Dix conférences sur La société française du Moyen-âge à nos jours. Professeur Serge Sebban e-mail:[email protected] Présentation générale Nous étudierons, au cours de ces dix conférences, l’évolution de la société française avec ses composantes sociales, culturelles, politiques pour en dégager les traits les plus caractéristiques. La société française est d’abord la résultante d’un faisceau d’influences produites par l’histoire au travers de vagues de migration, de crises religieuse et ruptures sociales. Afin d’en saisir les principales, nous suivrons une progression exclusivement chronologique : -La première conférence étudiera la période préhistorique, puis les premières grandes migrations (celtique) jusqu’ à la conquête romaine (52 av JC), la mise place d'une véritable civilisation gallo-romaine qui s'effondre avec les invasions germaniques du V è siècle et l’installation du royaume franc. Dans un premier temps nous réfléchirons au peuplement originel (paléolithique et néolithique) puis aux vagues de migrations celtiques bientôt soumises à l’influence grecque et surtout à l’Empire romain qui favorise la fixation du christianisme dans la société gallo-romaine. L’équilibre retrouvé après l’invasion des Francs au Ve siècle donne naissance à une société qui tente de se structurer. Les premiers rois francs (dynastie mérovingienne) ne parviennent pas à imposer leur autorité. La fragile monarchie mérovingienne confrontée à l’expansion arabo-musulmane qui pénètre en France (732) cède la place à une nouvelle dynastie, celle des Carolingiens, plus efficace. -La seconde conférence s'attardera sur la tentative de Renaissance carolingienne, sur l’affirmation des Capétiens et en dégagera l’organisation sociale du IXe au XIIe siècle Charlemagne devenu Empereur (800) favorise une Renaissance. Mais à sa mort, les barons reprennent le pouvoir et donnent une structure éclatée à la société, la féodalité. Pour le paysan il n’y a aucun changement notable. La situation du serf de l’an mille ressemble à bien des égards à celle de l’esclave de l’antiquité sauf pour une petite minorité de paysans libres. Les grands changements se mettent en place néanmoins au début du nouveau millénaire. -La troisième conférence évoquera la formation du territoire et la guerre de Cent Ans qui met fin au Moyen-âge. L’introduction de techniques agricoles améliorait sensiblement les rendements provoquant augmentation de la population et l’essor relatif du commerce, et ce sans discontinuer jusqu’au XIVe siècle. Les calamités qui déferlent durant ce siècle (guerre, famine, maladie) mettaient fin brutalement à cette période de relative croissance. Le traumatisme touchait toutes les classes sociales et bouleversait toutes les certitudes. C’était la fin du monde féodal. Les « Temps modernes » qui s’annonçaient. -La quatrième conférence étudiera la société française des XVI et XVIIe siècles entre Humanisme et Réformes à l'origine des Guerres de religions et l'avènement des Bourbon. Les élites intellectuelles (Erasme, Rabelais, Budé…) et artistiques apportaient leur réponses « humanistes » aux XV-XVI é siècles .La langue française supplante le latin dans les actes officiels et dans la littérature. L’imprimerie connaît un essor spectaculaire. Le monde rural, peu concerné par cette révolution culturelle, profite néanmoins de l’essor de l’économie. Le choc idéologique n’épargne pas l’Eglise qui doit faire face à la Réforme qui entraîne les rois dans des guerres de religions européennes. -La cinquième conférence décrira la société du XVIIIe siècle, une société d’ordres soumise à l’absolutisme royal (de Louis XIV à Louis XVI) et aux critiques des philosophes des "Lumières". La période classique (XVIIe-XVIIIe) voit le renforcement du pouvoir monarchique, absolutiste, au détriment du pouvoir seigneurial. La société d’ordres est déstabilisée par les exigences du roi et de son train de vie. Les philosophes des lumières (Voltaire, Rousseau, Diderot) alimentent la critique jusqu’à la rupture, la Révolution française (1789). -La sixième conférence ouvrira sur la grande Révolution française (1789-1799), une marque indélébile sur la société moderne. Nous y accorderons une place particulière car cet événement ouvre une phase nouvelle de mutations sociales, culturelles et politiques au XVIII è siècle. -La septième conférence présentera les révolutions industrielles et les mutations qu'elles provoqueront dans la société française La société du XIXe est marquée par l’industrialisation, l’essor du capitalisme mais aussi par l’affirmation du mouvement ouvrier. C’est aussi un processus de déchristianisation et de laïcisation de la société et de l’Etat. Les Etats se lancent dans la conquête coloniale à la fin du XIX è au risque de provoquer des tentions, voire des conflits entre puissances. -La huitième conférence s'intéressera à la première moitié du XXe siècle, une société ballotée entre guerres et paix. Enfin le XX é siècle, traversé par deux guerres mondiales façonne l’état d’esprit de la société française entre espoir et désespoir. : « Belle époque » en 1900 qui s’achève avec la 1ère Guerre, puis se sont les « Années folles » dans l’Entre-deux-guerres, la débâcle de 1940 et la honte qu’inspire encore le régime de Vichy puis la liesse populaire de la libération. -La neuvième conférence clôturera notre XXe siècle entre une société qui au sortir de la guerre doit se reconstruire. Confrontée à l'ébranlement de l'empire, la France met fin à la colonisation (1954/1962). Passée cette crise, d’autres surgissent celle d'une jeunesse qui se révolte (mai1968) et d'une économie qui subit les chocs pétroliers (1974/79). -La dernière conférence effectuera, à titre de conclusion, une synthèse des traits caractéristiques de la société française aujourd’hui et l’image qu’elle véhicule dans le monde. Première conférence: Origines et Peuplement. Naissance de la France Très tôt, les hommes ont trouvé, dans l’espace correspondant à l’actuelle France, de bonnes raisons pour s’y installer durablement. Au paléolithique, l’homo sapiens évitait d’Inlandsis, un glacier qui s’étendait du Pole nord jusqu’à la Cornouaille britannique. Il se posait plus volontiers dans l’hexagone français ou encore, plus au sud, dans la péninsule ibérique. L’homme de Tautavel, trouvé au pied des Pyrénées, est l'homo erectus le plus ancien en Europe de l’Ouest, il a vécu il y a 450 000 ans. Il avait trouvé de quoi survivre dans le sud de la France grâce aux mammifères, au petit gibier et à la végétation en abondance. Au paléolithique moyen (vers – 25 000), l’homme de Neandertal qui s'était abrité dans grottes de Lascaux (Périgord) bénéficiait d'un véritable réchauffement climatique. Les gros mammifères étaient plus rares mais le petit gibier y était devenu abondant et varié. Le couvert végétal était constitué de forêts. L’homo sapiens chasseur et cueilleur pouvait relativement prospérer. Il enterrait ses morts et utilisait l’expression artistique, les peintures rupestres, pour transcender ses peurs. Au paléolithique supérieur (-10 000), on comptait 500 000 habitants dans l'espace qui deviendra la France. Pour l'époque préhistorique, c'est déjà un foyer de peuplement. Les bonnes terres de lœss laissées après la dernière glaciation assuraient, vers 8000 av JC, les moyens nécessaires à leur sédentarisation, notamment la pratique de l'élevage. Au mésolithique, de 8000 à 3000 av JC, les populations érigèrent des monuments (mégalithes), témoins probables d’un culte des morts. Vers 3000 av JC, ils pratiquaient de façon systématique l’agriculture et l’élevage, à l'aide d’outils perfectionnés, c’était la révolution néolithique. Au second millénaire avant notre ère, les peuples indo-européens submergeaient l’Ouest européen. L’Occident allait vivre sa première grande vague migratoire, la migration celtique. Les Celtes ou Gaulois Les tribus celtes s’établirent sur tout le territoire de la future France, important leurs traditions, leur religion et leurs pratiques sociales, et politiques. Les Celtes s'imposaient comme le premier groupe homogène de l'Europe de l'Ouest. C’était aussi la première société structurée de l’histoire de l’occident. Chaque peuple, ou tribu, était organisée en classes sociales. Au sommet, une aristocratie héréditaire, sorte de chevaliers, dirigée par un chef militaire et un druide (prêtre), commandait une classe de paysans et d’artisans. Le Celtes ne constitueront jamais un état. Les querelles entre tribus étaient permanentes et conduisaient à l'échec toutes les tentatives de mise en place d'un royaume unifié. Les Grecs et surtout les Romains avaient compris très tôt le profit qu'ils pouvaient en tirer. Vers 600 av JC les Grecs originaires de Fossée en Asie mineure s’installaient sur le littoral méditerranéen des Celtes. Les cités fosséennes de Fréjus et de Marseille étaient fondées. Leur influence se limitait à quelques autres cités du sud comme Nîmes ou Narbonne. Sur le plan culturel les Celtes leur empruntèrent l’usage de la monnaie et la connaissance de la comptabilité. La pièce de monnaie, le sesterce, s'était diffusée très largement dans tout l’espace celtique, témoignage de l'importance des échanges entre tribus et avec les civilisations voisines. Les Grecs les nommèrent ces peuples « Galates », que les Romains traduisaient en «Galli »...L'histoire en retiendra le terme "Gaulois". Que savons-nous d'eux? Quel fut leur héritage? Les Gaulois ont diffusé largement leur organisation urbaine. Ils ont conçu le système très efficace de l’oppidum, une ville construite sur un site défensif, souvent sur une colline dominant la vallée et entourée de murs. Leur religion dite druidique, car dirigée par un prêtre (le druide), s'appuyait sur la croyance en une multitude de dieux, plus de 400, et en un culte des morts. Les dieux incarnaient la nature, souvent hostile. Leur pire crainte était que la voute céleste ne s’effondre sous leurs têtes. Les Gaulois utilisaient des constructions mégalithiques (dolmens et menhirs) antérieures à leur installation comme lieux de culte. Le site de Carnac en Bretagne est significatif à cet égard. La langue celte était exclusivement parlée. Les druides interdisaient toute transcription probablement pour conserver leurs privilèges et leur monopole culturel. Seuls 50 mots seront conservés car transcrits en latin, par les romains. Les Gaulois maîtrisaient parfaitement les techniques métallurgiques. La qualité de l’acier gaulois était réputée dans le monde romain. Les roues gauloises étaient aussi recherchées. Ils produisaient les meilleurs chars. On leur doit l’invention du tonneau, tel que nous le connaissons. Ils nous ont légué une boisson à base d'orge, ancêtre de la bière, la cervoise. Ils aimaient le vin et ont probablement amélioré les cépages romains. Grâce au tonneau, ils ont certainement perfectionné les conditions de vieillissement du vin. Leur grande maitrise des techniques de conservation de la viande par salage et fumage est probablement à l'origine de cette invention gastronomique que les spécialistes leur attribuent: la charcuterie. La fin de la conquête romaine (52 av JC) La conquête romaine commencée en 58 av JC fut difficile. César dans « La guerre des Gaules »rendait hommage à la bravoure des Gaulois. La victoire d’Alésia, ultime bataille des Gaulois, était assurée par une meilleure stratégie des légions romaines. Vercingétorix, n'avait pas réussi à unifier la nation gauloise, les renforts lui avait manqué. Les tribus du Sud avaient préféré négocier leur soumission à Rome. Néanmoins la résistance fut acharnée et pour remercier ses légionnaires, César leur offrit, à chacun, un gaulois. Les peuples gaulois soumis s’intégraient à la Pax Romana et se fondaient culturellement dans la civilisation du vainqueur. La langue celte était abandonnée au profit du latin sauf dans les villages qui maintenaient la tradition druitique. Ils développèrent, plus tard, le mythe de l’unité gauloise autour de leur chef glorieux Vercingétorix et du souvenir de la bataille de Gergovie où ils avaient infligé une défaite aux Romains. Mais jamais ils ne cherchèrent pas à mettre fin à l’emprise de Rome. Les villes s’agrandissaient et l’architecture se romanisait .Thermes, forum, odéon et arènes se construisaient dans toutes les grandes villes. Notamment à Lyon qui devint la capitale des Gaules devenue province de l’empire et à Lutèce (Paris). Le changement le plus important était d’ordre religieux. Les dieux gaulois n'ont pas résisté au concurrent monothéiste, le christianisme. La nouvelle religion se diffusait très rapidement en Gaule, sans éliminer totalement les anciennes croyances. Les communautés chrétiennes étaient déjà très présentes dans la période des persécutions (Ier et IIe siècle) à Lyon et à Lutèce. Les premiers martyrs chrétiens étaient Denis qui mourut près de Lutèce (sur le site qui deviendra Saint-Denis, nécropole des rois de France), Blandine à Lyon. L’Empire romain, après avoir toléré, sous Constantin (vers 313) le christianisme, en fit la religion officielle de l’Empire, en 393 sous Théodose. Le christianisme s’affirmait sans difficulté et la société gallo-romaine donnait aux évêques un réel pouvoir en milieu urbain. Les diocèses et les paroisses structures, héritées de l’empire demeureront après sa destruction. Les églises étaient construites sur les anciens temples romains, en empruntant leur structure, la voûte en demi-cercle. Ce qui donna le style « roman ». Les invasions germaniques Les invasions germaniques des Ve et VIe siècles mettaient fin à l’Empire romain d’occident. Rome était détruite une première fois en 410, puis l'Empire d'Occident s'effondrait en 476, mais pas à la société gallo-romaine. Les Parisiens résistèrent à l’assaut des Huns et de leur chef Attila. La tradition attribue à Geneviève, une jeune moniale d'avoir sauvé Paris. Les Parisiens négocièrent ensuite avec d’autres envahisseurs: les Francs. Vers 482 Clovis, roi des Francs, et vainqueur des Romains apportait une relative unité politique et la première identité à l’espace français. Il adopta la religion chrétienne après