Chapitre 1
Processus de renouvellement
1.1 Occurrences d’un phénomène
Pour compter le nombre d’appels dans un central téléphonique, le nombre
d’émissions de particules radioactives ou bien le nombre de clients qui se
sont présentés devant un guichet jusqu’à un instant donné, on est amené à
introduire un processus stochastique n’évoluant que par sauts d’amplitude 1.
Les sauts du processus correspondent à des instants aléatoires où se produisent
certains événements spécifiques, e.g. la réception d’un appel dans le central
téléphonique, l’émission d’une particule radioactive ou bien l’arrivée d’un
client devant un guichet.
Définition 1.1.1. Un processus stochastique N = (Nt)tR+est un processus de
comptage si ses trajectoires sont croissantes par saut d’amplitude 1, continues
à droites et nulles à l’instant 0.
Un processus de comptage Npeut être représenté par la suite de ses ins-
tants de sauts (Tn)n1qui vérifie 0 <T1<T2<··· p.s. car les sauts sont
d’amplitude 1. On a alors, pour chaque tR+:
Nt=
n1
1{Tnt}.
La variable aléatoire Tns’appelle n-ème instant de saut de Net l’accroisse-
ment TnTn1est son n-ème instant d’inter-arrivée, en adoptant la conven-
tion T0=0.
1
2CHAPITRE 1. PROCESSUS DE RENOUVELLEMENT
Définition 1.1.2. Un processus de comptage dont la suite des inter-arrivées
forme une suite de variables aléatoires indépendantes et identiquement dis-
tribuées s’appelle processus de renouvellement.
Un processus de renouvellement à pour fonction de dénombrer les oc-
currences d’un phénomène donné, lorsque les délais entre deux occurrences
consécutives sont des variables aléatoires indépendantes et identiquement dis-
tribuées. Il peut s’agir de compter le nombre de pannes d’un matériel électro-
nique en théorie de la fiabilité (le matériel est alors renouvelé après chaque
panne, d’où la dénomination), de dénombrer les arrivées de clients dans une
file d’attente, de recenser les occurrence d’un sinistre pour une compagnie
d’assurance...
Dans la suite de ce chapitre, Nest un processus de renouvellement et
(Tn)n1est la suite des instants d’arrivées. De plus, Xn=TnTn1désigne le
n-ème instant d’arrivée. On note la relation fondamentale :
NtnTnt.
Dorénavant, Xest une variable aléatoire de même loi que X1. Remarquons
que, par définition d’un processus de comptage, P(X=0) = 0.
Comme Nest un processus de comptage, Nt<p.s. pour chaque tR+.
La situation particulière des processus de renouvellement permet d’être plus
précis à ce sujet.
Théorème 1.1.3. Il existe C >0tel que pour tous t R+et n Ct,
P(Nt=n)2en/C.
En particulier, les variables aléatoires Ntadmettent un moment exponentiel.
Preuve. Puisque P(X=0) = 0, il existe κ>0 tel que p=P(Xκ)>0.
Notons
X0
`=κ1{X`κ},
et (N0
t)tR+le processus de renouvellement associé aux inter-arrivées (X0
`)`1.
Comme X0
`X`pour tout `1, on a N0
tNtpour tout tR+. De ce fait,
P(Nt=n)P(N0
tn) = P(T0
nt),
1.1. OCCURRENCES D’UN PHÉNOMÈNE 3
si T0
n=X0
1+···+X0
n. Si nest assez grand de sorte que t/npκ≤ −pκ/2,
i.e. n2t/(pκ), on trouve
P(Nt=n)PT0
n
npκt
npκP
T0
n
npκ
pκ
2.
D’après l’inégalité de Hoeffding, il existe donc K>0 tel que pour tous tR+
et n2t/(pκ),
P(Nt=n)2eKn,
d’où le théorème.
Dans la suite, Fndésigne la fonction de répartition de la variable aléatoire
Tn, et F=F1désigne celle de T1=X1.
Proposition 1.1.4. Soient n 0et x,tR+. On a les relations :
Fn+1(x) = Zx
0
Fn(xy)dF(y)et P(Nt=n) = Fn(t)Fn+1(t).
