ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN BOURGOGNE GRANDES CULTURES & Fiche thématique – Septembre 2012 1 1 Les principaux interlocuteurs des filières grandes cultures Choix des espèces et variétés Stockage, commercialisation et transport Conduite de la culture Transformations Agriculteurs Semenciers et fournisseurs d’intrants Organismes stockeurs Industries agro-alimentaires Entreprises de travaux agricoles Instituts techniques et de recherche 2 2 Les impacts du changement climatique sur les grandes cultures L’agriculture française a été frappée de plein fouet par la sécheresse et la canicule exceptionnelle de l’été 2003 : les pertes sont estimées à 4 milliards d’euros. Le changement climatique provoquerat-il une baisse des rendements aussi substantielle ? Peu de données sont disponibles de par l’observation (impacts observés). Mais l’expérience de professionnels et les résultats du projet Climator « Changement climatique, agriculture et forêt en France : simulations d’impacts sur les principales espèces » permettent d’esquisser des réponses (impacts pressentis). 1 ► Accélération du rythme des phases de végétation (rythmes phénologiques) Avancement probable des dates de récolte : les besoins en chaleur des plantes seront atteints plus rapidement. Les dates de récoltes pourraient être avancées. EXEMPLE En Saône-et-Loire, en 2011, la floraison des céréales est intervenue avec 15 jours d’avance depuis 15-20 ans. Selon les simulations du projet Climator, le maïs en monoculture à Dijon serait récolté dans un futur proche avec un mois d’avance et un mois et demi d’avance dans un futur lointain. Modification du phasage entre certains stades sensibles de la plante et les aléas climatiques : les périodes chaudes qui provoquent de l’échaudage peuvent être esquivées par l’accélération des phases de développements saisonniers (phénologie). Modification du calendrier cultural et des conditions dans lesquelles ont lieu les interventions. Dans le cas du maïs par exemple, la maturité plus précoce permet une récolte avec un taux d’humidité plus bas, ce qui diminue les frais de séchage. EXEMPLE En Saône-et-Loire, les dates de semis de maïs sont avancées de 15 jours par rapport aux années 1990. Libération plus précoce des terres : avec l’allongement de la durée d’interculture, de nouvelles rotations deviendront possibles. 2 ► Variations de rendements Risque de sécheresse : les conséquences seront différentes selon les cultures et la période de sècheresse agronomique. Différentes composantes du rendement peuvent être altérées : - Si elle affecte les périodes de semis, les levées seront retardées et irrégulières. Les peuplements seront hétérogènes et défectueux. - Pendant la phase d’installation des cultures, l’implantation racinaire sera médiocre et la couverture du sol sera retardée laissant place à la concurrence des adventices ; des carences pourraient être observées, ainsi qu’une mauvaise utilisation des engrais azotés par défaut de mise en solution des engrais. Le développement foliaire pourra être réduit et le nombre de grains moindre. VULNERABILITÉS Sols séchant à faible réserve utile et/ou superficiels Certaines formes d’engrais utilisés : l’urée risque de s’évaporer de plus en plus avec les sécheresses, jusqu’à 50 % de perte de la dose appliquée. - Avec des pluies plus variables et/ou plus faibles, la minéralisation de la matière organique se fait difficilement. Les conséquences se portent sur la qualité des grains. Les taux protéiques sont plus faibles, notamment en agriculture biologique où les amendements organiques sont les seuls autorisés. OPPORTUNITÉ Les sols hydromorphes (comme en Bresse ou en Puisaye), qui généralement souffrent d’excès d’humidité, pourraient bénéficier de meilleures conditions de culture. - En fin de cycle végétal, la sénescence des plantes est accélérée et le remplissage du grain est affecté. Crédit : Alterre Bourgogne Effets antagonistes de la température sur le rendement : l’élévation des températures stimule le rendement, mais le risque d’échaudage persiste si les températures chaudes coïncident avec la phase sensible de la plante. AdCC & Grandes cultures – Fiche thématique – p 2 Effet fertilisant du CO2 : l’augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique stimule l’activité photosynthétique des plantes. Elle favorise la production de biomasse. Mais d’autres facteurs peuvent devenir limitant : la disponibilité en eau, en azote, en minéraux, pour les plantes. Toutefois, le CO2 stimule la résistance stomatique, ce qui limite la transpiration et donc la perte d’eau notamment pour les plantes en C3. VULNÉRABILITÉS – OPPORTUNITÉS Les plantes en C3 (blé, orge, colza, tournesol) valorisent mieux l’augmentation en CO2 que les plantes en C4 (maïs, sorgho…). Avec un doublement de CO2, la photosynthèse augmenterait de 20 % pour les C3 et 5 % pour les C4. Augmentation de la variabilité interannuelle : de plus grands écarts entre les rendements d’une année sur l’autre sont à craindre. VULNÉRABILITÉS Cultures de printemps non irriguées, sols peu profonds, conditions de marchés… 3 ► Modification des ravageurs Il est difficile de prévoir l’impact du changement climatique sur les maladies, les ravageurs et les adventices. De nombreux effets antagonistes interagiront (température, humidité, précipitations, CO2, ozone, UV, concordance des cycles…). Toutefois, deux tendances sont pressenties : Les maladies cryptogamiques sont moindres avec un climat plus chaud et plus sec. L’humidité est considérée comme le facteur prépondérant. Les insectes seront favorisés par la hausse des températures, et les attaques pourraient gagner en précocité. En effet, la hausse des températures favorise l’augmentation du nombre de générations d’insectes et la remontée de certaines espèces. Le développement de certaines maladies cryptogamiques comme la rouille jaune sur le blé pourrait également être favorisées lors de très fortes températures. VULNÉRABILITÉS Cultures et/ou variétés sensibles aux maladies et prédateurs. 4 ► Modification de l’organisation de travail Modification du calendrier des jours disponibles pour les travaux des champs : la variation des précipitations aura des répercussions sur l’état de surface des sols cultivés. Les incertitudes de l’aléa climatique demeurent : y aura-t-il augmentation du nombre de jours où l’humidité des sols est suffisamment faible pour permettre l’intervention des engins agricoles dans les parcelles ? Difficultés de stockage : l’augmentation moyenne des températures peut poser un problème de refroidissement des grains et donc de la maîtrise des insectes. EXEMPLE En Côte-d’Or, des cellules de stockage ont été infectées lors des automnes chauds de 2003 et de 2009 : quelques-unes ont été déclassées et destinées à l’alimentation animale. Beaucoup ont été traitées de manière systématique. Crédit : ADEME Bourgogne AdCC & Grandes cultures – Fiche thématique – p 3 5 ► Impacts sur les marchés Difficultés pour dimensionner le stockage : l’incertitude sur les volumes et la qualité des récoltes pèsera sur les organismes stockeurs pour dimensionner les investissements (stockage, séchage...). Les contrats pluriannuels pourraient être plus difficiles à assurer. Le marché mondial des denrées agricoles agricoles conditionne le prix et donc la production française. L’impact du changement climatique sur les marchés est très difficile à déterminer car ce sont les grands pays producteurs (Etats-Unis, Brésil…) et consommateurs (Chine) qui ont le plus d’influence. Les marchés de l’Italie et du Maghreb peuvent perdurer car leur production risque d’être encore plus faible et la population continue de croître. En ce qui concerne la concurrence, il est difficile de faire des pronostics mais la production bourguignonne semble beaucoup plus stable que celle de l’Ukraine par exemple (variation du simple au triple). 3 3 Pistes d’adaptation Parmi les pistes d’adaptation identifiées dans la littérature et au cours des entretiens menés avec des experts, certaines font « plutôt » l’unanimité, d’autres font débat. 1 ► Adapter les cultures Favoriser les cultures moins sensibles à la sécheresse (cultures d’hiver) et moins consommatrices d’eau (le tournesol, le sorgho et l’orge pourraient être favorisés comme alternatives au maïs et au blé) : certaines légumineuses comme le pois ou la luzerne résistent plutôt bien à la sécheresse et permettraient d’être plus autonome en azote. Utiliser des variétés plus précoces afin d’éviter les fins de cycles difficiles des variétés résistantes à la sécheresse (les variétés présentées par les semenciers ne sont toutefois pas encore satisfaisantes à cet égard). 2 ► Adapter les pratiques culturales Réorganisation du travail : les semis seront avancés. Des cultures en dérobé (deux cultures successives la même année) pourront être envisagées si la disponibilité en eau est suffisante. Changer les techniques culturales : - Des questions se poseront concernant l’irrigation. -En travail du sol, le non-labour permet de préserver une certaine fraîcheur en favorisant l’humification de la matière organique. Mais pour lutter contre les adventices qu’il favorise aussi, il faudra envisager d’allonger les rotations. - En matière de fertilisation chimique, l’utilisation de l’urée devra par exemple s’accompagner d’un binage pour limiter les pertes gazeuses. Développer les assurances-récoltes : le risque de forte variabilité des volumes récoltés pourrait être couvert par les assurances-récoltes, ce qui permettrait aux exploitations de lisser les résultats. Changer le mode de stockage : mettre en place une centrale de froid (les charges de fonctionnement devront toutefois faire l’objet d’une attention particulière). Ce système permettrait de proposer des lots « 0 insecticides ». Cette fiche résume les principaux points à retenir de l’étude « Changement climatique en Bourgogne : analyse des impacts et pistes d’adaptation », co-portée par l’ADEME Bourgogne et Alterre Bourgogne. Elle a été réalisée par Alterre Bourgogne en 2011 à partir de données bibliographiques et d’enquêtes menées auprès d’experts et financée dans le cadre du Programme Énergie Climat Bourgogne. AdCC & Grandes cultures – Fiche thématique – p 4