avoir épousé Clotilde, une princesse burgonde christianisée. Clovis associa son règne à Geneviève et en fit la patronne de Paris. Il se fit enterré près d’elle sur la montagne qui porte le nom de son héroïne (montagne Sainte- Geneviève). Il fondait ainsi la première dynastie royale de l’histoire de France, la dynastie mérovingienne (Mérovée, ancêtre de Clovis). Les rois mérovingiens étaient faibles. Ils devaient se déplacer fréquemment pour s’assurer de la fidélité des leurs sujets. Leurs détracteurs avaient largement diffusé cette image de rois oisifs et absentéistes. Ils étaient qualifiés de « rois fainéants ». En fait, ils circulaient sur des routes très inconfortables, sur les chemins plutôt chaotiques, voire dangereux. Au VIIe siècle, le roi Dagobert, modèle du roi faible et inculte (il ne savait ni lire ni écrire) gouvernait un vaste territoire. Malgré cela, il est encore de nos jours ridiculisé dans les chansons populaires : « Le bon roi Dagobert a mis sa culotte à l’envers ». Au début du VIIIe siècle, les Mérovingiens étaient à la merci de la moindre crise. En 732, une cavalerie arabo-musulmane, partie d’Espagne poussait une chevauchée jusqu’à Poitiers. Charles Martel, maire du Palais, prit l’initiative de lever une armée pour stopper les chevaliers musulmans. L'incursion arabe était de courte durée, quelques d'années au maximum, donc insuffisante pour influencer la société française. L'initiative du maire du Palais ouvrait une période de crise qui disqualifiât les mérovingiens. Le fils de Charles Martel, Pépin le Bref, prenait le pouvoir créant ainsi une nouvelle dynastie, celle des Carolingiens (Carolus désignant son père). Deuxième conférence La tentative de Renaissance carolingienne, l’affirmation des Capétiens et l’organisation sociale du IXe au XIIe siècle Un monde clos La société franque du Ve au VIIe siècle était une société en recul par rapport à la période gallo-romaine. La population « française » comptait 12 millions d’habitants au Ve siècle (sous Clovis), elle dépassait à peine les 8 millions au IXe siècle, sous Charlemagne. Soit une chute de 30%. L'absence de sources écrites ne nous permet pas d’évoquer des causes précises (épidémies, famines….) La seule source qui couvre cette période est l'ouvrage de Grégoire de Tours connu pour son manque d'impartialité en ce qui concerne les Mérovingiens. Des sources archéologiques ont permis d'avoir une idée de l’état du royaume après les invasions germaniques. Les routes n’étaient plus entretenues. Les grandes voies romaines étaient à l'abandon ainsi que les ponts et les aqueducs. Les forêts (2/3 du territoire) n’étaient pas sûres, elles regorgeaient de bandits. L’insécurité était permanente. Le Franc se déplaçait très exceptionnellement car il devait effectuer au maximum 13 lieues par jour soit 40 Kms s'il ne voulait pas passer la nuit dehors, moment de tous les dangers; ce qui limitait son espace connu à un rayon de 20 km. Ainsi se dessinait la notion de pays, « gens de pays ». Les gens de ou du "pays" étaient ceux que l'on pouvait identifier, les autres étaient des étrangers. L’étranger, celui qui n’est pas connu, est par définition inquiétant, voire dangereux. Ce pouvait être un simple paysan égaré mais il était suspect et souvent on ne comprenait pas son langage. Pour se déplacer au-delà du pays, il fallait un cheval et une garde. Seuls les chefs de guerres, l’aristocratie militaire, et bien sûr la cour royale, pouvaient se le permettre et encore, cela n’était pas sans risque. L’écriture n’était plus utilisée dans l’activité courante. Les unités de distances, de poids, de volume différaient du simple au double en fonction des régions et des spéculations du seigneur. Le retour au troc était généralisé, sauf dans les villes qui maintenaient une relative monétarisation. L’enseignement du latin aux laïcs était abandonné. Plusieurs rois mérovingiens ne le maîtrisaient que partiellement, ils devaient s’entourer de clercs (qui transmettaient cet enseignement au sein de l’église) et rédigeaient les actes officiels. C’était un monde inculte et une société toujours à la limite de la survie qui ne pouvait que régresser. Un monde paysan dominé Dès le Ve siècle la société du Haut Moyen Âge adoptait une hiérarchie sociale qui fonctionnera jusqu’à la Révolution française. Il y a celui qui combat, le chef de guerre vivant au château des terres qu’il s’était approprié et qu’il avait transmises à sa descendance. Ainsi la classe aristocratique s’était assuré la propriété foncière totale. Il y a celui qui prie, prêtre ou moine, qui vit de la charité bien qu’il fut issu de famille aristocratique. C'était souvent le cadet de la famille afin d’éviter l'émiettement des biens et les conflits familiaux. Enfin il a celui qui travaille. Il était paysan, artisan ou domestique.. A l’origine simple esclave, acquis en même temps que la terre sur laquelle il vivait. Le terme « de serf » qui le désigne, lui et sa descendance, est le même mot qui désigne l’esclave. Il ne pouvait se marier sans le consentement du châtelain. Le seigneur, ou Sir, donnait son accord s’il y voyait la possibilité d’agrandir sa population « de vilains » (serfs). Il refusait s’il s’agissait d’une union entre deux châteaux, risquant de perdre un vilain donc des bras. Au bout d’un certain temps, les mariages s’effectuant en communauté restreinte, les refus successifs du seigneur favorisaient une dégradation de l’état sanitaire de cette population du fait de la consanguinité. Le seigneur comprit qu’il devenait indispensable d’intégrer du sang neuf pour éviter une dégénérescence du groupe. En compensation il demandait le versement d’un droit (une taxe) dit «de formariage » au serf qui quittait le château. Le serf disposait d'une parcelle (tenure) en échange de corvées (journées de travail pour le seigneur). Ainsi, les paysans fournissaient l’unique main d’œuvre faisant vivre les ordres privilégiés. Ils devaient s’acquitter du cens (taxes) constitué d’une fraction de leur récolte ou de produits d’élevage (volailles, bœufs, porcs) pour utiliser le four (four banal, monopole du seigneur) et le moulin (moulin banal). Pour disposer d’un lopin de terre (tenure) afin se nourrir, eux et leur famille, ils devraient effectuer des « corvées », soit deux ou trois jours de travail sur les terres du seigneur. Quelques serfs réussirent à se libérer partiellement de la tutelle du château, se sont les « alleux ». Ils possédaient leurs parcelles et pouvaient la transmettre, mais ils restaient « sous la protection du seigneur » et payaient des redevances (taxes.) Avec la « Renaissance carolingienne » : Un timide sursaut En prenant l’initiative de stopper la percée arabo-musulmane, en 732, Charles Martel, maire du palais, plongeait la dynastie mérovingienne, dans une crise décisive. Pépin le Bref, petit-fils de Charles Martel, se fit élire par les grandes familles et devint le premier roi d'une nouvelle dynastie, les carolingiens (de Carolus ou Charles Martel), en présence du chef de l’église française, l’évêque Boniface. Le roi est désormais dit « de droit divin ». Charlemagne, fils de Pépin, régnait sur un vaste territoire conquis par son père. Il aidait le pape à se débarrasser des Lombards et obtenait en retour le titre d’Empereur en l'an 800. Charlemagne réorganisait le pouvoir et créant un maillage social pyramidal très rigoureux. Au sommet, il y avait le roi qui nommait des barons qui disposaient de droits étendus sur les terres dont ils avaient le contrôle, puis des gens de guerre qui prêtaient l’hommage au baron (soumission) et enfin les sujets du royaume (paysans…). Il introduisit un corps de contrôleurs, « les missi dominici », qui rendaient compte au roi de la situation de l’empire. Charlemagne quittait Paris. La capitale était désormais Aixla-Chapelle dans l’actuelle Allemagne. L’Etat semblait se structurer mais la société restait immobile malgré une volonté de combattre l’inculture des élites. Charlemagne favorisait l'ouverture d’écoles pour les fils de barons et réformait l'écriture en introduisant une nouvelle forme de lettre, la caroline, plus lisible que les lettres germaniques (gothiques). A la mort de Charlemagne, l’empire se disloqua de nouveau. L’empereur n’avait pas réformé le droit successoral des mérovingiens : les enfants mâles se partageaient l’empire et barons et comtes échappaient à la tutelle du roi pour s'assurer le pouvoir sur leurs terres. C’était la fin Renaissance carolingienne et le retour au monde clos. Un seul espace semblait échapper à cela : le monde des abbayes et des monastères. Depuis le Ve siècle, le monastère était le lieu de refuge des clercs qui voulaient respecter une règle de vie conforme au message de Jésus de Nazareth et des apôtres. C’était la naissance du clergé régulier (règle de St Benoît, règle de St Dominique…) par opposition au clergé séculier qui lui vivait dans le siècle, près des fidèles avec ses évêques, ses diacres et son curé. Monastères et abbayes prospéraient entre les VIIIe et Xe siècles. Les principaux ordres (Cîteaux, Cluny) ouvraient des succursales dans tout le royaume. L’activité des moines y était organisée rigoureusement. L’abbé tenait des comptes précis des productions, de la consommation, des terres et de leur rendement. Des paysans laïcs assuraient une bonne partie de la production des terres abbatiales. L’écriture et l’arithmétique y étaient parfaitement maîtrisées. C’était de fait un îlot culturel dans un monde « primitif », lieu d'innovation dans le domaine gastronomique en particulier. Les moines perfectionnaient les modes de fermentation lactique et alcoolique. On leur doit les 360 variétés de fromages et les principales boissons alcoolisées. Le moine était réputé « gros et gras » et fin gourmet. La richesse des monastères était assurée par donations des puissants et les aumônes des pauvres. Ces institutions étaient très utiles pour éviter les conflits d’intérêts au sein d’une fratrie, lors des successions. Le cadet du château était en général promis au monastère. Une fille qui ne pouvait favoriser une alliance était vouée au couvent. L’émiettement du patrimoine du seigneur (produit des héritages successifs entre plusieurs fils), réduisait le revenu du château. Bientôt le seigneur ne pouvait « vivre du sien » (vivre de ses terres). Il lui fallait acquérir de nouvelles terres. Il devenait défricheur, l’espace devait s’élargir coûte que coûte. L’an mille annonçait une nouvelle période, un nouveau monde. Une société en mutation se dessinait. La féodalité, la sortie du tunnel. La Renaissance carolingienne n’avait duré qu’un demi-siècle. Elle était morte de l’incapacité du roi à rompre avec une conception germanique du droit de successions. Faute de réforme, le royaume devait se partager entre les fils. La mort de Charlemagne (814) avait ouvert une période de crise qui s’acheva en 843, avec le traité de Verdun qui scindait l’Empire en trois royaumes : la Francie orientale, la Lotharingie, la Francie occidentale. Les « barons » ou « comtes », simples agents territoriaux à l’origine, assuraient la réalité du pouvoir et se considéraient comme propriétaires de vastes territoires qu’ils léguèrent à leur descendance. Ils organisaient une classe de propriétaires fonciers : la noblesse. Ces propriétaires distribuaient, lors des alliances, des fiefs (des droits sur des terres et un château) qui eux aussi devenaient cessibles (et ces biens entraient dans le patrimoine des « vassaux » à la seule condition qu’ils rendent l’hommage lige à leur bienfaiteur, « le suzerain ». Le rapport vassalique était né, il fixait le fonctionnement de la féodalité. Le vassal était lié au suzerain par l'hommage lige. L’hommage lige impliquait l’aide en toutes circonstances (militaire, financière ou évènements familiaux….) au suzerain. La chevalerie, noblesse à vocation uniquement militaire le plaçait sous la tutelle d’un prince en échange d’un titre. Le chevalier, fréquemment fils cadet non clerc, avait un statut social, renforçant ainsi l’ordre de ceux qui combattent. Le clergé séculier, l’ évêque surtout, renforçait sa position. Ordre devenu indispensable au roi (de droit divin), il s’insinuait dans toutes les cérémonies (adoubement des chevaliers, hommage lige…). Le clergé régulier (des monastères) restait un refuge pour les nobles mal lotis. La vie du monastère n’était pas toujours désagréable. On y mangeait bien (parfois plus de 6000 calories par jour et par moine) et la règle tolérait des écarts. L’appel à la première croisade (1095) avait donné au clergé une nouvelle occasion d’étendre son influence. Des ordres nouveaux étaient créés (Templiers, Ordre de Malte, Hospitaliers). Premier propriétaire foncier du royaume, l’église distribuait des fiefs aux croisés et engrangeait de nouvelles donations. Les évêques se faisaient bâtir de nouvelles cathédrales capables d’accueillir tous les fidèles d’une ville. Pour cela ils créèrent un nouveau style que ses détracteurs nommeront « gothique ». Ils mirent leurs moyens et la piété du petit peuple (bâtisseurs de cathédrales) au service d’un renouveau architectural et d’une découverte, la croisée d’ogive, qui allait révolutionner l'architecture. Le roi devait faire face à un concurrent puissant, l'église. Pour le paysan, quelques évolutions. Les défrichements ont été l’occasion pour des paysans libres (alleux) de négocier plus de libertés dans des contrats (franchises). Tout le monde y trouvait son compte. Le seigneur agrandissait son domaine, l’alleu s’émancipait progressivement, le serf versait les redevances mais en argent (deniers). L’économie se monétarisait de nouveau. Les techniques agricoles avaient elles aussi, évolué : -la charrue remplaçait l’araire (utilisation du fer) -le collier d’attelage renforçait l’efficacité de la traction animale -l’assolement triennal (cycle de cultures permettant la mise au repos des terres) se propageait à tout le royaume Les rendements agricoles progressaient sensiblement ce qui permettait de dégager parfois un surplus. Le surplus agricole s’investissait dans l’acier pour renforcer l’outillage agricole et pour une