Dix conférences sur La société française du Moyen

Dix conférences sur
La société française du Moyen-âge à nos jours.
Professeur Serge Sebban
e-mail:serge.sebb[email protected]
Présentation générale
Nous étudierons, au cours de ces dix conférences, l’évolution de la société française avec
ses composantes sociales, culturelles, politiques pour en dégager les traits les plus
caractéristiques.
La société française est d’abord la résultante d’un faisceau d’influences produites par
l’histoire au travers de vagues de migration, de crises religieuse et ruptures sociales.
Afin d’en saisir les principales, nous suivrons une progression exclusivement
chronologique :
-La première conférence étudiera la période préhistorique, puis les premières grandes
migrations (celtique) jusqu’ à la conquête romaine (52 av JC), la mise place d'une
véritable civilisation gallo-romaine qui s'effondre avec les invasions germaniques du V è
siècle et l’installation du royaume franc.
Dans un premier temps nous réfléchirons au peuplement originel (paléolithique et
néolithique) puis aux vagues de migrations celtiques bientôt soumises à l’influence
grecque et surtout à l’Empire romain qui favorise la fixation du christianisme dans la
société gallo-romaine.
L’équilibre retrouvé après l’invasion des Francs au Ve siècle donne naissance à une
société qui tente de se structurer. Les premiers rois francs (dynastie mérovingienne) ne
parviennent pas à imposer leur autorité.
La fragile monarchie mérovingienne confrontée à l’expansion arabo-musulmane qui
pénètre en France (732) cède la place à une nouvelle dynastie, celle des Carolingiens,
plus efficace.
-La seconde conférence s'attardera sur la tentative de Renaissance carolingienne, sur
l’affirmation des Capétiens et en dégagera l’organisation sociale du IXe au XIIe siècle
Charlemagne devenu Empereur (800) favorise une Renaissance. Mais à sa mort, les
barons reprennent le pouvoir et donnent une structure éclatée à la société, la féodalité.
Pour le paysan il n’y a aucun changement notable. La situation du serf de l’an mille
ressemble à bien des égards à celle de l’esclave de l’antiquité sauf pour une petite
minorité de paysans libres.
Les grands changements se mettent en place néanmoins au début du nouveau
millénaire.
-La troisième conférence évoquera la formation du territoire et la guerre de Cent Ans qui
met fin au Moyen-âge.
L’introduction de techniques agricoles améliorait sensiblement les rendements
provoquant augmentation de la population et l’essor relatif du commerce, et ce sans
discontinuer jusqu’au XIVe siècle.
Les calamités qui déferlent durant ce siècle (guerre, famine, maladie) mettaient fin
brutalement à cette période de relative croissance.
Le traumatisme touchait toutes les classes sociales et bouleversait toutes les certitudes.
C’était la fin du monde féodal. Les « Temps modernes » qui s’annonçaient.
-La quatrième conférence étudiera la société française des XVI et XVIIe siècles entre
Humanisme et Réformes à l'origine des Guerres de religions et l'avènement des
Bourbon.
Les élites intellectuelles (Erasme, Rabelais, Budé…) et artistiques apportaient leur
réponses « humanistes » aux XV-XVI é siècles .La langue française supplante le latin
dans les actes officiels et dans la littérature. L’imprimerie connaît un essor spectaculaire.
Le monde rural, peu concerné par cette révolution culturelle, profite néanmoins de
l’essor de l’économie. Le choc idéologique n’épargne pas l’Eglise qui doit faire face à la
Réforme qui entraîne les rois dans des guerres de religions européennes.
-La cinquième conférence décrira la société du XVIIIe siècle, une société d’ordres
soumise à l’absolutisme royal (de Louis XIV à Louis XVI) et aux critiques des
philosophes des "Lumières".
La période classique (XVIIe-XVIIIe) voit le renforcement du pouvoir monarchique,
absolutiste, au détriment du pouvoir seigneurial.
La société d’ordres est déstabilisée par les exigences du roi et de son train de vie. Les
philosophes des lumières (Voltaire, Rousseau, Diderot) alimentent la critique jusqu’à la
rupture, la Révolution française (1789).
-La sixième conférence ouvrira sur la grande Révolution française (1789-1799), une
marque indélébile sur la société moderne.
