DIEU PAR LA FACE NORD
Hervé CLERC
En librairie le 7 avril 2016
LE LIVRE
« Le mot dieu est ambivalent. Il a un adret et un ubac. Une face sud et une face nord.
Quand Nietzsche annonce : « Dieu est mort », il fait référence au dieu personnel, bon, jaloux
ou miséricordieux, que le croyant prie dans les églises, mosquées et synagogues. C’est la face
sud.
La face nord, il n’en souffle mot. Elle est abrupte, lisse, vertigineuse, sans filet, sans contour,
sans fond, nocturne. Certains textes sacrés de lInde la désignent par le pronom « cela ». Des
soufis, autrefois, l’appelaient al-Haqq, le Réel. Maitre Echart la nomme « déité ». Cela ne
meurt pas, cela ne naît pas.
C’est elle que nous voyons aujourd’hui pointer à l’horizon. Cela pourrait être le sens, encore
caché, de notre modernité. »
Dans une démarche et un style uniques en leur genre, Hervé Clerc nous invite à un voyage
ascendant vers une réalité ineffable et cachée, qui a peu de chose à voir avec le « Dieu » que
l’on nie ou confesse habituellement.
Un livre qui n’est pas sans lien avec Le Royaume d’Emmanuel Carrère. Ce dernier, à la
lecture de Dieu par la face Nord, le juge « essentiel ».
L’AUTEUR
Hervé Clerc, le 25 mars 1952 à Lausanne, est diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de
Paris et titulaire d’une maîtrise de Philosophie à Paris II Sorbonne. Il a exercé pendant trente
ans le métier de de journaliste au sein de l’Agence France-Presse, notamment en Espagne,
Pakistan, Afghanistan et Pays-Bas. Il est l’auteur d’un essai sur le bouddhisme, Les Choses
comme elles sont (Folio, essais, 2011), livre remarqué par la presse et les libraires.
Frédérique Pons 01 42 79 10 93 / 10 02
Régions, Suisse, Belgique : Nadine Straub 01 42 79 19 12 / 10 53
L’ascension d’Hervé Clerc
Emmanuel Carrères’estlancéavecpassiondanslalecturede«Dieu parlafacenord »
emmanuel carrère
écrivain
Quand on de-
mande à Hervé
Clerc cequ’il fait
dans la vie :
« J’écris un li-
vre », répond-il.
« Ah bon ?,s’en-
quiert-on poliment . Sur quoi ?»
Etlui : «Sur Dieu.» J’aiassisté plu-
sieurs fois à cette scène, je me
rappelle les têtes des interlocu-
teurs : un type qui n’est ni fou ni
le moins du monde prétentieux
et qui dit placidement une chose
pareille, ça calme. Dieu est la
grande affaire d’Hervé Clerc, qui
estmon meilleur ami.
Dans mon livre, Le Royaume
(POL, 2014),j’ai essayé de tracer
son portrait et de faire entendre
l’écho de la conversation que
nous poursuivons depuis vingt-
cinq ans, tout en marchant sur les
sentiers de montagne du Valais.
Dans cette conversation, je tiens
le rôle de l’agnostique, et lui – du
« croyant » ? Vous n’y êtes pas.
Vous n’y êtes pas plus que cette
personne àqui je recommandais
son livre sur le bouddhisme, Les
Choses comme elles sont (Folio,
«Essais», 2011),et qui me disait :
«Mais alors, il est bouddhiste, ton
ami ? » Non, il n’est pas boudd-
histe. Il n’est pas davantage hin-
douiste ni musulman, bien que
son nouveau livre poursuive l’en-
quête à partir des noms de Dieu
dansl’hindouisme et l’islam.
Devant ce que recouvrent ces
noms, observe-t-il, les hommes
serépartissent en trois familles :
ceux pour qui Dieu n’est pas un
problème parce qu’ils croient ce
que croyaient leurs parents et
leurs grands-parents (cette espè-
ce-là,j’ai l’impression, est de plus
en plus rare) ; ceux pour qui Dieu
n’est pas non plus un problème
parce qu’ils ont dépassé ces
vieilleries (très nombreux sous
nos cieux, ceux-là) ; et puis tous
ceux pour qui l’affaire n’est mal-
gré tout pas classée, tous ceux
qui, comme Hervé depuis sa pe-
tite enfance, se demandent :
qu’est-ce que je fais là ? Et c’est
quoi, « je »?Etc’est quoi, « là »? A
ceux-là, il ne suffit pas tout à fait
d’élever leur famille, de faire de
beaux voyages, de participer à
l’effort de croissance. Ils veulent
autre chose,« ils veulent respirer.
Ils veulent la vraie vie,et sila vraie
vie s’appelle Dieu, va pour Dieu
sauf qu’ils ne veulent plus, juste-
ment, l’appeler Dieu. C’est pour
eux, mes semblables,que j’écris».
