chapitre vi quantification de l`énergie : structure atomique

J.P. Rozet 2007
1
CHAPITRE VI
QUANTIFICATION DE L'ÉNERGIE : STRUCTURE ATOMIQUE
Raies spectrales - Niveaux d'énergie - Modèle de Bohr
I - SPECTRES OPTIQUES
1) Raies d'émission et d'absorption ; résonance optique
Nous avons vu qu'un corps porté à haute température émet de la lumière. En accord avec les lois du corps noir,
le rayonnement est réparti de façon continue sur toutes les fréquences : ce spectre continu dépend de la température
mais peu du matériau utilisé (il s'écarte plus ou moins des caractéristiques physiques du corps noir).
Il existe cependant d'autres façons de produire de la lumière : dans les "lampes à décharge", un courant
électrique traverse la vapeur d'un élément chimique donné (lampe à décharge ou "arc électrique"). Dans ces conditions,
la "couleur" du rayonnement émis dépend assez peu de la température et est au contraire caractéristique de la nature
chimique de la vapeur : couleur "jaune" pour le sodium, couleur "verte" pour le mercure par exemple. Les dispositifs
spectroscopiques même les plus simples (comme le spectroscope à prisme ou à réseau utilisé en travaux pratiques de
L1 ou L2) permettent facilement de montrer que le rayonnement n'est constitué dans ce cas que de certaines fréquences
particulières correspondant à ce que l'on appelle des raies d'émission.
Les fréquences ou longueurs d'onde de ces raies sont définies avec grande précision ( 10-6) et sont uniquement
caractéristiques des divers types d'atomes (ou ions) présents dans la décharge.
Inversement, si on éclaire une vapeur de l'un des éléments précédents par de la lumière "blanche" (c'est à dire un
spectre continu), on constate que la lumière correspondant à certaines fréquences particulières -encore une fois très
précisément définies- est sélectivement absorbée : une analyse spectroscopique de cette lumière montre ainsi l'existence
de raies d'absorption qui apparaissent cette fois en "noir" sur un fond continu. Les raies d'absorption sont toutes
observées à des fréquences correspondant assez exactement à certaines des raies d'émission de la même espèce
chimique.
Le phénomène de résonance optique, enfin, se manifeste lorsque l'on éclaire une vapeur monoatomique avec une
raie d'émission de la même espèce chimique et correspondant à une de ses raies d'absorption. Ce phénomène a été
observé dès 1905 par Wood sur la vapeur de sodium (raie jaune-orangée à 5893 Å). Les caractéristiques de ce
phénomène sont :
- une très forte atténuation du faisceau de lumière incidente (absorption "résonante")
- une réémission isotrope de lumière à une fréquence égale à celle du rayonnement incident (lumière de
fluorescence ou de résonance).
Cette fluorescence qui s'apparente à première vue à la diffusion Thomson est en fait la manifestation d'un
phénomène bien différent : elle s'observe pour un domaine de fréquences très différent (fréquences beaucoup plus
petites) et pour une fréquence bien déterminée. Les raies d'émission d'un élément donné donnant lieu à ce phénomène
d'absorption sélective sont appelées raies de résonance.
J.P. Rozet 2007
2
2) Termes spectraux et principe de combinaison
Ce n'est que peu à peu que se dégagera l'idée que ces spectres de raies sont caractéristiques de la structure des
atomes impliqués.
L'hydrogène est le plus simple des atomes, et il n'est pas étonnant que les premières règles portant sur la
fréquence de ces raies aient été découvertes pour ce corps.
La spectroscopie moderne a en fait commencé avec la remarque de Balmer, en 1885, que les longueurs
d'ondes des raies de l'hydrogène alors connues étaient très exactement représentées par la formule :
(Formule de Balmer) 4n n
2
2
λ=λ l l
λ
= 3645 Å
En étudiant d'autres types d'atomes, Rydberg fut conduit à généraliser cette loi en 1889 : il montra que pour
chaque type d'atome, les raies peuvent se classer en séries, et qu'à l'intérieur de chaque série, les longueurs d'onde
obéissent à la loi :
22 )bn( R
)am( R1
+
+
=
λ
où m et n sont des nombres entiers, m étant fixe à l'intérieur d'une série, a et b étant deux nombres qui ont des
valeurs fixes à l'intérieur d'une série mais qui peuvent varier d'une série à une autre et d'un atome à l'autre.
