Les Jésuites en Chine - La réforme du calendrier – transmission et réception
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enfin un narratif permettant de concilier, fût-ce par une fable, l’utilisation des savoirs
occidentaux et la conformité aux exigences confucéennes. En d’autres termes,
même les savoirs sur la nature (physique, astronomie, chimie, …) étaient – et sans
doute sont encore pour beaucoup - enchâssés dans des cultures fort différentes en
Europe et en Chine et que leur transplantation n’est pas une tâche aisée et rapide.
B POURQUOI LES ACTIVITES SCIENTIFIQUES DES MISSIONNAIRES ?
Une question vient à l’esprit : pourquoi des missionnaires chrétiens envoyés en
Chine dans un but religieux y ont-ils introduit en Chine toutes sortes de
connaissances scientifiques ?
Il y eut deux raisons différentes, elles ne sont pas contradictoires, elles se sont plutôt
succédées au cours de leur présence en Chine. La première est assez générale.
Les Jésuites savaient parfaitement que la Chine était une civilisation très raffinée et
que, pour gagner la confiance des Chinois, pour les intéresser, ils devaient montrer
qu’ils venaient aussi de pays civilisés, qui maîtrisaient de grandes connaissances.
L’expérience qu’ils avaient acquise au Japon leur avait révélé que les gens posaient
beaucoup de questions sur le soleil, la lune, les éclipses, etc. et pour cette raison,
parmi les jésuites qui étaient envoyés au Japon ou en Chine, certains étaient forts en
mathématiques et en astronomie. Autrement dit, leurs connaissances scientifiques
permettaient de faire comprendre aux populations, à leurs fonctionnaires et à leurs
souverains, qu’ils venaient de pays qui avaient aussi une grande civilisation, qu’ils
méritaient d’être considérés comme des gens sérieux et d’être écoutés.
La seconde raison est beaucoup plus spécifique à la Chine.
Dans les premières décennies de la mission, le but qu’ils poursuivaient n’était
certainement pas de travailler continuellement dans le Bureau impérial de
l’Astronomie à proximité des empereurs mandchous, comme ils l’ont fait pendant un
siècle et demi environ. Cette situation est la conséquence d’une sorte de division du
travail entre jésuites : pendant que quelques jésuites travaillaient comme astronomes
à proximité du souverain, d’autres s’adonnaient à un travail missionnaire dans les
villes et provinces.
Mais pourquoi une telle division du travail ? Les gouvernants et fonctionnaires
chinois ont, eu tendance tout au long de leur histoire, à voir les religions comme un
facteur de désordre social. Matteo Ricci, qui était arrivé non sans difficulté à s’établir
en Chine, avait compris qu’il pouvait très facilement se produire des situations où les
jésuites seraient accusés à tort ou à raison de violer les lois chinoises, qu’ils seraient
obligés de quitter le pays et que leur mission ne pourrait pas perdurer.
Pour éviter que ne se produisent de telles situations, Matteo Ricci saisit une
possibilité de se rendre utile aux empereurs, et ce d’une manière durable, et d’arriver
avec eux à un accord tacite : quelques jésuites rendent à Pékin un service où ils sont
indispensables et les fonctionnaires impériaux n’entravent pas le travail des
missionnaires dans les villes et campagnes. Cette approche fut couronnée de succès.
Dès son arrivée en Chine, Matteo Ricci a fait preuve d’une grande disponibilité aux
sollicitations dont il était l’objet, et on peut dire que c’est l’attention qu’il a portée à
trois d’entre elles qui ont pratiquement décidé de ce que les jésuites allaient faire au
cours des deux siècles de leur présence en Chine, hors les activités spécifiquement
religieuses : il y eut la demande d’une carte du monde, d’une mappemonde, la
demande de faire une réforme du calendrier et une demande d’enseignement des
mathématiques.