Variation du signal olfactif lié à la pollinisation chez des plantes

publicité
UNIVERSITÉ MONTPELLIER II
SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC
Mémoire de Master 1
Variation du signal olfactif lié à la pollinisation chez des plantes
Néotropicales : cas des Aracées et des Ficus en Guyane française
Mathieu Duvignau
Du 1er Mars au 31 Août 2011
Sous la direction de : Marc Gibernau (CNRS, UMR 8172 EcoFoG)
Marion Chartier (CNRS, UMR 8172 EcoFoG)
Finn Kjellberg (CNRS, UMR 5175 CEFE)
Lucie Conchou (CNRS, UMR 5175 CEFE)
Laboratoires d’accueil : UMR EcoFoG Campus agronomique -BP 316- F-97379 Kourou
Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive – UMR 5175 -1919
Route de Mende – F34293 Monpellier cedex 5
Table des matières
I.
Introduction…………………………………………………….………...1
II.
Matériel et méthodes………………………………………….………….5
1. Interaction Aracées-Cyclocephala.................................................5
2. Interaction Ficus-insectes associés………………………………7
III.
Résultats
1. Interaction Aracées-Cyclocephala……………………………….11
2. Interaction Ficus-insectes associés………………………………13
IV.
Discussion…………………………………………………………………16
V.
Conclusion……………………………………………………….………..20
VI.
VII.
Références bibliographiques
Webographie
VIII.
Annexes
IX.
Résumé
Introduction
La pollinisation entre les insectes et les plantes à fleurs remonte à environ 135 Ma
(Barth, 1991). Elle a accompagné les angiospermes depuis leur origine jusqu’à leur apogée
(Labandeira et al. 2007). Ce processus de pollinisation nécessite l’attraction d’un insecte au
minimum à deux reprises : une première fois pour prélever le pollen des étamines, et une
seconde fois pour le déposer sur des stigmates réceptifs. L’insecte pollinisateur, qui visite les
fleurs pour obtenir à l’origine une ressource, est donc un facteur sélectif important qui joue
directement sur le succès reproducteur de la plante. Comment attirer un insecte ? Par un signal
(visuel, olfactif) associé à une récompense (nourriture, site de ponte…). Lorsque le signal est
honnête, on peut qualifier cette interaction de mutualiste car le bilan global de l’interaction est
positif pour les deux protagonistes. Il existe cependant des cas de pollinisation par duperie.
Dans ce cas, la plante diminue ses coûts énergétiques en émettant un signal mais sans fournir
de récompense pour l’insecte pollinisateur : le signal véhicule alors une information
malhonnête. Par exemple, certains Ophrys (Orchidaceae) miment les phéromones et la forme
d’un partenaire sexuel potentiel pour attirer des abeilles mâles (Ayasse et al. 2000).
Les signaux olfactifs peuvent varier, que ce soit dans le temps (par exemple avec les
différents stades de maturation d’une fleur), et dans l’espace (entre plusieurs populations)
(Chartier et al. 2011). La nature de ces variations peut être quantitative (nombre et proportion
relative de composés émis) et qualitative (nature des composés) (Raguso et al. 2008).
Le but de cette étude est d’une part d’évaluer la nature et la quantité de composés volatils
émis chez des plantes de deux familles d’Angiospermes différentes et d’autre part d’étudier
les variations interspécifiques et temporelles de ces mêmes composés. Ces variations
semblent être intimement liées aux interactions que les plantes partagent avec différents types
d’insectes. La première partie portera sur un mutualisme de pollinisation entre quatre genres
d’Aracées néotropicales (Figure1) et leurs relations spécialisées avec les coléoptères du genre
Cyclocephala (Figure3). La seconde portera sur la relation de parasitisme entre une espèce de
Ficus (Figure 4) et sa guilde d’insectes parasites (Chalcidiens) (Figure 5) venant pondre dans
les figues par l’extérieur et donc sans les polliniser.
1
Figure 1 : « A » : Inflorescence de Caladium bicolor, « B » : Inflorescence de Dieffenbachia seguine, « C » : Inflorescence
de Montrichardia linifera, « D » : Inflorescence de Philodendron acutatum.
Figure 2 : « E » : Population de Montrichardia linifera dans les marais de Kaw, « F » : Agrandissement de pollen sur une
inflorescence de Montrichardia linifera.
Figure 3 : « G » : Cyclocephala colasi, « H » : Cyclocephala rufovaria
Premier cas : l’interaction Aracées-Cyclocephala
Les Aracées en Guyane française sont principalement pollinisées par des coléoptères
(cantharophilie). Lors de la réceptivité stigmatique, l’inflorescence émet une odeur attirant les
coléoptères jusqu’à une chambre florale située à la base de l’inflorescence. En plus de servir
de site de rencontre, cette chambre florale offre également aux insectes de la nourriture grâce
à des fleurs stériles présentes sur une partie de l’axe florifère. Le cycle dure deux jours. Les
insectes arrivent le premier soir, lors de la réceptivité des fleurs femelles et repartent le second
soir lorsque le pollen est émis (Figure 2-F). Si les insectes rentrent à nouveau dans une
inflorescence, ils assurent la pollinisation croisée. Les deux partenaires (plantes et
pollinisateurs) tirent donc profit de ce système de pollinisation. La plante est pollinisée et
disperse son pollen, et l’insecte se voit « offrir » nourriture et site de rencontre. C’est un
mutualisme par imbrication des cycles de reproduction (Chartier et al. 2010).
La biologie et l’écologie de plusieurs genres d’Aracées cantharophiles ont été étudiées au
Brésil et en Guyane française ces dernières années comme Philodendron (Gibernau et al.
1999, 2000, Gibernau & Barabé 2002, Maia et al. 2010), Montrichardia (Gibernau et al.
2003, Maia et al. données non publiées), Caladium (Maia & Schlindwein 2006),
Dieffenbachia (Young 1988) et Taccarum (Maia et al. 2010). Ces études montrent des cycles
de pollinisation similaires suggérant une adaptation/spécialisation des inflorescences aux
Cyclocephala (Coléoptères, Scarabaeidae). Si l’attraction olfactive est supposée jouer un rôle
central dans ce système de pollinisation, cela n’a été étudié que sur deux espèces (Gottsberger
& Silberbauer-Gottsberger 1991, Maia et al. 2010). Par ailleurs, les odeurs florales d’Aracées
cantharophiles ont fait l’objet de peu d’études (Gibernau et al. 2003, Maia et al. 2010).
Récemment, il a été montré que Philodendron acutatum au Brésil est pollinisé par une seule
espèce, Cyclocephala celata, alors que d’autres espèces de Cyclocephala sont présentes dans
le milieu (Maia et al. 2010). Cette forte spécificité du pollinisateur est associée à une odeur
très simple composée seulement de deux molécules majoritaires rares (le dihydro-β-ionone et
le 2-hydroxy-5-méhyle-3-hexanone). On peut faire l’hypothèse que ce schéma se répète de la
même manière chez les autres espèces d’Aracées cantharophiles de Guyane française. Nous
essaierons dans cette étude de comprendre et d’analyser les différents composés organiques
volatils qui composent l’odeur des inflorescences de quatre genres d’Aracées néotropicales en
Guyane française. Nous tenterons ensuite de trouver des corrélations entre la nature et la
2
Figure 4 : « I » : Figues de Ficus guianensis en phase de pré-réceptivité, « J » : parasite Aepocerus pondant à l’extérieur
d’une figue, « K » : figues à post-réceptivité dont certaines sont mûres. On peut voir les trous d’émergences d’où sortent
les insectes sur certaines des figues. (Photographies : Finn Kjellberg).
Figure 5 : Parasites Chalcidiens capturés sur 5 Ficus guianensis vus sous loupe binoculaire (x10). « L » : Aepocerus sp,
« M » : Physothorax sp1, « N » : Physothorax sp2. (Photographies : Lucie Conchou).
Figure 6 : « O » : coupe d’une figue de F. guianensis au stade réceptif, « P » : gros plan sur les stigmates « plumeux »
signe de la réceptivité des fleurs femelles de la figue, « Q » : femelle fondatrice (Agaonidé) pondant à l’intérieur de la
figue, « R » : coupe d’une figue de F. guianensis en phase post-réceptive où l’on peut voir la présence de larves d’insectes
et de graines en formation. (Photographies : Finn Kjellberg).
quantité de ces différents composés et la nature des Cyclocephalas présents dans
l’inflorescence de chacune des espèces étudiées. Grâce aux études récentes d’Artur Maia sur
plusieurs espèces d’Aracées cantharophiles du Brésil, nous pourrons, en plus des
comparaisons interspécifiques en Guyane française, étudier les variations géographiques entre
les composés volatils d’espèces d’Aracées présentes au Brésil et en Guyane française ainsi
que leurs pollinisateurs respectifs.
