la composition minéralogique des débris glaciaires montre une origine calcaire principalement
provenant de l'Est du Canada.
Les tentatives pour expliquer l'origine des événements d’Heinrich opposent deux hypothèses: l'une
serait uniquement associée aux propriétés glacio-dynamiques de la Laurentide (faisant intervenir
une instabilité interne pilotée par les effets couplés entre la dynamique de la glace et la production
de chaleur par la déformation et le glissement de ces couches de glace; théorie "classique", aussi
appéllée théorie du "binge-purge"). La seconde serait liée à un forçage océanique via l'interaction
entre les platesformes flottantes de glace et lez zones d'écoulement rapide de la calotte posée.
Grâce à sa relative simplicité, la théorie "classique" a été considérée valide pour expliquer les
événements d’Heinrich pendant le deux dernières décennies. Néanmoins elle se confronte
aujourd’hui à des problèmes très importants qui peuvent être résumés sur deux volets :
D'une part la dernière génération de modèles tridimensionnels de glace incluant une meilleure
représentation de la physique nécessaire pour traiter les fleuves de glace ne reproduit plus le
comportement oscillatoire nécéssaire pour engendrer les purges d'icebergs. D'une autre part, grâce à
une meilleur résolution temporelle des nouvelles données océaniques, on a pu constater que
l'interprétation de la réponse océanique aux événements de Heinrich dans le cadre du binge-purge
doit être mis en cause. En effet, celle-ci entendait la phase froide et l'affaiblissement de la
circulation océanique comme une simple réponse aux débâcles d'icebergs lors des HEs. Or, les
derniers travaux indiquent que la circulation commence à affaiblir ainsi que le refroidissement en
surface commence de l'ordre de 2 kans avant l'arrivée des événements de Heinrich. Ceci rompt avec
la causalité classique selon laquelle les événements de Heinrich créent eux mêmes la phase froide
qui les accompagne, puisque ceux-ci n'arrivent qu’une fois que la période stadiaire est déjà bien
établie et la circulation thermohaline dans l'Atlantique Nord déjà fortement perturbée.
Ce contexte invite à penser à des mécanismes physiques qui pourraient relier le comportement des
calottes polaires à la circulation océanique. L'élément principal qui sert d'interface entre l'océan et
la calotte posée, ce sont les plateformes flottantes de glace (ice shelf en anglais).
L'instabilité des ice shelves a inspiré ainsi plus récemment une explication différente des
événements de Heinrich. Le point clé de cette hypothèse réside sur le fait que seule la partie
flottante de la Laurentide est concernée. Ce serait une grande plateforme de glace flottante occupant
la mer du Labrador qui pourrait subitement devenir instable suite à un réchauffement atmosphérique
et provoquerait un vêlage massif d'icebergs responsables des événements d’Heinrich. La principale
difficulté de cette dernière théorie réside sur le fait qu'il reste irréaliste de concevoir un
réchauffement atmosphérique suffisamment important pour déstabiliser les plates-formes flottantes
de glace lors d'une phase stadiaire. La clé semble résider dans le réchauffement de subsurface qui
accompagne le passage en mode stadiaire. La diminution de la convection profonde en mer
nordique et du Labrador isole les couches de subsurface (entre 500 et 1200 mètres) qui pourrait se
réchauffer jusqu'à 4 degrés. Ceci entraînerait une augmentation de la fonte basale de l'ice shelf qui a
pour effet de réduire son épaisseur et éventuellement de favoriser un effondrement de toute la partie
flottante. En absence de l'effet d'arc-boutant que l'ice shelf du Labrador exerçait sur la calotte posée,
les fleuves de glace peuvent accélérer et génèrent une forte décharge d'icebergs qui constitue les
événements d’Heinrich.
En conclusion, l'idée d'un processus déclencheur des événements de Heinrich associé à la
circulation océanique a été suggéré qualitativement, puis simulé à l'aide d'un modèle conceptuel et
ensuite à l'aide des modèles plus sophistiqués de différente complexité. Ainsi, selon cette nouvelle
interprétation, les processus physiques responsables du déclenchement de la variabilité rapide
glaciaire qui se manifestent dans des composantes climatiques différentes (la circulation océanique,
pour les DO; et la cryosphère pour les Heinrich) seraient, en réalité, intimement reliés.