Sommaire Le prix Collidram p3 Année 2016 /17 Le déroulement Les textes, les auteurs p.4 p.5 Les collégiens lecteurs p5 Mots d’auteur p6 Parole de professeur(e)s p7 Les textes sélectionnés Le poisson belge Tête de linotte L’enfant sauvage Delta charlie delta p.8 p.9 p.10 p.11 Le règlement p 12 Organisateur et partenaires p 12 Annexe : 2007-2016 Tous les prix p 13 à 18 2 Le Prix Collidram Le prix Collidram est un prix national, décerné par les collégiens de différents établissements (majoritairement « Ambition réussite » et « Zep »), au texte de théâtre qu’ils choisiront parmi quatre pièces sélectionnées dans les parutions de l’année scolaire précédente*. Le prix est remis lors d’une soirée à la Maison des métallos à Paris. Il est doté de 1500 €. Comment aborder un texte théâtral, l’analyser, en rendre compte ? Quelles sont les différentes méthodes de lecture ? Qu’est-ce que la littérature théâtrale, ses tendances actuelles, son histoire récente ? Du texte à la représentation, quels écarts ? Le principe du comité de lecture propose un éveil à la lecture du théâtre contemporain et à l’argumentation, et guide les jeunes vers une posture critique. Il leur permet de découvrir une littérature vivante, souvent méconnue et d’en rencontrer les auteurs et les acteurs. À l’image d’un comité de lecture professionnel, le groupe-classe se fixe des enjeux en suivant différentes étapes : lecture des textes, discussion, et sélection. A chaque séance, les élèves sont invités à trouver leurs « outils », leurs « entrées » pour aborder la littérature dramatique contemporaine : comment parler d’une pièce ? Comment parvenir à restituer son identité ? Comment déterminer son avis et en fonction de quels éléments ? L’intervenant, accompagné par l’enseignant, incite les élèves à se poser des questions sur la littérature et la théâtralité conjointement, en abordant tous les éléments qui participent d’une pièce de théâtre (notions de fable, personnages, construction, rythme, langue, oralité etc…). Le comité de lecture se présente comme un parcours de sensibilisation au théâtre d’aujourd’hui et aux auteurs vivants. Les débats sont un moyen d’accès aux multiples sens des œuvres. Ils sont aussi un apprentissage de l’écoute de l’autre et de la prise de parole en respectant l’opinion de chacun. Ils invitent les jeunes à développer leur sens critique, à préciser leur prise de parole, à réfléchir et à choisir les mots pour dire ce qu’ils pensent et pour convaincre. Si le débat n’aboutit pas à un accord, la sélection se fait en comptant les arguments positifs pour chaque pièce défendue : un argument égale une voix. Un élève à lui tout seul peut ainsi, en énonçant plusieurs arguments, avoir autant de poids qu’un groupe d’élèves, aussi nombreux soient-ils. Parallèlement, aux différentes étapes du comité de lecture, les classes participantes sont incitées à découvrir au moins 2 spectacles de théâtre contemporain choisis dans la programmation des théâtres partenaires afin de permettre aux élèves d’appréhender les enjeux de la représentation théâtrale d’un texte. Ce lien avec un théâtre prolongera la découverte du théâtre par les élèves, en leur permettant d’appréhender les enjeux de la représentation théâtrale d’une pièce. * Voir règlement p.13 3 Année scolaire 2016-2017 Le déroulement Novembre Séances de présentation du prix et des textes Décembre / Mars Séances de discussion autour des textes lus par les élèves L’action touche 35 classes dans 8 grandes régions : 3 classes dans le Grand Est, 2 classes Centre / Val de Loire, 4 classes en Îlede-France, 12 classes en Occitanie, 6 classes en Nouvelle Aquitaine / Poitou-Charente, 1 classe dans les Hauts de France, 1 classe en PACA, 6 classes en Auvergne / Rhône-Alpes 1250 élèves –1250 livres achetés. Comité de lecture, 1er tour : chaque classe choisit un texte Mars / Avril Mai Les textes, les auteurs 16 mars : Rencontre entre les collégiens d’Ile de France et les auteurs des pièces sélectionnées à la Médiathèque Marguerite Duras (Paris 20ème) : Lecture d’extraits par un(e) comédien(ne) Les éditeurs Ils adressent fin juin 2016 cinq titres (pas nécessairement publiés dans une collection jeunesse) au comité de sélection. Le comité de sélection Il se réunit en septembre 2016 pour choisir les quatre textes dramatiques de langue française, publiés durant l’année scolaire 2015-2016. Ce comité de sélection est constitué de représentants des partenaires du prix, des enseignants ayant participé à des comités de lecture en milieu scolaire, des théâtres et des bibliothèques partenaires. Le 2 mai : Comité de lecture final à la SACD, Maison des auteurs. Ce comité rassemble les suffrages et commentaires de chaque classe par le biais d’un délégué par classe. Les pièces sélectionnées : Rencontre des auteurs avec les classes qui les ont choisis, dans les collèges Juin Le Poisson belge de Léonore Confino (Actes Sud-Papiers) Tête de linotte de Laurent Contamin (Théâtre l’Ecole des loisirs) L’Enfant sauvage de Céline Delbecq (Lansman éditeur) Delta Charlie Delta de Michel Simonot (Espaces 34) 6 juin : Remise du prix en public au Moulin du Roc, scène nationale de Niort avec les classes de PoitouCharente 20 mai : Rencontre publique / restitution avec les auteurs choisis en Rhône-Alpes au TNG à Lyon Retrouvez Collidram dans l’émission Ecoute, il y a un éléphant dans le jardin sur Aligre FM 93.1, les mercredis 26 avril et 17 mai de 10h à 11h Rencontres publiques / restitutions en Alsace 4 Les collégiens lecteurs Académie d’Aix-Marseille - 1 classe Collège Monticelli, Marseille (13) )/4 Académie de Clermont-Ferrand – 1 classe ème Académie de Lille - 1 classe Collège Paul Langevin / Avion (62) / 6ème Académie de Limoges - 2 classes Collège d’Arsonval / Brive (19) / 3 ème Collège M. Faucher / Allassac (19) / Collidram c’est de l’organisation. Le comité de sélection, composé de professeurs, de comédiens, d’intervenants et de partenaires choisit 4 pièces parmi une vingtaine. Académie de Lyon - 6 classes Collège Colette / St Priest (69) / 3è Collège Gabriel Rosset / Lyon 7 (69) / 6è Collège Laurent Mourguet / Ecully (69) / 3è Collège Martin Luther King / Moins (69) Collège Louise de Savoie / Pont d’Ain (01) / 1 collège à Clermont-Ferrand Collidram c’est intriguant. Après la 1ère séance, lors de laquelle Geoffroy, le comédien, a lu avec nous le début des pièces, nous étions impatients de lire les textes mais il a fallu attendre que les livres arrivent. Académie de Paris - 3 classes Collège J.Perrin (20ème) / Collège Pierre Mendès France (20ème) / Collège Robert Doisneau (20ème) / Collidram c’est une découverte. Geoffroy nous a aidés à approfondir nos connaissances sur le théâtre et nous a parlé de son métier. Académie de Poitiers - 5 classes Collège Pierre et Marie Curie / Niort (79) / 3 classes Collège Rabelais / Niort (79) / 4è Collège G Philipe / Niort (79) / 4è-3è Collidram c’est intéressant. Les séances étaient régulières, elles nous ont aidés à lire entre les lignes et à décortiquer les scènes. Académie