Dans le cas de la série de raies étudiée par Balmer, a = b = 0 , m = 2 et R a une valeur qui pour l’atome
d'hydrogène vaut R 1,096 105 cm-1
appelée depuis constante de Rydberg (R a les dimensions de l'inverse d'une longueur :
911cm
10096,1 11
R5
R
R=λ
λ
=Å =
l
l
λ
=
λ4
R
4)
La formule de Balmer peut en effet se réécrire :
=
λ22 n
1
2
1
R
1
Dans le cas de l'hydrogène, on trouva d'autres séries de raies, satisfaisant à la loi de Balmer-Rydberg,
=
λ22 n
1
m
1
R
1
la série de Lyman correspond à m = 1 (1906)
la série de Balmer correspond à m = 2 (1885)
la série de Paschen correspond à m = 3 (1908)
la série de Brackett correspond à m = 4 etc
On observe que chacune de ces séries, correspondant à un domaine de longueur d'onde bien distinct, a cependant
la même structure. Exemple : série de Balmer
La série semble se terminer à
une limite l
λ où commence un
spectre continu que nous
interpréterons ultérieurement.
λλ
HHH
αβγ
lν
J.P. Rozet 2007
3
D'une façon générale, les formules précédentes indiquent que la fréquence d'une raie (ou l'inverse de sa
longueur d'onde) est donnée par la différence entre deux termes (certains termes pouvant se retrouver d'une série à
l'autre) : ces termes, caractéristiques de l'atome sont appelés termes spectraux.
En 1908, Ritz généralisa cette propriété en l'étendant à tous les spectres de tous les atomes ; le principe de
combinaison de Ritz s'écrit :
mn
nmmn c
cTcT λ
==ν
=
λnm
mn TT
1
Autrement dit, on peut déterminer à partir des valeurs expérimentales mesurées pour les fréquences des raies
d'un type d'atome donné une suite de nombres Tn appelés termes spectraux, tels que toute fréquence (ou nombre
d'onde λ
1) d'une raie spectrale d'un atome soit égale à la différence de deux termes spectraux. Ces termes spectraux, en
beaucoup plus petit nombre que les raies, représentent donc des quantités plus fondamentales.
3) Loi de Bohr
C'est à Bohr que revient le mérite d'avoir osé interpréter la loi précédente, en 1913, en utilisant les notions
introduites par Planck et Einstein, et après que le modèle d'atome de Thomson (cohérent avec la théorie classique des
phénomènes électromagnétiques) ait été mis à mal par Rutherford.
La loi de Ritz peut en effet s'écrire, en utilisant la notion de photon d'énergie hν, sous la forme :
fimn EEh
=
ν
en posant Ei énergie initiale de l'atome (avant émission du photon) et Ef énergie finale de l'atome.
On en conclut que l'atome ne peut pas posséder de valeurs d'énergie autres que les valeurs hcTn correspondant
aux divers termes spectraux. Ces états sont aussi appelés niveaux d'énergie de l'atome.
A partir de la loi de Balmer-Rydberg, on peut alors reconstituer le schéma de niveaux (ou diagramme d'énergie)
de l'atome d'hydrogène. Si on interprète les niveaux d'énergie de l'atome d'hydrogène comme des états correspondant
aux valeurs possibles de l'énergie de liaison de l'électron (dans le système proton + électron), on voit que ces états liés
doivent correspondre à des énergies négatives (en convenant, comme il est usuel, que E=0 correspond au cas où e- et p
sont infiniment éloignés l'un de l'autre).
Lorsque l'électron se trouve sur des
niveaux d'énergie de n de plus en plus grand
(termes spectraux en 2
n
R énergies en
2
n
Rhc
), son énergie de liaison diminue de plus
en plus (soit ici n
2
iE
n
Rhc
E== et
)EEhE
m
Rhc
Emnmnm
2
f=ν==
E (eV)
0
-5
-10
-13.6
n = o
n = 1
n = 2
n = 3
n = 4
o
Série de
Lyman
Série de
Balmer
Série de
Paschen
(ultraviolet)
(visible)
(infrarouge)
etc ...
J.P. Rozet 2007
4
Remarque 1 : Rhc = (1,096 105 × 102 ) × 6,63 10-34 × 3. 108 = 2.18 10-18 J = 13,6 eV
Remarque 2 : non seulement le schéma de niveaux d'énergie de l'atome d'hydrogène est exceptionnellement simple
(2
nn
Rhc
E= ) mais de plus toutes les énergies de transition calculables par combinaison des termes en 1/n2 sont
observables : dans le cas général, il existe des règles de sélection qui limitent le nombre de combinaisons observables.
Remarque 3 : il existe dans l'atome d'hydrogène, comme dans tous les atomes, un niveau plus lié que les autres (ici le
niveau n=1) et que l'on appelle l'état fondamental de l'atome parce que c'est bien évidemment l'état le plus stable
(celui d'énergie minimum !).
Les raies d'absorption ou de résonance, qui obéissent aux mêmes lois de combinaison que les raies d'émission,
mais qui correspondent à l'absorption d'énergie ("absorption" d'un photon), ne se produisent en général qu'à partir de
l'état fondamental de l'atome : on constate en effet que les raies d'absorption satisfont toutes une loi de combinaison du
type
hν1n = En – E1
où E1 est toujours le même pour les diverses raies et correspond en même temps au plus grand des termes
spectraux de l'atome.