Nous y accorderons une place particulière car cet événement ouvre une phase nouvelle
de mutations sociales, culturelles et politiques au XVIII è siècle.
-La septième conférence présentera les révolutions industrielles et les mutations qu'elles
provoqueront dans la société française
La société du XIXe est marquée par l’industrialisation, l’essor du capitalisme mais aussi
par l’affirmation du mouvement ouvrier. C’est aussi un processus de déchristianisation
et de laïcisation de la société et de l’Etat. Les Etats se lancent dans la conquête coloniale
à la fin du XIX è au risque de provoquer des tentions, voire des conflits entre puissances.
-La huitième conférence s'intéressera à la première moitié du XXe siècle, une société
ballotée entre guerres et paix.
Enfin le XX é siècle, traversé par deux guerres mondiales façonne l’état d’esprit de la
société française entre espoir et désespoir. : « Belle époque » en 1900 qui s’achève avec la
1ère Guerre, puis se sont les « Années folles » dans l’Entre-deux-guerres, la débâcle de
1940 et la honte qu’inspire encore le régime de Vichy puis la liesse populaire de la
libération.
-La neuvième conférence clôturera notre XXe siècle entre une société qui au sortir de la
guerre doit se reconstruire. Confrontée à l'ébranlement de l'empire, la France met fin à
la colonisation (1954/1962). Passée cette crise, d’autres surgissent celle d'une jeunesse qui
se révolte (mai1968) et d'une économie qui subit les chocs pétroliers (1974/79).
-La dernière conférence effectuera, à titre de conclusion, une synthèse des traits
caractéristiques de la société française aujourd’hui et l’image qu’elle véhicule dans le
monde.
Première conférence:
Origines et Peuplement. Naissance de la France
Très tôt, les hommes ont trouvé, dans l’espace correspondant à l’actuelle France, de
bonnes raisons pour s’y installer durablement.
Au paléolithique, l’homo sapiens évitait d’Inlandsis, un glacier qui s’étendait du Pole
nord jusqu’à la Cornouaille britannique. Il se posait plus volontiers dans l’hexagone
français ou encore, plus au sud, dans la péninsule ibérique.
L’homme de Tautavel, trouvé au pied des Pyrénées, est l'homo erectus le plus ancien en
Europe de l’Ouest, il a vécu il y a 450 000 ans.
Il avait trouvé de quoi survivre dans le sud de la France grâce aux mammifères, au petit
gibier et à la végétation en abondance.
Au paléolithique moyen (vers 25 000), l’homme de Neandertal qui s'était abrité dans
grottes de Lascaux (Périgord) bénéficiait d'un véritable réchauffement climatique. Les
gros mammifères étaient plus rares mais le petit gibier y était devenu abondant et varié.
Le couvert végétal était constitué de forêts. L’homo sapiens chasseur et cueilleur pouvait
relativement prospérer.
Il enterrait ses morts et utilisait l’expression artistique, les peintures rupestres, pour
transcender ses peurs.
Au paléolithique supérieur (-10 000), on comptait 500 000 habitants dans l'espace qui
deviendra la France. Pour l'époque préhistorique, c'est déjà un foyer de peuplement.
Les bonnes terres de lœss laissées après la dernière glaciation assuraient, vers 8000 av
JC, les moyens nécessaires à leur sédentarisation, notamment la pratique de l'élevage.
Au mésolithique, de 8000 à 3000 av JC, les populations érigèrent des monuments
(mégalithes), témoins probables d’un culte des morts.
Vers 3000 av JC, ils pratiquaient de façon systématique l’agriculture et l’élevage, à l'aide
d’outils perfectionnés, c’était la révolution néolithique.
Au second millénaire avant notre ère, les peuples indo-européens submergeaient l’Ouest
européen.
L’Occident allait vivre sa première grande vague migratoire, la migration celtique.
Les Celtes ou Gaulois
Les tribus celtes s’établirent sur tout le territoire de la future France, important leurs
traditions, leur religion et leurs pratiques sociales, et politiques.
Les Celtes s'imposaient comme le premier groupe homogène de l'Europe de l'Ouest.
C’était aussi la première société structurée de l’histoire de l’occident. Chaque peuple, ou
tribu, était organisée en classes sociales.