de Montpellier - 4 classes Collège Eugène Vigne / Beaucaire (30) Collège Mont Duplan / Nîmes (30) Collège Voltaire / remoulins (30) Collège Henri Bourillon / Mende (48) / 3ème Collidram ça change nos premières impressions. Au début, certains livres nous ont plus, mais nous avons changé d’avis au cours de notre lecture. Et parfois, les premières scènes ne nous ont pas attirés, et finalement nous avons apprécié les pièces. Académie d’Orléans - 2 classes Collège Etienne Dolet / Orléans (45) / 3ème Collège Pierre de Coubertin / Orléans (45) / 3ème Collidram c’est apprendre à argumenter et défendre ses idées. Dire « j’aime / j’aime pas » ne suffisait pas, il fallait détailler ce qu’on ressentait, nos pensées, et convaincre les autres. Académie de Strasbourg - 3 classes Collège Ch. De Gaulle / Seltz (67) Collège Kléber / Strasbourg (67) Collège Vauban / Strasbourg (67) Collidram ça demande du courage. Il ne faut pas avoir peur de dire ce qu’on pense. Collidram ça nous a rapprochés. Dans la classe, nous avons appris à nous écouter les uns les autres. Académie de Toulouse - 8 classes Collège Les Clauzades / Lavaur (81) / 2 classes de 3ème Collège D’Artagnan / Nogaro (32) / 4ème Collège Jean Rostand / Eauze (32) / atelier théâtre de la 6ème à la 3ème Collège Jean Moulin / Toulouse (31) / 5è Collège Bertholot / Toulouse (31) / 4è Collège St-Michel / Belmont-sur-Rance (12) / 2 classes de 3e Collidram c’est des rencontres. Pendant la délibération finale à la SACD, nous avons travaillé et discuté avec des élèves de toute la France, qu’on ne connaissait pas. Collidram c’est se confronter à des avis différents. Il faut accepter les idées des autres, et accepter de se laisser convaincre. Académie de Versailles 2 classes Collège Les Petits Ponts / Clamart (92) / 3ème Collège Jean Zay / St Gratien (95) Collidram c’est de nouvelles expériences : Monter sur scène, passer à la radio, prendre la parole. Pour des 3ème, Collidram c’est finir les années collège en beauté ! Les élèves de 3ème à L’Haÿ les Roses 5 Mots d’auteur Dans le train, tout à l’heure, en pensant à ce moment où j’allais me trouver devant vous, je me suis fait cette réflexion qu’écrire une pièce de théâtre était un processus étonnant et singulier. Ecrire, pour moi, c’est révéler des morceaux de moi-même. Tous les personnages de « Moi Arcan », excepté vraisemblablement Louis Loizeau, sont des bouts de moi. Du coup, qu’un adolescent qui s’appelle Arcan né à Bagatelle dans un quartier toulousain qu’aucun de vous ne connait puisse vous émouvoir autant dans sa recherche d’identité témoigne d’un partage assez extraordinaire entre des bouts de nous. Et je me suis dit que c’était une belle chance de recevoir ce prix, une grande chance, parce qu’il est, avant tout, le résultat de ce partage, votre choix. Un choix argumenté, de filles et de garçons, tous collégiens, choix qui m’honore, parce qu’il me raconte beaucoup sur vous, de ce que nous avons en commun, sur ce que vous êtes, sur ce que vous pensez, sur votre envie qu’on vous raconte, avec du théâtre, des histoires qui ont du sens et qui vous touchent, des textes qui portent des valeurs, du textes qui questionnent le monde dans lequel nous vivons, vous et moi. Parmi ces valeurs il en est une à laquelle je crois profondément : la tolérance. A l’inverse, me trouble infiniment le racisme que je ressens comme quelque chose d’insupportable. Le racisme qui crée tant de peurs avec lesquelles nous nous débattons quotidiennement. Le racisme, capable de développer tant de violences, de la haine, des conflits sanglants alors que chacun d’entre nous aspire à vivre en paix. Dans sa violence, si puissante, à l’égard de l’autre, le racisme nous contraint à être constamment sur nos gardes, vigilants, pour être capables d’y faire face à tout moment, pour le combattre. Il nous empêche tellement d’être libres. Quand vous plébiscitez « Moi Arcan » j’éprouve en tant qu’auteur un sentiment de plaisir et de reconnaissance, mais audelà, singulièrement, je ressens l’espoir que vous serez des adultes vigilants face à l’immonde haine raciste. Je ressens que nous partageons cela. Merci à vous tous. Bien sûr merci à Pascale Grillandini et à l’équipe de Postures qui, avec ce prix, a permis à « Moi Arcan » d’être lu par tant de collégiens. Merci à mon éditeur Pierre Banos à Françoise Duchaxel et à l’équipe des Editions théâtrales. Ils me font confiance depuis de longues années. Je n’oublie pas les enseignants, les théâtres, les nombreux artistes intermittents du spectacle que je salue aujourd’hui dans leur lutte et qui ont contribué à rendre ce prix si vivant. Merci pour l’engagement de tous à rapprocher les jeunes des écritures théâtrales d’aujourd’hui et d’avoir choisi parmi les pièces sélectionnées cette année, toutes belles et fortes, de Pauline Sales, de Sylvain Levey, de Jean Cagnard - « Moi Arcan ». Et merci à l’équipe de la Maison des métallos d’accueillir ce soir cette fête des écritures théâtrales. Henri Bornstein 7 juin 2016 6 Parole de professeur(e)s Aux acteurs du projet Collidram, L’année s’achève et je n’ai pas encore pris le temps de vous remercier pour cette session 2015 toujours aussi riche en découvertes. Je voulais vous dire combien j’avais apprécié de retravailler cette année avec vous et pourquoi j’espère que ce projet perdurera. Tout d’abord, pour mes élèves, Collidram a permis de rendre concrète la profession d’écrivain et plus précisément de dramaturge. Ce fut pour eux, une occasion unique de découvrir des auteurs dramatiques contemporains : de les lire, de les voir, de leur parler. Je me souviens, l’an passé de cette très belle matinée avec Estelle Savasta, venue à la rencontre des élèves qui avaient défendu Traversée. Collidram a permis cet échange avec beaucoup de simplicité et de proximité. Ce fut aussi pour mes 5èmes une vraie éducation à la connaissance du théâtre contemporain trop absent de nos classes. Les élèves ont tout même lu 4 pièces, les ont questionnées, commentées… De plus, les inter-ventions d’Anne, comédienne de métier, ont permis un accès au sens du texte théâtral par des entrées différentes de celles proposées traditionnellement en classe. […] Par ailleurs, les élèves se sont rendus à la Maison des Arts de Créteil qui a eu la bonne idée de programmer deux auteurs sélectionnés par le comité de lecture Collidram 2014 ! (Estelle Savasta avec Le préambule des étourdis et Philippe Dorin avec Sœur je ne sais pas quoi frère.) Si je n’avais pas connu ces deux auteurs grâce à Collidram, je n’aurais certainement pas pris le risque d’emmener mes élèves voir leur pièce. Je sais que bon nombre de mes élèves iront maintenant les yeux fermés voir le prochain spectacle de Claudine Galea ou des auteurs sélectionnés cette année, car ils sont maintenant connus de ce jeune public. Merci donc à tous les acteurs de Collidram pour ce projet. Il marque durablement les élèves qui y participent. Il éduque les collégiens (et les profs !) à la connaissance du théâtre contemporain, il met des visages sur l’acte de création, il favorise la curiosité des élèves, il met en éveil leur sens critique. Et pour conclure, il donne envie d’aller au théâtre ! Je laisse le dernier mot à Soufyane, Younès et Amine qui m’ont dit le soir de la remise du prix : « C’est notre meilleure sortie ! » Marie-Sabine de Saint-Albin, Collège Plaisance de Créteil. Cinq années de Collidram au collège Jean Perrin. Cinq années de découvertes, d'émotions, de rires, de réflexion. Chaque année, dès le mois de juillet, ça repart : juste avant les vacances apparaît dans la boîte mail le lien avec la Dropbox avec toutes les pièces, une mine ! On lit, on lit, des pièces qu'on a envie de défendre, d'autres dont on se dit : « Oh non, pas celle-là, j'espère qu'elle ne sera pas choisie ! » Et l'été fini, avec la rentrée arrive la grande réunion du comité de sélection, une bouffée d'oxygène pour les enseignants. Ah non, ce n'est pas comme une salle des profs, il y a des gens de tous horizons, des comédiens bien sûr, mais aussi des représentants de théâtres, d’institutions. Collidram, c'est l'ouverture sur le monde, et les élèves le sentent bien. Quand commence le projet pour de bon, quand l'intervenante de l'année, celle qui suivra la classe, arrive pour la première fois, les élèves sont souvent interloqués : mais qu'est-ce que c'est que ces textes qui ne sont pas comme ceux qu'ils étudient d'habitude, dans lesquels il y a parfois des gros mots, ou un langage familier, ah non c'est bizarre... Au fil des années les pièces se sont succédées. Communiqué numéro 10 : dans une société des jeunes prennent le pouvoir. Cupidon est malade : la ronde des amours dans des familles recomposées. Folkestone : un trio d'amours adolescentes. Les jeunes : des parents irresponsables font le malheur de leurs enfants, en pensant les mener à la célébrité. Mon frère, ma princesse : un petit garçon qui s'habille en fille. Tout ça ne laisse pas neutre, quand on a douze, treize ou quatorze ans. Collidram, c'est un ancrage, c'est faire comprendre aux élèves que le théâtre parle de la vie, de leur vie. Sur le moment, il peut y avoir des rejets, mais toujours, au moment de défendre les pièces, on s'aperçoit que le propos a porté, et la plupart des interventions au moment du comité de lecture pourraient se résumer ainsi : « Je choisis cette pièce, parce qu'elle a parlé de ce qui me touche ! » Et justement, le fait de devoir formuler des arguments permet de prendre la distance nécessaire, quand on a été touché d'un peu trop près par des mots, et ça, c'est un apprentissage qui est précieux. Collidram, c'est de la joie, c'est des sourires, de l'émotion et du trac quand les élèves ont à monter pour la première fois sur scène et clignent des yeux devant l'éclat des projecteurs, et, pourquoi pas, c'est des vocations qui naissent, dont nous ne saurons rien. En tout cas, ce sont de beaux souvenirs qui, chaque année, se créent, pour une nouvelle génération d'élèves. Thierry Labruère, enseignant CDI au collège J. Perrin à Paris 7 Les textes sélectionnés L’auteure Actrice et auteure franco-suisse, Léonore Confino est née en 1981. Son goût de l’écriture lui vient d’observations dans ses « boulots d’appoint », pratiqués en parallèle de ses études de cinéma documentaire. En 2009 et 2010, elle écrit Ring et Building respectivement sur les thèmes du couple et du travail, publiées aux éditions l’Oeil du Prince. Catherine Schaub met en scène Building qui reçoit le Grand Prix du théâtre 2011. Puis la metteur en scène s’empare de Ring: création au petit Saint Martin en octobre 2013 avec Audrey Dana et Sami Bouajila. La pièce est nommée aux Molières 2014 dans la catégorie auteur. En 2012, Léonore termine sa trilogie avec le thème de la famille : Les Uns sur les Autres est créée au théâtre de la Madeleine avec Agnès Jaoui. La collaboration artistique avec Catherine Schaub est effervescente : elles codirigent ensemble les productions du Sillon et ont lancé en mai 2015 Parlons d'autre chose, un geyser sur l'adolescence, et en septembre 2015 leur dernière création, Le poisson belge, au théâtre de la pépinière avec Géraldine Martineau et Marc Lavoine. Léonore est nommée aux Molières 2016 en tant qu’auteur et Géraldine Martineau reçoit le Molière de la révélation féminine. Elle vient d’achever sa dernière pièce 1300 grammes, autour du cerveau humain et de la plasticité neuronale… A l'étranger, Ring a été adaptée à New York, Rome, Athènes, Rio et San Francisco. L’extrait Noir. Respiration sifflante. Soubresauts dans l’eau. Battements de cœur des fonds marins. Lumière. C’est l’hiver aux étangs d’Ixelles à Bruxelles ; Grande monsieur et Petit fille sont assis sur un banc face au public. Grande monsieur porte une écharpe à carreaux et des boucles d’oreilles en perles. Il mange une barre au chocolat. Petit fille, dix ans, tient un énorme cartable dans ses bras. Ils attendent. Ils s’ignorent. Il gèle. Grande monsieur – Les « qui collent au » quoi ? Tu veux que je t’en colle… (Petit fille éclate de rire, il se ravise. Temps.) Ils ferment le manège. Petit fille – J’ai faim. Petit fille – De toute façon il est fermé. Grande monsieur – Tes parents sont morts ? Grand monsieur – Toutes façons, oui. (Temps.) Les étangs noircissent. Petit fille – Ils sot toujours en retard le vendredi. Grande monsieur – Tu ne comptes pas sur moi pour les attendre avec toi ? Petit fille – J’ai rien demandé ; Petit fille – Je déteste les manèges. Ça cafarde le cœur de ma mère. Grande monsieur – Je n’avais pas l’intention de te payer un tour. Petit fille – Ils viendront plus. Ça y est. Je suis en train de me faire abandonner. C’est maintenant, là, que ça se passe. J’y avais pensé plus petite comme un pire cauchemar. Et maintenant, voilà que ça se pase en vrai. Ça fait drôle. Temps Grande monsieur – Ma date ne viendra pas non plus. C’est sûr. C’est dur. Bon. Grande monsieur – J’attends moi aussi quelqu’un. (Temps) J’ATTENDS MOI AUSSI QUELQU’UN. Petit fille – Si vous espérez me faire pitié… Petit fille – Je suis pas sourde. Ne comptez pas sur moi pour l’ttendre avec vous. Grande monsieur – Tant mieux. Je n’aime pas la proximité des petites clochardes qui font semblant d’attendre leurs parents ; Petit fille – Et moi je me méfie des presque monsieurs qui collent au banc. 8 Grand monsieur – Pour moi tu n’existes pas. Grande monsieur se lève. L’auteur Laurent Contamin est né en 1968. Après des études d'ingénieur, il se tourne vers le théâtre, à la fois comme acteur, metteur en scène et auteur. Il écrit pour la scène : la marionnette et le théâtre d’objets (Chambre à air, La petite Odyssée), le jeune public (Fasse le ciel que nous devenions des enfants, Les Veilleurs de jour, le théâtre hors les murs (Fêtards et Précaires, Le Jardin, En verre et contre tout). Il écrit également pour la radio (Et qu’on les asseye au rang des princes, La merveilleuse épice de Tachawani, La Note blanche…) et reçoit en 2002 le prix du Meilleur auteur aux Radiophonies, et en 2005 le prix Nouveau Talent Radio de la SACD. Pour sa pièce Hérodiade, il est lauréat En quête d’auteurs AFAA/Beaumarchais en 2003 et reçoit l’aide à la création du Ministère de la Culture en 2004 (aide qu'il recevra également en 2008 pour Devenir le ciel. Pour Sténopé, il reçoit l’aide d’encouragement à l’écriture du Ministère de la Culture en 2001. Il écrit également des nouvelles et de la poésie. Il anime de nombreux ateliers de lecture, d’écriture et de théâtre et part parfois en résidences d'écriture (Suisse, EtatsUnis, Pologne, Québec,...). Il est élu en 2011 président des EAT (Ecrivains Associés du Théâtre). http://www.laurent-contamin.net L’extrait Pénélope – Normalement il devrait attendre le printemps pour chanter mais je l’ai un peu stimulé. 