minorité de laboureurs, dans l’achat de produits du « commerce au loin », produits de luxe, draps, de la soie, stimulant les échanges et une industrie naissante. Une nouvelle menace : les Normands La conquête normande, commencée en 790, s’achevait, pour le royaume de France en 1154 par la session aux Vikings de l’actuelle Normandie. Les Normands, littéralement north men (hommes du nord) n'avaient eu que peu d'influence sur le plan culturel. On leur attribue néanmoins la pratique contractuelle à l'origine du système féodal français (signature de charte, de franchises, et autres contrats). La toponymie rend compte de quelques noms de ville d'origine normande (Granville, Deauville....). Très vite, les ducs de Normandie se soumirent au roi de France. La paix retrouvée sous Philippe Auguste (début du XIIIe siècle), la société française s’ouvrait sur de nouveaux espaces et de nouvelles influences. Les foires, notamment celles de Champagne, connaissaient un grand succès. Des axes commerciaux se constituaient: -au Nord, vers les Cités de La Hanse (ligue Hanséatique), Bruges, Gand et Hambourg. -au sud, vers les cités italiennes qui commençaient à s’affirmer aux XI et XIIè siècles (Amalfi, Gènes, Venise) grâce aux croisades. Une nouvelle classe sociale s’introduisait dans les relations entre producteurs (paysans, artisans) et noblesse (petite et grande) : la classe des marchands. Ils s’organisaient en corporations (drapiers, bouchers, marchands de l’eau…) autour d’une place de marché ou d’une halle (bâtiment couvert). Les villes attiraient de plus en plus et s’organisaient sous la direction d’un prévôt des marchands. On comptait en France déjà 20% d’urbains au XIIème siècle. La France rassemblait 16 millions d’habitants, beaucoup plus que ses voisins. Troisième conférence La formation du territoire et la société française durant la guerre de Cent ans (1337/1453) Les Capétiens et le renforcement du pouvoir royal Pour faire face à la conquête normande (IX-Xe siècles) les nobles avaient besoin d’une monarchie forte et durable et pour réformer le système monarchique, la haute aristocratie élisait en 987 le comte de Paris, Hugues Capet, roi de France. Ainsi fut instituée une nouvelle dynastie, les Capétiens. Hugues Capet introduisait trois changements décisifs : Le sacre du roi avec un rituel magique consacrait la monarchie de droit divin. Il s'agissait de la fiole d’huile de St Rémy remplie comme par magie et avec laquelle les rois de France étaient oints et qui leur conférait des pouvoirs de guérison. Un système de succession nouveau était introduit, la primo géniture mâle. Seul le fils aîné pouvait succéder, ou son frère le plus âgé en cas de disparition. Cette mesure garantissait l'unité du royaume. Enfin, l'obligation était faite à la grande noblesse (les pairs du royaume) de se soumettre (hommage lige) au nouveau roi, le jour du sacre. Parmi les premiers capétiens, Philipe Auguste (1165-1223) était le plus déterminé. Il installait le pouvoir royal définitivement à Paris qu’il fit agrandir (forteresse du Louvre). Il unifiait le royaume en soumettant les princes de l’Artois et du Valmondois à l’hommage lige et éliminant le danger normand. Il fit reculer les possessions des Plantagenet (conquête de la Normandie et du Maine) et provoqua un soulèvement de la Bretagne contre l’Angleterre. Il prit le contrôle du Languedoc et livrait un combat sans merci aux Cathares (région des Corbières). Il ordonna la « la croisade des Albigeois », pour mettre fin à la première grande crise religieuse du royaume. Les Cathares voulaient rompre avec Rome et pratiquer leur religion. Ils avaient obtenu le soutien d’une partie de l’aristocratie du Roussillon (Région entre Narbonne et les Corbières). L’évêque d’Albi soutenu par les troupes royales lançait une guerre contre l’hérésie cathare qui dura plus d’un siècle sera achevée sous l’autorité de Louis IX et de l’inquisition. En soumettant les nobles, le roi capétien assurait son pouvoir sur l’ensemble du royaume. Quelques années plus tard, sous le règne de Philippe-le-Bel (1268-1314), le pouvoir capétien devenait véritablement le maître dans son royaume. Philippe-le-Bel épousa Jeanne de Navarre et prit le titre de roi de France et de Navarre qui fut celui de tous les rois de France qui lui succéderont. Il se lançait dans un conflit avec Rome en niant son pouvoir temporel. Il soumit le clergé à un impôt royal ce qui provoqua la colère du Pape. Pour légitimer sa décision il convoquait les premiers Etats généraux, assemblées des ordres du royaume où il proclamait la supériorité temporelle du roi sur celle du Pape (thèses du gallicanisme). Pour que la discussion entre les différents ordres (noblesse, clergé et tiers état) puisse s’engager il distinguait les Etats de langues d’oïl, pour les provinces au Nord de la Loire) des Etats de langues d’oc pour les provinces du Sud. Les Templiers, ordre le plus puissant de la chrétienté donc le plus dangereux, fut détruit et ses richesses confisquée par le roi. Le royaume en avait besoin pour réorganiser les institutions du pourvoir et créer une chambre des comptes. Pour administrer le royaume introduisait la petite noblesse dans son entourage La grande noblesse, noblesse de cour, était éloignée au profit d’une noblesse « de robe ». C’est le premier Capétien qui rompait avec le mode de relations féodales, soumission à la personne (hommage lige), et lui substitua la soumission à l’institution politique, introduisant ainsi la légitimité politique. C’est dans ce contexte que la société française abordait le XIVe siècle. C’était le siècle des malheurs conformément à la prédiction des Templiers suppliciés sur le bûcher dressé par Philippe-le-Bel, selon la légende des « rois maudits ». La trilogie des calamités : famine, peste, guerre Une famine généralisée Les sources écrites sont en plus abondantes à partir du XIVe siècle. Les chroniqueurs, souvent des moines qui tenaient un journal, décrivaient les famines qui s'étaient développées dans le royaume vers 1315. Les mauvaises récoltes étaient souvent évoquées pour expliquer l’affaiblissement physique des populations et la forte mortalité. Il est vrai que l’économie de survie qui fonctionnait encore au bas moyen âge dans de nombreuses régions, rendait intolérable la moindre crise frumentaire (insuffisance des produits agricole). Cette crise semblait due au climat détestable qui était signalé partout par les contemporains et qui a été confirmé par les travaux récents des chercheurs en climatologie fossiles. L’absence de réserves alimentaires d’une année sur l’autre provoquait la mort massive des plus fragiles (malades, vieux et enfants) et une simple rémission pour les survivants. Les études plus récentes démontrèrent qu’il faut ajouter une cause aggravante, l’émiettement du parcellaire (des champs). La croissance démographique que nous avions constatée entre le XIIIe et le XIVe siècle produit d’une légère augmentation des rendements agricoles avait entraîné une pression démographique spectaculaire dans les campagnes. Dans les Flandres ont comptait plus de 100 habitants au km2. La parcelle (champ) moyenne diminue de 40%, conséquence des successions sur plusieurs générations. Les parcelles devenaient insuffisantes pour nourrir ceux qui y travaillaient d’autant que les prélèvements seigneuriaux (redevances, taxes...) devenaient de plus en plus lourds. C’était une population très affaiblie qui devait faire face à une terrible épidémie de peste en 1348. La peste noire de 1348 L’épidémie de 1348 avait profondément marqué les esprits du fait de l’ampleur de la mortalité qu’elle avait entraîné et par les questionnements métaphysiques qu’elle suscitait. L’itinéraire de l’épidémie a été reconstitué. Il semble qu’elle soit née sur les plateaux anatoliens (actuelle Turquie) et qu’elle ait circulé en empruntant les axes commerciaux jusqu’à Saint-Jean d’Acre pour s’embarquer vers l’Occident. Après un périple en Italie, la maladie débarque à Marseille, emprunte la Vallée du Rhône, se diffuse de part et d’autre des vallées des affluents et s’étend à tout le royaume par les voies de communication les plus utilisées. La mort décimait parfois près de 50% de la population d’une ville. En Navarre on comptait 70% de morts. On estime à 30% de morts globalement le bilan de la pandémie en France. Un individu infesté mourait dans les 3 jours et contaminait par simple inhalation ses proches. Ainsi, les prêtres refusaient de donner l’extrême onction à un pestiféré car il se savait condamner. Une mère ne pouvait pas approcher son fils agonisant car, elle aussi pouvait être contaminée. Toutes les règles « chrétiennes » de charité, de compassion, voire d’entraide, étaient bouleversées. Très vite les populations en rendaient responsable l’Eglise qui avait « attiré la colère divine » sur la chrétienté. La cité épiscopale d’Avignon n’avait pas été épargnée. La papauté était en pleine crise. Les déchirements internes entre le pape de Rome et celui d’Avignon rendait plus virulente la critique contre l’Eglise divisée. Ce schisme était le produit des alliances politiques entre d’une part le pape d’Avignon, proche du roi de France et le pape de Rome, proche des Italiens et des Anglais. Ce climat religieux n’était que le reflet du contexte politique, celui de la Guerre de Cent ans. La guerre de Cent ans. Commencée en 1337, elle se terminera en 1453. A l’origine, il s’agissait d’un problème dynastique. En 1337, le roi d’Angleterre, Edouard III revendiquait la couronne de France. Il déclarait être l’unique descendant en ligne directe des capétiens, contrairement à Philippe VI qui n’était qu’un descendant de la branche cadette des Capétiens, les Valois. En effet, Edouard III était le petit fils issu du mariage d’Isabelle, la fille de Philippe-leBel, et d’Edouard II. Philippe VI, neveu de Philippe-le-Bel avait bénéficié de la situation créée par la mort prématurée des fils de ce dernier (« les rois maudits »par la prédiction des Templiers) qui, de fait avait tari la descendance en ligne directe. Mais pour les Valois et la noblesse française, il n’était pas question de donner le royaume aux Anglais. Les juristes firent valoir la fameuse loi salique (celle des Francs saliens) pour justifier ce choix. Une femme ne pouvait ni régner, ni transmettre le couronne, donc Edouard était illégitime. La guerre, qui dura plus de cent ans, devaient départager les positions. Il ne s’agit pas ici de décrire le déroulement de cette guerre mais surtout de dégager les bouleversements profonds qu’elle a suscités. La Révolution d’Etienne Marcel (1356-58) constituait certainement l’événement social le plus important. A l’issue de la bataille de Poitiers (1356), le roi Jean le Bon fut fait prisonnier par les Anglais. Comme le prévoyait la tradition médiévale, les vainqueurs demandèrent une rançon. Le fils du roi, le dauphin Charles réclamait aux bourgeois de Paris la levée d’un impôt exceptionnel. Etienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, demandait pour les marchands une charte contenant des droits municipaux (contrôle des officiers, levée d’une milice…et un droit de justice). En fait le prévôt demandait que soit reconnue la puissance sociale et politique des marchands en échange d’une aide financière. Cette exigence, contenue dans une charte, est rejetée par le dauphin. Etienne Marcel pensait pouvoir utiliser les marchands et une partie de la noblesse autour de Charles de Navarre dit le Mauvais pour t lui tenir tête. Dans le même temps éclate au nord de Paris une révolte paysanne, « une jacquerie ». Les « Jacques » s’approchant de Paris effrayèrent les bourgeois. Etienne Marcel proposait de s’appuyer sur cette révolte pour faire plier le dauphin. Mais le Navarrais (Charles le mauvais), allié de circonstance du prévôt, se rapprochait des Anglais. Une fraction des marchands se retourna contre Etienne Marcel et l’assassina. C’était la première révolution française qui révélait les enjeux politiques et sociaux de la fin du Moyen âge. La bourgeoisie marchande, classe sociale puissante sur le plan économique devait se résoudre à n'être qu'une classe roturière (non noble) soumise à la noblesse et au roi. Une paysannerie affamée qui cherchait une occasion pour se révolter. Un roi qui ne partageait pas son pouvoir politique même si la puissance économique lui échappait. Le dauphin Charles, proclamé Charles V, parvint à récupérer les territoires perdus par son père. Mais à sa mort, son fils Charles VI qui lui succédait, se mit sous la tutelle des Anglais après la défait d’Azincourt (1415). Il profitait le royaume de France à l’ennemi. La noblesse française se déchirait en deux factions : «les Bourguignon » (duc de Bourgogne et Charles VI alliés aux Anglais) et « les Armagnac » (Duc d’Armagnac, avec le dauphin Charles). La guerre de Cent ans prenait la forme d’une guerre entre les grandes familles aristocratiques. C’est dans ce contexte de division extrême qu’intervint l’épisode de Jeanne d’Arc. Elle a déclaré lors de son procès avoir « entendu voix lui donnant la mission de libérer la France ». L’histoire a donné une place fortement symbolique à cette jeune Lorraine qui poussa le dauphin Charles à se proclamer roi de France en 1429 alors que tout semblait perdu. Après avoir convaincu Charles VII, de se faire sacrer à Reims dans la grande tradition des Capétiens, elle se lança avec quelques chevaliers dans des chevauchés victorieuses à 150 km de Paris. Elle était parvenue à libérer Orléans en 1430 mais elle fut faite prisonnière et brûlée vive à Rouen, après un procès en sorcellerie. Le récit de ses exploits dans le royaume avait certainement contribué à l’émergence d'un sentiment national. La noblesse s’était soudée derrière le roi français refusant de reconnaître Henry V arrière petit-fils d’Edouard III (il n’avait que 2 ans). La reconquête du territoire s’acheva en 1453. Un nouveau monde était en gestation. Quatrième conférence La société française aux Temps modernes Sortie du Moyen-âge, humanisme et réforme religieuse La fin du Moyen-âge La société médiale française sortie des angoisses