Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 12 ________________________________________________________________________________ Introduction à la spectrométrie Sixième partie : détection d'exoplanètes par la mesure de la vitesse radiale par Alain Kohler Une application moderne très importante de la spectrométrie consiste en la détection des exoplanètes.On exploite le fait que si une planète tourne autour de son étoile, elle « induit » également un mouvement de l’étoile elle-même (voir le dessin à gauche). C’est un fait bien connu : lors du lancer du marteau, non seulement le marteau tourne mais l’athlète aussi tourne autour d’un point que les physiciens appellent centre de masse du système « athlète-marteau ». L’athlète étant plus massif que le marteau, on constante que l’athlète tourne moins vite que le marteau, heureusement ! Pareillement en astronomie le système « étoile-planète » tourne autour de son centre de sa masse : ce dernier se trouve bien sûr très proche du centre de l’étoile car l’étoile est bien plus massive que n’importe quelle planète. L’étoile tourne ainsi bien moins vite que la planète, malheureusement pour la mesure !! Comme les planètes sont encore très difficilement détectables en direct, on s’attelle à détecter le mouvement induit sur leur étoile. Ceci peut se réaliser grâce à l’effet Doppler. L'effet Doppler sonore Quand une sirène s'approche de nous, passe devant nous puis s'éloigne de nous, on entend au moment du passage une brusque chute de la hauteur du son. Le physicien autrichien Doppler a, au début du XIXème siècle, expliqué ce phénomène via la nature ondulatoire du son. Considérons une source sonore fixe et un observateur (une oreille !) fixe. La source émet un son à une certaine fréquence. Compte tenu de la vitesse du son, vson, déterminée par le milieu (l'air), la source impose donc une certaine longueur d'onde λs au son. On représente donc cette longueur d'onde sur le graphique (à droite) par la distance qu'il existe entre deux fronts d'onde. Nous appelons cette longueur d'onde par λréelle. Source fixe Si maintenant la source se déplace en direction de l'observateur à la vitesse vsource, on constate un rapprochement des fronts d'onde c'est-à-dire que la longueur d'onde diminue de la distance parcourue par la source vsourceTréelle, où Tréelle est le temps séparant l’émission de deux fronts d’onde par la source. La nouvelle longueur d'onde perçue par l'observateur, qu'on va appeler longueur d'onde apparente vaut alors : λapp = λréelle - vsourceTréelle Or la vitesse du son (de l’onde) est donnée par : vson = λréelle / Tréelle Source mobile Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 13 ________________________________________________________________________________ En combinant ces deux dernières équations, on obtient : __ λréelle - λapp Vson = Vsource λréelle Dans le cas traité, la source se rapproche de l'observateur ce qui se traduit par une diminution de la longueur d'onde : physiologiquement, cela s'entend par un son plus haut que celui émis par la source. On a la situation opposée quand la source s'éloigne de l'observateur, la longueur d'onde apparente est plus grande et cela s'entend comme un son perçu plus grave. L'effet Doppler en astronomie On retrouve ce même effet avec la lumière car celle-ci est, comme le son, une onde. Si on considère une source de lumière en mouvement par rapport à un observateur, on obtient la même formule que précédemment. La différence entre la vraie longueur d'onde et celle mesurée (apparente) se notant par ?? et la vitesse de l'onde est celle de la lumière soit c, on obtient alors : vsource c = Δλ λ Un changement de longueur d'onde se traduit par un changement de couleur. Une étoile nous envoie un spectre discret d'absorption superposé à un spectre continu. Lorsque l'étoile s'éloigne de nous, tout le spectre est décalé vers des longueurs d'onde plus grandes (on parle par image d'un décalage vers le rouge ou redshift, langage quelque peu abusif si on pense que la couleur rouge va elle se décaler vers l'infrarouge). Concernant le spectre continu, on ne verra pas de différence, puisque toutes les couleurs seront représentées à nouveau. Par contre les lignes du spectre d'absorption sont liées à des longueurs d'onde bien précises (éléments chimiques) : un décalage de cellesci traduit donc une vitesse de la source. Etoile immobile par rapport à l'observa- Etoile mobile par rapport à l'observateur Il est important de noter que la formule précédente donne une relation de proportionnalité entre la différence de longueur d'onde mesurée et la vitesse de l'étoile qu'on veut déterminer. Donc plus cette différence en longueur d'onde est grande, plus la vitesse de l'étoile est élevée. Concrètement, on relève avec un spectromètre le spectre d'une étoile qu'on compare avec un spectre terrestre de référence pour la calibration des longueurs d'onde. Si l'on constate que les raies d'absorption (ou d'émission par exemple pour une nébuleuse) ne sont pas au bon endroit, cela traduit une vitesse de la source par rapport à l'observateur. Il faut encore préciser que cette technique permet de mesurer une vitesse liée à un rapprochement ou à un éloignement : on parle de vitesse radiale (selon le " rayon " ou distance variable nous séparant de l'étoile). Cette technique ne permet pas de mesurer une vitesse transversale (étoile se déplaçant à distance constante de nous) : de manière générale, la vitesse d'une étoile est la combinaison des deux mais seule la vitesse radiale est mesurable par l'effet Doppler. Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 14 ________________________________________________________________________________ Application de l'effet Doppler aux exoplanètes L'effet Doppler a d'abord été appliqué pour la mesure de la vitesse radiale d'étoiles doubles. Au cours du temps, on relève que la longueur d'onde augmente puis diminue, ceci de manière périodique, ce qui traduit un mouvement de rapprochement et d'éloignement engendré par la révolution des étoiles autour de leur centre de masse. A B La technique utilisée pour la détection des exoplanètes est strictement la même à un détail expérimental important près : la vitesse de l’étoile autour de laquelle tourne l’exoplanète est très faible par rapport à une étoile double. Pour illustrer ceci, prenons la situation du système Terre-Soleil (on fait abstraction ici des influences des autres planètes…). La Terre se déplace à une vitesse d’environ 30 km/s autour du Soleil. Le Soleil est 300'000 fois plus massif que notre planète. En conséquence, la vitesse du Soleil imputable au mouvement de la Terre est 300'000 fois plus faible, ce qui correspond à seulement 0,1 m/s. Un être humain au pas va dix fois plus vite ! Ainsi pour mesurer un système équivalent au système Terre-Soleil, il faudrait un sepctromètre capable de détecter 0,1 m/s ( = vitesse de la source) comparativement à la vitesse de la lumière ( = vitesse de l’onde) qui est de 300 millions de m/s. On doit donc avoir le même rapport pour la différence de longueur d’onde constaté comparée à la longueur d’onde de référence. Autrement dit une résolution de 3 milliards !! Inimaginable !! Et pourtant… lorsque l’équipe franco-suisse, avec Michel Mayor et Didier Queloz., découvre la première exoplanète, 51 Pegasus, en 1995, l’incertitude sur les vitesses n’est même pas de 10 m/s ! Le graphique ci-dessous traduit bien un mouvement périodique d’aller-retour de l’étoile, donc en principe, de la planète qui lui est jointe.