1 – Chez les Stone Pénélope, Jocelyn Un soir de février. La pièce principale d’un appartement, dans un immeuble, en ville. Une porte-fenêtre donne sur un balcon d’où on peut voir le ciel. Jocelyn termine le repassage, il semble pressé d’en finir. Pénélope est sur le balcon. On l’entend siffler, en grande discussion avec un étourneau sansonnet. Jocelyn la surveille du coin de l’œil, un peu contrarié. Jocelyn – Dans un triangle… Pénélope – Je le repasserai mon chemisier, laisse. Jocelyn, formant un triangle avec le drap : Dans un triangle rectangle… Jocelyn – Pépé ? Pénélope – Je le mettrai une dernière fois au car Fréhel – après j’aurais trop grandi. Pénélope, off, continue de siffler avec son étourneau -… Jocelyn - … la somme des carrés des deux côtés… Jocelyn – Dis donc, Pépé, j’aimerais bien que tu revoies ta leçon de géométrie pour demain. (Pénélope continue de siffler.) Le théorème de Pythagore. (Pénélope rit.) Oui oui, c’est très drôle… Pénélope - … est égale à la… Non : est supérieure ou égale au carré des angles… Pénélope, off – Non mais on rigole avec Whistler. Jocelyn – C’est quoi, ça encre, Whistler ? (Tandis qu’il prend une chemise pour la repasser.) Dis donc, elle te va encore, cette chemise ? Pénélope – C’est pas une chemise, c’est un chemisier. Whistler, c’est l’étourneau sansonnet qui niche dans l’bri que j’ai fabriqué, tu sais ? Il me fait réviser mes leçons. Jocelyn – Très bien. Tout est normaaal… Pénélope – Stumus vulgaris – un lointain cousin à nous. Jocelyn – Tiens aide-moi à plier les draps. (il lui tend deux coins du drap et garde les deux autres, Pénélope quitte le balcon pour le rejoindre, ils commencent à le plier.) Pénélope – Je lui apprends, comme ça, après, il m’aide. Jocelyn – Théorème de Pythagore. Pénélope siffle vers Whistler, on entend Whistler répondre depuis le balcon ; Pénélope – Nous ne savons pas – désolés. Jocelyn – C’est juste une phrase à apprendre par cœur, ce théorème, c’est facile, quand même ! A force de la répéter, ça rentrera ! (montrant le drap :) C’est comme les plis, là, tu vois, à force de repasser toujours les mêmes plis, ils sont marqués ! On n’oublie plus ! Pénélope – Interroge-moi sur des trucs que je comprends ! Par exemple le conte qu’on doit apprendre pour demain, tiens, puisqu’on dans les habits ! (Elle commence son récit) Le tailleur et le géant. Jocelyn – Comment veux-tu piloter un avion un jour si tu n’es même pas ichue de retenir le théorème de Pythagore ? Pénélope – Il était une fois un géant qui terrorissait la bonne ville de Sprung, tapie dans la vallée. 9 L’auteure Issue du Conservatoire royal de Mons, Céline Delbecq est comédienne, auteure et metteure en scène, née en 1986. Tiraillée entre le milieu social et le milieu artistique, elle fonde en mars 2009 la Compagnie de la Bête Noire pour laquelle elle écrit et met en scène des pièces de théâtre s'inscrivant dans un contexte social occidental. Son questionnement est celui de la nécessité. Titulaire de plusieurs prix et éditée chez Lansman, elle a reçu diverses bourses qui lui ont permis des résidences d'écriture en Belgique, en France et au Canada. Elle participe également à l'organisation de plusieurs événements rassembleurs à Bruxelles comme le Cocq'Arts Festival ou Le marathon des autrices. Elle publie, depuis 2009 : Le hibou, Hêtre, Vikim, Seuls avec l'hiver, Eclipse totale, Poussière, L'enfant sauvage, chez Lansman éditeur, et reçoit de nombreux prix et reconnaissances dont, en 2015, le Prix de la pièce de théâtre contemporain pour le jeune public, Bibliothèque Armand Gatti / Rectorat de Nice pour L'enfant sauvage, et le Prix d'écriture de la Ville de Guérande pour Poussière. L’extrait 1. Un gosse Un homme – C’est parce que c’est un gosse que je me suis arrêté. Je sais pas dire quel âge y a, mais c’est un gosse ça se voit. Y est là que je le trouve sur la place du Jeu de la balle, juste après le marché, tous y remballent encore leurs puces et le gosse y est là tout seul qui parle pas. Je lui demande : « tes parents, ils sont où ? » Y répond pas avec des mots : y crie quand je m’approche. Des cris qui sont pas des « d’enfants ». Y en a qui se lèvent des terrasses, sortent des magasins voir ce qui se passe, un gosse qui hurle comme ça, c’est pas normal. La poissonnière, elle lui parle en flamand : « Waar zijn je ouders ? » - ça marche pas non plus. Tout le monde y va de ses questions en toutes les langues du quartier, portugais, arabe, flamand, sur l’âge qu’y a ou si c’est un garçon ou une fille jusqu’à ce qui en ait un qui dise : « Vos gueules, y comprend pas ! C’est un enfant sauvage qui cause la langue des bêtes ». Là, y a un silence. Le même pour toutes les langues. Je regarde le gosse avec de la force comme on regarde un chien pour voir su y est gentil ou pas, mais dans son regard… y a rien. Je lui veux pas de mal : si je reste là, c’est que je trouve pas ça normal qu’un gosse – parce que c’est un gosse, ça se voit – y soit tout seul dans cet état sur la place du Jeu de balle à la fin de la brocante. Comme si y était à vendre et que personne l’a pris. Y est oublié sur la place du Jeu de balle, y se gratte la tête. Un gosse trouvé comme ça, qui parle pas, qui a les cheveux qui vont dans tous les sens, un enfant sauvage… je me dis qu’un gosse comme ça, sauvage et quise gratte la tête, c’est normal que ça ait des poux. Je peux pa rien faire C’est pas mon genre de fouiner ou de me mêler de ce qui me regarde pas. J’étais là pour dîner, rien d’autre. C’est la routine, le vendredi on prend un stoemp chez Josiane avec quelques collègues. C’est le hasard qu’a fait qu’on était là, le hasard aussi que le gosse aussi y était là, qu’on était là pareil et qu’on 10 s’est arrêtés parce que c’est pas normal un gosse tout seul dans cet état qui pousse des cris de bête. Est-ce que vous, vous auriez continué votre route ? Oui, pardon, oui, pardon, je poursuis ; On est de plus en plus qui s’arrêtent et qui posent des questions sur « T’es tout seul ? » et le gosse y fait rien que pousser des cris de bête. Tout à coup, y se mord devant nous ! Le gosse : y se mord ! Y s’attrape le poignet, y se mord à pleines dents en grognant comme une bête qu’a la rage ! Avec tous les renards qui traînent en ville, on devrait as s’étonner ; mais ces cris-là… ces cris-là, ça cristallise la foule, tout le monde y se tait, y