Au sommet, une aristocratie héréditaire, sorte de chevaliers, dirigée par un chef
militaire et un druide (prêtre), commandait une classe de paysans et d’artisans.
Le Celtes ne constitueront jamais un état.
Les querelles entre tribus étaient permanentes et conduisaient à l'échec toutes les
tentatives de mise en place d'un royaume unifié.
Les Grecs et surtout les Romains avaient compris très tôt le profit qu'ils pouvaient en
tirer.
Vers 600 av JC les Grecs originaires de Fossée en Asie mineure s’installaient sur le littoral
méditerranéen des Celtes. Les cités fosséennes de Fréjus et de Marseille étaient fondées.
Leur influence se limitait à quelques autres cités du sud comme Nîmes ou Narbonne. Sur
le plan culturel les Celtes leur empruntèrent l’usage de la monnaie et la connaissance de
la comptabilité.
La pièce de monnaie, le sesterce, s'était diffusée très largement dans tout l’espace
celtique, témoignage de l'importance des échanges entre tribus et avec les civilisations
voisines.
Les Grecs les nommèrent ces peuples « Galates », que les Romains traduisaient en «Galli
»...L'histoire en retiendra le terme "Gaulois".
Que savons-nous d'eux? Quel fut leur héritage?
Les Gaulois ont diffusé largement leur organisation urbaine.
Ils ont conçu le système très efficace de l’oppidum, une ville construite sur un site
défensif, souvent sur une colline dominant la vallée et entourée de murs.
Leur religion dite druidique, car dirigée par un prêtre (le druide), s'appuyait sur la
croyance en une multitude de dieux, plus de 400, et en un culte des morts.
Les dieux incarnaient la nature, souvent hostile. Leur pire crainte était que la voute
céleste ne s’effondre sous leurs têtes.
Les Gaulois utilisaient des constructions mégalithiques (dolmens et menhirs)
antérieures à leur installation comme lieux de culte. Le site de Carnac en Bretagne est
significatif à cet égard.
La langue celte était exclusivement parlée. Les druides interdisaient toute transcription
probablement pour conserver leurs privilèges et leur monopole culturel. Seuls 50 mots
seront conservés car transcrits en latin, par les romains.
Les Gaulois maîtrisaient parfaitement les techniques métallurgiques. La qualité de l’acier
gaulois était réputée dans le monde romain. Les roues gauloises étaient aussi
recherchées. Ils produisaient les meilleurs chars.
On leur doit l’invention du tonneau, tel que nous le connaissons. Ils nous ont légué une
boisson à base d'orge, ancêtre de la bière, la cervoise.
Ils aimaient le vin et ont probablement amélioré les cépages romains. Grâce au tonneau,
ils ont certainement perfectionné les conditions de vieillissement du vin.
Leur grande maitrise des techniques de conservation de la viande par salage et fumage
est probablement à l'origine de cette invention gastronomique que les spécialistes leur
attribuent: la charcuterie.
La fin de la conquête romaine (52 av JC)
La conquête romaine commencée en 58 av JC fut difficile. César dans « La guerre des
Gaules »rendait hommage à la bravoure des Gaulois. La victoire d’Alésia, ultime bataille
des Gaulois, était assurée par une meilleure stratégie des légions romaines.
Vercingétorix, n'avait pas réussi à unifier la nation gauloise, les renforts lui avait
manqué. Les tribus du Sud avaient préféré négocier leur soumission à Rome. Néanmoins
la résistance fut acharnée et pour remercier ses légionnaires, César leur offrit, à chacun,
un gaulois.
Les peuples gaulois soumis s’intégraient à la Pax Romana et se fondaient culturellement
dans la civilisation du vainqueur. La langue celte était abandonnée au profit du latin sauf
dans les villages qui maintenaient la tradition druitique.
Ils développèrent, plus tard, le mythe de l’unité gauloise autour de leur chef glorieux
Vercingétorix et du souvenir de la bataille de Gergovie ils avaient infligé une défaite
aux Romains. Mais jamais ils ne cherchèrent pas à mettre fin à l’emprise de Rome.
Les villes s’agrandissaient et l’architecture se romanisait .Thermes, forum, odéon et
arènes se construisaient dans toutes les grandes villes. Notamment à Lyon qui devint la
capitale des Gaules devenue province de l’empire et à Lutèce (Paris).
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