Deuxième cas : l’interaction Ficus-insectes associés
Un des exemples les plus poussé de la coévolution entre les plantes à fleurs et leurs
insectes pollinisateurs est le cas des Ficus et des micro-hyménoptères Agaonidés qui
partagent un mutualisme strict de type « nursery pollination » (Hossaert-McKey et al. 2010).
Dans cette relation, la figue, en échange d’être pollinisée, va être utilisée comme site de ponte
par ses insectes pollinisateurs. Le pollinisateur femelle Agaonidé chargé de pollen pénètre à
l’intérieur d’une figue prête à être pollinisée (phase réceptive) (Figure 6-O et P). Elle va
pondre ses œufs dans certaines fleurs femelles et en polliniser d’autres (Figure 6-Q). A partir
de cette étape, des graines et des galles vont se développer à l’intérieur de la figue (phase
post-réceptive) (Figure 6-R). A maturité, les insectes mâles vont féconder les insectes
femelles à l’intérieur de la figue. Ces nouvelles femelles fondatrices quitteront leur figue,
fécondées et chargées de pollen à la recherche de nouvelles figues réceptives. Suite à
l’émergence des nouvelles fondatrices, la figue va finir de mûrir (Figure 4-K) et les graines
seront dispersées par zoochorie. Cependant, cette interaction est perturbée par une guilde
d’insectes parasites (Chalcidoidés) associés au Ficus (Figure 5), se servant également des
figues comme sites de pontes mais sans en assurer la pollinisation, car pondant de l’extérieur
de la figue à l’aide d’un ovipositeur plus ou moins long (Cook & Rasplus 2003) (Figure 4-J).
La guilde d’insectes parasites est organisée en fonction du moment de ponte de chaque
espèce. Certaines pondent en phase pré-réceptive, d’autre pondent après le pollinisateur. La
durée de développement est ajustée de telle sorte que tous les insectes parasites sortent au
même moment que les pollinisateurs.
Le caractère strict des interactions Ficus-insectes associé à la forte synchronisation des cycles
de vie impliquent l’utilisation de signaux permettant aux insectes de reconnaître leur Ficus
3
FICUS
SECTIONS
F. maxima
Pharmacosyceae
F. piresiana
Pharmacosyceae
F. insipida
Pharmacosyceae
F. guianensis (à petites figues)
Americana
F. greiffiana
Americana
F. albert-smithii
Americana
F. cabalina
Americana
F. guianensis (à grosses figues)
Americana
F. trigona
Americana
F. malacocarpa
Americana
F. maroniensis
Americana
F. schumacheri
Americana
F. Gomeleira
Americana
F. donnel-smithii
Americana
F. nymphaeifolia
Americana
F. pakkensis
Americana
F. paraensis
Americana
F. duckeana
Americana
F. broadwayii
Americana
F. pertusa
Americana
F. padifolia
Americana
F. amazonica
Americana
F. catappifolia
Americana
F. cremersii
Americana
Tableau 1 : Liste des espèces de Ficus de Guyane. Les 5 espèces en vert foncé représentent des espèces
phylogénétiquement proches.
hôte et d’identifier le moment propice à leur ponte. Il a été montré que ces signaux étaient
principalement olfactifs chez les pollinisateurs (Gibernau et al. 1998) et les parasites
Chalcidiens (Proffit et al. 2007). Des tests de réponses aux odeurs ont montré qu’un
pollinisateur est attiré uniquement par l’odeur de son figuier hôte à réceptivité plutôt que par
une autre espèce de figuier également à réceptivité (Proffit et al. 2009). De plus, le
pollinisateur est attiré spécifiquement par une odeur de figue à réceptivité et non par l’odeur
d’une figue pré-réceptive ou post-réceptive de son espèce de figuier hôte (Proffit et al. 2007).
Les Ficus sont sélectionnés pour produire une odeur spécifique qui attire les pollinisateurs
(Chen et al. 2009). En dehors de la réceptivité, nous faisons l’hypothèse que le figuier est
sélectionné pour être cryptique rendant plus difficile sa détection par les parasites pondant à
ces moments là. La question de cette seconde partie sera de savoir si chez une espèce de
figuier (F. guianensis), les figues hors période de réceptivité sont mimétiques des odeurs
foliaires, limitant ainsi l’attraction des parasites.
Nous chercherons à comprendre la relation entre la communication olfactive chez F.
guianensis et les séquences de visites de la communauté de parasites qui lui sont associés.
Nous étudierons donc la variation d’odeur des figues de F. guianensis au cours de leur
développement, ainsi que la séquence temporelle de présence sur l’arbre et de visite par les
différents chalcidiens parasites.
4
I.
Matériel et méthodes
1. Interaction Aracées-Cyclocephala
Sites et modèles d’étude
Cette partie de l’étude s’est déroulée en Guyane, du mois de juin au mois d’août 2011.
Pour étudier les interactions Aracées-Cyclocephalas, quatre espèces d’Araceae et quatre sites
d’études ont été retenus. Le premier site où l’on trouve une population de Montrichardia
linifera (Arruda) et de Philodendron acutatum (Schott) est sur le bas coté de la RN1 à 1 km
après la sortie de Kourou en direction de Cayenne. Le second site est en plein milieu de la
réserve Naturelle de Kaw et présente une importante population de Montrichardia linifera
(Figure 2-E). Le troisième site est sur la route de « Guatemala » au sud de Kourou parallèle à
la RN1 et présente une population de Caladium bicolor (Aiton). Le quatrième site se trouve
sur le Campus Agronomique de l’UMR ECOFOG à Kourou où l’on trouve une population de
Dieffenbachia seguine (Schott).
Protocole d’extraction des composés volatils
Pour Caladium bicolor, Dieffenbachia seguine, et Philodendron acutatum, les odeurs ont été
collectées sur pied. Les inflorescences de Montrichardia étant trop élevées, la tige a été
coupée à environ 50 cm de l’inflorescence avec un scalpel mouillé et immédiatement plongée
dans de l’eau. L’odeur a été collectée moins de 20 minutes après la coupe.
5 odeurs de Caladium, 4 odeurs de Dieffenbachia, 2 odeurs de Philodendron, 4 odeurs de
Montrichardia au niveau de la RN1 et 4 odeurs de Montrichardia à Kaw ont été collectées.
Les odeurs ont été collectées par la méthode de micro extraction sur phase solide (SPME) : les
composés organiques volatils sont ab/adsorbés sur une fibre inerte fixée au bout d’une
seringue modifiée et revêtue d’un polymère ab/adsorbant (Tholl et al., 2006) (Figure 8). Les
fibres utilisées sont du type StableFlex™ SPME Fiber, 65 µm PDMS-DVB Coating for
Manual holder (Supelco®). Pour la collecte d’odeurs, les inflorescences étaient ensachées
avec un sac Nalophan® (entre 18h30 et minuit), au moment où le spadice chauffait et émettait
des composés volatils (COV) (Figure 7-S). Le haut du sac n’a pas été fermé (head-space
ouvert) à cause de la chaleur produite par les inflorescences évitant ainsi la condensation sur
le sac susceptible d’altérer l’absorbtion des composés sur la fibre.
5
Figure 7 : « S » : Inflorescence de Montrichardia linifera ensachée dans un sac Nalophan®, « T » : extraction de l’odeur
d’une inflorescence de Montrichardia linifera à l’aide d’une fibre SPME.
Figure 8 : Schéma d’une fibre SPME.
La fibre SPME était ensuite positionnée à quelques centimètres de l’inflorescence pendant 20
minutes. Pour chacune des extractions, l’odeur d’un sac témoin vide fermé (Head-space
fermé) a été prise.
Analyse des odeurs florales
Les analyses GC-MS ont été réalisées au laboratoire L3MA (EcoFoG) à Cayenne. Les fibres
ont été désorbées pendant 5 secondes (avec une température de 250°C au niveau de
l’injecteur) en splitless (toutes les molécules sont envoyées dans la colonne), dans un
chromatographe (Varian 450) équipé d’une colonne capillaire (Factor Ford™ VF-5ms, 30m x
0.25mm ; 0.25µm) couplée à un spectromètre de masse (Varian 240MS) (Figure9).
La température de la colonne a été maintenue à 50°C durant 2 minutes après l’injection, puis a
augmenté progressivement jusqu’à 200°C à raison de 5°C/min, puis a finalement atteint
250°C à une vitesse de 10°C/min, puis a été maintenue à 250°C pendant 1min.
Les pics de chaque chromatogramme obtenu (Figure 10) ont été intégrés manuellement. Le
pourcentage d’aire relative de chaque pic a été calculé. Les pics correspondants à des
pollutions (fibres, colonnes, air extérieur) ont été identifiés à l’aide des témoins et supprimés.