du « temps des calamités », comptait en 1453, 20 millions d’habitants. En un siècle et demi elle n'avait quasiment pas varié. C’est l’effet cumulé des famines, des maladies (peste noire) et de la désorganisation économique provoquée par la guerre de Cent ans. La société médiévale s’achevait, elle avait montré ses limites : Le système féodal, vassalique, de fidélité à la personne était contradictoire avec le renforcement du pouvoir politique et à l’émergence de l’Etat moderne. Le fils de Charles VII, Louis XI, incarnait parfaitement ce tournant politique. Le roi ne « peut plus vivre du sien », il lui fallait un impôt permanent, une armée permanente, une administration stable. Il créa avec l’aide des Médicis de Florence, une banque nationale, avec une fonction économique. Il obtenait l’accord du pape car cette banque prêtait à l‘Etat sans intérêt. . Les messages royaux étaient transmis en quelques jours à tous les sujets. Louis XI créait le premier service postal en des implantant des relais sur tout territoire et ouvrait des routes partant de Paris. C’est l’origine du système en étoile, centré sur Paris, du réseau routier français et probablement de l’hypertrophie de la Capitale (10 fois plus d’habitants que la seconde ville de France, Lyon). Paris comptait déjà au XVIe siècle plus de 200 000 habitants. C'était la ville la plus importante de toute la Chrétienté après Constantinople. Louis XI obligeait les seigneurs à exploiter le sous-sol de leurs terres pour produire du fer, de l’or, de l’étain. S’ils s’y refusaient, le roi confisquait le sous-sol, c’était la première nationalisation de l’histoire de France et l'affirmation du principe d’inaliénabilité du sous-sol. En liquidant les dernières résistances à son pouvoir (élimination de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne,) Louis XI constituait le royaume dans des frontières bien définies. C’est le premier chef d’Etat moderne. Il s’impose comme le chef incontestable de la noblesse, grande et petite. Cette noblesse qui, dans les mentalités, n‘a pas brillé par ses succès, était apparue incapable de faire la guerre, rôle qui lui était pourtant exclusivement dévolu. Des batailles perdues, des divisions, les ralliements à l’Anglais avaient indéniablement terni son prestige. Le clergé, lui aussi, était soumis à la critique. Les prêtres étaient censés prier pour le salut des chrétiens pourtant cela n’avait pas empêché la peste. Pire, des millions d’âmes n’ont pas disposé des prières indispensables pour atteindre le paradis. Privés d’extrême onction elles croupissaient désormais en enfer. Pour transcender cette terrible angoisse, les images pieuses et les "danses macabres" se diffusaient partout. La xylogravure, prélude à l’imprimerie, était largement utilisée pour répondre à la demande et se diffusait tout l'Occident au XVe siècle. Le schisme d’Avignon était réglé. Il n’y a plus qu’un seul pape, au lieu de deux voire trois, mais l’image du Saint siège n’en sortait pas indemne. L’enrichissement semblait, pour le peu peuple, le principal souci des gens d’Eglise. On évoquait des réformes nécessaires, un autre rapport entre l’Eglise et le fidèle, une "dévotio moderna" couvait dans la chrétienté, elle trouvait en France des adeptes comme Guillaume d’Occam. Le troisième groupe de la société (Tiers état), ceux des gens qui travaillent (soit 97% de l’ensemble) constitué de paysans, de bourgeois, d’artisans était, lui aussi en pleine mutation. Le niveau de vie du paysan progressait légèrement grâce aux mesures royales visant à interdire le dumping, à favoriser la mise en culture des jachères (terres mises en réserve). L’économie rurale demeurait une économie de subsistance mais le paysan gagnait quelques libertés, c'était la fin du servage. Sa condition restait néanmoins misérable. Il se nourrissait mal. Sa ration alimentaire était constituée à 80% de céréales, un mélange d’orge, de seigle et de froment. L’apport en protéines restait très faible : des œufs, du lait fermenté, du fromage parfois et de la viande de porc exceptionnellement. Les cultures potagères (légumes : choux, pois, racines) étaient consommés, en potage, sans céréales, ou en soupe, avec céréales. La succession des disettes était à l’origine de maladie comme le scorbut (carence en vitamine A) fréquemment cité dans chroniques. Dans les villes la situation semblait meilleure. Le paysan pouvait y vendre son surproduit lors des foires qui connaissaient un nouvel essor dès la seconde moitié du XV è siècle. Les foires de Champagne, de Paris, de Lyon rivalisaient entre-elles car on y trouvait du drap, des couteaux, du métal et des épices venues d'Orient. Le commerce stimulait la production et l’artisanat urbain. A Paris on comptait jusqu'à 5000 artisans. Ces métiers rassemblaient les maîtres, compagnons et valets organisés en corporations : drapiers, bouchers, pelletiers (cuir), ferronniers… Chaque corporation fixait les règles de fabrication, les salaires des ouvriers et les prix des marchandises. Quand un conflit éclatait entre les maîtres et les ouvriers, ces derniers se rassemblaient sur les places de marché pour exprimer leur mécontentement, notamment pour la fixation des salaires. A Paris ils se rassemblaient sur la Pace de Grève (actuelle place de l’Hôtel de Ville). C’est l’origine du mot « grève » désignant l’arrêt concerté de travail. On constatait une relative progression des salaires à la fin du XV è siècle. Les maîtres des corporations, grands marchands, et constituaient la classe ascendante des villes (bourgs), d’où le nom de "bourgeois" pour désigner ce groupe. Chaque corporation élisait en son sein deux représentants, des échevins. Lors de la réunion des échevins (échevinage), on procède à l’élection du prévôt des marchands, en général proposé par le seigneur, ou le roi à Paris. C’est l’origine du pouvoir municipal et de la fonction de maire. Le bourgeois, allié incontournable du seigneur s’enrichissait, Il dominait en fortune les plus grands princes. C'était le cas Jacques Cœur. Jacques Cœur est né à Bourges en 1400 où son père exerçait la profession de marchand pelletier. Son père, de condition modeste, a épousé la veuve d'un boucher, ce qui le propulse d'une marche dans la notoriété, la corporation des bouchers étant particulièrement puissante. C'est à proximité du Palais du duc de Berry, que se déroule l'adolescence de Jacques Cœur, à deux pas de la Sainte Chapelle où il poursuivra ses études. Ce début du XV, la période est fort tourmentée avec la " guerre de Cent ans ", alors que les épidémies et la peste sont des maux quotidiens, à cela s'ajoutent les méfaits des écorcheurs et autres brigands. Jacques Cœur à 15 ans lorsque se déroule une des plus cuisantes défaites de l'armée française à la bataille d'Azincourt, une partie importante de l'aristocratie est décimée et une part essentielle de la France passe sous la coupe des Anglais. Trois ans plus tard, le dauphin, futur Charles VII quitte précipitamment Paris, chassé par Jean sans Peur et se réfugie en Berry, devenant " le petit roi de Bourges ". La présence du dauphin et de la cour va stimuler la ville sur le plan des échanges et du commerce. Très jeune, Jacques Cœur gérera un des douze changes de la ville. Bientôt il sera inquiété pour " falsification " dans les titres des monnaies frappées. Il s'en sortira plutôt bien, le roi Charles VII signant une lettre de rémission, alors qu'il aurait pu être envoyé dans une basse fosse ou sur une galère. Jacques Cœur devient un commerçant à une échelle beaucoup plus ample que ses concurrents français de l'époque. Il rêve sans doute de rivaliser avec les Médicis de Florence ou les marchands de Gênes ou de Venise. Son premier voyage dans les pays du Levant se déroule en 1432, on ne sait pas ce qu'il a ramené, sinon une stratégie d'approche de ce commerce. Le retour sera délicat, il fera naufrage au large de Calvi, fait prisonnier, et rendu contre une rançon assez faible, ce qui signifie qu'à cette époque il n'était pas considéré comme un personnage important. Il fait construire des navires sur le modèle des bateaux génois, après en avoir copié un qu'il avait acheté. Marchand mais aussi banquier, armateur, industriel, maître de mines dans le Forez, il est aussi Receveur des taxes sur le sel, commissaire aux Etats du Languedoc, maître des Monnaies et Argentier du Roi, il tisse un réseau commercial de toute première importance, avec Montpellier, puis Lyon, Avignon, Limoges, Rouen et Paris. Comme l'écrivent ses biographes, " Il fut créateur, sans le savoir, des sociétés multinationales et des entreprises à succursales multiples, il réussit à stopper la dévaluation de la monnaie ". Il fut un génial administrateur et un diplomate dans des situations délicates, fréquentant les rois, les princes et les papes. En fait, la fortune du grand argentier ne serait pas due totalement à la vente de tissus ou de fourrures aux nobles de la cour, ni dans la fabrication de l'or à partir de métaux vils comme cela se murmurait dans les milieux alchimistes. C'était sans doute plus simple et plus rentable, il " jouait les différences de cours de l'Or et de l'Argent, entre l'Occident et le Levant. En occident, le bimétallisme était de rigueur, mais il manquait beaucoup d'or, alors que les mines de plomb argentifère étaient prospères. Inversement, le Levant " regorgeait d'Or " et la cote de l'argent était au plus haut. Il devenait alors aisé, pour un financier un peu aventureux de changer des quantités d'argent venues d'Occident contre de l'Or. Jacques Cœur est anobli en 1441, et deux ans plus tard, il acquiert un terrain, pour y construire son palais Outre son Palais de Bourges, le grand Argentier acquiert moult maisons, châteaux et propriétés en Berry comme dans l'ensemble du pays. En 1450, il est au sommet de son art, il a construit un palais, il gagne beaucoup d'argent, et le roi Charles VII, comme une grande partie de la cour lui doivent de l'argent, beaucoup d'argent ! Alors que tout va bien, semble-t-il, Jacques Cœur est arrêté sur l'ordre du roi Charles VII le 31 juillet 1451 au château de Taillebourg. Il est emprisonné pour une dizaine de motifs plus ou moins sérieux. Charles VII disait de lui : " Le Roi fait ce qu'il peut, Jacques Cœur fait ce qu'il veut ". Il était devenu l'égal des " grands " du royaume, paradant à Rouen en 1449 avec le roi et les hauts dignitaires ! Les accusations et les procès de l'époque sont caractéristiques : on ne badine pas avec les aveux. Torturé et soumis à la question il avoue tout ce que veulent ses détracteurs, et il est condamné à mort le 23 mai 1453. Il va finir sa vie aventureuse comme dans un roman de cape et d'épée. Il s'évade de sa prison de Poitiers, avec l'aide de ses amis, et par le canal des couvents dont celui de Beaucaire, il rejoint Rome et le Pape, affrète une flotte au nom de son illustre hôte, et s'en va combattre les infidèles. Il meurt le 25 novembre 1456 sur l'île de Chio, sans doute lors d'un combat naval avec les Turcs. La personnalité de Jacques Cœur, bien qu’exceptionnelle, est très significative de l’essor de cette bourgeoisie de grands marchands : -une fortune acquise dans le milieu familiale -des investissements diversifiés et accrochés avec le commerce « au loin », y compris avec les « infidèles » -des spéculations monétaires (or /argent) -une protection politique (le roi) en échange de services financiers Mais aussi de ses limites : Les princes peuvent éliminer quand ils le décident les personnalités trop gênantes. Ils restent, malgré leurs titres de noblesse achetés, au bas de la hiérarchie politique. C’est néanmoins déjà un homme de la Renaissance, grand mécène et grand voyageur. Cinquième conférence La Renaissance française et les guerres de religions (XVIe siècle) Les villes italiennes, Gênes, Venise et Florence, s’épanouissaient dès la fin du XVe siècle. L’Espagne s’ouvrait sur le "nouveau monde ", l’Amérique. C'était la Renaissance telle que Laurent de Médicis (dit le Magnifique) l’annonçait pour toute l’Europe chrétienne. La renaissance française, bien que tardive, s’illustrait avec éclat dans le domaine littéraire. Le Moyen Age s'achevait lentement, et surgissaient ici et là des hommes dont les regards et les désirs se voulaient tournés vers un avenir qu'ils pressentaient comme nouveau. Rabelais, jeune moine érudit déclarait qu'il fallait se tourner vers la lumière du soleil, c'est à dire l'intelligence et le savoir. Ces romans mettaient en scène deux géants, Gargantua et Pantagruel. Leur libre expression dans le domaine religieux et politique provoqua les foudres de l'église. Il bénéficiait de la protection de Joachim Du Bellay, proche du roi qui lui évita le bucher. Guillaume Budé fondateur du collège des Trois langues, futur Collège de France, jouait un rôle décisif dans la fixation de la langue française qui désormais devenait la langue politique et littéraire du royaume. Laïc et autodidacte, il est considéré comme le plus grand humaniste français. François Ier, premier monarque français ouvert aux nouvelles idées, donnait toute liberté à Budé. Il fut le mécène de grands peintres comme Léonard de Vinci, ouvrait une école de peinture française, école de Fontainebleau, et faisait bâtir de nouveaux palais (Châteaux de la Loire, Fontainebleau…..). Il invita et mit sous sa protection le père de l’humanisme, Erasme de Rotterdam. Les Humanistes bien que très critiques à l'égard de Rome ne cherchaient pas la rupture avec l'église. Martin Luther et Jean Calvin pousseront la crise jusqu'au schisme. C'était la Réforme La Réforme en France et les Guerres de religion La Réforme s’était surtout développée en France dans la seconde moitié du XVIe et autour des principes définis par Jean Calvin. Le luthéranisme avait déjà conquis les princes allemands lorsque Calvin instaurait une théocratie à Genève au milieu du XVIe siècle. C’est probablement la double indépendance, vis à vis de Rome et du roi, annoncée dans le dogme calviniste, qui avait séduit une partie de la noblesse française. Les Huguenots (mot qui désigne les partisans de la Réforme) obtenaient un compromis