« Pourquoi escalader l’Eve-
rest ? », demandait-on à l’alpi-
niste Mallory, qui répondit, aussi
placidement qu’Hervé Clerc :
«Parce qu’il est là. »« Etpourquoi
l’homme est-il sur Terre ? », de-
mandait-on à Pythagore, qui ré-
pondit : « Pour contempler le
ciel. »Pour connaître autre chose
que le moi minuscule et la vie
qui va avec confinée, inquiète,
oppressée. Pour découvrir qu’il y
a un côté ouvert des choses, un
abîme d’ouvert. LeCiel, l’Ouvert :
ce sont des noms de Dieu. Il y en
a beaucoup d’autres. L’hin-
douisme, la plus ancienne des
grandes religions, dit : l’atman.
L’islam, la plus récente, dit : Al-
lah. Hervé Clerc dit : c’est la
même chose ou sinon cene se-
rait rien du tout, cela ne vaudrait
pas la peine d’y penser.
Mais, observe-t-il aussi, « il est
possible que la désaffection mas-
sive qui frappe en Occident la reli-
gion, etla crise parallèle qui gran-
dit dans l’islam, aient pour cause
notre incapacité à dire de quoi
nous parlons quand nous disons :
Dieu ». Car ce mot est ambiva-
lent : « Il a un adret et un ubac.
Une face sud et une face nord. Si-
tuation curieuse sur le plan sé-
mantique : un peu comme si nous
ne disposions que d’un seul et
même mot pour désigner le soleil
et la lune. Quand Nietzsche an-
nonce “Dieu est mort”, il parle du
dieu personnel, bon, miséricor-
dieux, que le croyant prie dans les
églises, mosquées et synagogues.
C’est la face sud. La face nord, il
n’en souffle mot. Elle est abrupte,
lisse, vertigineuse, sans contour,
sans fond, nocturne. Certains tex-
tes sacrésde l’Inde la désignaient
par le pronom “cela”. Des soufis,
autrefois, l’appelaient Al-Haqq, le
Réel. C’est elle que nous voyons
aujourd’hui pointer à l’horizon.
Celapourrait être le sens, encore
caché,de notre modernité ».
Leslignes que je viens de citer,
c’estla quatrième page decouver-
ture de Dieu par la face nord .Elles
développent en dix lignes ceque
ramassait la réponse à la ques-
tion : « Un livre sur quoi ?Sur
Dieu. » Pour aller au-delà, il faut
lire les trois cents pages du livre,
et j’aimerais vraiment, si cet arti-
cle vous a sipeu que cesoit alerté,
que vous alliez au-delà. Que vous
le lisiez, celivre.
Je pense que c’est un livre
essentiel, qui pressent quelque
Tous droits de reproduction réservés
PAYS : France
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SURFACE : 57 %
PERIODICITE : Quotidien
RUBRIQUE : Features
DIFFUSION : 275310
JOURNALISTE : Emmanuel Carrère
25 mars 2016 - N°22143
chose qui est en train d’advenir
et qui est tellement grand qu’on
ne peut pas le voir : cequi selève
et grandit au crépuscule de Dieu,
la face nord. Un de ces livres
rares, en même temps, a pris
forme, dans une langue limpide
et amicale, tout ce qu’est et
pense un homme – et ce qu’il
pense, cet homme, seul dans son
coin, ce ne sont pas des idées ar-
bitraires, des réflexions en l’air,
des opinions qui ont un envers
aussi valide que leur endroit,
mais des pensées lestées d’expé-
rience, venues de loin, désen-
combrées, longuement rumi-
nées,nourrissantes.
Pour ne m’en tenir qu’à cela,
chacun gagnerait à lire les pages
lumineuses qu’Hervé Clerc con-
sacreàl’islam peut-être le sujet
au monde sur lequel il s’écrit,
aujourd’hui, le plus de choses ir-
réfléchies. Il n’est pas musul-
man, pas islamologue, mais il a
le goût de l’islam, « comme on a
celui de Venise, en plus fort ». Il
mesure sa grandeur, « et comme
ma petitesse y serait bien calée ».
Il sait que cette grande chose qui
gouverne et verticalise les vies
de tant de millions d’hommes,
cela ne peut pas être – même si
c’est aussi –« des barbus qui hur-
lent, des sectes qui se déchirent,
des mollahs ignares qui lancent
des fatwas ».Il sait, et fait sentir,
que le Coran a un dos et un ven-
tre le dos hérissé qu’il montre à
l’étranger, le ventre doux et ac-
cueillant qui est le seul néces-
saire de l’homme pieux.
J’ai lu déjà trois fois ce livre
– pas le Coran, celui d’Hervé –,
je le relirai souvent. J’aimerais
vous en dire plus, mieux cerner
ses contours. Disons juste, pour
finir, que c’est un livre-com-
pagnon, un livre-conversation,
un livre comme son auteur –
sur qui on peut compter pour la
vie. Un livre à la fois familier,
totalement déconcertant (s’il dit
vrai, presque tous les autres sont
dans l’erreur), et qui, à l’usage,
s’avère une présence bienfai-
sante. Moins difficile à escalader
que l’Everest mais, comme lui, il
est : « Pas là-haut, pas là-bas,
pas massif, pas pentu, ni le con-
traire, mais il est là. »p
dieu par la face nord,
d’Hervé Clerc,
Albin Michel, 314p., 19€.
C’est un de
ceslivres rares
a pris forme,
dans une langue
limpide et amicale,
tout cequ’est
et pense
un homme
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