Ensuite, seuls les pics représentants plus de 1% de l’aire totale des pics par chromatogramme
ont été gardés. Les COV ont ensuite été identifiés grâce aux banques de données NIST,
ADAMS ainsi que des bases de données construites au laboratoire L3MA (EcoFoG) de
Cayenne. La confirmation ou la correction des identifications a été possible grâce à l’aide
précieuse de M. Jean-Marie Bessière (CEFE, Montpellier).
Analyses statistiques
Les analyses statistiques ont été faites avec le logiciel R 2.13.1. Les différences des odeurs
florales ont été visualisées avec la méthode de positionnement multidimensionnel non
métrique (non-metricMDS) basée sur le pourcentage relatif de mélange des composés
(fonction metaMDS() du package vegan). Cette méthode optimise la représentation en deux
dimensions des différences entre les échantillons. Pour cela, une matrice de distances entre
chaque échantillon est créée et les points (représentants les bouquets floraux de chaque
inflorescence) sont disposés de la façon la plus juste possible dans un plan en deux
dimensions en prenant soin de minimiser la valeur de stress (qui correspond au pourcentage
des différences mal/non représentés sur le graphique).
6
Figure 9 : Photographie de la GC-MS du laboratoire L3MA (EcoFoG) à Cayenne.
La représentation nMDS a été faite en utilisant l’indice de Gower qui standardise les
différences de variances entre groupes (indice qui permettait une meilleure visualisation des
différences d’odeurs intra spécifiques).
Puisque les conditions de normalité et d’homoscédasticité n’étaient pas respectées, les
comparaisons des différentes odeurs florales entre les populations/espèces ont été faites à
l’aide d’une Analyse Multivariée des Variances Non Paramétrique (npMANOVA, fonction
adonis() du package vegan) en utilisant l’indice de dissimilarité de Gower. Le même test a été
utilisé en post hoc.
Ensuite, pour voir si au sein de certaines espèces, les odeurs variaient plus entre les individus
que dans d’autres, nous avons comparé les distances de Gower moyennes de chaque espèce
avec un test non paramétrique de Kruskal-Wallis (fonction kruskal.test() du package stats).
2. Interactions Ficus-insectes associés
Sites et durée de l’étude
L’étude s’est déroulée en Guyane de mars à mai 2011, s’étalant sur deux saisons : le
« petit été de mars » et la « grande saison des pluies ». Le travail de terrain a été effectué sur
un triangle d’environ soixante kilomètres de coté passant par les villes de Kourou et
Sinnamary jusqu’au barrage de Petit Saut. L’étude s’étendait également à la Piste de St Elie à
une dizaine de kilomètres au nord de Sinnamary ainsi qu’à la « route de l’Anse », une piste
longeant le littoral à la sortie de Sinnamary.
Modèle d’étude
L’étude a porté sur les Ficus américains de Guyane française. Nous avons travaillé sur 24
espèces appartenant aux sections Pharmacosyceae et Americana (Tableau 1).
On retrouve au sein de la section Americana un groupe de cinq espèces de Ficus
phylogénétiquement proches. Un suivi plus poussé a été réalisé sur une de ces espèces : Ficus
guianensis (résultats présentés ici).
Expériences-manipulations
Un suivi régulier (au minimum une fois par semaine) a été effectué sur l’ensemble des 276
figuiers de cette étude. Ce suivi consistait à chercher à détecter l’apparition des bourgeons à
figues puis à suivre leur développement.
7
MCounts
SPME3 Caladium.SMS Chan: 1
Chan: 1
30
20
10
0
MCounts
SPME20 Dieffenbachia.SMS Chan: 1
Chan: 1
7
6
5
4
3
2
1
0
MCounts
25 Chan: 1
SPME29 Montrichardia kaw.SMS Chan: 1
20
15
10
5
0
MCounts
SPME21Philodenron acutatum.SMS Chan: 1
Chan: 1
40
30
20
10
0
5
10
15
20
25
30
35
minutes
Figure 10 : Exemples de chromatogrammes des odeurs des inflorescences de Caladium bicolor, Dieffenbachia seguine,
Montrichardia linifera et Philodendron acutatum. Chaque pic correspond à un composé.
Une attention particulière a porté sur la détection du stade de réceptivité des figues pour
prélever des odeurs à réceptivité et pour effectuer un suivi temporel de celles-ci.
Chez F. guianensis, nous avons collecté les odeurs de figues et de feuilles à pré-réceptivité et
à réceptivité, puis après pollinisation, les odeurs de feuilles et de figues post-réceptives ont été
prélevées tous les 4 jours. Le suivi a été réalisé sur 5 individus. A chaque fois, nous avons pris
l’odeur et nous avons fait un suivi d’une heure à deux observateurs sur le figuier en question
pour capturer tous les chalcidiens parasites en train de pondre sur les figues. Nous avons
capturé ces insectes à l’aide d’un aspirateur à insectes. Nous avons répété cette opération tous
les 4 jours jusqu’à ce que les insectes émergent des figues. Les parasites capturés à chaque
étape ont été comptés, répertoriés, identifiés sous loupe binoculaire puis mis en tube dans de
l’alcool à 70%. Au moment de l’émergence, les figues étaient mis dans des gobelets en
plastique, puis les insectes émergents étaient identifiés puis mis en alcool.
Protocole d’extraction des composés volatils
Pour les extractions de composés volatils, nous avons utilisé la technique du « Head-space ».
Cette technique d’extraction consiste à enfermer les différents organes de la plante (figues ou
feuilles en l’occurrence) dans des sacs inertes en polyéthylène téréphtalate (Nalophan®) puis
d’aspirer l’air contenu dans le sac à travers des filtres chromatoprobes (Figure 11). Les filtres
ont été fabriqués au CEFE (UMR 5175, Montpellier). Les extrémités de tubes de verre Varian
ont été limées (Longueur : 15.24mm, diamètre : 2.47mm). Les tubes ont ensuite été remplis
par une phase adsorbante (1.5 mg de Tenax TA 60-80, 1.5 mg de carbotrap 20-40) bloquée
entre deux bouchons de laine de verre.
Les extractions ont été effectuées sur le terrain ou au laboratoire ECOFOG en extérieur. Le kit
d’extraction se composait d’une batterie, d’une pompe (KNF Neuberger®, N86KNDC) réglée
en position aspirante, de deux débitmètres pour régler le flux d’air pendant l’extraction ainsi
que de plusieurs tuyaux, divers embouts et des filtres chromatoprobes (Figure 12).
8
Figure 11 : Photographies de filtres chromatoprobes et de la mise en place des filtres dans un sac Nalophan®contenant
des figues.
Figure 12 : Matériel d’extraction d’odeurs.
Les figues et les feuilles étaient, au moment adéquat, ensachées dans des sacs Nalophan®
avec deux filtres. Nous laissions reposer le sac et son contenu 30 minutes, le temps que les
molécules s’accumulent dans le sac. Puis nous faisions une aspiration de 5 minutes
exactement, où l’air du sac était aspiré à travers les filtres par la pompe. Les filtres étaient
ensuite conservés dans des petits piluliers individuels étanches en verre puis mis dès que
possible au congélateur.
Pour chaque extraction, les composés volatils d’un sac vide ont été extraits en guise de
témoin. A la sortie de chaque sac étaient placés deux filtres fixés dans deux tubes raccordés
aux débitmètres (chacun d’eux réglés sur 40 ml/min), eux-mêmes branchés sur la position
aspirante de la pompe. Un des deux filtres a été utilisé pour déterminer la nature des composés
volatils présents dans le sac, l’autre pour déterminer la quantité de ces composés. Toutes nos
extractions se sont déroulées entre 10h et 14h qui est la période de la journée où les figues
émettent le plus de composés volatils (Grison-Pigé et al. 2001).
Analyse des odeurs florales
L’analyse des chromatographies et la détermination des COV ont été faites par Lucie
CONCHOU (doctorante au CEFE) à Montpellier. (Détail de l’analyse dans l’annexe 2). Cette
analyse a permis d’obtenir la quantité et l’identification de chaque COV extrait dans chaque
prélèvement.