favorable sous François 1er et de grandes familles princières comme les Bourbon gravitaient à la cour du roi. Le concile de Trente liquidait le compromis et le nouveau roi de France, Henri II se lançait dans la guerre à la nouvelle religion. Marié à Catherine de Médicis, qui lui avait donné quatre enfants, il mourut prématurément. Charles, son fils ainé, lui succéda. Sa mère, Catherine de Médicis, exerçait une grande influence sur la conduite des affaires. Fervente catholique elle semblait tolérer néanmoins l’amiral de Coligny, chefs des huguenots, au poste de connétable du roi (ministre de la guerre). Mais, fidèle au parti catholique, elle fit assassiné Coligny, et influença Charles IX pour déclencher le massacre des Huguenots, le jour de la Saint Barthélemy (24 août 1572). Henri de Navarre, fils du duc de Bourbon, marié, avec Margot, la sœur du roi, était fait prisonnier. Il réussit à s’évader et devint le chef des Huguenots. Les guerres de religion s’achevaient en 1594 avec l’entrée triomphale d’Henri de Navarre à Paris qui, sacré roi, devint Henri IV. Pour se faire accepter par la noblesse catholique et par le peuple de Paris qui avait subi un terrible siège, il abjurait sa foi en déclarant : « Paris vaut bien une messe ». Pour satisfaire les Huguenots, il publiait en 1598, l’Edit de Nantes, édit de tolérance religieuse. La religion réformée pouvait être librement pratiquée en France. La France restait un pays catholique, fille ainée de l'église. Le « bon roi Henri », voulait se réconcilier avec les Parisiens (catholiques en majorité) en effectuant des grands travaux (Pont Neuf, Place Dauphine, Place des Vosges). Il favorisait les paysans en instituant « la poule au pot tous les dimanches ». Son ministre Sully annonçait avec cette célèbre maxime « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » l’intérêt du roi pour ses sujets. Certains catholiques, notamment les Jésuites, n'avaient pas pardonné à Henri IV son origine huguenote. Il sera assassiné en 1610 par Ravaillac. Sixième conférence La société française des XVIIe et XVIIIe siècles Une société d’ordres soumise à l’absolutisme royal et La critique des "philosophes des Lumières " Le régime absolutiste Le roi « gouverne en son conseil ». C’était était défini le fondement de l’absolutisme. Le roi gouvernait sans partage, et surtout sans institution de contre-pouvoir comme c’était le cas en Grande Bretagne qui disposait d'un parlement. Les ministres n’étaient que de simples conseillés. Louis XIII, fils d’Henri IV, laissa néanmoins une liberté d’action à son premier ministre Richelieu. Après une période de régence, Louis XIII, roi sans envergure, laissait se développer, au sein de la cour, les intrigues et les complots et ne disposait que d’une garde rapprochée, les mousquetaires, pour y échapper. La mort du roi et de son premier ministre en 1643 ouvrait une nouvelle période de régence, donc une période de troubles. Le jeune roi Louis XIV fut soumis aux conflits d’intérêts qui se développaient dans ‘ entourage de sa mère, la régente Anne d’Autriche. Le pouvoir était effectivement exercé par le cardinal Mazarin, petit-neveu de Richelieu, mais il était contesté par les grandes familles aristocratiques qui s’engagèrent dans une véritable guerre de palais, la Fronde. La Fronde couvre la période de 1648/1653. Le prince de Condé, chef de la fronde, fit enlever le jeune roi. C’est probablement cet événement qui provoqua la détermination du roi à sa majorité(1661) d’en finir avec cette haute aristocratie trop turbulente. Louis XIV majeur excluait les grandes familles (noblesse de cour) du pouvoir en s’appuyant sur Colbert, issu de la noblesse de robe. Louis XIV fit bâtir à 15 km de Paris (Versailles) un gigantesque palais. Il imposait à la cour un train de vie démesuré dans le seul but de ruiner économiquement la haute noblesse. Il distribua des fonctions d’auxiliaires de l’Etat et d’officiers dans une armée de plus de 200 000 hommes. Le royaume était engagé dans une guerre quasi permanente contre toutes les cours d’Europe. « Le roi soleil » plaçait ainsi la haute noblesse sous contrôle étroit et sous sa totale dépendance financière. Il révoque l’Edit de Nantes en 1685 et ouvre une nouvelle période d’intolérance religieuse. A la fin de son règne, qui fut exceptionnellement long (1643/1715), il avait gagné sa « guerre » contre la grande aristocratie, la seule qu’il ait effectivement gagnée. Il avait réussi à modeler un régime absolutisme, sans partage, sans fronde. Il avait renforcé la noblesse de robe contre la noblesse d’épée….. Mais à quel prix ? Le royaume, attaqué aux frontières, avait épuisé ses finances bien que l’impôt royal soit devenu lourd et permanent. Première puissance militaire, le royaume ne tirait aucun avantage du nouveau monde. Il se faisait devancer par tous ses concurrents : Angleterre, Espagne, Provinces Unies (Hollande). Louis XV abandonna quelques années plus tard le Canada. Si le règne de Louis XIV semblait à l’apogée de l’absolutisme, celui de son successeur, Louis XV, annonçait déjà le déclin. La critique de l’absolutisme : « la philosophie des Lumières » C’est sous le règne de Louis XV que la contestation prit de l’ampleur. Alors que le royaume était épuisé financièrement et moralement, le roi se complaisait dans des fêtes et des scandales. L’absolutisme, synonyme de despotisme, était dans l’impasse. Les élites intellectuelles issues de la bourgeoisie ou de la petite noblesse critiquaient sans complaisance le régime. Montesquieu préconisait la séparation des pouvoirs, à l’instar du système britannique. Voltaire défendait la tolérance et combattait l’arbitraire de la justice royale. Diderot et d’Alembert créaient l’encyclopédie en regroupant plus de 150 intellectuels et savants. La critique des « Lumières » préfigurait la contestation générale de la monarchie absolutiste : Elle préparait la Révolution française. Septième conférence La société française en révolution 1789/1799 Une réforme impossible Depuis le règne le Louis XV la société française semblait bloquée. Le roi tributaire des impôts contemplait des caisses du royaume, désespérément vides. Les dettes accumulées sous Louis XIV, les opérations financières catastrophiques (système de Law) sous la régence, les fêtes scandaleuses de Louis XV donnaient l’image d’un régime à bout de souffle. La noblesse était elle aussi victime de son l’image. Dépenses somptuaires pour s’afficher à Versailles ajoutées à l'absentéiste dans ses terres, qui produisait de moins en moins, les nobles étaient rendus responsables de la misère de ses gens, de ses paysans. Le clergé, connaissait lui aussi des difficultés. De plus en plus divisé entre un haut clergé qui rivalisait avec les princes et un bas clergé qui survivait grâce à la charité qui le rapprochait des pauvres, il n’était plus un corps homogène de privilégiés. Le monde paysan écrasé sous des redevances seigneuriales, l’impôt royal (taille et Gabelle) et la dîme de l’église (10% des récoltes) avait le sentiment de supporter, lui toutseul le fardeau de toute la société. La société rurale ne connaissait pas d’évolutions marquées. Dans villes, par contre, la société se transformait radicalement et singulièrement à Paris, capitale politique, économique et culturelle du royaume. L’élite bourgeoise se retrouvait dans les cafés pour y commenter les derniers évènements, les derniers articles des « Lumières ». Les journaux se vendaient à la crié, même les plus critiques à l’égard du régime. Les pamphlets, textes critiques, souvent irrespectueux à l'égard de la famille royale, envahissaient la presse. La noblesse se prêtait aussi à ces débats dans les salons, notamment celui de Mme Roland qui accueillait régulièrement les philosophes des "Lumières". Paris devenait un foyer de la critique, puis de la contestation du régime. Le système britannique avec sa monarchie constitutionnelle et sa déclaration des droits (Bill of Law) était considéré comme un modèle, la noblesse française souhaitait elle-aussi des réformes. C’est dans ce contexte hérité que le roi Louis XVI devait assumer le régime absolutiste contesté. Le roi s'était laissé séduire par l’aventure américaine. Il prêtait son concours à Georges Washington contre les Anglais et, sans le vouloir, défendait des valeurs en total contradiction avec son système politique. La démocratie, la république, les droits de l’homme dans la constitution des Etats Unis s'opposaient à la monarchie absolue, à l'arbitraire. Il sera sans cesse ballotté entre la rigueur qu’exigeait son rang et la réalité du monde en mouvement. Marié à la fille de l’Empereur d’Autriche, Louis XVI devait se débattre avec les inconstances de son épouse. Marie-Antoinette était dépensière, futile. Elle ne s’intéressait qu’aux jeux de cour allant jusqu’à se faire construire à Versailles une ferme pour "jouer à la fermière". L’ « Autrichienne » est très vite haïe par le petit peuple qui lui dédia des chansons les plus hostiles. Ce roi, que tous s’accordaient à considérer comme faible et très influençable était chargé de réformer le régime. Les caisses de l’Etat vides depuis Louis XIV, devaient être au plus vite remplies. Le déficit du budget dépassait les 20% tous les ans, la charge de la dette engloutissait à elle seule la moitié des recettes Quatre ministres des fiances s’étaient succédés. Turgot, Calonne, et Necker défendaient cette nécessité vitale de réformer l’impôt afin que les ordres privilégiés, la noblesse et le clergé contribuent sur leur bien au fonctionnement de l'Etat. Les parlements, qui sont des cours de justice, montraient une totale hostilité au roi. Notamment celui de Paris, chargé de dire le droit et la tradition, qui obligea Louis XVI à convoquer les Etats généraux, seuls capables de se prononcer sur une telle réforme mettant en cause le droit traditionnel. Les Etats généraux étaient convoqués pour le 1er mai 1789. Ils étaient précédés, comme le prévoyait la tradition, par des assemblées des trois ordres dans tout le royaume. Chaque assemblée pouvait rédiger des « cahiers de doléances ».Cette fois, plus de 80 000 cahiers devaient refléter l'état d'esprit des Français. Les cahiers du Tiers Etat (bourgeois, paysans, artisans soit 97% de la population) comportaient des revendications politiques (abolition des privilèges, imposition des nobles, abolition de l’esclavage dans les colonies, annulation des droits seigneuriaux, liberté contre l’arbitraire, abolition de la lettre de cachet….). Les députés du Tiers étaient souvent des juristes comme Robespierre et Danton, des bourgeois ou des intellectuels liés aux « Lumières »comme l’astronome Bailly. Quelques uns sont de petite noblesse comme Lafayette et Mirabeau, voire du clergé comme l’abbé Sieyès. Les assemblées chargée d’élire les représentants des trois ordres s'étaient déroulés dans un climat de forte agitation sociale. L’année 1788 avait été catastrophique pour les récoltes. La misère, la disette (famines) était de nouveau au rendez-vous est cela rendait encore plus insupportable l’immobilisme de la monarchie. Le roi hésitait entre deux modes de consultation et se laissait influencer par ses proches. Les ordres privilégiés réclamaient le vote par ordre (chaque ordre=une voix) pour se garantir la majorité alors qu'ils ne représentaient que 3% de la population. Le Tiers Etat exigeait le vote par tête, (un député=une voix). La rupture était déjà annoncée, elle éclate au grand jour dès le 5 mai, jour d'ouverture des Etats généraux. En exigeant cette répartition, le Tiers Etat s’assurait ainsi une représentation majoritaire, ce qui semblait légitime. Le clergé était représenté par 291 députés pour 120 000 membres, la noblesse par 270 députés pour 350 000 membres face Tiers Etat qui comptait 578 députés pour 27 millions de membres. « C’est une révolte? » ..... «Non sire, c’est une révolution. » Les évènements qui suivaient la tenue de l’assemblée du 5 mai furent décisifs. Le roi cédait aux ordres privilégiés en instaurant le vote par ordre, l’injustice était flagrante. Le 17 juin les députés du Tiers se réunissaient malgré l’interdiction du roi, et se proclamaient « Assemblée nationale ». L'histoire retiendra de ce premier acte de désobéissance au roi la fameuse déclaration de Mirabeau: « Nous sommes ici par la volonté du peuple, nous n’en sortirons qu’à la force des baïonnettes ». Les dès étaient jetés. Le 20 juin, les députés du tiers auxquels s’étaient joints quelques députés de la noblesse et du clergé se réunissaient dans une salle du « jeu de paume » (ancêtre du tennis) Les députés réunis jurèrent de ne pas se séparer avant d’avoir établi une constitution. C'est le célèbre «serment du jeu de paume » qui fondait, de fait, l’assemblée du Tiers Etat comme l'Assemblée nationale constituante. C’était une situation de double pouvoir. Le roi tirait son pouvoir du droit traditionnel et du droit divin. L’Assemblée constituante représentait la Nation. Le roi paniqua. Poussé par son entourage (sa femme et son frère), il renvoyait Necker, partisan d’un compromis avec l’assemblée. Craignant une forte agitation à Paris, il y concentrait ses « régiments étrangers », c’était l’erreur fatale. Les parisiens persuadés que les députés allaient être massacrés se rassemblaient derrière Camille Desmoulins, un jeune journaliste et s’emparèrent des armes aux Invalides et de la poudre au la Bastille. Le 14 juillet 1789, jour de la prise de la Bastille, marquait le début de la Révolution française. En province, les bourgeois et le peuple s’emparaient des villes. Dans les campagnes, les paysans brûlèrent les châteaux et tous les contrats qui les liaient aux seigneurs : c’était la « Grande peur ». Dans la nuit du 4 août, pour mettre fin à la « Grande peur » les députés libéraux de la noblesse et du clergé votaient avec l’Assemblée constituante l’abolition des privilèges, des droits seigneuriaux et de la dîme », liquidant de fait le système féodal. Les hésitations du roi et la chute de la monarchie. Impuissant devant cette Révolution, le roi semblait, dans un premier temps, accepter le compromis. L’Assemblée constituante