a personne qu’ose bouger, tout le monde y a peur parce que c’est pas normal : un gosse comme une bête qui salive, qui se mord et qui se gratte la tête, c’est pas normal ! Je regarde autour les autres, y a personne qui fait rien ; « On y va ? », je dis, « on fait quelque chose ? » Y bougent pas, y répondent pas, le gosse y est là, qui se mord que ça peut plus durer, alors j’y vais. Moi, j’y vais. Est-ce que c’est là que ça a commencé ? L’auteur Homme de Théâtre, Michel Simonot est écrivain et metteur en scène. Il a écrit une vingtaine de textes, tous portés à la scène ou réalisés à France Culture (à l’exception de Le But de Roberto Carlos). Actuellement en résidence à Anis Gras (Arcueil), il a été auteur-metteur en scène associé au Théâtre Gérard Philipe de Saint Denis (C.D.N), sous la direction d’Alain Ollivier. Il a été auteur associé à des compagnies de théâtre et de danse. Il fait partie du Groupe PETROL, avec Lancelot Hamelin, Sylvain Levey et Philippe Malone. Il est actuellement dramaturge auprès du musicien Franck Vigroux, pour son spectacle en création Aucun lieu. Il a, entre autres, été adjoint d’Alain Trutat, à la direction des fictions de France Culture, fondé et dirigé l’ ANFIAC, été responsable des formations au Ministère de la Culture et codirigé la Maison de la Culture du Havre. Il a accompagné Michelle Kokosowski dans la création et l’aventure de l’Académie Expérimentale des Théâtres. Sociologue de la culture, il a été Maitre de Conférence. Il a publié plusieurs livres et articles sur l’écriture et la scène, ainsi que sur les politiques culturelles. Site internet de l’auteur : http://photos.michelsimonot.fr/ L’extrait deux sont morts quatre parois autour des corps ils resteront silhouettes chairs noires os blancs déposés ici là aucun couvercle ouverts à la lumière de la nuit à la pluie aux orages CHRONIQUEUR trois ont franchi le seuil interdit du dehors vers le dedans du dedans vers un autre dedans nulle autorisation nul accueil nulle hospitlité nulle effraction un mur le franchir devenir invisibles le troisième n’est pas mort victimes ou vaincus trois corps plaqués au mur intérieur à s’y emboutir dos collés nuques collées mains collées à devenir ciment doigts écartés tendus à se disloquer à s’y fondre quels mots ? // au pied du mur des fleurs comme silence devenir paroi intérieure enfouis dans la matière dissous dans l’épaisseur de l’enclos sur internet des blogs comme des mausolées chants de colère comme deuil // pour deux enfants morts deux visages dessinés une image comme un manque à ne plus percevoir que les bords de l’écran sans fond un trou trois enfants le noir l’arabe le turc ont dit des journaux la télé le turc n’est pas turc il est kurde le noir l’arabe le kurde ils ne regardent pas les têtes de mort sur l’avertissement placardé // rien pour le survivant ils courent se hissent franchissent retombent // 11 Le règlement Organisateur Article 1 - Objectifs Le prix Collidram a pour objectifs de mettre en contact les collégiens avec des livres de théâtre en tant qu’objets littéraires et matière à jouer, mettre en lumière les écrivains de théâtre et valoriser le travail des éditeurs. Cette action permet un éveil à la lecture du théâtre contemporain. Les élèves découvrent une littérature vivante, souvent méconnue et en rencontrent les auteurs et les acteurs. Cette action est relayée par les rectorats d’académie et touche une classe par département, proposée par les Délégations Académiques à l’Education Artistique et à l’Action Culturelle (DAAC), en accord avec les inspecteurs d’académie. Article 2 - Les éditeurs Le prix porte sur les pièces d’expression française éditées durant l’année scolaire précédente. Pour l’année scolaire 2015-2016, le prix porte sur les pièces éditées entre le 1er juillet 2014 et le 30 juin 2015. Les éditeurs proposent chacun 3 pièces de théâtre. Les livres sont adressés à POSTURES le 1er juillet 2015 au plus tard. Les rééditions ne sont pas prises en compte. Créée en 2008, Postures est une association agréée Éducation nationale et Jeunesse-éducation populaire, qui a pour objet de créer, organiser, susciter des manifestations culturelles qui favorisent le lien social, la promotion et l’émancipation de la personne humaine. L’association développe des actions de sensibilisation à l’écriture contemporaine à travers l’organisation de comités de lecture en direction de publics jeunes ou non initiés à la littérature d’aujourd’hui : des Mots pour le théâtre, pour la poésie, Collidram, prix collégien de littérature dramatique, l’inédiThéâtre, prix lycéen de pièces inédites, Inédits d’Afrique et Outremer, prix lycéen de pièces francophones. Elle suscite la création de journaux d’élèves Jeunes Pages de la maternelle au lycée. Elle propose des formations en direction des enseignants, bibliothécaires et documentalistes. Elle est productrice déléguée de spectacles qui s’inscrivent dans sa mission d’éducation populaire et de lutte contre l’exclusion. Ces actions fonctionnent grâce à un partenariat qui associe différents acteurs culturels, éducatifs et sociaux établissements scolaires, théâtres, bibliothèques, et autres associations, des collectivités territoriales et les directions régionales des ministères de la Culture et de l’Education Nationale. Article 3- Le comité de sélection Les pièces sont soumises à un comité de sélection réunissant les organisateurs et leurs partenaires afin qu’ils sélectionnent quatre pièces à proposer aux élèves parmi le corpus proposé par les éditeurs. Partenaires Article 4 - Les jurys de collégiens 1 -Chaque classe de collégiens élit un lauréat à l’issue d’un comité de lecture. Le lauréat est l’auteur ayant remporté la majorité des arguments positifs des collégiens. 2 Un comité de lecture interclasses rassemble les suffrages de chaque classe par le biais d’un délégué par classe, et élit un auteur lauréat. Le lauréat est l’auteur ayant remporté le plus grand nombre de voix. Dans toutes les délibérations, en cas d’égalité de voix entre deux lauréats, ceux-ci sont déclarés ex aequo et le montant du prix est divisé par deux. Article 5 - Le montant du prix Le prix est d’un montant de 1 500 euros. Les Académies d’Aix-Marseille, Clermont-Ferrand, Créteil, Dijon, Lille, Limoges, Lyon, Paris, Poitiers, Montpellier, Orléans, Strasbourg, Toulouse et Versailles. La Drac Ile de France, la DRAC Poitou-Charentes, les Conseils généraux d’Île-de-France, les ADDA du Tarn, du Gers, de Haute-Garonne, de Lozère et d’Aveyron, la SACD. Le Moulin du Roc - scène nationale de Niort, les Treize Arches – scène conventionnée de Brive, le Théâtre de Cachan, le Théâtre Jean Arp, le Théâtre des Sources, le Théâtre de la Tête Noire, le Théâtre de la Vallée, la Maison du théâtre à Jasseron, le théâtre du Périscope, le Théâtre du Pélican, le TNG à Lyon, Traversant 3, Actémo, les Sentiers du Théâtre, la médiathèque Marguerite Duras, la bibliothèque Lamartine, la bibliothèque de La Plaine, Aligre FM 93.1, l’ANRAT. Article 6 Le présent règlement ne vaut que pour cette année scolaire 2015-2016 12 2007-2016 Tous les prix Année scolaire 2006-2007 : Initiée par Aneth, l’action touche 3 classes, une dans chaque département de l’académie de Créteil : Val de Marne, Seine Saint Denis, Seine et Marne. 65 collégiens – 65 livres achetés. Lauréat : Dominique Wittorski / Ohne ; Actes Sud-Papiers « … Ce Prix m'honore bien sûr. J'en suis fier. Mais il indique une autre chose, infiniment plus importante pour moi. J'ai écrit Ohne à la suite d'une commande de France Culture... Et voilà qu'aujourd'hui, ce sont les collégiens qui distinguent Ohne parmi cinq textes. Ils ont trouvé le texte à leur aune. Merci à eux. Merci pour ce geste qui ressemble au grand écart. Et puis non ! Il n'y a aucun grand écart justement. Il y a ce 31 mai 2007, et cette évidence que nul ne devrait jamais plus remettre en cause : il n'y a pas de fossé entre la culture exigeante et la soif des collégiens. Il n'y a pas de chose qui soit hors de portée. Je suis fier de recevoir ce prix de ces collégiens, et ils peuvent être fiers d'eux : ils ont démontré qu'elle n'existe pas cette jeunesse dont on nous rebat les oreilles, qui ne sait plus lire, qui est paresseuse, qui glisse vers l'éternelle facilité, vers le consommable, vers le vide... Une jeunesse au cerveau qui ne penserait pas... Ah ! si la médiatisation pouvait être aussi intense que quand une voiture brûle... Rêvons d'un rouleau compresseur médiatique qui dirait "les ZEP ont soif de France Culture" !» Dominique Wittorski Année scolaire 2007-2008 : L’action touche 8 classes, une dans chaque département d’Île de France. 220 collégiens - 220 livres achetés. Organisateur : Aneth Lauréat : Dominique Richard / Une Journée de Paul ; éditions Théâtrales « Je suis très honoré par ce prix. Aucun autre n'aurait pu me faire plus plaisir. Je suis très heureux que ce soit vous, collégiens, qui me l'ayez décerné, après de longues discussions passionnées. Je suis aussi particulièrement ému que ce soit ce texte-là, justement, qui vous ait touché. C'est un texte qui m'a échappé, qui s'est presque écrit malgré moi, un texte sur le deuil et l'identité quand il était question des rêves d'une jeunesse d'aujourd'hui, comme si l'adulte que je suis devenu se demandait ce qu'il pouvait bien vous transmettre, s'il en avait le droit et la force. C'est aussi une pièce sur le théâtre, car le théâtre est l'art de la cérémonie, de l'évocation des morts, le rêve fou de faire revivre les absents, en chair et en os, dans le présent de la représentation. Les plateaux de théâtre sont toujours remplis de fantômes, personnages évanouis, acteurs qui les ont interprétés, spectateurs disparus... On n'est jamais seul quand on écrit, toujours plein de tous ceux que l'on aime. On les porte en soi et ils vous emmènent dans leurs rêves. Tout ce que je sais de moi, c'est ce que j'ai tenté d'écrire, guidé dans ma nuit par la lumière de mon enfance, par le souvenir de ces présences familières. Continuez de devenir comme vous êtes, pleins d'enthousiasme et de générosité, remplis de la gravité de la jeunesse, loin du sérieux des adultes, toujours plus convaincus que "vivre est un privilège, pas un problème"... Dominique Richard 13 Année scolaire 2008-2009 : L’action touche 8 classes, une dans chaque département d’Île de France. 220 collégiens - 220 livres achetés. Postures prend en charge l’organisation de Collidram. Lauréat : Sébastien Joanniez / Désarmés, Cantique ; Espaces 34 « J’étais perdu, avec mon cantique sous le bras, au milieu du champ de bataille. J’avais l’espoir, la tendresse, toutes ces faiblesses qui nous font presque la honte dans le monde. Tellement le monde ressemble à rien, sauf au contraire d’un cantique. Alors j’étais là, la peau d’espoir en chair de poule, et faible comme une bougie, comme un crépuscule, comme un murmure. J’avais aussi l’impression d’être seul, et même un peu moqué, à cause de mes histoires d’amour et de paix qui s’imaginent même pas sur un champ de bataille. Et puis Pascale Grillandini s’est approchée, elle a lu Désarmés, elle est repartie et elle est revenue avec des élèves, des profs, des classes, des collèges, des théâtres, des bibliothèques, des comédiens. On s’est vite retrouvés nombreux au milieu du bazar. On a commencé à pousser un peu les combattants sur le côté pour avoir une place… Petit à petit, ça nous a fait du silence, et on a pu discuter. Ils avaient eu le temps de se poser des questions sur mon cantique, et des intelligentes, spontanées, fraîches et même carrément franches. Ils ont toujours l’enfance avec eux les jeunes, ils rebondissent. Pour peu qu’on les accompagne, ils se lancent. Voilà pourquoi je vais maintenant moins seul avec mon cantique, je suis plusieurs maintenant, une vraie foule avec moi, et des jeunes, des blancs, des noirs, des grandes gueules et des timides. J’ai même un bandeau rouge sur le livre comme pour dire attention ! Lu et approuvé par les futurs ! Je voudrais les remercier ici, les jeunes et Pascale et les autres. De m’avoir donné la confiance, et l’espoir, et une belle leçon de courage. Merci et… à bientôt sur la route du mieux ! » Sébastien Joanniez Année scolaire 2009-2010 : L’action commence à s’étendre à l’ensemble du territoire français. Elle touche 9 classes en Île-de-France et 1 classe dans la région RhôneAlpes à Lyon, soit 10 classes participantes. 300 élèves – 300 livres achetés Lauréate : Suzanne Lebeau / Le Bruit des os qui craquent ; éditions Théâtrales « Oui, il est beau ce prix, il est précieux. Il dit ce que les mots souvent ne savent pas expliquer. Il me rassure sur l’intelligence féroce des jeunes lecteurs, des jeunes spectateurs. Il crie leur force morale, leur curiosité sans limites pour le monde qu’ils habitent. Ce sont les enfants qui m’ont donné le courage d’écrire ce texte, ceux de chez nous à qui je suis allée montrer le documentaire qui m’avait tellement bouleversée. Ce sont les enfants qui m’ont permis de croire à la résilience, ceux que je suis allée rencontrer en RDC, deux ex-enfants soldats pendant 5 ans. Ce sont les jeunes spectateurs qui m’ont donné le courage d’inviter les écoles et les jeunes publics aux représentations car ils ont su lire l’histoire d’espoir dans Le bruit des os qui craquent quand les adultes se sentaient désespérément coupables, responsables et impuissants. Enfin, ce sont les collégiens, vous tous qui avez lu, analysé, commenté, discuté et choisi une histoire dure, c’est vrai, une histoire dure mais vraie, qui malheureusement dure encore dans un monde sans bon sens. Merci d’être lecteurs d’abord, êtres humains et citoyens braves et clairvoyants. Merci de ce courage que vous me donnez de croire encore à un monde meilleur, vous tous qui êtes notre avenir. » Suzanne Lebeau Année scolaire 2010-2011 : L’action continue à s’étendre à l’ensemble du territoire français. Elle touche 10 classes en Île-de-France, 8 classes en Rhône-Alpes, 3 classes en Alsace, soit 21 classes participantes. 630 élèves – 630 livres achetés Lauréat : Sylvain Levey / Cent culottes et sans papiers ; éditions Théâtrales « C 'est pas du bidon ce prix, j'étais très fier de l'avoir après notamment Sébastien Joanniez et Suzanne Lebeau 14 et mes deux éditeurs aussi Pierre Banos et Françoise Du Chaxel. O ô joie que d'apprendre la nouvelle alors que j’attends un train qui ne vient pas à la gare Part Dieu à Lyon. L comme livre, qui est au centre de ce prix et c'est rare et c'est bon et c'est important de dire cela. L comme lectures, qu'elles étaient belles ces lectures à Paris comme à Saint Priest, qu'ils étaient beaux et touchants ces jeunes lecteurs apprentis acteurs d'un soir et comme ils faisaient plaisir à voir. I quelle belle idée que ce prix qui donne la parole la vraie, qui la déclenche, lui donne de l'importance, loin des poncifs de la communication, ici nous sommes dans la vraie démarche citoyenne de "je donne un avis". D comme déception, oui je l'avoue il y a trois ans quand Alice pour le moment est arrivée sur la deuxième marche du podium j'ai été déçu non pas par pure vanité mais pour toutes les raisons évoquées ci-dessus. R un rêve. I have a dream. Que ce prix puisse DONNER L'ENVIE, l'envie de lire, d'écrire. Et si on touchait du doigt le rêve... A ligre, la radio, autre très beau souvenir, quand des jeunes prennent la parole qui leur est offerte sur une bonne radio associative humaine et intelligente. M agique ces rencontres dans les classes, ces regards critiques qui vous sont adressés avec fermeté, gentillesse et bonne humeur. » COLLIDRAM c'est tout ça, c'est magique, c'est intelligent et simple à la fois. C'est essentiel ! Sylvain Levey Année scolaire 2011-2012 : L’action continue à s’étendre à l’ensemble du territoire français. Elle touche 9 classes en Île-de-France, 6 classes en Rhône-Alpes, 6 classes en Alsace, 2 classes en Lorraine, 1 classe dans le Nord Pas de Calais, soit 24 classes participantes 750 élèves – 750 livres achetés Lauréate : Françoise Du Chaxel / Ce matin, la neige ; éditions Théâtrales « Mardi 19 Juin, je reviens de Strasbourg, dernière étape de mon tour de France Collidram à la rencontre des collégiens. J'ai la tête pleine de visages et de regards, pleine de leurs questions et de leurs silences aussi. C'est si mystérieux et troublant le rapport entre un auteur et ses lecteurs. Comment ontils accueilli mes mots? De quoi ont-ils rêvé en les lisant? Alors là, savoir que des collégiens, de 11 ans à 15 ans, ont choisi ce texte que je n'ai pas écrit « pour » eux, mais où j'ai tenté, en mêlant l'histoire intime de deux adolescents à la grande Histoire, de dire la difficulté de grandir surtout lorsqu'on a constamment des choix à faire, c'était d'autant plus troublant. Lorsque Pascale Grillandini m'a dit que Ce matin, la neige faisait partie de la sélection du prix Collidram, j'ai été surprise et ravie, tant je trouve passionnante l'aventure que représente ce prix, pas le prix lui-même bien sûr, mais ce voyage dans le théâtre qui s'écrit aujourd'hui qu'il fait faire aux collégiens, les fans de lecture comme les si nombreux rétifs. Et l'exigence de la sélection qui ne cherche pas à leur plaire mais à les emmener très loin. Leurs questions font revivre Anna et Thomas, m'obligent à revenir sur la fabrique de l'écriture. Toutes les rencontres qui ont suivi m'ont fait faire ce chemin. J'avais l'impression de ne pas répondre ce qu'il fallait, d'ouvrir encore plus de vides, mais a–t-on vraiment besoin de tout savoir? Il y a eu des rencontres intimes dans une salle de documentation ou dans une médiathèque et des rencontres plus solennelles dans des salles de spectacle, et l'émotion de la remise du prix à Montreuil avec les surprises qu'ils avaient préparées, mais j'ai toujours senti qu'ils étaient là, tout proches, même ceux qui ne disaient rien ou qui faisaient ceux que ça n'intéresse pas. Et puis je garde pour la fin ce moment précieux où une jeune fille est venu me dire lorsque j'allais partir : "Voilà les deux phrases que je préfère dans votre texte: Mon père me regarde devenir belle. Je le regarde devenir fier." Un beau cadeau! » Françoise Du Chaxel 15 Année scolaire 2012-2013 : L’action touche 13 classes en Île-de-France, 4 classes en Rhône-Alpes, 2 classes en Alsace, 2 classes en Lorraine, 2 classes dans le Nord Pas de Calais, 1 classe en PACA, 2 classes en Poitou Charente, soit 26 classes participantes - 780 élèves – 780 livres achetés Lauréate : Catherine Zambon / Mon frère, ma princesse ; L’Ecole des loisirs « Lorsque j’ai écrit Mon frère ma princesse, je n’avais aucune idée de la réaction d’un lectorat d’enfants. N’était-ce pas trop audacieux cette histoire de petit garçon qui affirme si fort son envie d’être une fille ? En écrivant les mots d’Alyan, je me suis dit quelques fois que je risquais de surprendre, voire de déranger et, peut-être, de choquer. Plus que vers le masculin/féminin, je tournais le regard vers le genre, l’identité profonde. J’étais donc un peu inquiète. Je ne m’attendais certainement pas à ce qui s’est passé avec les enfants que j’ai rencontrés et qui, découvrant Mon frère, ma princesse, ont fait preuve d’une telle ouverture d’esprit. J’ai été bouleversée par ce sens de la justice affirmé par beaucoup, par leur envie de reprendre pour soi cette parole de Nina : « Comme on est, on a le droit », sans faire l’impasse sur de vrais débats singuliers, contradictoires, riches. Lors des rencontres, j’ai vu des garçons venir habillés en fille et des filles habillées en garçon, comme pour affirmer : « Nous aussi, on prend position, on défendrait Alyan contre l’intolérance ». A eux tous, je dois des vrais moments de bonheur et de paix. A tous, enfants, enseignants, équipe de Collidram, un grand merci. » Catherine Zambon Année scolaire 2013-2014 : L’action touche 9 classes en Île-de-France, 5 classes en Rhône-Alpes, 4 classes en Alsace, 2 classes en Lorraine, 1 classe dans le Nord Pas de Calais, 2 classes en PACA, 2 classes en Midi-Pyrénées, 4 classes en Poitou Charente, soit 29 classes participantes - 870 élèves – 870 livres achetés. Lauréate : Fabienne Swiatly / Annette, tombée de la main des dieux ; éd Color Gang La belle exigence Exigence est le mot qui me revient sans cesse quand je me remémore les temps forts de Collidram. Il peut paraître un peu sec mais l’exigence est une forme de confiance dans l’intelligence de l’autre. Ce n’est pas lui en demander trop mais surtout ce n’est pas se contenter du peu. Etre lue avec exigence et puis avoir été reconnue dans son travail (avoir été compris) donne le vrai courage, celui de dépasser les montagnes de bêtises et de suffisance qui voudraient nous détourner du chemin des lumières pour nous entrainer vers les néons de la consommation. J’ai rencontré de nombreux élèves, à peine adolescents qui avaient leur mot à dire sur mon texte. Des mots pour questionner, pour approfondir, pour soulever des doutes … pour exister à leur tour dans mon écriture. Un texte n’est rien sans des lecteurs ou alors il vient décorer quelques étagères poussiéreuses. J’ai aimé leur ingérence bienveillante. Des élèves qui ne s’en laissent pas compter car le rugueux de la vie, ils connaissent. Il n’y a que les adultes pour croire en l’innocence de leur jeunesse. Et voir encore une fois combien ces jeunes peuvent s’impliquer dans une lecture si on sait les accompagner et surtout si on leur fait confiance, me redonne le goût de l’avenir. Mes mots directs parfois crus, ne leur ont pas fait peur et ils ont compris aussi la tendresse qui pouvait s’en détacher. J’espère qu’ils liront mon message ici posté car je veux encore leur dire combien leur choix, leurs commentaires, leur implication me donnent du courage pour poursuivre mon métier d’écrivaine. J’emporte leurs mots, leurs regards, leurs sourires avec moi pour les jours gris de l’écriture, les jours où le doute empêche d’avancer. Et je veux également remercier ceux qui permettent que de telles rencontres aient lieu. Ceux et celles qui pensent que la littérature n’est pas une distraction. 16 A chacun et chacune de Collidram, j’aimerais offrir ce slogan tout à fait personnel mais soit 26 classes participantes pour qui nous ferons certainement cause commune : « Non. Nous ne nous laisserons pas distraire ! » Fabienne Swiatly 2015 32 classes participantes dans 9 régions : Alsace, Centre, Île-de-France, Languedoc, Midi-Pyrénées, PACA, Poitou Charente, Nord Pas de Calais, Rhône-Alpes.- 960 élèves – 960 livres achetés Lauréate : Claudine Galea / Au Bois; éd Espaces 34 « Lorsqu'en septembre dernier, Pascale Grillandini m'a téléphoné pour me dire que Au Bois était dans la sélection du prix Collidram, je suis tombée des nues. Et j'étais dubitative. Pour moi, il ne s'agissait pas d'une "pièce pour ados", comme on dit. Je me suis dit qu'ils étaient gonflés à Collidram, ça m'a amusée, et j'étais curieuse de vos réactions, mais je n'imaginais absolument pas que je pouvais avoir le prix. Aujourd'hui je suis là avec vous et, oui, je suis très heureuse, mais je dois vous dire aussi que vous m'avez fait réfléchir. Je me suis posé la question : est-ce que si j'avais voulu écrire une pièce "pour adolescents", j'aurais fait ce texte exactement ? Je crains que non. En partie, non. J'aurais eu peur de vous ennuyer, j'aurais voulu vous rendre les choses plus faciles. Vous aurais-je finalement sousestimés ? Qu'est-ce que j'aurais modifié ? Pas la langue, mais sans doute la forme de la pièce. Est-ce que j'aurais balancé trois pages de monologue de la mère qui n'est pas l'héroïne ? Est-ce que j'aurais imaginé ne pas distribuer la parole entre les protagonistes ? Est-ce que j'aurais créé davantage de personnages adolescents ? Je ne me serais pas censurée à propos du mot "sexe", de la scène de viol, j'aurais utilisé les mêmes niveaux de langage, du poétique au plus familier – comme je l'ai dit à certains, si on parle d'un salopard on l'appelle salopard, on ne dit pas monsieur ! Je n'ai jamais eu peur d'aborder les choses de front avec quelque public que ce soit. Je n'aime pas prendre les jeunes pour plus naïfs ou inoffensifs qu'ils ne sont. Je ne cherche pas à vous protéger car les livres m'ont sauvée quand j'étais adolescente, les livres m'ont donné de l'audace, et ce sont les plus entiers, les plus radicaux, les plus cruels, les plus forts qui ont joué ce rôle, parce que c'étaient en même temps des textes à la langue superbe, aux histoires et aux sentiments complexes, et parfois je ne comprenais pas tout, mais ils me parlaient, ils me parlaient très fort de ce qui m'intéressait, de ce qui nous intéresse tous à partir d'un certain âge, votre âge, ils me parlaient de la passion, du désir, de la rébellion, de la mort, de la liberté, du dépassement de soi, du désir d'ailleurs, du courage, ils mettaient le monde et moi-même en questions, ils m'invitaient à l'aventure de la vie. Quand j'avais quatorze ans, la littérature "pour adolescents" n'existait pas. Je lisais donc de grands auteurs tout court qui s'adressaient aussi à moi. Je me souviens du Barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras, Dune de Frank Herbert, Les Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë, Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, Le blé en herbe de Colette, Aurélien de Louis Aragon, Mrs Dalloway de Virginia Woolf, La Batarde de Violette Leduc, L'Étranger de Camus, L'astragale d'Albertine Sarrazin, Frankie Addams de Carson Mc Cullers. Il n'y avait pas Internet, le monde de l'image c'était la télévision. La télévision me distrayait, mais on ne vit pas, on n'aime pas en étant seulement distrait, non ?! Quand on est adolescente, adolescent, on se pose beaucoup de questions, et c'est la même chose quand on est artiste, écrivain en ce qui me concerne. C'est en disant et en montrant franchement les choses, en dévoilant ce qu'on nous cache, en libérant ce qu'on censure, en créant des débats, en ouvrant des perspectives, en invitant au rêve et au changement, sans confondre le rêve avec l'illusion, l'utopie avec la chimère, c'est en offrant de la beauté – richesse de la langue, poésie, délicatesse des émotions, hauteur de la pensée – qu'on mesure l'étendue, la complexité, l'inventivité de l'être humain. Vous êtes des êtres humains en formation, quelle chance merveilleuse, vous avez votre vie à construire et votre vie c'est aussi la vie des autres, notre vie. 17 Alors je vous dis merci. Merci d'être de vrais lecteurs, audacieux, gourmands, sans a priori, prêts à essayer, à expérimenter, à "comprendre de l'intérieur" comme l'a dit l'un d'entre vous - et c'est exactement mon travail, essayer tenter expérimenter chercher creuser oser comprendre de l'intérieur -, prêts à en découdre, prêts à s'enthousiasmer, à s'interroger, à argumenter, à mettre sur la place publique tout ce qui fait la vie, y compris ce qui fait mal, ce dont on a peur ou honte, ce qui donne la rage. Merci parce que vous confirmez ce que je pensais : la littérature pour les adolescents c'est de la littérature. Qu'on vous la confie, qu'on mette les livres entre vos mains, vous savez vous débrouiller, comprendre, deviner, critiquer, argumenter. Et si vous ne savez pas, vous apprenez. Et vous apprenez vite. Il y a dans toute œuvre une porte par laquelle entrer, une porte émotionnelle, une porte intime, une porte sensuelle, une porte collective, une porte insurrectionnelle. Une porte vivante. Alors merci aussi à Postures, à l'équipe du prix Collidram, car ce sont elles et eux qui ont porté ces textes dans les classes parmi vous avec les enseignants qui l'ont voulu, et merci à eux, à elles, ils ont osé, ils vous ont fait confiance, ils ne vous ont pas facilité la tâche, ils ne vous ont pas raconté de sornettes, ils ne vous ont pas caressé dans le sens du poil. Merci enfin à Sabine Chevallier, mon éditrice qui a eu l'idée de proposer pour la sélection de ce prix Rien ne vaut la liberté, toute la liberté d'écrire et de lire et de penser et de parler. Il ne faut rien négocier en termes de liberté. Rien négocier en termes d'exigence et de beauté. Pour vivre sa vie. » Claudine Galea - Lauréate du prix Collidram 2015 18