Analyses statistiques
Les analyses statistiques ont été faites avec le logiciel R 2.13.1. On sait que les figues
émettent leurs COV depuis leur cavité interne (Van Noort et al. 1989). Cependant, pour
comparer approximativement les quantités de COV émis entre les figues et les feuilles aux
différents stades, les données en µg par prélèvement ont été rapportées en µg par surface par
heure (µg.mm-² h-1) de figues et de feuilles. La comparaison entre la quantité de COV émise
par les figues et par les feuilles, tous stades confondus, a été faite avec le test non
paramétrique de Wilcoxon pour comparaison de moyennes pour échantillons appariés
(fonction wilcox.test() du package stats). Les différences de quantité émis par les figues et par
les feuilles entre les différents stades de maturité des figues ont été testées avec une ANOVA
non paramétrique : le test de Kruskal-Wallis (fonction kruskal.test() du package stats). Si elles
étaient significatives, ces analyses étaient suivies d’un test post hoc non paramétrique
(fonction kruskalmc() du package pgirmess).
9
Pour comparer la nature des odeurs entre les figues et les feuilles aux différents stades, les
quantités de composés émis ont été transformés en pourcentages relatifs pour chaque COV
dans l’odeur de chaque prélèvement. Nous avons tout d’abord comparé la composition de
l’odeur des feuilles et des figues tous stades confondus par une npMANOVA en utilisant
l’indice de Bray Curtis. L’utilisation du paramètre « strata » a permis de prendre en compte
l’effet « individus » permettant une permutation de la MANOVA seulement entre les
prélèvements issus du même figuier. Ces différences ont été visualisées avec la méthode de
positionnement multidimensionnel non métrique (non-metricMDS, fonction metaMDS() du
package vegan) en utilisant l’indice de Bray-Curtis. Le même test a ensuite été effectué pour
tester la différence figues-feuilles pour chaque stade.
Ensuite, pour les feuilles puis pour les figues, nous avons testé les variations entre les
différents stades de maturation avec la même npMANOVA et l’utilisation du paramètre
« strate »= individu. Le test a été fait une première fois en prenant en compte tous les COV,
puis une seconde fois en ne prenant en compte que les 5 COV majoritaire des figues d’une
part et les 5 COV majoritaire des feuilles d’autre part pour affiner nos résultats. Les
graphiques des pourcentages de composés majoritaires pour les figues et les feuilles aux
différents stades ont été réalisés sous R (fonction barplot2() du package gplots).
Les différences entre le nombre et la nature des insectes parasites pondant sur les figues en
fonction du stade de maturité des figues à post-réceptivité ont été testées avec des MANOVAs
non paramétriques avec l’utilisation du paramètre « strate »=individu. Le graphique
représentant le pourcentage moyen de parasites présents en fonction des différents stades de
maturité des figues a été créé sous R (fonction barplot2() du package glpots).
10
II.
Resultats
1. Interactions Araceae-Cyclocephala
Description des composés volatils chez les 4 espèces d’Araceae.
L’analyse des chromatographies des COV chez ces 4 espèces d’Araceae révèle la
présence de dérivés benzéniques, de terpénoïdes (terpènes modifiés), de composés azotés
ainsi que de deux composés non identifiés qui sont probablement des dérivés du jasmone
d’après leur spectre de masse (comm. pers. Jean-Marie Bessière (CEFE)) (Tableau 2).
Il existe une différence d’odeurs entre les 4 espèces étudiées (npMANOVA, F = 22.75, pvalue = 1e-04 ***). Ceci se vérifie également dans le tableau récapitulatif (Tableau 2) où l’on
peut voir les proportions relatives de chaque composé dans chaque population.
Dans les deux populations de Montrichardia linifera à Kaw et sur la RN1, les inflorescences
émettent entre 3 et 4 COV. Elles partagent 3 d’entre eux : le 1,3,5 triméthoxybenzène (69,3%
±10,1 pour Kaw ; 49,3% ± 9,3 pour la RN1), le jasmone (13,9% ± 3,2 ; 37,9% ± 12,9), et le
méthyle benzoate (16,8% ± 9,1 ; 10,2% ± 12,2). 2 individus sur 4 de la population de la RN1
émettent également du méthyle salicylate en plus faibles quantités (2,7% ± 3,3).
Il n’y a pas de différences significatives entre l’odeur des deux populations de Montrichardia
linifera (npMANOVA, F = 5.24, p-value = 0.05869).
Dans les odeurs de Caladium bicolor, on trouve 3 à 6 COV. Le 1,3,5-triméthoxybenzène, le
vératrole et le 5-éthényl-4-méthyl-thiazole sont présents chez les 5 individus à des
pourcentages moyens respectifs de 69.6% ±7.5 ; 16.7% ±7.6 et 5.3% ±1.1.
Chez Dieffenbachia seguine, on trouve du jasmone (67% ±19.3), et les deux dérivés du
jasmone (22.6% ±15.4) et (10.4% ±9.2) dans les odeurs des 4 plantes analysées.
L’odeur de Philodendron acutatum est composée de 3 à 4 COV. Les 2 plantes analysées
émettent 3 composés communs : le 1,3,5 triméthoxybenzène (28.6% ±19.1), le pméthoxystyrène comme composé majoritaire (57.5% ±3.9), et le nerolidol (3.8% ±0.9). Une
des
plantes
émet
également
du
3,4-diméthoxystyrène
(10.2%
±14.4).
Sur la représentation graphique du nMDS (Figure13), on peut voir la disposition spatiale en
deux dimensions des quatre espèces d’Aracées avec leurs composés organiques volatils
comme seuls discriminants. On note sur cette représentation la place intermédiaire qu’occupe
11
Nom COV
Montrichardia linifera
Kaw
RN1
Moy. sd
cv Moy. sd
RT
cv
Caladium bicolor
Guatemala
Moy. sd
cv
Dieffenbachia seguine Philodendron acutatum
ECOFOG
RN1
Moy.
sd
cv
Moy.
sd
cv
Benzenoides et phenyle propanoides
méthyle-salicylate
1,3,5-triméthoxy-benzene
méthyle-benzoate
veratrole
p-méthoxystyrène
3,4-diméthoxystyrène
13,9
18,9
11,3
12,59
12,92
17,8
2,68 3,28 1,22 6,02 6,88 1,14
69,34 10,13 0,15 49,26 9,34 0,19 69,57 7,45 0,11
16,76 9,09 0,54 10,18 12,16 1,19
- 16,71 7,65 0,46
-
-
-
-
28,58
57,48
10,16
19,15
3,89
14,37
0,67
0,07
1,41
Terpenoïdes
nerolidol
linalol
21,76
11,44
-
-
-
-
-
-
2,43 2,51 1,03
-
-
-
3,78
-
0,89
-
0,24
-
9,58
-
-
-
-
-
-
5,28 1,12 0,21
-
-
-
-
-
-
Composés azotés
5-éthényl-4-méthyl-Thiazole
Composés divers
jasmone
18,5
13,90 3,18 0,23 37,89 12,85 0,34
-
-
-
67,01
19,31
0,29
-
-
-
-
-
-
10,42
22,57
9,21
15,38
0,88
0,68
-
-
-
COV non identifiés
dérivé jasmonique 1
dérivé jasmonique 2
16,36
16,45
-
-
-
-
-
-
0.6
Tableau 2 : Tableau récapitulatif des moyennes, écarts types et coefficients de variation (moyenne/écart type) des
proportions relatives de COV chez Caladium bicolor, Dieffenbachia seguine, Montrichardia linifera et Philodendron
acutatum.
Moy=moyenne, sd=écart-type, cv=coefficient de variation, RT= temps de rétention (des molécules dans la colonne du
chromatographe).
0.2
Montrichardia linifera
(Kaw)
1,3,5-trimethoxybenzene
0.0
Coordinate 2
0.4
Philodendron acutatum
-0.2
Jasmone
Dieffenbachia seguine
Caladium bicolor
Montrichardia linifera
(RN1)
Stress=3.85
-0.4
-0.2
0.0
0.2
0.4
Coordinate 1
Figure 13 : Représentation nMDS des différences d’odeurs entre Caladium bicolor, Dieffenbachia seguine, Montrichardia
linifera et Philodendron acutatum en fonction de leurs COV. Les COV communs entre les espèces/populations sont
indiqués en bleu, vert et violet. Les flèches ont une largeur proportionnelle à l’importance des composés dans les odeurs.
Montrichardia linifera entre les autres espèces. Les deux populations de Montrichardia se
chevauchent quasiment mis à part deux individus légèrement excentrés (ceux qui émettent du
méthyle salicylate).
La population de Dieffenbachia semble la plus excentrée du trio Philodendron, Caladium,
Montrichardia. On note que, chez Dieffenbachia, les 4 individus sur la représentation
graphique sont très proches du fait de leur similarité en termes de COV.
La disposition des cinq individus de Caladium est la plus éparse. Les trois plantes émettant les
quatre mêmes composés sont situées en bas du graphique. Au dessus, sont situés deux autres
individus dont les composés secondaires sont différents (Figure 13, Tableau 2).