Remarque 4 : Les limites de série correspondent à l'énergie nécessaire pour ioniser l'atome : en particulier, la limite
de série Lyman correspond à l'ionisation à partir de l'état fondamental ( eV6,13Rhc)
1
1(Rhc ==
). Le spectre
continu apparaissant à la fin de chaque série peut s'interpréter comme la capture, vers un niveau final donné, d'un
électron libre d'énergie cinétique 2
mv
2
1 ; l'énergie est libérée sous forme radiative et vaut alors
22
nmv
2
1
hmv
2
1
Eh n+ν=+=ν l
(où n
hl
ν est l'énergie correspondant à la limite de série).
Le fait que cette partie (très faible) du spectre soit continue indique que l'énergie cinétique de l'électron libre
peut prendre n'importe quelle valeur, si petite soit-elle : on dit que l'énergie cinétique de l'électron "libre" n'est pas
quantifiée.
Inversement, l'électron lié ne peut pas avoir n'importe quelle énergie de liaison ; seules certaines quantités sont
permises : il y a quantification de l'énergie pour les états liés.
II - MODELE D'ATOME DE BOHR
1) Le modèle planétaire d'atome et ses insuffisances
Rappelons l'état des connaissances en 1913 :
- l'expérience "de Rutherford" avait montré que les atomes possédaient un noyau de taille très petite ( 10 F),
portant toute la charge positive du noyau. Les atomes étant globalement neutres, ils devaient comporter un nombre
d'électrons égal à la charge positive du noyau ; ce nombre s'identifie par ailleurs avec le numéro atomique de la
classification de Mendeleïev.
- des considérations simples (voir chap.I) montrent que les atomes "occupent" un volume moyen très supérieur à
celui correspondant à la taille des noyaux : la "taille" d'un atome est de l'ordre de l'Å.
J.P. Rozet 2007
5
La force d'interaction entre électrons et noyau est a priori bien connue : il doit s'agir de la force d'interaction
coulombienne en 1/r2. Dans ces conditions, le plus simple est d'imaginer un modèle "planétaire" où des électrons
gravitent autour du noyau (comme les planètes autour du soleil - modèle de Rutherford). Le plus simple, au moins dans
un premier temps, est aussi de se limiter à des trajectoires circulaires, ce que fit Bohr (bien que les trajectoires les plus
générales soient en réalité des ellipses).
Cependant, de nombreuses difficultés se présentent :
- pourquoi tous les atomes d'une espèce donnée ont-ils tous la même taille, ce qui signifierait que le rayon des
orbites électroniques doit avoir une valeur bien déterminée, alors que la mécanique classique autorise toutes les
valeurs ?
- de même, si on accepte la loi de Bohr selon laquelle seules certaines valeurs de l'énergie sont permises
(niveaux d'énergie), pourquoi seules ces valeurs existent-elles, alors que encore une fois la mécanique classique les
autorise toutes ?
- enfin, et plus grave encore, selon les lois de l'électromagnétisme, de tels systèmes ne peuvent pas être stables :
par projection sur un système d'axes orthogonaux 0x,Oy, un mouvement circulaire de pulsation T
2π
=ω (où T est la
période du mouvement) peut s'écrire :
ϕ+ω=
ϕ+ω=
)tsin(ry
)tcos(rx
Le mouvement de l'électron suivant un axe est donc oscillant, et le système noyau-électron se comporte alors
comme un dipôle oscillant : un tel système doit, selon les lois de l'électromagnétisme, rayonner de l'énergie sous forme
d'une onde E.M. de pulsation ω. L'électron, perdant peu à peu son énergie, doit finir par "tomber" sur le noyau !...
2) Mécanique classique et orbites circulaires
Les calculs présentés au chap.III à propos de la diffusion Rutherford peuvent servir de base de calcul dans le cas
des orbites liées, avec ε = 0. Il est cependant très simple de faire le calcul ab initio dans le cas des orbites circulaires :
O
v
F
(proton ou
noyau Ze)
e-
γ
vr4 Ze
v
r
v
r1
4
Ze
F0
22
2
0
2
μπε
=μ=
πε
=
L = µvr L
1
4
Ze
v0
2
πε
=
v
L
rμ
= 2
2
0L
Ze
4
rμ
πε
=
E = T + V = r
1
4
Ze
2
1
v
2
1
r4Ze
v
2
1
0
2
2
0
2
2πε
=μ=
πε
μ
2
2
0
2
L
1
4
Ze
2
1
E
πε
μ=
En mécanique classique, toutes les valeurs de E, L, v et r sont permises.
1 / 10 100%

chapitre vi quantification de l`énergie : structure atomique

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !