Introduction
Selon le Conseil européen de décembre 1984, sont considérées comme
pauvres les personnes dont les ressources (matérielles, culturelles et
sociales) sont si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables
dans la société. Selon A. Sen1, « la pauvreté n’est pas qu’une question de revenu. C'est
aussi être exclu des grandes décisions qui touchent à sa propre vie et ne plus être repré-
senté auprès des instances politiques locales ou nationales ». La pauvreté peut être per-
çue comme un manque de moyens empêchant les individus d’accéder à un « standard
de niveau de vie minimum ». Il reste à préciser ce que l’on entend par là.
Cette définition tente de prendre en compte le caractère multidimensionnel du
phénomène de pauvreté, caractère qui s’est accentué avec l’émergence de ce qu’il est
convenu d’appeler de nouvelles formes de pauvreté au cours des années 80 et 90. Ainsi
la pauvreté ne doit pas être exclusivement mesurée sous l’angle des ressources moné-
taires, mais aussi par l’existence ou l’accumulation de handicaps qui reflètent aussi les
profondes évolutions du marché du travail. Un défaut de formation ou d’adaptation
entraîne une faiblesse des ressources monétaires qui n’est que la conséquence la plus
visible ou, en tout cas, la plus aisément mesurable par le statisticien. Les degrés de liber-
té laissés par cette définition sont très larges, tant sur la mesure du standard de niveau
de vie en question -quels sont les biens et services jugés nécessaires aujourd’hui ? - que
sur le champ de sa mesure (région, pays). Derrière ces interrogations sur la référence on
voit poindre le débat sur les mesures de la pauvreté en absolu ou en relatif ainsi que les
questions que pose la fixation plus ou moins arbitraire des seuils de pauvreté.
■ La nature de la pauvreté a changé…
Définir les populations pauvres pour mieux les dénombrer n’est pas la seule
difficulté. En effet, décrire la pauvreté à un instant donné ne suffit pas. Il convient
lorsque cela est possible d’en analyser les origines et les transformations.
Manifestement, au cours des vingt dernières années, la pauvreté a changé de visage,
ses causes sont multiples et ses symptômes variés. Elle touche des populations hété-
rogènes et changeantes au cours du temps. Même si ces phénomènes présentent une
grande inertie et des évolutions qui ne sont réellement visibles que sur longue pério-
de, les pauvres d’aujourd’hui ne sont plus tout à fait identiques aux pauvres d’il y a 20
ou 30 ans. A la pauvreté traditionnelle, rurale ou ouvrière, touchant plutôt les per-
sonnes âgées, s’est substituée l’image d’une pauvreté urbaine ou périurbaine, tou-
chant de plus en plus les exclus du marché du travail, les jeunes ou les familles mono-
parentales. Ces modifications dans la nature de la pauvreté sont des conséquences
des évolutions démographiques et sociales : renouvellement des générations, aug-
1- Sen A, « Ethique et économie », PUF, 1987.
25 Les Travaux de l’Observatoire
2000