Les indices moyens de Gower par espèce ne sont pas tous identiques (Kruskal-Wallis : X² =
8.96, p-value = 0.0298). Cependant les tests post hoc réalisés ensuite n’indiquent aucune
différence significative dans les variations entre les espèces. Néanmoins, les odeurs des
inflorescences de Caladium bicolor et Philodendron acutatum tendent à varier plus entre elles
que les odeurs des inflorescences de Montricharida linifera et Dieffenbachia seguine (Figure
14).
Diversité des pollinisateurs.
Le tableau 3 récapitule les différentes espèces d’insectes pollinisateurs trouvés chez les quatre
espèces étudiées en Guyane française et au Brésil. Tous appartiennent à la famille des
Scarabeideae et au genre Cyclocephala. Certaines espèces de plantes n’ont pas encore de
pollinisateurs recensés. C’est le cas pour Montrichardia linifera et Philodendron acutatum en
Guyane, et Dieffenbachia seguine au Brésil.
Caladium bicolor et Philodendron acutatum ont un seul pollinisateur attitré au Brésil qui est
Cyclocephala celata (Maia et Schlindwein, 2006, Maia et al. 2010). En Guyane, 3 espèces de
Cyclocephala ont été répertoriées dans les inflorescences de Caladium bicolor : C. colasi, C.
rustica et C. rufovaria (Gibernau, données non publiées), C. colasi étant largement
majoritaire. Une espèce de Cyclocephala (C. rustica) a été retrouvée à plusieurs reprises dans
les inflorescences de Dieffenbachia seguine en Guyane.
Le pollinisateur présumé de
Montrichardia linifera au Brésil serait Cyclocephala vestita (Maia et al. données non
publiées). En Guyane, deux espèces de Cyclocephala (C. colasi et C. varians) ont été trouvées
dans les inflorescences de Montrichardia linifera (http://dynastidae.voila.net/biologie.html)).
12
Figure 14 : Représentation en boîte à moustache des indices de GOWER pour chaque espèce d’Araceae. Les distances
sont calculées entre individus à partir des aires relatives de chaque composé de leurs odeurs.
C=Caladium bicolor, d=Dieffenbachia seguine, m=Montrichardia linifera, p=Philodendron acutatum.
Guyane
Plantes
Caladium bicolor
Dieffenbachia seguine
Philodendron acutatum
Montrichardia linifera
Brésil
Coléoptères
Cyclocephala celata **
Cyclocephala colasi *
Cyclocephala rustica *
Cyclocephala rufovaria*
Cyclocephala rustica *
C.colasi +
C.varians +
Cyclocephala celata ∆
Cyclocephala vestita ◊
Tableau 3 : Tableau récapitulatif des espèces de Cyclocephala retrouvés dans les inflorescences de Caladium bicolor,
Dieffenbachia seguine, Montrichardia linifera et Philodendron acutatum en Guyane française et au Brésil.
Références : « * » : Gibernau, données non publiées, « ** » : Maia & Schlindwein, 2006, « + » :
http://dynastidae.voila.net/biologie.html, « ∆ » : Maia et al. 2010, « ◊ » : Maia, Données non publiées.
2. Interactions Ficus-insectes associés
Analyse et description des COV.
49 composés différents ont été détectés dans les odeurs de figues et de feuilles dont 40
dans les odeurs de figues, 32 dans les odeurs de feuilles et 25 composés communs entre les
figues et les feuilles. On retrouve chez les figues, tous stades confondus, la présence de 5
composés dont le pourcentage relatif s’élève à plus de 5%. Le composé majoritaire est le 3
hexen-1-ol avec un pourcentage moyen et un écart-type respectifs de 47.6% ± 24.8. On
trouve ensuite du β-ocimène (7.4% ± 9.5), du cyclohexane éthenyle diméthyle méthylène
(7.4% ± 13.5), du caryophyllène (6.8% ± 7.9) et de l’α-pinène (6.2% ± 9.9).
Parmi les composés des feuilles supérieurs à 5%, on trouve du β-ocimène (14.7% ± 23.3), du
cyclohexane éthényle diméthyle méthylène (5.7% ± 18.8), du caryophyllène (38.8% ± 31.73),
de l’α-pinène (11.2% ± 23.9) et du β-élémène (7.7% ± 12.2).
Différence dans la quantité de COV, inter et intra organes.
Les figues émettent une plus forte quantité de composés volatils que les feuilles quelque soit
leurs stades de maturité, 249.e-08 µg.mm-² h-1 ± 458e-08 pour les figues contre 8.84e-08 µg.mm-²
h-1 ± 13.9e-08 pour les feuilles. (Wilcoxon, v = 432, p-value = 1.863e-08) (Figures 15 et 16).
Il n’y a pas de différences significatives dans la quantité de composés émis par les feuilles aux
différents stades de maturité des figues (Kruskal-Wallis, X² = 10.13, p-value = 0.071) (Figure
17).
A l’inverse, la quantité de COV émis par les figues varie significativement entre leurs
différents stades de maturité (Kruskal-Wallis, X² = 19.92, p-value = 0.0013) : après un test
post hoc (kruskalmc), on note les différences dans la quantité de COV émis par les figues
entre les stades « Réceptif » et « Réceptif +12 jours » et les stades « Réceptif » et « Réceptif
+16 jours » pour une p-value de 0.05. L’émission de COV chez les figues est plus importante
avant et pendant la phase de réceptivité stigmatique (87.5.e-07 µg.mm-² h-1 ± 90.4.e-07) qu’en
phase de post-réceptivité (7.82.e-07 µg.mm-² h-1 ± 4.15.e-07) (Figure 16).
13
-1
Figure 15 : Emission de composés (en µg.mm-².h ) dans les prélèvements d’odeurs effectués sur les figues et les feuilles
de 5 individus de Ficus guianensis, tous stades de maturité des figues confondus.
-1
Figure 16 : Emission de composés (en µg.mm-².h ) dans les prélèvements d’odeurs de figues de 5 individus de Ficus
guianensis selon leurs stades de maturités. « Pré »= Pré-receptif, « « Rec »= Réceptif, « R+4 »= Réceptivité + 4 jours,
« R+8 »= Réceptivité + 8 jours, « R+12 »= Réceptivité + 12 jours, « R+16 »= Réceptivité + 16 jours.
La quantité de composés émis par les feuilles tous stades confondus a été rajoutée pour comparaison.
-1
Figure 17: Emission de composés (en µg.mm-².h ) dans les prélèvements d’odeurs de feuilles de 5 individus de Ficus
guianensis selon les stades de maturité des figues. « Pré »= Pré-receptif, « « Rec »= Réceptif, « R+4 »= Réceptivité + 4
jours, « R+8 »= Réceptivité + 8 jours, « R+12 »= Réceptivité + 12 jours, « R+16 »= Réceptivité + 16 jours.
Différences dans la nature de COV, inter et intra organes.
L’odeur des figues est qualitativement différentes de l’odeur des feuilles pour les stades de
post-réceptivité (npMANOVA, F = 12.17, R² = 0.25, p-value = 1e-04***). Cette différence
est visible sur la représentation nMDS (Figure 18). Par contre, on ne trouve pas de différence
significative en comparant les organes stade par stade, quel que soit le stade (à pré-réceptivité,
à réceptivité et à post-receptivité). La majeure différence entre les odeurs de figues et de
feuilles est l’émission en grande quantité du (Z) 3-hexen-1-ol par les figues, (47.6% ± 24.8
pour les figues et présent dans tous les échantillons, 0.5% ± 1.7 pour les feuilles et présent
dans deux échantillons seulement).
La composition en pourcentage de COV chez les figues est différente suivant leurs stades de
maturité en tenant compte de tous les COV (npMANOVA, F = 2.15, R² = 0.32, p-value =
5.10-4), et en comparant les 5 COV majoritaires chez l’ensemble des figues aux différents
stades (npMANOVA, F = 2.73, R² = 0.37, p-value = 5.10-4) (Figure 19). Un test post hoc
comparant chaque stade deux à deux a été effectué ne montrant aucune différence
significative.
Le graphique (Figure 19) représentant les COV majoritaires des figues suivant leurs stades de
maturité nous montre cependant que le composé (Z) 3 hexen-1-ol qui tend à diminuer à postréceptivité pourrait être à l’origine de ces différences.
Il n’y a pas de différences significatives dans le pourcentage de COV des feuilles suivant les
différents stades, que ce soit en utilisant tous les COV (npMANOVA, F = 0.65, R² = 0.12, pvalue = 0.69) ou en regroupant les 5 COV majoritaires des feuilles et les COV minoritaires à
part (npMANOVA, F = 0.71,
R² = 0.60,
p-value = 0.59) (Figure 20).
Suivi des parasites des figues en phase post-réceptive.
Il n’y a pas de variations significatives quant à la présence des 3 espèces de parasites au cours
de la phase post-réceptive sur les 5 figuiers étudiés (npMANOVA, F = 1.97, R² = 0.39, pvalue = 0.092). Les visites de parasites tendent néanmoins à être plus importantes 8 jours
après la réceptivité des figues (Figure 21). Les Physothorax sp2 (Chalcidiens) sont les plus
présents tout au long du suivi avec un pic de présence le 4ème jour (moyenne de 5.8 ± 4.9
insectes observés) et le 8ème jour (12 ± 9.6) après la pollinisation des figues. Pour l’espèce1 de
14
1.0
0.5
0.0
-0.5
axe 2
-1.0
Pre
Rec
R+4
R+8
R+12
R+16
Stress=22,76
-1.0
-0.5
0.0
0.5
1.0
axe 1
5
10
Physothorax sp1
Physothorax sp2
Aepocerus
0
Nombre de parasites observés
15
Figure 18 : Représentation nMDS des odeurs de figues et de feuilles de 5 F. guianensis à tous les stades de maturité. Les
feuilles sont en vert et les figues en violet. « Pré »= Pré-receptif, « « Rec »= Réceptif, « R+4 »= Réceptivité + 4 jours,
« R+8 »= Réceptivité + 8 jours, « R+12 »= Réceptivité + 12 jours, « R+16 »= Réceptivité + 16 jours.
R+4
R+8
R+12
R+16
Figure 21 : Histogramme représentant le nombre moyen de Chalcidiens parasites observés aux différents stades de postréceptivité des figues sur l’ensemble des 5 individus de Ficus guianensis étudiés. « R+4 »= Réceptivité + 4 jours, « R+8 »=
Réceptivité + 8 jours, « R+12 »= Réceptivité + 12 jours, « R+16 »= Réceptivité + 16 jours.
Physothorax, le pic de présence est au 8ème jour après la pollinisation (moyenne de 5.4
insectes ± 4.3). La 3éme espèce de parasite du genre Aepocerus a sa plus forte occurrence au
4ème jour après la pollinisation (1.6 ± 1.6) et reste dans l’ensemble la moins observée des 3
espèces de parasites recensées.
15
100
60
40
0
20
Pourcentage de COV
80
(Z).3.hexen.1.ol
(E).beta.ocimene
cyclohexane.ethenyl.dimethyl.methylene
(E).caryophyllene
alpha.pinene
COV minoritaires
Pré
Rec
R+4
R+8
R+12
R+16
100
Figure 19 : Histogramme représentant le pourcentage des 5 COV majoritaires et l’ensemble des COV minoritaires chez les
figues de 5 individus de Ficus guianensis aux différents stades de maturité des figues. « Pré »= Pré-receptif, « « Rec »=
Réceptif, « R+4 »= Réceptivité + 4 jours, « R+8 »= Réceptivité + 8 jours, « R+12 »= Réceptivité + 12 jours, « R+16 »=
Réceptivité + 16 jours.
60
40
0
20
Pourcentage de COV
80
(E).caryophyllene
(E).beta.ocimene
alpha.pinene
beta.elemene
cyclohexane.ethenyl.dimethyl.methylene
COV minoritaires
Pré
Rec
R+4
R+8
R+12
R+16
Figure 20 : Histogramme représentant le pourcentage des 5 COV majoritaires et l’ensemble des COV minoritaires chez les
feuilles de 5 individus de Ficus guianensis aux différents stades de maturité des figues. « Pré »= Pré-receptif, « Rec »=
Réceptif, « R+4 »= Réceptivité + 4 jours, « R+8 »= Réceptivité + 8 jours, « R+12 »= Réceptivité + 12 jours, « R+16 »=
Réceptivité + 16 jours.
III.
Discussion
Les espèces Caladium bicolor, Dieffenbachia seguine, Montrichardia linifera et
Philodendron acutatum en Guyane française sont toutes des espèces d’Araceae
cantharophiles. Elles sont pollinisées par des coléoptères (Scarabeideae, Dynastideae) du
même genre (Cyclocephala) mais pas forcément de la même espèce. Chacune des ces espèces
d’Aracées émettent une odeur attractive à réceptivité stigmatique. Cette émission de COV sert
de signal aux Cyclocephala pour trouver l’inflorescence et par extension pour trouver un
partenaire sexuel dans la chambre florale de l’inflorescence. L’attraction des Cyclocephala est
indispensable pour les plantes qui s’en servent de vecteurs de pollinisation. Il en va de même
pour les Cyclocephala qui ont besoin de ce signal pour repérer les inflorescences où ils sont
susceptibles de trouver des partenaires sexuels. Le message chimique émit par les plantes doit
donc être un signal fiable et qui varie peu (Ackerman et al. 2011) pour pouvoir maintenir le
mutualisme de pollinisation Aracées-Cyclocephala.
Parmi les COV émis, on trouve des composés récurrents dans les différentes espèces de
plantes. Le 1,3,5 triméthoxybenzène est présent chez 4 sur 5 des populations étudiées (3
espèces sur 4). Il est absent seulement chez Dieffenbachia seguine. On note également la
présence de composés chez certaines espèces comme le jasmone présent chez Dieffenbachia
et dans les deux populations de Montrichardia, et le méthyle-salicylate présent chez une
population de Montrichardia et chez Caladium. A contrario, on trouve des composés
minoritaires propres à chaque espèce, comme par exemple le méthyle-benzoate pour
Montrichardia, deux dérivés du jasmone chez Dieffenbachia, le linalol pour Caladium ou le
nerolidol pour Philodendron. D’autres espèces de plantes cantharophiles appartenant à
d’autres familles telles que les Annonaceae, les Magnoliaceae, les Arecaceae ou encore les
Cactaceae partagent des composés communs avec la famille des Araceae (Knudsen et al.
2006). On peut alors supposer que les composés communs à toutes ces familles pourraient
jouer un rôle dans l’attraction des coléoptères. On peut également supposer que les composés
majoritaires retrouvés chez les espèces d’Araceae étudiées pourraient jouer un rôle de
signature chimique signalant aux Cyclocephala la présence d’une Aracée. La plupart des
plantes étudiées vivent en sympatrie. Le risque pour elles seraient de partager des
pollinisateurs, perdant ainsi une certaine efficacité dans la pollinisation en « gaspillant » du
pollen qui pourrait être déposé dans l’inflorescence d’une autre espèce. D’après les données
du tableau 3, on note que certaines espèces d’Aracées se partagent les mêmes espèces de
16
Cyclocephala. C’est le cas pour Caladium qui partage un pollinisateur en commun avec
Dieffenbachia et Montrichardia. Cependant, Caladium fleurit plus tôt que Montrichardia et
Dieffenbachia ce qui permettrait surement un isolement reproducteur dans le temps. On peut
alors supposer que les composés minoritaires propres à chaque espèce d’Aracée jouent un rôle
dans l’attraction d’une espèce de Cyclocephala en particulier ou permettent aux insectes de
reconnaître les différents types d’inflorescences. Ceci permettrait de limiter le gaspillage de
pollen pour les plantes et permettrait aux insectes de trouver un partenaire sexuel de la même
espèce plus facilement.
Les Cyclocephala pourraient alors avoir tendance à se fier principalement au message dégagé
par la plante plutôt qu’à leurs propres phéromones sexuelles. C’est le cas dans le mutualisme
liant Philodendron solimoesense et Cyclocephala colasi en Guyane où ce dernier ne produit
plus de phéromones sexuelles pour trouver un partenaire sexuel mais attend la floraison de
son Philodendron « hôte » et l’émission de ses composés (Ginernau et al. 1999). Dans cette
hypothèse, l’odeur florale aurait alors un rôle de phéromone sexuelle (Schatz 1990). Il
faudrait vérifier cette hypothèse pour d’autres espèces de Cyclocephalas pollinisant des
Aracées.
Enfin, les Cyclocephala attirés par Philodendron, Montrichardia et Caladium au Brésil ne
sont pas les mêmes que recensés en Guyane. Seule l’odeur de Philodendron est connue au
Brésil (Maia et al. 2010) et les composés majoritaires de cette odeur sont différents de ceux
trouvés en Guyane. Alors que les populations de Montrichardia de Kaw et de la RN1 doivent
être proches génétiquement, la distance entre la Guyane et le Brésil est suffisamment
importante pour expliquer de grandes différences génétiques entre les plantes, et la production
d’une odeur différente à laquelle les pollinisateurs locaux sont adaptés. A l’inverse, la
différence d’odeurs entre le Brésil et la Guyane peut être due à une adaptation locale de la
plante à différents pollinisateurs.
L’interaction Ficus-pollinisateurs est un mutualisme strict de type « nursery pollination »
(Hossaert-McKey et al. 2010) et implique pour cela l’émission d’un signal spécifique dans le
but d’attirer le bon insecte pollinisateur jusqu’aux figues de l’espèce en question. Ce message
est principalement olfactif (Gibernau et al. 1998). On retrouve dans le bouquet floral de Ficus
guanensis des composés majoritaires. Parmi ces composés se trouvent des monoterpènes
comme le (E) β-ocimène, l’α-pinène et des sesquiterpènes comme le caryophyllène. Ces 3
composés sont des molécules retrouvés dans la majorité des odeurs florales des plantes
17
répertoriées (au moins plus de 50%) (Knudsen et al. 2006). Cependant, on trouve dans
l’odeur des 5 figuiers étudiés la présence de (Z) 3-hexen-1-ol, un composé présent en grande
quantité (en moyenne à 50%) dans chacun de nos échantillons. D’autres études ont montré
que l’attraction d’un pollinisateur spécifique par un figuier pouvait être due à un seul composé
présent dans le bouquet floral (Chen et al., 2009). On peut alors supposer que chez
F.guianensis, le (Z) 3-hexen-1-ol est le composé permettant de signaler chimiquement sa
présence à son pollinisateur. Ce système est cependant parasité par la venue de Chalcidiens
parasites se servant des figues comme sites de pontes (Cook & Rasplus, 2003) sans en assurer
la pollinisation. Le signal chimique émis par le figuier pour attirer son pollinisateur est
également utilisé par ces mêmes parasites (Proffit et al., 2007). Pour pallier ce problème, nous
avons émis l’hypothèse qu’en dehors de la phase de réceptivité (où il est nécessaire au figuier
d’envoyer un signal chimique assez important pour signaler sa présence aux pollinisateur), les
figues auraient tendance à être cryptique en dégageant une odeur similaire aux feuilles pour
empêcher/atténuer la venue des parasites.
Il faudrait deux conditions pour que les figues puissent mimer des odeurs foliaires. D’une
part, cela nécessiterait d’émettre les mêmes composés que les feuilles en phase post-réceptive.
Nous avons vu que des comparaisons stade par stade (dans les phases post-réceptives) entre la
nature des COV des figues et des feuilles ne présentaient pas de différences significatives. On
retrouve chez les figues et les feuilles 4 composés majoritaires communs. La seule différence
vient de la présence du composé ((Z) 3-hexen-1-ol) majoritaire chez les figues. Ce COV
pourrait jouer un rôle dans l’attraction des pollinisateurs à réceptivité stigmatique. Or ce
composé est aussi présent dans les phases post-réceptives mais en moindre quantité. Pour que
les figues soient cryptiques, il faudrait que ce composé disparaisse totalement après
réceptivité mais ce n’est pas tout à fait le cas. On peut alors supposer que même à postréceptivité, les parasites peuvent encore faire la différence entre les figues et les feuilles.
La deuxième condition pour être cryptique serait pour les figues d’émettre moins de composés
en phase post-réceptive. On constate effectivement que les figues émettent un pic d’émission
de composés à réceptivité (sûrement pour attirer les pollinisateurs) puis que les quantités de
COV diminuent en post-réceptivité. Il y a deux hypothèses à cette diminution. D’une part, la
production et l’émission en grande quantité de COV est coûteux pour le figuier. De plus, cette
émission de COV n’est plus nécessaire après la phase de réceptivité stigmatique et la venue
des pollinisateurs.
18
D'autre part cette diminution dans la quantité de COV pourrait aussi servir à masquer les
figues et à les préserver de la venue des parasites. Nous avons vu précédemment que les
figues émettent plus de COV que les feuilles à tous les stades. La quantité de COV émise par
les figues à post réceptivité peut être suffisante à camoufler les figues si elle est en dessous du
seuil de détection des insectes. De plus, nous avons comparé les émissions figues/feuilles
selon leurs surfaces respectives pendant les prélèvements, ce qui n'est peut-être pas très
réaliste en conditions réelles (selon le nombre de figues et de feuilles de l'arbre).
Quoiqu'il en soit, on note que même 16 jours après la réceptivité stigmatique, il reste encore
une faible quantité de COV émis par les figues (dont le (Z) 3-hexen-1-ol), et que certains
parasites viennent encore pondre dans les figues. On retrouve dans ce système un conflit entre
le fait d'émettre une odeur pour attirer les pollinisateurs, et peut-être les disséminateurs
lorsque le fruit murit, et le fait de se cacher des parasites.
19
IV.
Conclusion
Cette étude a permis de qualifier et quantifier les différents composés organiques volatils
présents chez des plantes de familles de genres et d’espèces différentes, entretenant des
relations mutualistes avec leurs pollinisateurs. Il a été possible d’observer les variations qui
pouvaient exister dans l’émission de ces composés suivant différentes situations.
On retrouve chez chacune des plantes de cette étude que se soit chez les Aracées ou chez le
genre Ficus (Moraceae), un mutualisme de pollinisation plutôt spécifique. A chaque plante est
attitrée une espèce de pollinisateurs. Ces mutualismes sont basés sur l’émission d’une odeur
qui permet aux pollinisateurs de reconnaître les plantes. Cette odeur est simple chez les
Aracées cantharophiles, et comporte peu de composés (3 à 4). Chez Ficus guianensis, un
composé majoritaire semble être à l’origine de l’attraction des pollinisateurs. La majorité des
composés volatils vus dans cette étude sont des terpènes et sont présents dans une grande
partie des odeurs florales répertoriés à ce jour. La simplicité et la stabilité de ces odeurs est
une manière de rendre le signal fiable. De telles caractéristiques ont pu être sélectionnées pour
maintenir ces interactions mutualistes.
Nous avons cependant vu que dans le cas des espèces d’Aracées cantharophiles, le message
avait tendance à varier entre les genres pour une partie des composés. Les composés
majoritaires pourraient être des attractifs des Cyclocephala, tandis que des composés
minoritaires pourraient être à l’origine d’une reconnaissance plus spécifique du signal par les
pollinisateurs.
Nous avons vu également chez Ficus guianensis que le message chimique pouvait être
parasité. Les parasites exercent dans ce cas sûrement des pressions de sélection pour que
l’odeur des figues ait tendance à s’atténuer au fil du temps pour « camoufler » la plante.
Un moyen de confirmer une grande partie des hypothèses de cette étude serait d’effectuer des
tests de réceptivité (électro antennographie) puis des tests de choix (biotests) avec les
différents
COV
sur
les
différents
insectes
étudiés.
20
V.
Références bibliographiques
Ackerman, J.D. Cuevas, A.A. Hof, D. 2011. Are deception-pollinated species more variable
than those offering a reward? Plant Systematics and Evolution 293, pp. 91-99.
Ayasse, M. Shiestl, F. P. Paulus, H. F. Löfstedt, C. Hansson, B. Ibarra, F. and Francke,
W. 2000. Evolution of reproductive strategies in the sexually deceptive orchid Ophrys
sphegodes: how does flower-specific variation of odor signals influence reproductive success
? Evolution, 54(6), pp. 1995-2006.
Barth, F.G. 1991. Insects and Flowers: The Biology of a Partnership. Princeton University
Press, New Jersey.
Chartier, M. Maia, A. and Gibernau, M. 2009. La pollinisation des Aracées. Insectes n°154
(3), pp. 5-7.
Chartier, M. Pélozuelo, L. and Gibernau, M. 2011. Do floral odor profiles geographically
vary with the degree of specificity for pollinators? Investigation in two sapromyophilous
Arum species (Araceae). Annales de la Société Entomologique de France.
Chen, C. Song, Qishu. Proffit, M. Bessière, J.M. Li, Z. Hossaert-McKey, M. 2009. Private
channel: a single unusual compound assures specific pollinator attraction in Ficus
semicordata.Functional Ecology 23, pp.941-950.
Cook, J. and Rasplus, JY. 2003. Mutualists with attitude: coevolving fig wasps and figs.
Ecology and Evolution. Vol. 18 No.5, pp. 241-248.
Gibernau, M. Hossaert-McKey, M. Frey, J. E. and Kjellberg, F. 1998. Are olfactory
signals sufficient to attract fig pollinators? Ecosciences 5, pp. 306-311.
Gibernau, M. Barabé, D. Cerdan, P. and Dejean, A. 1999. Beetle pollination of
Philodendron solimoesense (Araceae) in French Guiana. International Journal of Plant
Sciences 160(6), pp. 1135-1143.
Gibernau, M. Barabé, and Labat, D. 2000. Flowering and Pollination of Philodendron
melinonii (Araceae) in French Guiana. Plant biology 2, pp.331-334.
Gibernau, M. and Barabé, D. 2002. Pollination ecology of Philodendron squamiferum
(Araceae). Canadian Journal of Botany 80, pp. 316-320.
