graphite.
Il en résulte que la conduction dans les roches est la plupart du temps de nature
électrolytique, i.e. due à la présence de fluide dans les pores et/ou les fractures de la roche.
Evidemment, la nature du fluide joue un rôle essentiel: l’eau est plus conductrice que les
hydrocarbures et sera d’autant plus conductrice que sa concentration en sels sera élevée.
Il existe plusieurs modèles reliant la porosité et la conductivité électrique. Pour les
roches sédimentaires, c’est bien à celles-ci qu’on a affaire la plupart du temps lorsqu’on
étudie la subsurface, la loi dite d’Archie est couramment utilisée. Il s’agit d’une relation
empirique, donc n’étant pas à l’origine basée sur un modèle physique. Aujourd’hui, on peut
en partie expliquer la relation en puissance par la dimension fractale du réseau poreux, mais
M. Archie était bien loin de tout ça dans les années 1940...
ρ = ρf aφ−m
où ρ et ρf sont les résistivités de la roche et du fluide, a est le coefficient de saturation,
φ est la porosité et m est l’exposant, aussi connu sous le nom de facteur de cimentation.
Notez que cette relation n’est plus valable si la roche contient de l’argile. En effet, la présence
d’argile dans une roche poreuse contribue largement à augmenter sa conductivité électrique,
puisqu’il contribue à accroître la concentration des ions dans la phase aqueuse.
La figure suivante montre l’influence de la porosité sur la résistivité, pour une roche
saturée en eau douce (ρf = 100 Ω.m), et pour différentes valeurs de m.
La 3e colonne de la Table 1.1 donne la résistivité électrique de quelques matériaux terrestres. On remarque que l’altération des roches diminue de façon importante leur résistivité.
Ceci vient à la fois d’une augmentation de leur porosité et de la production d’argile durant
l’altération.
Les méthodes de prospection électrique et électromagnétique sont sensibles à la
conductivité électrique du sous-sol.
1.1.3
Permittivité diélectrique
La permittivité diélectrique (²), dite aussi constante diélectrique, caractérise la facilitié d’un
matériau à se charger. Pour la plupart des matériaux géologiques, ² est égal à la permittivité
du vide, i.e. ²0 = 8.8510−12 F/m. Il y a cependant une forte dṕendance de ² sur la teneur en
5
10
m = 1.5
m = 2.0
4
ρ (Ω.m)
10
3
10
2
10
0
10
20
30
Porosité (%)
40
50
Figure 1.1: Loi d’Archie pour des porosités de 0 à 50%. La résistivité de l’eau est de 100
Ω.m.
eau, puisque ²eau ≈ 81²0 . Plusieurs relations ont été proposées entre la permittivité effective
²e et la porosité et/ou le degré de saturation.
En milieu saturé de porosité φ, deux relations sont couramment utilisées. La première
est analogue à celle de Wyllie introduite précédemment. Soient ²m et ²f les permittivités de
la matrice et du fluide respectivement
√
√
√
²e = (1 − φ) ²m + φ ²f .
Topp (1980) propose une relation empirique basée sur des mesures en laboratoire
²e = 3.03 + 9.3φ + 146.0φ2 − 76.7φ3 .
Notons enfin que dans le cas d’un milieu non saturé, le degré de saturation (S) doit
être pris en compte. La relation de Wyllie devient alors
√
√
√
√
²e = (1 − φ) ²m + φS ²f + φ(1 − S) ²0 .
La prospection géoradar est sensible aux variations de permittivité diélectrique du
sous-sol.
1.1.4
Masse volumique
La masse volumique (on parle aussi de densité) dépend essentiellement de la composition du
matériau. On la détermine simplement en laboratoire, comme vous avez dû le faire au lycée.
Dans le cas d’une roche de porosité φ, on obtient
ρ = (1 − φ)ρm + φρf
où ρm et ρf sont les densités de la matrice et du fluide respectivement.
La prospection gravimétrique est sensible aux variations de densité du sous-sol.
Influence de la teneur en eau
22
théorique
Topp
20
18
16
ε
14
12
10
8
6
4
2
0
0.05
0.1
0.15
0.2
porosité
0.25
0.3
0.35
Figure 1.2: Relations théorique (plein) et empirique de Topp (pointillé) pour des porosités
de 0 à 35 %. Les valeurs en ordonnée sont relatives à ²0 .
1.1.5
Susceptibilité magnétique
Les propriétés magnétiques des roches sont dépendantes de la présence de certains minéraux.
Elles sont parfois difficiles à caractériser, compte tenu de l’hétérogénéité de la distribution
des minéraux. Pour les roches cristallines, les oxydes de fer (par exemple la magnétite
Fe3 O4 ) et de titane sont les principaux porteurs d’aimantation. Les roches sédimentaires
contiennent des particules magnétiques qui proviennent de l’altération de roches cristallines.
Comme il s’agit la plupart du temps d’un milieu oxydant, ces particules sont souvent des
grains d’hématite (Fe2 O3 ).
Quand un matériau est soumis à un champ magnétique (par exemple le champ magnétique
terrestre), il acquiert une aimantation induite. Le rapport entre le champ et l’aimantation
est la susceptibilité. Le champ magnétique causant l’induction est cependant le champ à
l’intérieur de la roche. Dans la plupart des cas, ce champ est le même que le champ terrestre
car les roches ne sont que faiblement magnétiques.
Par contre, certaines roches peuvent acquérir une aimantation permanente (on parle de
rémanence). C’est le cas des roches ignées - on utilise d’ailleurs cette rémanence pour étudier
les déplacements des continents: c’est le paléomagnetisme - qui acquièrent cette aimantation
lors de leur refroidissement; des roches sédimentaires, qui voient leurs particules minérales
alignées par le champ magnétique terrestre lors de leur déposition. Dans ce cas, l’aimantation
est constituée de deux éléments: une partie induite parallèle au champ magnétique terrestre
actuel et une partie rémanente parallèle au champ ancien.
La prospection magnétique est sensible aux variations de susceptibilité magnétique
du sous-sol.
1.2
Quelle(s) méthode(s) utiliser? Et quand?
Avant de déterminer la méthode de prospection géophysique la plus applicable à un problème
donné, examinons d’abord les propriétés physiques de différents matériaux géolgiques.
Matériau
(unité)
Air
Eau
Argile
Schistes
Grès
Tills
Sable
Calcaire
Sel
Roches altérées
Roches saines
Amas sulfurés
Graphite
Vp
(m/s)
330
1500
1100-2500
2400-5000
2000-4500
1500-2600
1200-1900
3500-5000
4000-5500
2500-3800
5500-6300
5000-6000
1400-1600
Vs
(m/s)
0
0
650-1500
1400-3000
1200-2700
900-1600
700-1100
2000-3000
2400-3200
1500-2300
3200-3700
3000-3500
800-900
Résistivité
(Ω.m)
∞
3-100
3-100
3-30
30-1000
30-1000
300-10000
300-10000
1000-10000
3-300
1000-100000
0.01-1
0.1-10
Densité
(kg/m3 )
1
1000
1500-1700
2100-2600
2150-2650
1500-2000
1600-2000
2500-2750
2100-2400
2600-2900
2700-2900
4900-5200
2000
Permittivité
(ײ0 )
1
81
8-12
4-5
4-5
5-10
4-30
6-8
1
8-12
4-5
4-5
4-5
Susceptibilité
(×10−6 SI)
0
0
0-1000
0-1200
35-1000
0-2000
0-2000
10-25000
-10
>40000
>40000
1000-5000
-200- -80
Table 1.1: Tableau synthétique des propriétés physiques ayant un intérêt pour la prospection
géophysique pour quelques matériaux géolgiques.
Comme chaque méthode donne accès à des paramtres physiques différents, toutes les
méthodes ne sont pas nécesairement pertinentes à tous les problèmes qu’on peut rencontrer
dans une pratique environnementale ou géotechnique. J’ai essayé ici de synthétiser ma vision
personnelle des choses. Ceci n’engage que l’auteur de ces lignes et certains practiciens ne
seront sans doute pas d’accord avec tout ce qu’il y a ici.
Problème
Structures Géologiques
Aquifères
Décharges
Contaminants
Glissement de terrain
Archéolgie
Socle
Compétence
Fuites
Cavités
Tuyaux-Métaux
Réfract Réflex
+
+
o
o
o
x
x
x
o
x
o
x
+
+
+
+
o
o
o
o
x
x
Résist ElMag
+
o
+
+
+
+
+
+
+
x
+
+
+
o
x
x
+
+
+
o
o
+
Radar
o
+
+
o
o
+
+
x
+
+
o
Gravi
+
x
o
x
o
o
+
x
x
+
x
Mag
+
x
+
x
x
+
+
x
x
+
+
Table 1.2: Utilité des différentes méthodes géophysiques discutées ici. Légende: +, bons
résultats; o, passable; x, inutile. Ceci n’engage que l’auteur...
Ceci mérite d’être commenté. Comment a-t-on rempli cette table? Prenons par exemple l’étude d’une nappe phréatique. On imagine aisément que seules les méthodes sensibles
à la présence d’eau seront performantes. Comme la porosité a des effets importants sur les
propriétés électriques du sous-sol, on privilégiera les méthodes électriques, EM ou le géoradar
s’il n’y a pas trop d’argile au-dessus de la nappe. Par contre, l’eau n’ayant aucun effet sur
les propriétés magnétiques, on n’utilisera pas la prospection magnétique.
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