Preuve. Pour la seconde relation, on observe que
{Nt=n}={Ntn}\{Ntn+1}={Tnt}\{Tn+1t},
d’où
P(Nt=n) = P(Tnt)P(Tn+1t) = Fn(t)Fn+1(t).
La première relation s’obtient par conditionnement, en remarquant que puisque
Tn+1=Tn+Xn+1et TnXn+1, on a pour tout 0 yx:
P(Tn+1x|Xn+1=y) = P(Tnyx) = Fn(xy),
et 0 lorsque y>x. Par suite,
Fn+1(x) = E P(Tn+1x|Xn+1) = Zx
0
Fn(xy)dF(y),
car Xn+1admet Fpour fonction de répartition.
4CHAPITRE 1. PROCESSUS DE RENOUVELLEMENT
1.2 Fonction de renouvellement
A chaque instant, le processus de renouvellement Nadmet des moments de
tous ordres. En particulier, la moyenne de la variable aléatoire Ntjoue comme
souvent un rôle prépondérant.
Définition 1.2.1. La fonction de renouvellement est la fonction m définie pour
chaque t R+par
m(t) = ENt.
La fonction de renouvellement est localement bornée. On peut la représen-
ter par la relation
m(t) =
n1
Fn(t),
car, par convergence monotone,
m(t) = E
n1
1{Tnt}=
n1
P(Tnt) =
n1
Fn(t).
Cependant, cette représentation est en général inexploitable. La représen-
tation qui suit est plus utilisable. Dans la suite, on considère l’équation fonc-
tionnelle de renouvellement, d’inconnue µ:R+R+:
(R):µ(t) = F(t) + Zt
0
µ(ts)dF(s),tR+.
Théorème 1.2.2. La fonction de renouvellement m est la seule solution loca-
lement bornée de l’équation de renouvellement (R).
Preuve. Montrons tout d’abord que mest solution de (R). Si 0 ts, on a
E(Nt|X1=s) = 0 car, dans ce conditionnement, le premier instant de saut du
processus de renouvellement est postérieur à t. De plus, si ts, par conver-
gence monotone et comme les instants d’inter-arrivées sont indépendants et
de même loi :
E(Nt|X1=s) = E
n2
1{X2+···+Xnts}
X1=s+1
=
n2
P(X2+···+Xnts) + 1
=
n2
P(Tn1ts) + 1
=m(ts) + 1.
1.2. FONCTION DE RENOUVELLEMENT 5
On déduit de ces deux observations que
m(t) = E E(Nt|X1)1{X1t}=Zt
0
E(Nt|X1=s)dF(s)
=Zt
01+m(ts)dF(s) = F(t) + Zt
0
m(ts)dF(s),
c’est-à-dire que mest une solution de (R). Pour prouver la propriété d’unicité,
considérons une autre solution localement bornée µà l’équation de renouvel-
lement, et notons δ=mµ. Alors, pour tout tR+:
δ(t) = Zt
0
δ(ts)dF(s) = Eδ(tX1)1{X1t}.
Comme X1et X2sont indépendantes et de même loi, l’égalité ci-dessus montre
que
δ(tX1) = Eδ(tX1X2)1{X2tX1}
X1
=Eδ(tT2)1{T2t}
X1.
En combinant ces relations et en utilisant le fait que {T2t}⊂{X1t}, on
trouve :
δ(t) = E Eδ(tT2)1{T2t}
X11{X1t}=Eδ(tT2)1{T2t}
=Zt
0
δ(ts)dF2(s).
Par itération, les mêmes arguments montrent que pour tous tR+et n1 :
δ(t) = Zt
0
δ(ts)dFn(s).
Si Mdésigne un majorant de δsur l’intervalle [0,t], il vient
|δ(t)|=
Eδ(tTn)1{Tnt}
MP(Tnt),
car Fnest la fonction de répartition de Tn. Or, comme Nt<p.s.,
lim
n
P(Tnt) = lim
n
P(Ntn) = 0,
d’où δ0, et la propriété d’unicité annoncée.
Le seul fait que fonction de renouvellement soit affine suffit à caractériser
le processus de renouvellement, comme le montre le théorème qui suit.
1 / 16 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !