Helena Villa Cardona TL
La morale par provision est formée par trois Maximes :
La première maxime est de suivre les coutumes de son pays, il s’agit de la règle de
conformisme. D’abord, pour Descartes, être libre ne consiste pas à s’opposer aux mœurs
de ses contemporains. Le non-conformisme social est pour Descartes une attitude tout à
fait superficielle ; en effet, on peut adopter un comportement de façon purement
extérieure, en conservant son "quant à soi". Cette attitude est d’ailleurs indispensable
parce qu’on ne vit pas tout seul, et que l’opposition systématique au reste de la société
formerait plus de problèmes qu’elle ne nous rendrait libres. Par contre, Descartes apporte
une précision en donnant un critère de discrimination: il s’agit de suivre les opinions les
plus modérées parmi celles qui sont également sensées. Le bon sens joue un grand rôle
car il faut être modéré, parce qu’en l’absence de la connaissance certaine, l’opinion la
plus modérée apparaît la plus raisonnable et la plus facile à corriger au cas où on
découvre qu’elle est fausse. Alors, l’application de cette règle de modération permet de
déterminer comment on peut faire pour rester libre : il faut toujours garder, pour
Descartes, surtout dans une morale provisoire, une sorte de distance de pensée, ne pas se
livrer totalement à une opinion, incertaine par nature.
Ensuite, dans la seconde maxime, Descartes prend le certain comme probable.
Néanmoins, on pourrait se demander s’il n’y a pas une contradiction entre la fin de la
première maxime et le début de la seconde. En fait, il ne faut pas que cette distance de
pensée nous conduise à l’impuissance dans l’action, parce que dans la pratique, il faut
choisir et se déterminer ; la difficulté est complètement levée si l’on revient à la
distinction entre l’entendement et la volonté : il faut intellectuellement garder une
distance de pensée, mais la volonté doit être ferme et résolue. On constate qu’il y a donc
en morale une forme de pari, puisqu’en l’absence de la connaissance de la vérité certaine,
on ne peut que se fier à la probabilité.
Enfin, la troisième maxime, il s’agit de changer ses désirs pour ne pas désirer
l’impossible. Cette maxime affirme que la liberté de la volonté et son autonomie sont
infinies ; alors, Descartes reprend très évidemment une grande partie de la thèse
stoïcienne mais avec une grande différence : la physique a changé et le monde n’est plus
un cosmos. De ce fait, la confusion stoïcienne entre éthique et physique n’est plus
possible, alors, faire la différence entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de
nous, ce n’est plus faire la différence entre la nécessité physique et les représentations
que j’ai des événements, mais c’est montrer l’infinité de la volonté car la liberté, c’est un
pouvoir de dire non à tout, à tout ce qu’on n’a pas et qu’on pourrais désirer. Alors, plutôt
que d’être soumise aux choses, la volonté se soumet toutes choses en n’adhérant pas à ce
qui nous est refusé. La liberté va donc consister à bien distinguer ce qui dépend de nous
et ce qui ne dépend pas de nous. Or, ce qui dépend de nous, ce sont nos désirs et nos
passions. Mais changer ses désirs ne veut pas dire renoncer à tout désir, cela veut dire
régler ses désirs en jugeant ce qui est en notre pouvoir. C’est parce que la volonté est
absolument libre qu’elle peut s’arracher à la tyrannie des désirs et nous rendre heureux.
Par contre, Descartes ne rejette pas les passions et les désirs, mais il condamne le
dérèglement que peut introduire notre imagination dans notre rapport aux choses. Or, être
libre, c’est une certaine façon de regarder les choses consistant à ne pas désirer ce que