Cultes, cultures et laïcité sur l’espace commun
les cahiers
Quel regard portez-vous sur la laïcité ?
La laïcité est un cadre qui permet aux différentes
religions de pouvoir s'exprimer. C'est un cadre qui
nous convient parfaitement dans la mesure où il
garantit qu'aucune religion ne prendra le pas sur
une autre, et que toute personne, composante de
cette société, peut s'exprimer. Le cadre théorique
nous convient parfaitement. Mais, compte tenu de
l'histoire de la société française où la laïcité s'est
installée à travers un conflit avec le clergé
catholique, la notion porte encore un sens
conflictuel et elle est souvent mal interprétée. Il
s'agit alors le plus souvent de faire abstraction de la
voix des religions, alors que les croyants ont le droit
de s'exprimer comme toute autre composante de la
société. Cette mauvaise compréhension de la laïcité
ne nous permet pas de nous faire entendre, son
application est un peu étouffante.
Quelles solutions ?
Ce n'est pas un problème de cadre institutionnel ou
juridique, mais d'interprétation et donc de
personnes. Avec certains interlocuteurs qui ont une
compréhension ouverte de la laïcité, le problème
n'existe pas. Avec d'autre, oui. Par exemple, il y a
des écoles ou certaines jeunes filles portent le
foulard sans que cela pose de problème et d'autres
d'où elles sont exclues ! Il faudrait que le cadre légal
soit respecté. Là, il ne l'est pas. Plutôt que d'exclure
et de marginaliser les Musulmans, il vaut mieux les
laisser exprimer leur foi. Tant qu'il n'y a pas
prosélytisme, il faut qu'ils puissent pratiquer leur
religion, comme tout le monde et vivre dans le
cadre public et laïc. La majorité des jeunes filles
choisissent de porter le foulard. Ce n'est pas
comme si elles y étaient obligées. Certaines, même,
le font contre l'avis de leur famille.
Est-ce que votre lecture de la laïcité vous
conduit à penser qu'il y a un effort à faire dans
les cantines scolaires, qu'elles ne permettent
pas le plein exercice de la religion ?
Oui et non. S'il y a 5% de Musulmans, à eux de
s'adapter... ils ne mangeront pas de viande ce jour-là.
Mais dans certaines écoles, il y a 90% de Musulmans
ou 90% de Juifs... C'est alors indispensable de faire
cet effort. D'ailleurs, parfois cela se fait. Là encore,
tout dépend des personnes. Mais c'est rarement
accepté. Même l'idée de servir des plats de
substitution — c'est-à-dire le poisson — pose
problème. Pourtant, quand on a 90% de gens qui
mangent, ou ne mangent pas la même chose, c'est
absurde de faire comme s'ils n'existaient pas et de
s'attacher à une lecture exclusive de la laïcité.
Dans la librairie, vous vendez presque
exclusivement des livres en Français, pourquoi ?
Je suis français, je suis né en France, je vis en
France... Je suis d'origine algérienne et si ça reste
important pour moi d'un point de vue culturel, mon
attachement à la France est plus fort. Comprendre
et vivre ma foi ne peut se faire que dans un contexte
particulier et, ici, il est français. La langue me
permet de mieux traduire ma foi, de mieux
l'exprimer. Pour beaucoup la connaissance de la
religion passe par le français, et si elle devait passer
par l'arabe elle leur serait inaccessible. Certains
parlent l'arabe dialectal, très peu l'arabe littéraire.
Et quand bien même, c'est une question de
principe. Nous sommes des Musulmans français,
cette foi, nous voulons la vivre en tant que Français,
et les connaissances doivent se faire à travers la
langue française.
Est-ce que la représentativité des Musulmans
passe par là aussi ?
L'unique problème de la représentativité des Musul-
mans est un problème d'éducation. Les Musulmans
ne sont pas prêts à être représentés par quelqu'un
qu'on leur impose de l'extérieur et qu'ils ne
connaissent pas. Nous ne sommes pas contre le
principe de la représentativité, il est évident que les
pouvoirs publics ont besoin d'un interlocuteur, mais il
faut laisser le temps aux Musulmans de s'organiser
plutôt que de parachuter des gens d'en-haut qui ne
représenteront personne et que la base ne suivra pas.
Vous pensez que cette représentativité viendra
d'elle-même lorsque l'Islam sera davantage
enraciné en France ?
Oui. C'est plus un problème d'hommes que de
principes. La représentativité oui, mais pour quel
représentant. Il faut quelqu'un qui comprenne la
religion et son contexte, la société française, etc. Et
pour cela il faut un certain temps.
Cela nous amène à la question du "personnel"
religieux.
Oui. Il faut donner aux Musulmans les moyens de
créer un institut pour former des imams. Pas un
institut d'Etat, mais un institut fondé et géré par les
Musulmans. C'est à nous de le faire et pas au
Ministère de l'Intérieur ! C'est comme si on leur
demandait de fonder un Institut Catholique, ça
n'est pas logique ! Et pourtant, toutes les affaires
musulmanes sont gérées par le Ministère de
l'Intérieur. Pas que l'Islam d'ailleurs, le culte en
général. C'est le Ministère de la Ville qui devrait
avoir cela en charge. Pour la formation des imams
Grand Lyon Mission Prospective et Stratégie d’agglomération
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