adoptait la « déclaration de l’homme et du citoyen » largement inspirée de la déclaration d’indépendance américaine. Le roi devint, roi des français et devait respecter la constitution. Les lois étaient votées par une assemblée élue au suffrage censitaire, mais la constitution lui reconnaît un droit de veto (droit de dire non). Deux tendances apparaissaient, celle qui regroupait les députés favorables à un veto absolu (monarchistes), ils siègeront à droite du président, et celle des députés qui voulaient limiter ce droit de veto, ils siègeront à gauche. Le concept de "Gauche" et la "Droite" était né. Le 14 Juillet 1790, roi devait accepter (Champ de Mars) la constitution qui limitait son pouvoir et la constitution civile du clergé qui plaçait les prêtes sous le contrôle de l’Etat. Le prêtre devaient jurer fidélité à la constitution ce qui provoqua l’hostilité ouverte du Pape et une division au sein du clergé entre prêtres jureurs et prêtres réfractaires. Le roi, pressé par son entourage tentait néanmoins de s’enfuir mais il fut rattrapé à Varenne en Juin 1791. Lafayette refusait de condamner le roi car, bien que révolutionnaire, il refusait la proclamation d'une République. Chef de la garde nationale, il donna l'ordre de tirer sur les partisans de la condamnation du roi le 17 juillet sur le Champs de Mars. Les partisans de la république attendaient leur revanche et s’activaient dans les clubs, club des Jacobins avec Robespierre et Marat, club des Cordeliers avec Danton et Desmoulins. L’Assemblée législative élue au suffrage censitaire et composée en majorité de "monarchiens" se réunissait fin 1791 dans un contexte nouveau. Les cours européennes observaient inquiètes la situation française. Elles accueillaient les nobles français qui avaient émigrés et complotaient. Le roi et l’assemblée législative poussèrent à la guerre, mais pour des raisons différentes. Les nouveaux députés espéraient un renforcement de la révolution, par la galvanisation de l’esprit patriotique. Le roi et son entourage espéraient affaiblir la révolution pour reprendre le contrôle de la situation. La guerre était déclarée le 20 avril 1792 contre l’Autriche et la Prusse. Le roi, jouant la défaite, s’opposait à la levée en masse (recrutement d'une armée de 200 000 hommes), votée par l’Assemblée législative et montrait ainsi ouvertement sa duplicité. Le duc de Brunswick, chefs des armées prussiennes et autrichiennes, menaçait de massacrer les Parisiens "s'ils touchaient un cheveu de la famille royale". Les « sansculottes "venus de toute la France s'étaient rassemblée à Paris. Parmi eux, un régiment venu de Marseille dont le chant de marche est devenu "la Marseillaise", hymne officiel de la France. Le 10 août les « sans-culottes » dirigés par Danton envahirent les Tulleries et prononçaient la déchéance du roi et la formation d'une nouvelle assemblée élue au suffrage universel: la Convention. La monarchie était abolie le 21 septembre 1792 , la veille, l’armée des sans-culottes avait remporté une grande victoire sur la coalition à Valmy. La fin de la Révolution française La période dite de la « Terreur » marquait un tournant dans la Révolution française. Le roi mis en accusation fut exécuté le 21 janvier 1793 pour trahison par la Convention, nouvelle assemblée élue au suffrage universelle. Une nouvelle constitution, dite de l'an II, (l'an I correspondant à l'année de l'abolition de la monarchie) donnait une emprunte plus démocratique, plus proche du peuple au nouveau régime. Les hommes au pourvoir étaient avec les sans-culottes lors de l’insurrection du 10 août 1792 : Danton, Couthon, Robespierre…. Mais le contexte international et extérieur amènera la Convention à suspendre le fonctionnement démocratique car: « la patrie était en danger ». Pour la défendre il fallait lever 300 000 hommes dans toutes les provinces pour repousser la grande coalition européenne, l'Autriche, la Prusse et l'Angleterre. En Vendée et en Bretagne, des paysans dirigés par des prêtes réfractaires, fidèle au pape et à la royauté lançaient une guerre intérieure, la réaction Vendéenne ou Chouannerie. Pour y faire face, la convention élisait un comité de salut public avec à sa tête Robespierre. C’était un gouvernement de crise qui engageait une répression contre la « Vendée » et tous ceux qui sont « suspectés » de nuire à la « Révolution ». Au nom de la loi « des suspects », des royalistes mais aussi des révolutionnaires furent décapités : Danton jugé « trop conciliant », Hébert jugé « trop turbulent » C’était ce que le comité de salut public (Saint juste, Couthon, Robespierre...) appelait la Terreur. En 1794, Robespierre était lui-même victime d’une condamnation (9 thermidor) et exécuté. La « réaction thermidorienne » avait mis fin à la Terreur. En fait la société s’était modifiée et Robespierre devenait gênant. Durant la Terreur, poussé par les sans culottes il avait pris des mesures sociales (lois du maximum, lois sur les dettes) qui déplaisaient à la bourgeoisie enrichie durant la première phase de la révolution. Les bourgeois aspiraient à plus de calme. La menace étrangère était écartée ainsi que la réaction vendéenne. La paix retrouvée, un nouveau régime, la convention thermidorienne, supprimait le suffrage universel et toutes les lois sociales. Il se lançait dans une répression contre les héritiers de Robespierre et surtout notamment les partisans de Gracchus Babeuf, chef d’une organisation, les Egaux, qui préconisaient l’égalité sociale. La bourgeoisie d'affaire cherchait une stabilisation de la situation quitte à passer des compromis avec une partie de l’aristocratie et en s’appuyant sur l’armée. Le jeune général Bonaparte, héros de la campagne d’Italie, était l’homme de la situation. Le coup d’Etat du 18 brumaire lui en donna l’occasion (1799). C’était la fin de la Révolution. Huitième conférence Le XIXe siècle entre restauration monarchique et république. Napoléon 1er La période napoléonienne marque un retour au système monarchique. La société était de nouveau très encadrée, surveillée. Le faste de la cour impérial n'avait rien à envier à celui de l'Ancien régime. Napoléon 1er empereur des français se réconciliait avec Rome. Le pape Pi VII avait accepté de sacrer le couronnement en échange d'un concordat qui rétablissait l'église dans la plupart de ses prérogatives d'avant la révolution. Mais seul l'esprit de conquête importait à ce brillant stratège. Les guerres napoléoniennes finirent par fragiliser le régime surtout après la campagne de Russie 1812. Il s’effondrait définitivement en 1815 après la défaite de Waterloo. Les cours européennes réunies à Vienne se partagèrent les dépouilles de l'empire napoléonien. Ils furent les artisans de la restauration monarchique en France. La monarchie s’installait de nouveau au pouvoir, mais Louis XVIII reconnaissait par une charte, des droits constitutionnels. Son successeur, Charles X, tentait de les remettre en causse mais il fut confronté à une révolution dites des Trois glorieuses (28, 29,30 juillet 1930) et cède le pouvoir à une autre aile de la famille royale, les « Orléans ». C’est la monarchie de Juillet. C’était une monarchie de compromis avec la bourgeoise libérale qui s’organisait en parti et était associé au pouvoir. En février 1848, ce compromis s’achevait dans une nouvelle Révolution qui installa un nouveau régime, la Seconde République. Le suffrage universel, un système parlementaire et des libertés publiques était rétablis. Mais en Juin les ouvriers de Paris menacés de perdre leur travail dans les ateliers nationaux se révoltaient et une véritable guerre civile opposa le gouvernement républicain aux ouvriers. La Seconde République écrasa la révolution sociale et installait à la présidence LouisNapoléon Bonaparte, le petit-neveu de Napoléon. La rupture était consommée, les ouvriers se tournèrent désormais vers les organisations socialistes. Révolution industrielle et révolution sociale. Après 4 années au pouvoir républicain, Napoléon III installait, par un coup d’Etat un régime autoritaire (2 décembre 1851). Il se proclamait consul puis empereur, mais il maintenait une chambre des députés élue au suffrage universel disposant de peu de pouvoir. La Révolution industrielle était engagée depuis peu en France, 40 ans après l’Angleterre. Les milieux d’affaires (Pereire, Rothschild) poussèrent à la construction du Chemin de fer et à la réorganisation des villes. Le baron Haussmann agrandissait et transformait Paris. L’industrie stimulée, les maîtres de forges (sidérurgistes), les Schneider au Creusot, les De Wendel en Lorraine, profitaient des commandes de l’Etat et des concessions des chemins de fer. Une bourgeoise industrielle structurait l’espace économique au côté d’une bourgeoisie de la finance. Le monde ouvrier qui résistait à la surexploitation se développait et s’organisait. La loi Le Chapelier mise en place pendant la Révolution française (1791) avait interdit les coalitions ouvrières. Il était donc impossible de créer, comme en Angleterre, des syndicats nationaux. Des regroupements locaux étaient néanmoins autorisés. Le patronat paternaliste favorisait « les caisses de secours mutuels », dès 1820. Il s’agissait d’organisme d’épargne qui couvraient les risques maladie et chômage. C’est l’origine du système mutualiste et de la Sécurité Sociale. Ces caisses se fédéraient au plan de la profession et devenaient le centre de la contestation ouvrière. En 1860, les « Chambres syndicales » se réunissaient avec la relative tolérance de l’Empereur qui leur accorda le droit de grève en 1864. Mais fallait attendre 1884 pour que la loi Le Chapelier soit effectivement abrogée, et que le droit syndical soit reconnu. C’est en effet sous l’IIIe République que le mouvement ouvrier connaissait un véritable essor. La Commune de Paris de 1871 allait marquer un tournant dans la société française. Napoléon III, pour faire obstacle à l'Unité allemande voulait engagée une guerre contre la Prusse. Le chancelier Bismarck lui infligea une défaite humiliante à Sedan (2 septembre 1870). Le régime impérial s’effondrait et la République fut de nouveau proclamée le 4 septembre. Après plusieurs mois d’hésitations le gouvernement républicain signait l’armistice qu’exigeaient les Prussiens. Durant 3 mois (Mars/mai 1871), les Parisiens, refusant l’armistice s’étaient engagés dans une nouvelle révolution. Le gouvernement républicain s’enfuit à Versailles et les Parisiens qui prendront le nom de communards s’organisaient. Les communards formaient un gouvernement à dominante socialiste et anarchiste adoptait des lois sociales. Adolphe Thiers, chef du gouvernement « officiel », réfugié à Versailles, lançait l’armée contre les communards et écrasait la Commune. Le 28 mai, à l’issue d’une « semaine sanglante », l’ordre était rétabli avec 30 000 exécutions. Près de 100000 Parisiens quittaient la capitale. La bourgeoisie, l’Eglise et l’aristocratie libérale effrayés par la Commune influençait le nouveau gouvernement, c’est la période dite « de l’ordre moral ». Une constitution républicaine était néanmoins adoptée en 1875. Mais il fallait attendre 1879 pour qu’un gouvernement formé exclusivement de républicains accède au pouvoir. Léon Gambetta et Jules Ferry incarnaient ce nouveau pouvoir. Jules Ferry, socialiste modéré fit adopter de 1881 à 1884 les lois scolaires (école gratuite, laïque et obligatoire), les lois sur la liberté syndicale et sur la liberté de la presse. Les socialistes modérés allaient être confronté à l’affaire Dreyfus. Alfred Dreyfus était un officier de l'armée française accusé d'espionnage au profit de la Prusse. Bien que tout innocentait le capitaine Dreyfus, un déluge d'antisémitisme était déversé contre lui. Le fait qu'il était de religion juive en fit une affaire nationale. Deux camps s’opposèrent, les dreyfusards, convaincus de l’innocence de Dreyfus et les antidreyfusards, défenseur inconditionnels de l'ordre, de l’armée et de l'Eglise. L’affaire Dreyfus allait radicaliser l’opinion publique. Les socialistes et les républicains radicaux, engagés avec Dreyfus et des intellectuels comme Emile Zola gagneront les élections le 1899. La IIIe République était devenue radicale et socialiste. Parmi les dreyfusards, les socialistes vont gagner en influence. Jean Jaurès, à leur tête unifiait le mouvement socialiste en fondant en 1905 la SFIO (section française de l’internationale ouvrière). Le parti socialiste français était né. Neuvième conférence La société française au début du XXe siècle Le décollage économique Le monde rural qui représentait plus de 55% de la population en 1900 profitait de l’essor du chemin de fer. Le troisième réseau, mis en place en 1898 reliait les gros villages aux villes et contribuait ainsi au désenclavement des campagnes. Les gouvernements républicains et radicaux lancèrent des programmes d’assèchement des marais, de construction de ponts et des routes. On augmentait les surfaces cultivées pour satisfaire la demande croissante des villes. Les revenus agricoles progressèrent sauf en période de crises. La crise du phylloxéra qui ravageait le vignoble obligea les vignerons à exporter leur activité dans les colonies notamment en Algérie. La concurrence du coton américain faisait s’effondrer les cours de la laine, et l’industrie textile devait se réorganiser et améliorer sa productivité. Pour protéger la production française des importations, le gouvernement adoptait un système de taxes très efficace. Le gouvernement républicain devenait protectionniste. L’industrie était le moteur de ces transformations. Les secteurs traditionnels restèrent les plus importants (textile, mines..). L’Etat voulait faire de la France et de Paris une vitrine européenne de l’industrie par ses expositions universelles. Celle de 1900 accueillait près de 50 millions de visiteurs. L’industrie lourde connaissait néanmoins des difficultés à s’exporter face à la concurrence anglaise et américaine. L’espace colonial y remédia. La colonisation française La France était très en retard derrière sa concurrente britannique dans la course à la conquête coloniale. Ses positions en Algérie dès 1830 allaient lui offrir des opportunités en Afrique du Nord en Tunisie et au Maroc. Plus au sud, Servognan de Brazza organisait des expéditions qui ouvraient à la France l’Afrique de l’Ouest et d’Afrique équatoriale. Enfin les opérations menées au Tonkin à la fin du XIXe, permit la colonisation de l’Indochine. L’espace colonisé représentait près de 10 millions de km2 soit 20 fois le territoire français et plus de 40 millions d’habitants s’ajoutant au 30 millions de français, mais avec des droits très différents. La conquête coloniale constituait un apport démographique indispensable au dire des dirigeants politiques qui s’inquiétaient des taux de croissance de la population française, les plus faibles d’Europe. Un marché gigantesque assuré par les colonies garantissait une balance commerciale française excédentaire dès le début du XXè siècle. La grandeur de la France était en grande partie assurée par ses possessions coloniales tant sur le plan économique que stratégique. « La France de Dunkerque à Tamanrasset ». Dans les esprits, la France était devenu l’Empire français. 