2 Royaume de Jésus (t.1) (1637)
p.16 Intro.(P.Lebrun)
2. La conformité à Jésus.
Avant tout, il faut que nous apprenions à penser et à vouloir comme le divin Maître. On n'est pas
chrétien sans entrer dans ses pensées et ses affections, et on l'est d'autant plus qu'on y entre davantage.
Les pensées du Sauveur deviennent nôtres par la foi, qui est une participation à sa science, et qui nous
fait voir les choses avec les mêmes yeux que lui. On entre dans ses sentiments par la haine du péché et
par le renoncement au monde et à soi-même. C'étaient là, en effet, les sentiments dominants
qu'entretenait dans l'âme sainte de Jésus l'amour immense dont il brûlait pour son Père. Voilà donc par
où doit commencer notre conformité au divin Maître, et ce qui, avec la prière, qui fut l'occupation
constante du Verbe incarné, constitue, pour le P. Eudes, les fondements de la vie chrétienne 1.
p.20 ibidem
Agir chrétiennement, d'après le P. Eudes, c'est donc agir comme le ferait Jésus-Christ, dans les mêmes
intentions et dispositions que lui, ou, pour employer la formule ordinaire du pieux auteur, « dans son
esprit ».
En conséquence, il nous invite à prier dans les dispositions que Jésus avait en priant; à nous
pénétrer, en allant à confesse, des sentiments de haine pour le péché qui remplirent son âme au jardin de
l'agonie; à assister au saint sacrifice de la Messe en nous unissant à ses dispositions de prêtre et d'hostie.
Dans nos travaux, nos récréations, nos allées et venues, et jusque dans nos actions les plus vulgaires,
comme le lever et le coucher, le sommeil et les repas, nous devrions, selon le Bienheureux, élever nos
coeurs vers Jésus, et nous conformer aux sentiments qui l'animaient en accomplissant des actions
pareilles.
3 Royaume de Jésus (t.1) (1637)
p.26 Intro (P.Lebrun) 3. Oblation de soi-même à Jésus
On s'explique dès lors que certains exercices très recommandés par d'autres auteurs tiennent peu
de place dans la spiritualité du P. Eudes. L'examen particulier, par exemple, n'a pas pour lui autant de
prix que pour saint Ignace. L'auteur des
Exercices spirituels
y attache une importance capitale, et non
sans raison, car l'examen particulier, quand on a le courage de s'astreindre à le pratiquer
régulièrement, selon la méthode de saint Ignace, est un puissant moyen de vaincre ses défauts et
d'avancer dans la vertu. Cependant le P. Eudes ne semble pas tenir autant à ses retours perpétuels sur
soi-même. Il préfère que nous nous occupions de Jésus, et que nous ayons sans cesse le coeur tourné vers
lui, pour le supplier de prendre possession de nos âmes et de nous faire vivre de sa vie. L'oraison est
pour lui l'âme de la vie chrétienne, et, quand on en fait son occupation habituelle, quand on a soin, au
commencement et de temps en temps dans le cours de ses actions, de recourir à Jésus et d'invoquer son
secours pour agir dans son esprit et dans son amour, on ne peut manquer d'avancer dans le chemin de la
perfection. Mais l'oraison, nous avons besoin d'y revenir constamment. « La terre qui nous porte, dit
le P. Eudes, l'air que nous respirons, le pain qui nous sustente, le coeur qui bat dans notre poitrine ne
sont point si nécessaires à l'homme pour vivre humainement, comme l'oraison est nécessaire au
chrétien pour vivre chrétiennement 2.» Puisque nous ne pouvons rien par nous-mêmes et que nous
devons tout attendre de Jésus-Christ, il faut sans cesse le prier de venir à notre aide, de nous tirer
hors de nous-mêmes, de nous anéantir nous-mêmes, de prendre possession de tout notre être et d'y
imprimer une parfaite image de sa vie de et ses vertus, de ses états et de ses mystères.
4 Royaume de Jésus (t.1) (1637)
1Royaume de Jésus, 2è part., Les fondements de la vie chrétienne.
2Royaume de Jésus, 2è part.. De l'oraison.