Gibernau, M. Barabé, D. Labat, D. Cerdan, and P. Dejean, A. 2003. Reproductive biology
of Montrichardia arborescens (Araceae) in French Guiana. Journal of Tropical Ecology 19,
pp. 103-107.
Gibernau, M. 2003. Pollinators and Visitors of Aroid Inflorescences. Aroideana 26, p.66-83.
Gottsberger, G. and Amaral, A. 1984. Pollination strategies in Brazilian Philodendron
species. Ber. Deutsch. Bot. Ges.Bd. 97, pp.391-410.
Gottsberger, G. and I. Silberbauer-Gottsberger. 1991. Olfactory and visual attraction of
Erioscelis emarginata (Cyclocephalini, Dynastinae) to the inflorescences of Philodendron
selloum (Araceae). Biotropica 23(1), pp. 23-28.
Grison-Pigé, L. Bessière, J.M. Turlings, T.C.J Kjellberg, F. Roy, J. andHoassaertMcKey, M. 2001. Limited intersex mimicry of floral odour in Ficus carica. Functionnal
Ecology 15, p. 551-558.
Grison-Pigé, L. Bessière, J.M. and Hossaert-McKey, M. 2002. Specific attraction of figpollinating wasps : role of volatile compounds released by tropical figs. Journal of Chemical
Ecology 28, p. 267-279.
Hossaert-McKey, M. Soler, C. Schatz, B. and Proffit, M. 2010. Floral scents: their roles in
nursery pollination mutualisms. Chemoecology20, pp. 75-88.
Kjellberg, F. Jousselin, E. Hossaert-McKey, M. and Rasplus, JY. 2005. Biology, Ecology,
and Evolution of Fig-pollinating Wasps (Chalcidoidea, Agaonidae) in Biology, Ecology, and
Evolution of Gall-inducing Arthropods. pp. 539-572.
Knudsen, J.T. Eriksson, R. Gershenzon, J. and Stahl, B. 2006. Diversity and Distribution
of Floral Scent. The Botanical Review 72(1): 1-120.
Labandeira, C. Kvacek, J. and Mostovski, M. 2007. Pollination drops, pollen, and insect
pollination of Mesozoic gymnosperms. Taxon 56(03), pp. 663-695.
Maia, A.C.D and Schlindwein, C. 2006. Caladium bicolor (Araceae) and Cyclocephala
celata (Coleoptera, Dynastinae): A Well-Established Pollination System in the Northern
Atlantic Rainforest of Pernambuco, Brazil. Plant Biology 8, pp.529-534.
Maia, A.C.D Schlindwein, C. Maria Almeida Ferraz Navarro, D. and Gibernau, M.
2010. Pollination of Philodendron acutatum (Araceae) in the Atlantic forest of Northeastern
Brazil : a single scarab beetle species guarantees high fruit set. International Journal of Plant
Sciences 171(7), pp. 740-748.
Mayo, S.J. Bogner, J. and Boyce, P.C. 1997. The genera of Araceae. Royal Botanic
Gardens, Kew. 380pp.
Proffit, M. Schatz, B. Borges, R.M. and Hossaert-McKey, M. 2007.Chemical mediation
and niche partitioning in nonpollinating fig-wasp communities. Journal of Animal Ecology
76, pp. 296–303.
Proffit, M. Chen, C. Soler, C. Bessiere, J.M. Schatz, B.and Hossaert-McKey, M. 2009.
Can chemical signals, responsible for mutualistic partner encounter, promote the specific
exploitation of nursery pollination mutualisms? The case of figs and fig wasps. Entomologia
Experimentalis et Applicata 131, pp. 46-57.
Raguso, R. A. 2008. Wake Up and Smell the Roses: The Ecology and Evolution of Floral
Scent. Annual Reviews of Ecology, Evolution and Systematics 39, pp. 549-569.
Schatz, G. 1990. Some aspects of pollination biology in Central American forests.
Reproductive ecology of tropical forest plants, pp 69-84.
Van Noort, S., Ware, A.B. & Compton, S.G. 1989. Pollinator - specific volatile attractants
released from the figs of Ficus burtt - davyi. South African Journal of Science 85, pp.323-324
Young, H.J. 1986. Beetle pollination of Dieffenbachia longispatha (Araceae). American
Journal of Botany. 73, pp. 931-944.
VI.
Webographie
http://dynastidae.voila.net/biologie.html
http://www.pherobase.com/
VII.
Annexes
Annexe 1 : Tableau récapitulatif des moyennes et écarts types de chaque composé
organique volatil présent dans les figues et les feuilles des 5 Ficus étudiés. En jaune sont
représentés les 5 composés majoritaires chez les figues et les feuilles.
Annexe 2 : protocole de l’analyse GC-MS pour l’extraction et l’identification des
composés organiques volatils de Ficus guianensis.
Ces analyses ont été effectuées à la plate-forme d’analyse d’écologie chimique au Centre
d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive à Montpellier.
Les analyses GC-MS ont été effectuées en utilisant un chromatographe en phase gazeuse CP3800 (Varian Inc, Palo Alto, CA) équipé d'un détecteur FID et couplé à un spectromètre de
masse Saturne 2000 (Varian). Les échantillons ont été injectés en utilisant un injecteur équipé
d’un kit chromatoprobe (Varian), dont la programmation était : 40°C pendant 0,5 min, puis
augmenter jusqu’à 250°C (de 200°C / min), pendant 3 min. et enfin refroidir à 40°C avec un
ventilateur. La séparation chromatographique a été réalisée en utilisant une colonne capillaire
en silice fondue (30mX0.25mmx0.25μm Optima 5 Accent, Macherey-Nagel, Düren,
Deutschland) avec le programme de four suivant: 50°C pendant 2 min, puis de 50°C à 100°C
(à 3,3°C / min.), puis de 100 à 140°C (à 2,90°C / min.), puis de 140 à 180 °C (à 2,70°C /
min.), et finalement augmenter à 250°C (à 10°C / min) et maintenir 10 minutes. Le gaz
vecteur est l'hélium avec un débit constant proche de 1,0 mL / min. L'énergie pour l'ionisation
par impact d’électrons est de 70 eV. La température de la ligne de transfert, le collecteur et le
piège étaient respectivement de 250°C, 80°C et 170°C. Le spectromètre a été utilisé en mode
balayage, de 38 à 300 m / z. Les composés volatils ont été tous identifiés par comparaison
avec des spectres de masse de la bibliothèque NIST98 et Adams 2007, et les indices de
rétention trouvés dans les bibliothèques et les données publiées (Adams, 2007).
VIII.
Résumé
Les Aracées et les figuiers font tout deux partie du clade des Angiospermes chez qui l’on
trouve des systèmes de pollinisation entomophiles remarquablement bien élaborés. Pour
attirer les insectes pollinisateurs, les plantes émettent des composés organiques volatils
(COV) servant de signature chimique. Cela peut être bénéfique quand le signal attire un
pollinisateur, mais il arrive également que ce signal soit utilisé par des parasites. Dans le cas
des Aracées, l’étude des COV émis chez quatre genres cantharophiles révèlent la présence
d’un message chimique à la fois fiable et simple avec peu de composés, mais émis en grande
quantité qui ont tendance à varier suivant les espèces expliquant ainsi la spécificité de chaque
plante avec une espèce de Cyclocephala. Chez Ficus guianensis (Moraceae), le signal
chimique ne varie pas dans la nature des COV mais plutôt en intensité selon le stade de
maturation des figues pour répondre à la pression exercée par des insectes Chalcidiens,
parasitant les figues pendant leur stade de post-réceptivité stigmatique.
Mots-clés : Ficus, Chalcidiens, Composés Organiques Volatils (COV), signature chimique,
Araceae, Cyclocephala, odeur florale
Abstract
Araceae and fig trees both belong to of the Angiosperms clade, comprising remarkably well
developed entomophylous pollination systems. To attract pollinators, plants emit attractive
volatile organic compounds (VOCs). This can be beneficial when the signal is attracting a
pollinator, but detrimental when it used by parasites. In the case of Araceae, the VOCs studied
in four genus showed the presence of a chemical message that is both reliable and simple with
few compounds, but in very large quantities. The COVs tend to vary depending on the
pollinator species and explaining the specificity of each plant with a species of Cyclocephala.
In Ficus guianensis (Moraceae), the intensity of the pollinator attracting signal decreases after
receptivity in response to selective pressures exerted by Chalcidians insects (which are fig’s
parasites), whereas the VOCs composition of the signal remains the same.
Key-words : Ficus, Chalcidoid, Volatils Organics Compounds (VOC), chemical signature,
Araceae, Cyclocephala, floral scent
Téléchargement