1900, la « Belle époque » Les villes connaissaient une totale transformation et donnait l’illusion d’une société prospère et épanouie et qui ne pensait qu’à s’amuser. La fée électricité leur donnait toute autre allure. Paris, la ville-lumière, avec son Moulin rouge et son french-can-can incarnait parfaitement ce changement. Les œuvres de Toulouse-Lautrec, la bohème sur la Butte Montmartre, l’insouciance et la plaisir, c’était cela « la Belle époque ». La première ligne du métropolitain (métro) était inaugurée en 1900 et décorée par Guimard, l'un des fondateurs de l’Art nouveau. Les élégantes investissaient les « grands magasins ». Paris offrait à la bourgeoisie d’affaires ses nouveaux quartiers : « la Chaussée d’Antin, le Boulevard Haussmann ». Les immeubles haussmanniens devenaient de véritables palais pour cette bourgeoisie conquérante. L’insouciance semblait dominer à la veille de la première guerre mondiale. L’esprit républicain à la conquête des Français La Troisième République s’installait pour longtemps. Dès les années 1880 les députés adoptaient des lois fondatrices des grands principes républicains. La liberté étaient garantie (liberté de la presse, droit syndicale, droit d’association). La question scolaire était au centre des affrontements entre républicains et conservateurs. Pour Jules Ferry et Gambetta, « le cléricalisme voilà l’ennemie ». L’école doit être laïque, gratuite et obligatoire. La liberté de conscience exige la fin de l’emprise de l’Eglise sur la jeunesse. Les instituteurs devenus fonctionnaires de la République étaient chargés désormais d’en défendre les valeurs. On les appelait les « hussards noirs de la République ». Ils s’opposaient souvent dans les campagnes aux curés. Les élections municipales permettaient aux républicains de partir à la conquête du monde rural. Le maire supplantait le curé et le maitre d'école était chargé d'éduquer la jeunesse. La guerre scolaire lancée par les républicains accélérait la déchristianisation commencée à la Révolution française. L’affaire Dreyfus avait largement affaibli les cléricaux de fait antidreyfusards. Portés au pouvoir au début du XXè siècle les radicaux et le socialistes profitaient de leur influence pour instaurer « la séparation de l’Eglise et de l’Etat » par une loi votée 1905. Ainsi, les grands principes républicains, hérités de la Révolution française et étendus sous la IIIe République allaient constituer le socle des valeurs de la société française. Le XXe siècle, la France entre guerres et paix Provoquée par la faiblesse de la démographie française, disaient les militaires, ou plus certainement par les velléités de conquêtes et de revanche des belligérants, la « Grande Guerre » est un élément pivot de l'Histoire de la France contemporaine. Le XXe siècle émerge de ce conflit hors normes qui voit la victoire des Alliés sur les forces des empires centraux. On attendait une guerre-éclair, faite de mouvements rapides (train oblige), mais c'est au contraire une guerre de position et de tranchées. En avril 1917, des mutineries surgissaient dans l’armée française. Elles manifestaient l’impasse dans lequel se trouvaient le conflit et surtout l’incapacité des chefs militaires à réaliser la percée. Ces mutineries ont été réprimées avec force par le nouveau chef d’état major, héros de Verdun, Philippe Pétain. Longtemps minimisées, voire niées, elles laissent encore aujourd’hui un sentiment amer. C’était cette guerre que l’on qualifia de « grande boucherie » (9 millions de morts au total dont 1,1 millions de Français) à l’origine d’un fort courant antimilitariste qui se développait dans l’Entre-deux guerre. Elle était manifestement à l’origine du grand mouvement d’émancipation des femmes car elles avaient remplacé dans les usines et dans la vie courante les hommes. Les années vingt, les années folles La grande guerre terminée, il fallait la digérer ou l'oublier. Tant de morts, tant de souffrance et pourquoi? Pas un seul village français n'était épargné. La liste des morts au combat touchait toutes les familles. Les survivants, les familles des survivants avaient décidé que cette guerre serait la dernière. La der des ders... Ils exprimaient ainsi le profond sentiment de l'absurdité humaine à l'origine de la plus grande boucherie que l'humanité n'avait engendré. Si au moins cela pouvait être la der des ders, elle aura été utile à quelque chose! Le pacifisme qui n'avait pas réussi à empêcher la guerre, renaissait dans les années vingt, plus fort que jamais. Les socialistes qui avaient trop vite enterré Jaurès le pacifiste en aout 1914, étaient confrontés à la colère des jeunes qui leur reprochaient leur soumission à l'Union sacrée. Le mouvement socialiste se brisa en deux et le parti communiste voyait en jour en 1920. Les jeunes artistes exprimaient avec leur art cette colère. Après une première réunion en 1920 chez le dadaïste Tristan Tzara, ils se regroupaient à Paris autour de Breton et de Max Ernst et fondaient le mouvement surréaliste en 1924. L'art de la révolution, la révolution dans l'art, c'était leur programme. Les femmes avaient aussi bénéficié des changements dans les mentalités. Les suffragettes avaient sagement attendu la fin de la guerre pour revendiquer, de nouveau de droit de vote. Faute de l'obtenir elles organisaient des suffrages parallèles lors des consultations électorales. Ces élections fictives maintenaient vivace cette exigence d'égalité. N'avaient-elles pas, pendant quatre longues années, assuré, comme les hommes le fonctionnement des usines, des trains, des hôpitaux, des écoles? Les femmes avaient définitivement abandonné le corset. Coco Chanel l'avait acté officiellement. Elle pratiquait le sport de haut niveau. Elle pilotait les aéroplanes comme Hélène Boucher. Les années trente ne seront pas plus généreuses. Une parenthèse néanmoins lorsqu'une femme a été pour la première fois nommée ministre. Il s'agissait d'Irène Joliot-Curie, ministre de la recherche scientifique en 1936. Bien que ministre, elle n'avait toujours pas le droit de vote. Elles allaient devoir attendre la prochaine guerre pour que la société française fortement machiste évolue un peu. La grande crise de 1929 se diffusait en France avec son cortège de misère. Le chômage touchait tous les secteurs de l'économie. Les classes moyennes n'étaient pas épargnées car le franc avaient été dévalué de 80% en 1928 ce qui avait provoqué une très forte inflation alors que les revenus des petits rentiers étaient resté fixes. Les pensionnés de guerres se trouvaient dans la même situation. Le mécontentement renforçait les organisations nationalistes qui espéraient se créer les mêmes conditions qu'en Italie et qu'en Allemagne. Ces "ligues" rendaient responsables les socialistes, les radicaux, les communistes, les juifs et les étrangers des malheurs de la France. Ces mouvements de type fasciste connaissaient un relatif succès dans les milieux conservateurs. En 1934, l'affaire Stavisky leur donnait l'occasion de passer à l'acte. Une simple affaire d'escroquerie allait se transformer en affaire politico-financière et déstabiliser le gouvernement Daladier. Les ligues tentaient un coup d'état le 6 février en prenant d'assaut la chambre des députés. Le pouvoir parlementaire était leur cible. Les combats firent 15 morts et plus de 1500 blessés. Daladier devait démissionner mais le régime tenait bon. Le 12 février une grève générale était déclenchée par les partis de gauche et les syndicats sur le mot d'ordre: "Le fascisme se passera pas". Le pouvoir parlementaire était sauvé et l'unité des communistes et des socialistes renversait le rapport de force en leur faveur. Deux ans plus tard, en mai 1936 ils gagnaient les élections et formaient un gouvernent de Front populaire. Dans le même temps, une grève générale paralysait le pays obligeant le patronat à d'importantes concessions. Les ouvriers obtenaient la semaine de 40h, 15 jours de congés payés et des augmentations de salaire. Se sont les conquêtes sociales les plus importantes obtenues en une seule fois déclarait Léon Blum, le président du conseil socialiste, le 7 juin 1936. Le Front populaire ne durait qu'un an, tombé face au « mur de l'argent». Daladier revenu au pouvoir en 1938 suspendait les 40h, rassurait les marchés financiers et la France se préparait à la guerre de la pire des façons, en signant les accords de Munich. Les intellectuels français, antimunichois à l'instar d'Emmanuel Mounier écrivait:" On ne comprendra rien de l'état d'esprit de cette bourgeoisie si on ne l'entend murmurer à mivoix: vaut mieux Hitler que Blum."(Lendemain d'une trahison 1er octobre 1938). Le chancelier Hitler pouvait prendre le contrôle de la Tchécoslovaquie, premier acte d'une pièce qui ne se terminera qu'en 1945. La France dans la tourmente de la guerre 1939/1945 On ne développera pas les aspects militaires de ce conflit si ce n'est pour rappeler qu'il s'agissait d'une guerre totale, mondiale et une rupture historique dans le siècle. Son niveau de violence, de barbarie, dépassait de très loin ce que l'humanité avait connu. Avec ces 60 millions de morts, ces villes détruites, ces économies anéanties, la 2nd guerre mondiale avait liquidé les espoirs pacificistes de ceux qui croyaient en la "der des ders". Pour les Français cette guerre avait un gout amer. Dès les premiers jours on l'appelait le drôle de guerre car les soldats mobilisés attendaient, dans les fortifications de la ligne Maginot. Une attente longue de 9 mois, une attente incompréhensible. L'état major était convaincu, ils n'oseront pas! Hitler et son allié Staline avait pris le contrôle de la Pologne et de la Finlande et de la Norvège, ils n’iront pas s'affronter à la plus grande armée du monde et à la meilleure flotte du monde. La ligne Maginot était imprenable et la position des Britannique à Dunkerque indélogeable. Une nouvelle fois l'état major s'était trompé. Ils ont osé et ils sont arrivés là où personne ou presque de les attendait, par les Ardennes, qualifiés aux aussi d'imprenables. Erreur fatale, les deux plus puissantes armées du monde étaient défaites en moins d'un mois le 13 juin, Hitler défilait sur les Champs Elysées. Le Général Guderian, chef de l'offensive en France n'en revenait pas, les Français n'ont plus. Les Anglais ont pu rejoindre leur bonne vieille ile car Hitler espérait passer un accord. Churchill avait dit NON et promettait "du sang des larmes et la victoire". La débâcle est le terme employé par le gouvernement Français réfugié à Bordeaux. Qui est responsable? Pour l'heure, le gouvernement démissionne, le généralissime Gamelin est démissionné. La chambre des députés qui ont pu rejoindre Bordeaux choisissait un homme, héros de Verdun pour prendre les choses en mains, Philippe Pétain. On a souvent dit que tous, ou pour le moins une majorité les Français étaient favorable à ce choix. Sonnés et effrayés par une telle défaite dont ils ne mesuraient pas encore les conséquences, les Français n'aient pas en mesure de choisir, d'ailleurs il n'y avait pas d'autre candidat. Ce qu'ils ne savaient pas c'est le sens du mot armistice, réclamée par Pétain, associé à la fin de la guerre. L'armistice signé par le gouvernement installé à Vichy n'était pas synonyme de paix mais de contribution à la guerre de l'occupant. Dès octobre 1940, Pétain revendiquait ouvertement cette collaboration. Le France devenait de fait un vassal d'Hitler. En Angleterre, le général de Gaulle appelait à la résistance sur les ondes de la BBC. Mais qui écoutait la BBC en France? Les années noires de la France sous Vichy. Pétain et ses partisans étaient persuadés que les causes de la défaite étaient imputables, aux socialistes du Front populaire, aux communistes, aux juifs et aux étrangers. Le régime de Vichy fut donc une dictature de type fasciste, antisémite et xénophobe. Quelques Français mettaient place des réseaux de résistance mais c'est surtout à partir de juin 1941 que les réseaux intérieurs s'étaient développés. Hitler avait rompu le pacte qui le liait à Staline ce qui libéra les communistes français d'une situation pour le moins inconfortable. Les réseaux intérieurs établirent leur liaison avec de Gaulle en 1943. La défaite d'Hitler à Stalingrad allait inverser le cours des évènements, en France aussi. Des milliers de jeunes rejoignaient la résistance. La création du STO, service du travail obligatoire, qui alimentait en main d'œuvre les usines allemandes accéléra le mouvement. Vichy était allé très loin dans la soumission à l'occupant. Outre l'aide économique et financière, le régime organisait la chasse aux résistants qualifiés de terroristes et la chasse aux juifs. La police française planifiait des rafles et remplissaient les wagons en direction des camps de la morts. Plus de 70 000 juifs de France sont morts en déportation. Les autorités françaises avaient même agit pour que "l’on n’oublie pas les enfants". Ils ne manquaient pas de cynisme en suggérant que "l'on regroupe les enfants et leurs parents". Le régime avait lié son sort à celui de l'Allemagne nazie. La victoire des armées alliées en Normandie et l'insurrection des Parisiens libérant la capitale sonnaient l'heure des comptes. Le gouvernement provisoire dirigé par de Gaulle s'installait à Paris malgré l'hostilité de Roosevelt qui avait prévu un autre scénario. Les Etats unis voulaient mettre le territoire français sous tutelle des armées alliées (AMGOT) dans l'attente d'élections. La Résistance française et de Gaulle s'y étaient opposés. Ceci explique les tensions France/Etats unis de l'après-guerre. Le Français retrouvaient leur liberté et éliminaient les «collabos" des postes dirigeants. C'est la période de l'épuration. Des condamnations à mort étaient prononcées contre les principaux responsables du régime de Vichy. Pétain échappait à l'exécution à la demande de De Gaulle, pour son passé de "héro de Verdun". Beaucoup échappèrent à l'épuration mais seront rattrapés par l'histoire quelques années plus tard. La France mettra de nombreuses années à admettre la responsabilité de l'Etat dans les conditions d'occupation et dans la mise en œuvre de la shoah. Il a fallut attendre 1997 pour qu'un président français, Jacques Chirac, reconnaisse officiellement cette responsabilité. La France de l'après-guerre était traumatisée par les années noires de l'occupation. Les femmes obtenaient enfin le droit de vote. De Gaulle considérait qu'il s'agissait d'une simple parenthèse. Le Français s'étaient prononcés pour un nouveau régime, la IVe république avec un poids du parlement encore plus important que dans le régime précédent. De Gaulle en désaccord, démissionnait de ses responsabilités gouvernemental et entrait dans l'opposition. La France de l’IVe République sera la France de la reconstruction. Au début des années 50, la production économique retrouve son niveau d'avant-guerre après avoir nationalisé des secteurs clés (automobile, mines..). C'est un état que l'on qualifiera d'Etat providence. La création de la sécurité sociale, le salaire minimum, le régime de retraite et les allocations familiales faisaient de la France un modèle social. La démographie française malthusienne de tradition (natalité faible) explosait de 1945 à 1970, c'était le baby-boom. La France retrouvait une place mondiale et le plein emploi. Elle devait compter sur la main d'œuvre étrangère et favoriser une forte immigration. Après les Italiens dans le sud, venaient les Espagnols et les Portugais en Région parisienne puis les Maghrébins des colonies françaises. Le besoin en logements sociaux était énorme. Les villes, petites et grandes, avec l'aide de l'état faisaient pousser des immeubles, des tours de type "cages à lapins" qui fixaient ce type d'habitation à loyer modéré (HLM) dans les banlieues "dortoirs" (Saint- Denis, Sarcelles, la Courneuve...). Les banlieues ouvrières votaient à gauche, souvent "communiste" d'où le terme de banlieue rouge par opposition à Paris, ou Lyon, en majorité plus bourgeoise. La IVe République ne résistera pas aux crises issues de la décolonisation. Le mouvement de décolonisation s'imposait aux empires coloniaux au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Si l’Angleterre, plus pragmatique, le compris rapidement, la France s'accrochait de façon irraisonnée à son empire. La décolonisation prenait une forme violente. L'Indochine qui comptait le Vietnam, le Laos et le Cambodge, était occupée par les Japonais durant la seconde guerre mondiale. La défaite japonaise en août 1945 donnait une opportunité aux nationalistes vietnamiens (vietminh) qui, sous la direction d' Hô Chi Minh, instauraient une République populaire du Vietnam. Le gouvernement français n'avait pas su tenir une position cohérente et, après une vague tentative de discussion avec le vietminh, il se lançait dans l'aventure militaire. Une défaite humiliante, encore une fois, attendait l'état major français à Dien Bien Phu en mai 1954 obligeant la France à renoncer définitivement à ses colonies asiatiques. Dans cette logique, le gouvernement français renonçait aussi au Maroc et à la Tunisie en 1956 mais refusait de lâcher l'Algérie. La guerre dans cette région avait commencé depuis le 1er novembre 1954. L'armée, craignant un abandon, organisait un coup de force le 13 mai 1958 qui provoqua la chute du gouvernement de la IVe république. Cette crise permit à de Gaulle de revenir sur la scène politique. Il changeait la constitution et fondait la Ve République en renforçant considérablement le pouvoir exécutif. Paradoxalement, il se retourna contre les partisans de l'Algérie française. L'armée et les Français d'Algérie se sentant trahis organisèrent un putsch. De Gaulle neutralisa les généraux responsables et accélérait la négociation avec les représentants du gouvernement provisoire algérien. La signature des accords d'Evian (mars 62) donnait l'indépendance à l'Algérie. La décolonisation de l’Afrique noire française était déjà conclue dans la négociation avec les chefs des partis nationalistes africains en 1960. Avec de Gaulle, fondateur de la Ve République, l'histoire de France prenait un nouveau tournant. De Gaulle renforçait la position de la France dans le monde. Attaché à une réelle liberté de décision il prenait ses distances avec les Etats Unis, quittait l'OTAN, demandait le départ des bases militaires américaines établies sur le territoire français. La France devenait une puissance nucléaire. Son économie se classait au 4e rang mondial. Assuré d'une certaine popularité dans l'opinion, de Gaulle se montrait ferme sur le plan social face aux revendications syndicales et aux étudiants. En mai 1968 la situation dans les universités déstabilisait le gouvernement en provoquant une grève générale qui paralysa le pays (9 millions de grévistes). L'année suivante de Gaulle, désavoué, démissionnait à la suite d'un référendum (53% de NON). Dans les années 70/80, la société française, comme la plupart des sociétés des pays industrialisés, connaissait de profondes mutations. La crise de 1968 avait provoquée une véritable révolution dans les comportements. Libération sexuelle, revendications d'égalité des femmes, place de la jeunesse étaient à l'ordre du jour La législation française n'avait que très peu évolué dans ce domaine depuis le code Napoléon qui fixait le droit civil. Les femmes revendiquaient une plus grande égalité et plus de liberté sur le plan du droit. La contraception avait été légalisée non sans mal depuis 1957, mais l'avortement restait un crime. Dans les années 60 des femmes médecins avaient fondé le planning familial pour informer et orienter les femmes dans le domaine de la maitrise des naissances. Le mouvement avait pris de l'ampleur après la crise de 1968 et le combat pour le doit à l'avortement aboutissait à des résultats en 1975. Si cette question n'est pas totalement réglée car le nombre de centres pratiquant les avortements est jugé insuffisant, le changement dans les mentalités était évident et le droit avait évolué. La démographie accusait un ralentissement très net. Le baby-boom était terminé. Les femmes aspiraient à un statut social égal à celui de l'homme notamment dans le domaine professionnel. La maitrise des naissances facilitée, les femmes pouvaient concourir à tous les postes à responsabilité, et dans tous les secteurs y compris celui de l'armée. L'école des officiers s'ouvrait à elles; jusqu'au poste de ministre des armées occupé par une femme dans le gouvernement actuel. Les pratiques en matière d’immigration changeaient radicalement à partir de 1975. La France était connue pou être une terre d'asile et un espace facile d'accès pour les candidats à l'immigration. Avec la crise économique des mesures plus restrictives ont été mises en œuvre. Le nombre des étrangers est resté néanmoins stable (6 /7 % de la population totale). L'augmentation du chômage avait affecté plus particulièrement les vieilles régions industrielles (Nord et l'Est) et les banlieues ouvrières des grandes villes créant de véritables ghettos de pauvreté et de violence. Ces tensions alimentaient les discours racistes et intolérants à la fin du XXe siècle. Dixième conférence LA SOCIETE FRANCAISE AUJOURD’HUI À titre de conclusion Sur le plan culturel La France a de tous temps occupé une place particulière pour son rayonnement culturel. La langue française a été longtemps la langue des élites intellectuelles et politiques. Parler français était un atout, voire un snobisme, dans toutes les cours d'Europe jusqu'au XXe siècle. Le français est resté officiellement la langue des diplomates du monde entier. C'est en français que les représentants de l’Organisation des Nations Unis étaient censés faire leurs discours. Ce n'est plus vrai aujourd'hui. Si la place culturelle de la France n'est pas contestable, la langue française quant à elle, a été reléguée à la 4e place, voire la 5e, des les langues parlées dans le monde. La France attire néanmoins par ses villes (Paris en particulier, la plus visitée an monde), ses musées (Le Louvre, plus grand du monde) ses paysages (les plus variés du monde). Tous ans plus de 60 millions d'étrangers visitent la France. L'image du Français Souvent critiqué, le Français apparait arrogant, prétentieux aux visiteurs étrangers. Prompt à se mettre en colère individuellement et collectivement, il utilise fréquemment la grève pour exprimer son mécontentement sur le plan social. A y regarder de plus près, la France a été à l'origine de grands principes qui ont fondé les valeurs de notre monde actuel. Les notions d'égalité, de fraternité et liberté, inscrites au fronton de tous les bâtiments officiels, sont l'héritage de la Révolution française. La notion de tolérance héritée des Lumières est une référence dans le monde. Beaucoup nous envie notre système scolaire fondé sur la gratuité et la laïcité que nos républicains de la première heure ont construit. Notre système de santé ouvert à tous est financé par une sécurité sociale qui couvre les risques maladie, sociaux et familiaux. La législation sociale protège les plus démunies et les enfants qui disposent d'institutions assurant leur épanouissement. Les comportements démographiques La démographie française a souvent été critiquée par les dirigeants français. Les Français sont souvent taxés d’être des "malthusiens" impénitents. Ce trait a été mis en avant notamment à la fin du XIXe siècle pour expliquer le handicap de la France face à ses concurrents britanniques ou allemands, tant sur le plan économique que sur le plan militaire. Cette critique discutable comporte néanmoins une réalité. L’ère industrielle n’a pas été accompagnée d'une explosion démographique d'une ampleur aussi spectaculaire que l’Angleterre ou l’Allemagne. La population française avait atteint les 25 millions d’habitants laborieusement à la fin XVIIIe siècle soit, 5 millions de plus en 200 ans. Durant la même période, la Grande Bretagne et voit sa population doubler. Ainsi, la population française qui a atteint un seuil de 20 millions dès le XVe siècle a su adapter ses comportements démographiques au potentiel de croissance extrêmement faible dans une économie de subsistance. Le poids culturel de l’église nataliste par nature, s’estompait au XIXe siècle, y compris en milieu rural, aucune autorité, pas même l'Etat n’était en mesure de s’y substituer, et les comportements malthusiens (natalité faible) ont perduré. Il faut donc attendre le XXe siècle pour connaître un véritable boum démographique surtout au lendemain de la 2nd Guerre mondiale. Pour compenser cette faible croissance naturelle, les Français ont su accueillir leurs voisins étrangers. Très tôt, la France a été un pays d’accueil, un carrefour au cœur de l'Europe et au contact des autres continents. Le solde migratoire, différence entre les entrants et les sortants a toujours été positif, aussi loin que remontent les statistiques. Terre d’accueil au XIXe siècle pour les Polonais et les Italiens opposants dans leurs pays, puis pour les Belges dans le Nord de la France qui venaient y travailler et ce, jusqu’à la 1ére Guerre mondiale. En suite se fit le tour des Russes blancs, fuyant la révolution, puis le retour des Italiens paupérisés à la recherche d’un travail. Après la seconde guerre mondiale se sont les populations ibériques (Espagnols et Portugais) qui compensèrent le déficit de main d’œuvre dans une France à reconstruire. Dans les années 60, la France sollicite ses anciennes colonies du Maghreb et d’Afrique noire. Mais en 1974, le gouvernement Valérie Giscard d’Estaing mettait brutalement fin à ces flux migratoires, arguant de la crise économique qui se profilait. Depuis lors, l’immigration devient en majorité clandestine. Les gouvernements, en particulier celui de Mitterrand, procédait par régularisation individuelles, plus massives sous les gouvernements de gauche, plus restrictives sous le gouvernement de droite, comme c'est le cas actuellement. Les populations de l’Afrique francophone, et les populations asiatiques sont principalement concernées. Les réactions racistes et xénophobes ont toujours accompagné les grandes périodes de crise économique. Pourtant les statistiques sont claires, il n’y pas plus d’étrangers en France que durant les années 50 (entre 6 et 7 %). Les étrangers sont principalement des adultes, hommes en majorité, et contribuent en plus grande proportion que les Français aux équilibres des budgets sociaux et à la solidarité inter-génération. Fait reconnu par tous les démographes, les étrangers, par leur comportement plus nataliste, compensent la tendance au vieillissement de la population française. La société française s’est enrichie par ces brassages interethniques. Les enfants issues des migrations disposent de nombreux moyens d’intégration et surtout d’un système scolaire qui oppose au communautarisme, les valeurs républicaines de laïcité. Le plus grave problème que doit régler la société française c’est le problème du chômage. Avec 3 millions de chômeurs et un avenir incertain pour les jeunes la société peut difficilement se projeter. C’est un problème pour toutes les sociétés humaines.